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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1656/2022

ATAS/996/2022 du 15.11.2022 ( AVS ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1656/2022 ATAS/996/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 novembre 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à PORRENTRUY

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1965, a demandé, le 4 septembre 2020, son affiliation à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée) en exposant qu’elle enseignerait le yoga à titre indépendant à partir du 1er octobre 2020, ce en dispensant des cours privés, semi-privés et collectifs dans le cadre d’associations.

b. Le 17 septembre 2020, l’assurée a précisé à l’attention de la caisse qu’à
ce jour, elle n’était pas affiliée auprès d’une caisse de compensation en qualité d’indépendante, qu’elle envisageait d’exercer l’activité d’enseignante de yoga à titre principal et qu’elle avait été salariée auprès de la Ville de Genève avant l’activité indépendante précitée dont le début était prévu à compter du 1er octobre 2020.

c. En réponse à une demande de renseignements de la caisse, l’assurée a indiqué le 14 octobre 2020 qu’elle avait cessé ses activités salariées le 31 août 2018 et bénéficié ensuite d’indemnités journalières de l’assurance-chômage jusqu’au 16 juin 2020. Pendant qu’elle émargeait à l’assurance-chômage, elle avait déclaré son activité d’enseignante de yoga en gain intermédiaire.

d. Par courriel du 2 février 2021, l’assurée a informé la caisse qu’elle serait domiciliée à Porrentruy (JU) à compter du 1er mars 2021.

e. Par retour de courriel du 3 février 2021, la caisse a observé que les gains intermédiaires pour l’année 2018 et 2019 n’avaient pas été soumis au prélèvement de cotisations AVS mais portés en déduction des indemnités journalières versées par l’assurance-chômage. Compte tenu d’un revenu net de CHF 4’580.- en 2018 et de CHF 5’780.- en 2019, le revenu de son activité accessoire excédait le seuil de CHF 2’300.- par an. Par conséquent, l’affiliation à une caisse de compensation devenait obligatoire pour l’activité en question.

f. Par courrier du 11 février 2021, l’assurée a informé la caisse qu’une fois établie à Porrentruy, elle n’exercerait plus aucune activité salariée ou accessoire dans le canton de Genève.

g. Le 19 mars 2021, la caisse a écrit à l’assurée pour lui demander si la date exacte du début de son activité accessoire remontait bien au 1er janvier 2018. Par ailleurs, elle était invitée à transmettre à la caisse une copie des bilan et compte de pertes et profits afférents à l’année 2020 sitôt que ces documents seraient finalisés.

h. Le 14 avril 2021, l’assurée a transmis à la caisse une copie de son compte de pertes et profits 2020 pour son activité accessoire d’enseignante de yoga. Il en ressortait que les recettes brutes se montaient à CHF 2’139.-. Après déduction
des frais (concernant la location d’une salle, le paiement d’une prime d’assurance responsabilité civile professionnelle ainsi que les cotisations annuelles versées à deux associations professionnelles), ses recettes nettes s’élevaient à CHF 1’584.-.

B. a. Par décision du 5 mai 2021, la caisse a procédé à l’affiliation de l’assurée comme personne de condition indépendante pour la période du 1er janvier 2018 au 28 février 2021. Pour le surplus, elle a précisé que l’assurée recevrait, sous pli séparé, les décisions provisoires de cotisations personnelles pour les années 2018, 2019, 2020 et les deux premiers mois de l’année 2021.

b. Le 14 mai 2021, l’assurée a formé opposition à cette décision en exposant qu’elle n’était pas une personne de condition indépendante au 1er janvier 2018. À cette époque, son activité principale, salariée, était exercée auprès de la Ville de Genève (ci-après : la ville) à un taux de 80%. Elle avait pu exercer son activité accessoire à hauteur de 20% maximum avec l’accord de la ville. D’autre part, comme elle était affiliée auprès de la caisse de compensation du canton du Jura
en tant que personne de condition indépendante à 100% depuis le 1er mars 2021,
la demande d’affiliation comme personne de condition indépendante auprès de
la caisse à partir du 1er octobre 2020 était « actuellement sans objet ». En conséquence, l’assurée a demandé à la caisse de l’affilier auprès d’elle à compter du 1er janvier 2018 comme personne exerçant une activité lucrative indépendante à titre accessoire pour un revenu supérieur à CHF 2’300.- par année civile, pour un maximum de 20%.

c. Par décision sur opposition du 27 avril 2022, la caisse a relevé que dans son opposition, l’assurée demandait à être affiliée dès le 1er janvier 2018 « comme personne [exerçant une] activité lucrative indépendante à titre accessoire pour un revenu supérieur à CHF 2’300.- par année civile, pour un maximum de 20% ». Or, c’était ce que la caisse avait fait en affiliant l’assurée en tant que personne de condition indépendante pour son activité accessoire en tant qu’enseignante de yoga. En conséquence, l’opposition était rejetée.

C. a. Le 23 mai 2022, l’assurée a interjeté recours contre cette décision auprès de
la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre
de céans), concluant à sa réformation, en ce sens que ladite décision devait
« faire mention d’une affiliation avec le statut d’indépendant pour une activité professionnelle lucrative accessoire dès le 1er janvier 2018 ». Pour le surplus, elle ne contestait pas le montant des cotisations AVS que la caisse lui avait facturées pour les années 2018 à 2021.

b. Par réponse du 16 juin 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours en soutenant qu’il n’était pas nécessaire de confirmer, dans la décision d’affiliation, si l’activité exercée l’était à titre principal ou accessoire.

c. Par réplique du 12 juillet 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions
en tirant notamment argument d’un courrier du 27 avril 2021 de la Caisse de compensation du Jura, l’informant expressis verbis de son « affiliation pour [son] activité indépendante accessoire à partir du 1er mars 2021 ».

d. Le 9 août 2021, la chambre de céans a transmis, pour information, une copie de ce courrier à l’intimée.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS – RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89l) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ses articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LAVS contient sur la procédure restant réservées (art. 1 al. 1 LAVS).

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA), sous réserve des précisions qui suivent.

1.4 Selon l’art. 59 LPGA, quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir.

Le destinataire principal d’une décision est celui dont les droits et obligations
sont fixés ou constatés dans cette décision (l’assuré à qui l’on alloue ou refuse
des prestations ou dont on détermine les cotisations, p. ex.). Il est directement atteint par cette décision dans sa situation juridique et la reconnaissance de
son intérêt digne de protection au recours ne prête que rarement à discussion
(Jean MÉTRAL, in Dupont/Moser-Szeless [éd.], Commentaire de la LPGA, 2018, n. 23 ad art. 59). La qualité pour recourir du destinataire de la décision doit cependant être niée lorsque l’intérêt digne d’être protégé est seulement théorique ou lorsqu’il se rapporte uniquement à la motivation de la décision litigieuse mais non à son dispositif (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 15-16 ad
art. 59) En effet, seul le dispositif de la décision litigieuse est susceptible d’être contesté. Toutefois, la question de savoir si l’un ou l’autre extrait de la décision fait partie de son dispositif ne doit pas être examiné uniquement en fonction de l’agencement du texte dans la mesure où la motivation peut comporter des passages ayant valeur de dispositif, ce qui est le cas lorsqu’ils créent, modifient ou suppriment des droits ou obligations, qu’ils constatent l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou d’obligations, qu’ils rejettent ou n’entrent pas en matière sur des réquisitions tendant à la création, la modification ou la suppression de droits ou d’obligations. Dans ce cas, de tels passages de la décision ont valeur de dispositif même lorsqu’ils figurent dans la motivation (Suzanne BOLLINGER, in Frésard-Fellay, Klett, Leutzinger [éd.], Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrecht, 2020, n. 10 ad art. 59 et la référence à l’ATF
115 V 416 consid. 3c/aa).

Selon la jurisprudence, la décision par laquelle une caisse de compensation AVS/AI détermine le statut de cotisant d’un assuré (salarié ou indépendant) n’est pas une décision en constatation, mais une décision formatrice. L’assuré dispose d’un intérêt digne de protection, de même que son employeur, si la caisse admet un statut de salarié et refuse l’affiliation comme indépendant (Jean MÉTRAL, in Dupont/Moser-Szeless [éd.], Commentaire de la LPGA, 2018, n. 22 ad art. 59 et la référence à l’ATF 132 V 257). Constitue en revanche une demande de décision en constatation la requête par laquelle une assurée demande à sa caisse d’attester que l’activité indépendante (pour laquelle elle est déjà affiliée) est exercée à titre principal. Une telle demande est subordonnée à un intérêt digne d’être protégé (art. 49 al. 2 LPGA ; cf. arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne
[200 13 440 AHV] du 8 octobre 2013 consid. 3.1 ss).

1.5 En l’espèce, il est constant que l’affiliation de la recourante à la caisse comme personne de condition indépendante du 1er janvier 2018 au 28 février 2021 a été confirmée par la décision litigieuse. Il est par ailleurs précisé dans la motivation de cette dernière (point 13) que l’intéressée a été affiliée en tant que personne
de condition indépendante pour son activité accessoire en tant qu’enseignante
de yoga. Il s’ensuit que dans l’hypothèse où la mention du caractère accessoire
de cette activité n’aurait de toute manière pas de portée pour les droits et/ou obligations de la recourante, la question de savoir si cette mention doit figurer, comme la recourante le requiert, dans le dispositif/l’intitulé de la décision ne répondrait pas à un intérêt digne de protection au sens de l’art. 59 LPGA.

2.             Ceci étant précisé, il convient d’examiner la portée du caractère accessoire de l’activité indépendante exercée du 1er janvier 2018 au 28 février 2021.

2.1 Selon l’art. 1a al. 1 LAVS, sont notamment assurées à titre obligatoire à l’AVS, les personnes physiques domiciliées en Suisse (let. a) et celles qui exercent en Suisse une activité lucrative (let. b).

Est réputé salarié celui qui fournit un travail dépendant et qui reçoit pour ce travail un salaire déterminant au sens des lois spéciales (art. 10 LPGA). Cette disposition renvoie aux lois spéciales et n’a aucun effet sur celles-ci : elle ne prévoit ni une annulation de ces dernières, ni n’introduit d’éventuelles dérogations dans les lois spéciales (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 2/06 du 10 avril 2006, consid. 6).

Aux termes de l’art. 12 LPGA, est considéré comme exerçant une activité lucrative indépendante celui dont le revenu ne provient pas de l’exercice d’une activité en tant que salarié (al. 1). Une personne exerçant une activité lucrative indépendante peut simultanément avoir la qualité de salarié si elle reçoit un salaire correspondant (al. 2).

L’art. 12 al. 2 LPGA se limite à rappeler le principe du double statut. Confrontée
à une telle hypothèse, la caisse compétente doit examiner pour chaque revenu s’il provient d’une activité indépendante ou dépendante (ATF 122 V 169 consid. 3b ; cf. Jean-Philippe DUNAND, in Dupont/Moser-Szeless [éd.], Commentaire de la LPGA, 2018, n. 25 ad art. 12).

Selon l’art. 4 al. 1 LAVS, les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l’exercice de l’activité dépendante et indépendante.

Le revenu provenant d’une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS). En application de cette disposition, l’art. 17 RAVS précise qu’est réputé revenu provenant d’une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 9 al. 1 LAVS, tout revenu acquis dans une situation indépendante provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité, y compris les bénéfices en capital et les bénéfices réalisés lors du transfert d’éléments de fortune au sens de l’art. 18 al. 2 LIFD [loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, du 14 décembre 1990 – RS 642.11], et les bénéfices provenant de l’aliénation d’immeubles agricoles ou sylvicoles conformément à l’art. 18 al. 4 LIFD, à l’exception des revenus provenant de participations déclarées comme fortune commerciale selon l’art. 18 al. 2 LIFD.

Ainsi, le fait qu’une activité lucrative soit exercée à titre principal ou accessoire n’a en principe d’influence ni sur la détermination du statut de cotisant (salarié ou indépendant) ni sur la perception des cotisations (ATF 119 V 161 consid. 3c et les références). Une caisse de compensation AVS est en revanche tenue de qualifier l’activité lucrative indépendante de principale ou d’accessoire dans les cas où
la renonciation à la perception de cotisations dépend, entre autres, du caractère accessoire de cette activité (art. 14 al. 6 LAVS et 19 RAVS ; arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne du 8 octobre 2013 précité, consid. 3.2).

2.2 En l’espèce, force est de constater que le régime particulier prévu par les
art. 14 al. 6 LAVS et 19 RAVS ne constitue pas l’objet du litige puisque d’une part, la qualification d’activité accessoire n’est pas contestée par l’intimée (et ressort même de la motivation de la décision litigieuse) et que d’autre part, cette activité accessoire dépasse, en l’occurrence, la limite annuelle de CHF 2’300.- (cf. art. 19 RAVS), à tout le moins pour 2018 et 2019, de sorte qu’une exonération des cotisations – qui n’est au demeurant pas demandée par la recourante – n’entre de toute manière pas en considération. S’agissant des cotisations personnelles pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020, la décision correspondante, du 5 mai 2021, précise : « étant donné que le résultat de votre bénéfice net n’a pas atteint CHF 2’300.- par an, vous pouvez demander l’exonération des cotisations AVS de l’activité accessoire » (cf. pièce 17 intimée). Or, dans la mesure où la recourante invite la chambre de céans à « noter [qu’elle] ne conteste pas les cotisations AVS dues pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021 », il n’existe aucune utilité pratique à ce que la décision d’affiliation « fasse mention d’une affiliation avec
le statut d’indépendant pour une activité professionnelle lucrative accessoire dès le 1er janvier 2018 », comme la recourante le requiert dans les conclusions prises dans son écriture du 23 mai 2022. Il s’ensuit que la qualité pour recourir fait défaut, ce qui entraîne l’irrecevabilité du recours (cf. Jean MÉTRAL, op. cit., n. 1 et 11 ad art. 59 LPGA).

3.             Compte tenu de ce qui précède, le recours est déclaré irrecevable.

4.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

*****

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

 

1.        Déclare le recours irrecevable.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le