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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1179/2022

ATAS/813/2022 du 20.09.2022 ( LPP ) , AUTRE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1179/2022 ATAS/813/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 septembre 2022

2ème Chambre

 

En la cause

A______, WINTERTHUR, sise c/o B______SA, ______, WINTERTHUR

 

demanderesse

 

contre

C______, c/o C______, ______ Nouvelle-Zélande, succursale de Genève, sans siège ni existence actuelle connus

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Par demande en paiement datée du 4 avril 2022 et envoyée le 12 avril suivant à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), A______, Winterthur (ci-après: la fondation ou la demanderesse) a conclu au versement, par "C______, ______, ______ NZ – Succursale de Genève, ______, ______ Genève" (la partie défenderesse), de la somme de CHF 189'760.35, augmentée d'un intérêt de 5 % à partir du 31 octobre 2021, outre les frais d'encaissement de CHF 1'000.- et les frais de poursuite de CHF 190.-, de même qu'à la levée, "dans cette proportion", de l'opposition au commandement de la poursuite n° 1______de l'office des poursuites de Genève notifié le 20 décembre 2021, la mainlevée définitive devant être accordée à la demanderesse, "avec suite de frais et dépens à la charge de la défenderesse".

La créance se rapportait aux "contributions" – ou primes ou cotisations – dans le cadre de la prévoyance professionnelle selon la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40) pour les années 2020 et 2021.

b. Cette demande a été transmise le 13 avril 2022 par la chambre des assurances sociales à la partie défenderesse, à l'adresse de sa succursale à Genève, avec un délai au 11 mai 2022 pour présenter sa réponse.

c. Par lettre du 9 mai 2022, Monsieur D______, associé de E______ Sàrl, société à responsabilité limitée active dans les services et conseils en matière d'administration de sociétés et de gestion d'entreprises, sise également au quai ______, a fait savoir à la chambre de céans que tant "C______, NZ" que la succursale de Genève n'étaient plus actives et avaient été radiées du registre du commerce (ci-après: RC), et qu'E______ Sàrl et/ou lui-même n'avaient aucun mandat pour représenter l'une ou l'autre de ces sociétés concernant l'affaire en cause.

d. La chambre des assurances sociales ayant fait part le 19 mai 2022 à la fondation qu'à la lecture d'un extrait du RC librement consultable et joint en copie, il semblait que la défenderesse était radiée par suite de cessation de l'exploitation, la demanderesse a indiqué, le 24 mai 2022, ce qui suit : "La société étant, depuis le 02.05.2022 officiellement radiée, nous vous prions tout de même de statuer concernant l'impossibilité de donner suite à la procédure. Par votre jugement, nous pourrons alors produire notre créance auprès du fonds de garantie à Berne".

B. a. Par pli du 13 juin 2022, la chambre des assurances sociales a demandé à E______ Sàrl, M. D______, au titre de renseignement de tiers selon l'art. 27 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), de lui expliquer de manière circonstanciée en quoi et quand la société mère "C______, ______, Nouvelle-Zélande", sise en Nouvelle-Zélande, aurait cessé toute activité en Nouvelle-Zélande et dans le reste du monde (y compris en Suisse) et quelle était sa situation légale actuelle en Nouvelle-Zélande et dans le reste du monde (continuation normale de son activité ou faillite, ou autre, etc.) et quels seraient le ou les éventuels représentants de cette société mère en Suisse et/ou à l'étranger (y compris en Nouvelle-Zélande), et produire toutes pièces utiles à l'appui de ses renseignements.

b. Par courrier du 28 juin 2022, M. D______, pour E______ Sàrl, a produit un extrait du RC au 20 juin 2022 concernant la succursale de Genève qui indiquait notamment que "la succursale est radiée par suite de cessation de l'exploitation", et a confirmé que ladite succursale avait cessé toute activité en Suisse et que la demande de radiation avait été déposée le 11 octobre 2021. Concernant la société mère en Nouvelle-Zélande, il n'était pas en mesure de fournir d'autres informations, car il n'y était impliqué d'aucune manière et ne disposait d'aucune information relative aux opérations de cette société mère en Nouvelle-Zélande ou dans le reste du monde.

c. Par lettre du 28 juillet 2022, la chambre de céans a demandé à la demanderesse de la renseigner, d'ici au 1er septembre 2022, de manière la plus circonstanciée possible et selon les connaissances qu'elle pouvait obtenir, en quoi et quand la société mère "C______, ______, Nouvelle-Zélande", sise en Nouvelle-Zélande, aurait cessé toute activité en Nouvelle-Zélande et dans le reste du monde (y compris en Suisse) et quelle était sa situation légale actuelle en Nouvelle-Zélande et dans le reste du monde (continuation normale de son activité ou faillite, ou autre, etc.) et quels seraient le ou les éventuels représentants de cette société mère en Suisse et/ou à l'étranger (y compris en Nouvelle-Zélande), et produire toutes pièces utiles à l'appui de ses renseignements. Toujours selon la chambre des assurances, sur la base d'un examen sommaire des règles légales, se posaient les principes et questions juridiques s'agissant de la personnalité juridique et capacité d'être partie en justice de la société mère et/ou de la succursale à Genève, du for ainsi que d'une éventuelle réinscription au RC.

d. Par écriture du 29 août 2022, la demanderesse a indiqué ne posséder aucune information concernant la cessation d'activité de "la société en cause", ayant reçu, après l'établissement de sa "plainte" (le 11 avril 2022) une publication de la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) en date du 2 mai 2022 concernant la radiation de la succursale. Le contrat avec "la société" ne concernait que la société en Suisse, la fondation n'ayant aucun document afférent à la société mère en Nouvelle-Zélande. Après certaines recherches, le site internet de la société mère n'était plus disponible, alors qu'il existait encore quelques mois auparavant, et la défenderesse n'avait malheureusement trouvé aucune information concernant ladite société mère. Partant, elle demandait le prononcé d'un jugement, de sorte qu'elle puisse "présenter une production de créance auprès du Fonds de garantie".

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu'aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220]; art. 52, 56a al. 1, et art. 73 LPP; ancien art. 142a du Code civil [CC - RS 210]).

2.             La demande respecte en l'occurrence la forme prévue à l'art. 89B LPA, de sorte qu'elle est recevable.

3.              

3.1 Aux termes de l'art. 11 al. 1 LPP, tout employeur occupant des salariés soumis à l’assurance obligatoire doit être affilié à une institution de prévoyance inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle.

En vertu de l'art. 66 al. 1 LPP, l'institution de prévoyance fixe dans ses dispositions réglementaires le montant des cotisations de l'employeur et de celles des salariés. La somme des cotisations (contribution) de l'employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés. La contribution de l'employeur ne peut être fixée plus haut qu'avec son assentiment.

La convention dite d'affiliation d'un employeur à une fondation collective ou à une fondation commune est un contrat sui generis fondé sur l'art. 11 LPP (ATF 120 V 299 consid. 4a et les références citées).

À teneur de l'art. 66 al. 2 LPP, l'employeur est débiteur de la totalité des cotisations - fixées dans les dispositions réglementaires - envers l'institution de prévoyance. Celle-ci peut majorer d'un intérêt moratoire les cotisations payées tardivement.

3.2 Pour ce qui est de la personnalité juridique et capacité d'être partie en justice, selon la jurisprudence, une succursale est un établissement commercial qui, dans la dépendance d'une entreprise principale dont il fait juridiquement partie, exerce d'une façon durable, dans des locaux distincts, une activité similaire, en jouissant d'une certaine autonomie dans le monde économique et celui des affaires. Faute de jouir de la personnalité juridique, la succursale est dépourvue de la capacité d'être partie en justice (ATF 144 V 313 consid. 6.3; ATF 120 III 11 consid. 1a). Toutefois, à tout le moins en droit privé et droit des poursuites et faillites, il y a lieu d'admettre, à l'instar de la pratique existant en matière de poursuite, que lorsque, dans le cadre d'une demande en justice, une succursale se voit attribuer la qualité de demanderesse ou défenderesse, alors qu'en réalité seule la société à laquelle elle appartient est visée, on se trouve en présence d'une simple désignation inexacte d'une partie (cf. ATF 120 III 11 consid. 1a et 1b; aussi arrêts du Tribunal fédéral 4C.270/2003 du 28 novembre 2003 consid. 1.1, de même que 2C_333/007 et 2C_407/2007 du 22 février 2008 consid. 4.2 et 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.1.4 et 4.2). Cette irrégularité peut être rectifiée s'il n'y a pas d'équivoque sur la partie réellement concernée et que l'acte peut parvenir à son véritable destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.270/2003 précité et la référence citée).

3.3 S'agissant du for, en vertu de l'art. 73 al. 3 LPP - applicable au contentieux -, le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé.

La question juridique pourrait se poser de savoir quel est le for si la société débitrice de cotisations LPP est une société étrangère, ayant ou non une succursale en Suisse (cf. par exemple, concernant l'art. 73 al. 3 LPP, Ulrich MEYER/Laurence UTTINGER [traduction], in Commentaire LPP et LFLP, 2020, n. 102 ss ad art. 73 LPP, qui ne paraît pas évoquer cette problématique; aussi arrêt du Tribunal fédéral 9C_41/2012 du 12 mars 2012 qui ne traite cependant pas la même situation qu'ici).

Se poserait également la question de savoir quelles règles de for en matière de LPP s'appliquent, notamment si les articles de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP - RS 291), en particulier l'art. 112 LDIP, pourraient s'appliquer (à tout le moins par analogie).

Même si la succursale est dépourvue d'existence juridique et n'a pas la capacité d'ester en justice, son siège est susceptible de fonder un for dans divers domaines juridiques, par exemple en droit privé avec l'art. 12 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) (ATF 144 V 313 consid. 6.3). La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) - qui ne s'applique en principe pas à la matière réglée par la LPP - règle cette question en son art. 58. Selon le Tribunal fédéral, un for au siège de la succursale, en tant que domicile du dernier employeur suisse, est compatible avec l'art. 58 al. 2 LPGA, lorsqu'il constitue pour le litige un point de rattachement prépondérant (ATF 144 V 313 consid. 6.5).

3.4 Selon l'art. 935 CO - dans sa version en vigueur à tout le moins depuis le 1er janvier 2021 -, quiconque rend vraisemblable un intérêt digne de protection peut requérir la réinscription au registre du commerce d'une entité juridique radiée (al. 1). Un intérêt digne de protection existe notamment lorsque: 1. après la liquidation de l'entité juridique radiée, il existe encore des actifs qui n'ont pas été réalisés ou distribués; 2. l'entité juridique radiée est partie à une procédure judiciaire; 3. la réinscription est nécessaire pour l'adaptation d'un registre public, ou 4. la réinscription est nécessaire pour que la liquidation de la faillite de l'entité juridique radiée puisse être terminée (al. 2). Lorsque l'entité juridique présente des carences dans son organisation, le tribunal prend les mesures nécessaires en même temps qu'il ordonne la réinscription (al. 3).

4.              

4.1 En l'espèce, au regard de ces principes et questions juridiques, se poserait en principe en premier lieu la question de savoir si la demanderesse devrait attraire en justice, comme défenderesse, la société mère sise en Nouvelle-Zélande ou la succursale à Genève.

Cette question peut toutefois demeurer indécise.

En effet, quelle que soit la réponse à apporter à ladite question, il n'en demeurerait pas moins que, selon les explications de la fondation et d'E______ Sàrl (M. D______) ainsi que les constations de la chambre de céans, il apparaît en l'état impossible d'attraire tant la succursale, laquelle est radiée par suite de cessation de l'exploitation, que la société mère, qui semble avoir cessé, elle aussi, toute exploitation. Il sied à cet égard de relever notamment l'absence d'informations un tant soit peu précises au sujet de la situation actuelle de la société mère en Nouvelle-Zélande et le fait qu'il est en l'état (au 14 septembre 2022) impossible d'ouvrir le site internet de celle-ci "https://C______.com/", la mention étant "This website is currently unavailable".

4.2 La question aurait pu se poser le cas échéant ici de savoir si, pour pouvoir attraire la partie défenderesse dans le cadre de la présente procédure, une éventuelle réinscription, au siège de la succursale, au sens de l'art. 935 CO aurait été envisageable.

Toutefois, une telle procédure de réinscription au RC serait en l'état pratiquement impossible, faute pour la chambre de céans de pouvoir envoyer des courriers et décisions à des personnes ou organes susceptibles de représenter la société mère ou sa succursale de Genève. Au demeurant, il paraît très peu vraisemblable que la succursale radiée en Suisse dispose encore d'actifs. On ne voit donc pas quel intérêt digne de protection il pourrait y avoir à une telle réinscription.

5.             Par le présent arrêt, la chambre de céans ne peut donc que constater qu'il est en l'état impossible d'attraire, en qualité de défenderesse, la société mère sise en Nouvelle-Zélande ou même sa succursale à Genève, à la suite de la demande en paiement datée du 4 avril 2022 et expédiée le 12 avril suivant par la demanderesse.

Par conséquent, il convient de rayer la cause du rôle.

6.             Ceci exclut de facto l'éventuel octroi d'une indemnité de dépens à celle-ci.

Pour le reste, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et 89H al. 1 LPA).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Constate qu'il est en l'état impossible d'attraire, en qualité de partie défenderesse, C______ sise en Nouvelle-Zélande (à ______) ou même sa succursale à Genève, à la suite de la demande en paiement d'A______, Winterthur, datée du 4 avril 2022 et expédiée le 12 avril 2022.

2.        Raye la cause du rôle.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée à la demanderesse ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le