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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3907/2021

ATAS/880/2022 du 29.09.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3907/2021 ATAS/880/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 septembre 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, Le Grand-Saconnex, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Monique STOLLER FÜLLEMANN

 

recourant

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA, représentée par sa division juridique, sise Fluhmattstrasse 1, LuCERNE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Didier ELSIG

 

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1972, a travaillé en qualité de mécanicien automobile à 100% pour le B______ SA du 1er juin 2009 au 31 décembre 2017, puis auprès de C______Sàrl. À ce titre, il était assuré contre le risque d’accident - professionnel ou non - auprès de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 19 août 2013, l’assuré a été victime d’un accident de la circulation, au cours duquel il a subi une luxation gléno-humérale antéro-inférieure de l’épaule droite, avec un arrachement de la coiffe postéro-supérieure massive, ce qui a nécessité une intervention chirurgicale le 8 octobre 2013 (cf. déclaration de sinistre du 22 août 2013, rapport du 19 août 2013 du Service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève [ci-après : les HUG], compte-rendu opératoire du 8 octobre 2013).

La SUVA a pris en charge les suites de cet accident jusqu'au 23 octobre 2016, date au-delà de laquelle elle a considéré qu'il n'y avait plus de lien de causalité avec l’accident du 19 août 2013 (cf. décision du 17 octobre 2016).

B. a. Le 26 juin 2015, l’assuré a chuté sur son épaule gauche. Les examens ont révélé une rupture massive du sus-épineux et de l’infra-épineux, avec une rétraction de stade III et une ténosynovite du long chef du biceps, atteintes qui ont nécessité une réinsertion du supra-épineux et de l’infra-épineux, une ténodèse du long chef du biceps et une acromioplastie en date du 29 novembre 2016 (cf. déclaration de sinistre du 15 juillet 2015, compte-rendu opératoire du 30 novembre 2016).

b. La SUVA a accepté de prendre en charge les suites de l’accident du 26 juin 2015 (cf. son courrier du 8 février 2017).

c. Le 15 mai 2017, l’assuré a par ailleurs déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), qui l'a rejetée par décision du 17 décembre 2018, faute d’incapacité de longue durée.

d. L’évolution suite à l’intervention du 29 novembre 2016 à l’épaule gauche a été marquée par une récidive de rupture, relativement large, avec une atrophie musculaire sans dégénérescence graisseuse significative (cf. rapport du 21 mars 2017 du docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique). L’assuré a cependant décidé de surseoir, pour des raisons professionnelles, à l’intervention chirurgicale devant permettre de réduire la récidive (cf. appréciation du 14 juin 2018 du docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA).

e. Par décision du 19 juin 2018, confirmée sur opposition le 13 septembre 2018, la SUVA a alloué à l’assuré, compte tenu des séquelles de l’accident du 26 juin 2015, une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10% (CHF 12'600.-). Saisie d'un recours de l'assuré, la Cour de céans l'a rejeté par arrêt du 30 décembre 2019 (ATAS/1214/2019 du 30 décembre 2019).

f. L’assuré, licencié le 23 octobre 2018, a finalement bénéficié d’une réinsertion des sus-épineux et infra-épineux et d’une reprise d’acromioplastie en date du 15 janvier 2019.

g. Le 9 avril 2019, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI et s'est vu octroyer une mesure d’orientation professionnelle dès le 6 janvier 2020, suivie d’un reclassement en tant que programmeur-régleur sur machines CNC (computer numerical control, en d’autres termes, sur machine-outil à commande numérique) - module 1 -, puis de mécanicien de précision - modules 1 et 2. L'OAI a cependant refusé de prendre en charge le dernier module, nécessaire pour clore la formation.

h. Le 3 mars 2020, le Dr E______ a procédé à l'examen final de l’assuré, examen au terme duquel il a retenu les diagnostics de rupture massive de la coiffe des rotateurs gauche, status post-réparation chirurgicale arthroscopique le 29 novembre 2016 et à ciel ouvert le 15 janvier 2019, status post-insertion arthroscopique de l’épaule droite et hypercholestérolémie. L’état des deux épaules était stabilisé. L’activité en tant que mécanicien automobile n’était plus possible. En revanche, la capacité de travail était de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles suivantes : pas de port de charges de plus de 5 à 10 kg, pas de port répété de charges de plus de 5 kg, pas de travail membres supérieurs au-dessus des épaules, pas d'emploi de la force, ni mouvements répétés des membres supérieurs et pas de position membres supérieurs en porte-à-faux. Les activités favorisant la position « coudes au corps » étaient à privilégier.

i. Se fondant sur cette appréciation, la SUVA, par décision du 20 juillet 2021, confirmée sur opposition le 21 octobre 2021, a nié à l'assuré le droit à une rente d’invalidité. En effet, la comparaison des revenus - effectuée en prenant en considération les salaires statistiques dans l’industrie manufacturière ressortant de l’Enquête suisse sur les salaires (ESS) de 2018, sans abattement supplémentaire, l’activité adaptée retenue par l’OAI prenant déjà en compte les limitations fonctionnelles de l’assuré – conduisait à un taux d’invalidité de 1%.

C. a. Le 15 novembre 2021, l'assuré a interjeté recours contre cette décision en concluant, sous suite de dépens, à l’octroi d’une rente d’invalidité de 16%.

Sur le fond, il argue que le revenu avec invalidité doit être fixé en prenant en considération les salaires ressortant de la convention collective de travail (CCT) de l’industrie mécanique et non les salaires statistiques issus de l’ESS.

Il ajoute que si ces derniers devaient néanmoins faire foi, il conviendrait de retenir, d’une part, le salaire mentionné à la ligne « total », pour un homme avec un niveau de compétence 1 et, qui plus est, de le réduire de 15%, d’autre part.

b. Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu au rejet du recours.

Elle considère que la CCT n'est pas applicable, le recourant n’ayant pas repris d’activité professionnelle.

Pour le reste, elle estime avoir à juste titre retenu le salaire mentionné en ligne 10-33 (correspondant aux salaires dans l’industrie manufacturière), dès lors que l'intéressé a bénéficié de mesures de réadaptation dans ce domaine.

Enfin, elle soutient qu'il n'y a pas lieu de réduire ce montant, l’activité retenue tenant déjà suffisamment compte des limitations fonctionnelles du recourant. Quant aux autres critères, tels que les années de service et la longue expérience auprès d’un seul employeur, ils ne justifient pas non plus d’abattement.

c. Le 22 décembre 2021, le recourant a indiqué avoir trouvé un poste chez ROLEX, pour une durée d’un an, tout en soutenant que le revenu ainsi réalisé ne pourrait être retenu pour la comparaison des gains.

d. Dans sa duplique du 11 janvier 2022, la SUVA a persisté dans ses conclusions.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a a contrario LPGA).

4.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

5.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, et plus particulièrement sur le revenu avec invalidité à prendre en considération (CCT, ESS et abattement).

6.              

6.1. Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 aLAA). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1); seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain; de plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).  

6.2. A teneur de l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.

Selon la jurisprudence, la question de la suspension des indemnités journalières et du traitement médical d’une part, et de l’examen des conditions du droit à la rente et de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité d’autre part, forment un seul objet du litige (ATF 144 V 354 consid. 4.2 et les références), de sorte que l’assureur n’est pas tenu de rendre deux décisions distinctes. Lorsque l’assureur rend une décision formelle de refus de droit à la rente, il y a lieu d’admettre qu’il refuse également formellement la poursuite du versement de l’indemnité journalière et de la prise en charge du traitement médical (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2018 du 7 mars 2019 consid. 3.3).

7.              

7.1. Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA). En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 137 V 334 consid. 3.3.1).

7.2. Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).

7.3. Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références; ATF 135 V 297 consid. 5.1 et les références; ATF 134 V 322 consid. 4.1 et les références).

En principe, pour le revenu sans invalidité, dès lors qu'ils tiennent mieux compte des différentes catégories d'activités que les statistiques salariales, les salaires fixés par convention collective de travail sont mieux à même de respecter le principe selon lequel le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible (arrêts du Tribunal fédéral 8C_778/2017 du 25 avril 208 consid. 4.4 [LAA] ; 8C_779/2018 consid. 4.3 [LAI]).

7.4.1. Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). En ce sens, la référence aux données de l'ESS constitue une ultima ratio (ATF 142 V 178 consid. 2.5.7).

Ainsi, lorsque l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu'elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d'éléments de salaire social, c'est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte comme revenu après invalidité (ATF 142 V 178 consid. 2.5.7).

En l'absence d'un revenu effectivement réalisé soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et les références ATF 126 V 75 consid. 3b/aa et bb ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_140/2017 du 18 août 2017 consid. 5.4.1).

Il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_level et non pas le tableau TA1_b (ATF 142 V 178). Lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l'assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières; tel est notamment le cas lorsqu'avant l'atteinte à la santé, l'assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu'une activité dans un autre domaine n'entre pas en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_205/2021 du 4 août 2021 consid. 3.2.1 et la référence). Il y a en revanche lieu de se référer à la ligne "total secteur privé" lorsque l'assuré ne peut plus raisonnablement exercer son activité habituelle et qu'il est tributaire d'un nouveau domaine d'activité pour lequel l'ensemble du marché du travail est en principe disponible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2021 du 9 novembre 2021 consid. 5.2.1 et les références).

Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3), étant précisé que les tableaux TA1, T1 et T17 de l’ESS 2020 ont été publiés le 23 août 2022; l’ESS 2018, le 21 avril 2020; l’ESS 2016, le 26 octobre 2018 (étant précisé que le tableau T1_tirage_skill_level a été corrigé le 8 novembre 2018); et l’ESS 2014, le 15 avril 2016.

Depuis la 10e édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l'Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L'accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications (niveau de ses compétences) et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf groupes de profession (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l'ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt du Tribunal fédéral 9C_370/2019 du 10 juillet 2019 consid. 4.1 et les références).

7.4.2. Il est notoire que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d'une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels ; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Une telle déduction ne doit pas être opérée automatiquement, mais seulement lorsqu'il existe des indices qu'en raison d'un ou de plusieurs facteurs, l'intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu'avec un résultat économique inférieur à la moyenne (ATF 146 V 16 consid. 4.1 et les références; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 consid. 5b/bb et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_608/2021 du 26 avril 2022 consid. 3.3 et les références).

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).

9.              

9.1. En l’espèce, la SUVA a nié au recourant le droit à une rente d'invalidité, au motif que le degré de celle-ci ne s'élève qu'à 1%. L'intimée a retenu, à titre de revenu avec invalidité, le salaire statistique de l’ESS 2018, pour la branche « industrie manufacturière », s'agissant d'un homme avec un niveau de compétence 1, sans réduction supplémentaire.

Le recourant conteste cette façon de faire et soutient que le revenu d'invalide devrait être calculé en fonction de la CCT de l’industrie mécanique. Subsidiairement, il conteste le revenu statistique retenu et conclut à ce qu'il soit, qui plus est, réduit de 15%.

9.2. À titre liminaire, la Cour de céans constate qu’en rendant une décision de refus du droit à la rente, la SUVA a également formellement refusé la poursuite du versement de l’indemnité journalière et de la prise en charge du traitement médical, ce qui n’est pas contesté par le recourant.

Celui-ci ne remet pas davantage en question le revenu sans invalidité pris en considération par l'intimée pour la comparaison des revenus (CHF 71'858.-).

9.3.1. S’agissant du revenu avec invalidité, le recourant demande à ce que l'on se réfère à la CCT de l’industrie mécanique.

Force est toutefois de constater, dans ce contexte, que si la jurisprudence fédérale admet effectivement la prise en considération d’une telle convention pour déterminer le revenu sans invalidité, il n’en va pas de même en ce qui concerne le revenu avec invalidité, pour lequel les statistiques ressortant de l'ESS doivent être appliquées en l’absence d’un revenu effectivement réalisé (cf. consid. 8.4.1 supra).

Dans ces conditions, c’est donc à juste titre que l’intimée n’a pas déterminé le revenu avec invalidité sur la base de la CCT de l’industrie mécanique.

9.2.2. Le recourant conteste ensuite la ligne de la tabelle retenue. Il considère qu’il convient de déterminer le salaire avec invalidité en se référant à la ligne « total » pour un homme avec un niveau de compétence 1 et non à la ligne 10-33 « industrie manufacturière » pour un homme avec un niveau de compétence 1, comme l’a fait la SUVA.

Cependant, le recourant a bénéficié d’une mesure de reclassement en tant que programmeur-régleur sur machine CNC. Certes, l’OAI n’a pris en charge que le premier module. Cela étant, il ressort du recours que l’assuré a pris à sa charge les frais du second module et qu’il a obtenu le diplôme de formation continue y relatif.

Concrètement, au terme de la formation de programmeur-régleur sur machine CNC, le participant doit être en mesure de connaître la programmation ISO et introduire les programmes sur la machine, adapter les vitesses de coupe, effectuer une simulation de programmes à l'aide de logiciels et des connaissances méthodologiques, programmer une pièce manuellement ou à l’aide d’un logiciel FAO (Fabrication Assistée par Ordinateur) et fabriquer des pièces (voir la description à l’adresse https://www.orientation.ch/dyn/show/2886?id=4399).

Il s’agit là de compétences requises dans de nombreux domaines, tels que l’horlogerie, les activités générales de travail du métal (placage, revêtement, gravure, perçage, polissage, soudure, etc.) généralement réalisées pour le compte de tiers. Or, ces activités font partie de l’industrie manufacturière (cf. Nomenclature générale des activités économiques - Notes explicatives - NOGA 2008 p. 23ss).

Ainsi, dans la mesure où le recourant a bénéficié d’un reclassement dans l’industrie manufacturière, c'est à juste titre que l'intimée s'est référée à la ligne 10-33 « industrie manufacturière », même si les frais de formation n’ont été que partiellement pris en charge par l’OAI (voir dans le même sens : arrêts du Tribunal fédéral 8C_553/2016 du 1er mai 2017 et 8C_610/2017 du 3 avril 2018 consid. 4.3). Au demeurant, le salaire statistique général (ligne 10-33) pour un homme avec un niveau de compétence 1, de CHF 5'503.-, se rapproche du salaire réalisé dans les domaines de la métallurgie et de la fabrication de produits métalliques (ligne 24-25 ; CHF 5'488.-) et de la fabrication de produits informatiques électroniques et optiques, et horlogerie (ligne 26 ; CHF 5'551.-), de sorte que le salaire retenu par la SUVA n'apparaît pas arbitraire.

On peut même s’interroger sur le niveau de compétence retenu par l’intimée. En effet, le niveau 1 correspond aux activités physiques et manuelles, alors que le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques, telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules. Or, le recourant est désormais titulaire d’un diplôme de programmeur-régleur sur machine CNC, ce qui implique de savoir comment utiliser certains types de machines. Il ne s’agit pas là d’une activité physique ou manuelle simple. On peut ainsi se demander si la SUVA n’aurait pas dû retenir un niveau de compétence 2. Cette question peut toutefois rester ouverte, dès lors que, même en retenant le salaire statistique pour un homme avec un niveau de compétences 1, le recours doit être rejeté comme cela ressort de ce qui suit.

9.2.3. Le recourant conclut à l’application d’un abattement de 10% au minimum.

C’est le lieu de rappeler qu’un abattement n'est pas automatique, mais qu’il se justifie dans les cas où il existe des indices suffisants pour admettre qu'en raison de différents facteurs (par exemple limitations liées au handicap, à l’âge, à la nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et au taux d'occupation), l’assuré ne peut mettre à profit sa capacité de travail (résiduelle) sur le plan économique que dans une mesure inférieure à la moyenne (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa ; cf. également l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_29/2012 du 27 juin 2012 consid. 4.2).

Dans le cas du recourant, on peut admettre qu’il présente une limitation en lien avec son atteinte au membre supérieur gauche, dans la mesure où il ne peut mettre à profit sa capacité résiduelle de travail que dans des activités légères, n’impliquant ni port de charges de plus de 5 à 10 kg, ni port répété de charges de plus de 5 kg, ni position membres supérieurs au-dessus des épaules, ni travail de force, ni mouvements répétés des membres supérieurs, ni position membres supérieurs en porte-à-faux et où il doit privilégier la position « coudes au corps ». Toutefois, on rappellera que seule l’atteinte à l’épaule gauche est encore en lien avec l’accident assuré et par conséquent visée par les limitations fonctionnelles précitées.

Cela étant, l’OAI et le recourant ont considéré que ces restrictions étaient parfaitement compatibles avec l'activité de programmeur-régleur sur machine CNC dans laquelle le recourant a été réadapté, dès lors qu'il pourra exercer cette activité à plein temps, sans diminution de rendement (cf. dans le même sens : arrêt 8C_405/2021 du 9 novembre 2021 consid. 6.4.2.).

Pour le reste, le recourant ne démontre pas que d’autres circonstances seraient susceptibles de diminuer concrètement ses perspectives salariales sur un marché du travail équilibré. En effet, selon la jurisprudence récente, le manque d'expérience d'un assuré dans une nouvelle profession ne constitue pas un facteur susceptible de jouer un rôle significatif sur ses perspectives salariales, lorsque les activités adaptées envisagées (simples et répétitives de niveau de compétence 1) ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique. De surcroît, tout nouveau travail va de pair avec une période d'apprentissage, de sorte qu'il n'y a pas non plus lieu d'effectuer un abattement à ce titre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.1-5.2).

C’est donc à juste titre que l’intimée n’a pas appliqué d’abattement.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours du 15 novembre 2021 est rejeté.

Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens.

Par ailleurs, les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause devant une juridiction de première instance n'ont en principe pas le droit à une indemnité de dépens (ATF 126 V 149 consid. 4).

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le