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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/425/2021

ATAS/1309/2021 du 17.12.2021 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/425/2021 ATAS/1309/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 décembre 2021

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), et Madame B______, tous deux nés en 1975, sont mariés et parents de trois enfants, nés en août 2004, septembre 2008 et août 2015.

b. L’épouse de l’assuré a travaillé en qualité de secrétaire aide-comptable à raison de 10 heures par semaine du 14 août 2017 au 30 avril 2019. Son revenu annuel s’est élevé à CHF 7'393.55 en 2017, CHF 17'686.95 en 2018 et CHF 6'499.80 en 2019. Elle s’est annoncée à l’assurance-chômage le 6 mai 2019, recherchant un emploi à 70 %, et a perçu des indemnités de cette assurance dès cette date.

c. Par décision du 25 juin 2019 de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève, l’assuré s’est vu reconnaître le droit à une rente d’invalidité entière dès le 1er mars 2017.

B. a. L’assuré a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du Service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) le 13 décembre 2019.

b. Par décision du 26 février 2020, le SPC a établi le droit aux prestations complémentaires de l’assuré dès le 1er mars 2017. Il a notamment tenu compte dans les revenus déterminants d’un gain potentiel de CHF 50'444.10 pour l’épouse de l’assuré, basé sur l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Par la suite, le SPC a fixé le gain potentiel de l’épouse en indiquant se référer à la Convention collective de travail (CCT). Il l’a ainsi établi à CHF 34'068.15 du 1er août au 31 décembre 2017 ; à CHF 34'988.70 en 2018 ; à CHF 34'416.40 du 1er janvier au 30 avril 2019 ; à CHF  39'334.- en mai 2019 ; et à CHF 29'397.95 du 1er juin 2019 au 28 février 2020. Ses indemnités de chômage ont été intégrées aux revenus déterminants dès mai 2019. Le SPC a en sus retenu un gain de l’activité lucrative de CHF 32'791.40 du 1er mars au 31 juillet 2017, de CHF 49'162.85 du 1er août au 31 décembre 2017, de CHF 48'180.20 en 2018, de CHF 18'706.20 du 1er janvier au 28 février 2019, et de CHF 16'697.40 du 1er mars au 30 avril 2019.

c. L’assuré, par sa mandataire auprès de laquelle il a élu domicile, s’est opposé à cette décision par écriture du 16 mars 2020, complétée le 29 mai 2020. Il a contesté le gain potentiel retenu pour son épouse, au motif que celle-ci avait la charge de leurs trois enfants, dont le plus jeune présentait des problèmes médicaux. L’assuré n’était pas en mesure de s’en occuper en raison de son état de santé.

d. Par décision du 17 août 2020 notifiée directement à l’assuré, le SPC a établi le droit de celui-ci à des prestations complémentaires dès le 1er septembre 2020, tenant compte dans les revenus déterminants d’un gain potentiel de son épouse de CHF 29'397.95, basé sur la CCT, et d’indemnités de chômage.

e. Par décision du 6 janvier 2021, le SPC a rejeté l’opposition de l’assuré, considérant en substance que la prise en compte d’un gain potentiel pour son épouse était conforme à la jurisprudence.

C. a. L’assuré a interjeté recours contre la décision de l’intimé par acte du 5 février 2021, complété par écriture du 22 mars 2021. Il a conclu à la suppression du gain potentiel retenu pour son épouse, et subsidiairement, dans le cas où un tel gain serait retenu, à l’inclusion des frais de garde pour leur dernier enfant dans les dépenses reconnues. Il a pour l’essentiel repris la motivation développée à l’appui de son opposition.

b. Dans sa réponse du 20 avril 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par écriture du 17 mai 2021, le recourant a sollicité d’être entendu. Il a également proposé l’audition de son épouse ainsi que de son médecin et du médecin de son fils.

d. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimé.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006
(LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable.

3.             La législation sur les prestations complémentaires a connu des modifications entrées en vigueur le 1er janvier 2021. Cette novelle n’est pas applicable en l’espèce, dès lors qu’est litigieux le droit aux prestations complémentaires avant qu’elle ne soit promulguée. Ce droit doit ainsi être examiné à l’aune des dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui seront citées dans leur teneur à cette date.

4.             Le litige, tel que circonscrit par la décision attaquée et par les conclusions du recours, porte sur le montant des prestations complémentaires du recourant du 1er mars 2017 au 31 août 2020, plus particulièrement sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a tenu compte d’un gain potentiel pour son épouse.

5.              

5.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions (personnelles) prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l'assurance-invalidité, conformément à l'art. 4 al. 1 let. c LPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC).

L’art. 4 LPCC dispose qu’ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable.

L’art. 22 al. 1 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à
l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI - RS 831.301) précise que si la demande d’une prestation complémentaire annuelle est faite dans les six mois à compter de la notification d’une décision de rente de l’AVS ou de l’AI, le droit prend naissance le mois au cours duquel la formule de demande de rente a été déposée, mais au plus tôt dès le début du droit à la rente.

5.2 Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Les revenus déterminants au sens de l'art. 11 LPC comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière ainsi que les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l'AVS et de l'AI (art. 11 al. 1 let. b et d LPC). S'y ajoute un quinzième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de l'assurance-invalidité, dans la mesure où elle dépasse CHF 60'000.- pour les couples (art. 11 al. 1 let. c LPC). Sont également comprises dans les revenus déterminants les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

S'agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 5 al. 1 LPCC prévoit que le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant notamment les adaptations suivantes : les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant (let. a) et la part de fortune nette prise en compte est d’un huitième après déduction des franchises prévues à l'art. 11 al. 1 let. c LPC (let. c). Le montant de la prestation complémentaire correspond à la part des dépenses reconnues qui excède le revenu annuel déterminant de l'intéressé (art. 15 al. 1 LPCC).

Par dessaisissement au sens de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 120 V 187 consid. 2b). Cette disposition est directement applicable lorsque le conjoint d'une personne assurée s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain (arrêt du Tribunal fédéral 8C_258/2008 du 12 décembre 2008 consid. 4). Le devoir de contribuer à l’entretien de la famille au sens de l’art. 163 du Code civil (CC – RS 210) fait en effet partie des obligations des époux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 18/99 du 22 septembre 2000 consid. 2b). Une telle obligation s'impose en particulier lorsque l'un des conjoints n'est pas en mesure de travailler en raison par exemple de son invalidité, parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. Cela signifie que lorsque le conjoint qui serait tenu d'exercer une activité lucrative pour assumer (en tout ou partie) l'entretien du couple en vertu de l'art. 163 CC y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 4.1). À ce titre, le Tribunal fédéral des assurances a admis le caractère adapté d’un délai de six mois dans le cas d’une femme recherchant une activité non qualifiée et sans charge de ménage et sans enfants (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 40/03 du 9 février 2005 consid. 4.2).

5.3 Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressé qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références).

5.4 En matière d’entretien après divorce, un conjoint peut se voir imputer un revenu hypothétique. La capacité de pourvoir soi-même à son entretien est susceptible d'être limitée totalement ou partiellement par la charge que représente la garde des enfants. En principe, on ne peut exiger d'un époux la prise ou la reprise d'une activité lucrative à un taux de 50 % avant que le plus jeune des enfants n'ait atteint l'âge de 10 ans révolus, et de 100 % avant qu'il n'ait atteint l'âge de 16 ans révolus. Ces lignes directrices ne sont toutefois pas des règles strictes. Ainsi, une activité lucrative apparaît exigible lorsqu'elle a déjà été exercée durant la vie conjugale ou si l'enfant est gardé par un tiers, de sorte que le détenteur de l'autorité parentale, respectivement de la garde, n'est pas empêché de travailler pour cette raison. En revanche, la reprise d'une activité lucrative ne peut raisonnablement être exigée lorsqu'un époux a la charge d'un enfant handicapé ou lorsqu'il a beaucoup d'enfants (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2). Cette règle générale doit en principe également prévaloir dans le domaine des prestations complémentaires (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 139 ad art. 11).

Le Tribunal fédéral a jugé que l'on pouvait exiger d'une épouse âgée de 39 ans atteinte de fibromyalgie et mère de trois enfants de 6, 9 et 12 ans qu'elle exerce une activité lucrative au moins à mi-temps, compte tenu de l’aide que pouvait lui amener son conjoint (arrêt du Tribunal fédéral 8C_470/2008 du 29 janvier 2009 consid. 5.3). Il a également confirmé que l'on pouvait raisonnablement exiger d'une femme de 40 ans, en bonne santé et mère de sept enfants, dont le dernier était âgé de 2 ans, qu'elle augmentât son temps de travail à concurrence de 50 % (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 29/04 du 9 novembre 2004 consid. 4.4). La chambre de céans a quant à elle exclu tout gain potentiel pour une épouse n'ayant aucune formation, ne parlant pratiquement pas le français et ayant quatre enfants dont deux en bas âge (ATAS/750/2004 du 28 septembre 2004 consid. 4). En revanche, un taux d'activité de 50 % a été admis pour une épouse ayant à charge quatre enfants, dont les aînés étaient âgés de 12 à 14 ans, et ce jusqu’à la scolarisation de son dernier né (ATAS/468/2004 du 17 juin 2004 consid. 5).

5.5 S’agissant de la prise en compte de facteurs liés au chômage, lorsqu'un assuré a été mis au bénéfice des prestations de l'assurance-chômage, il y a lieu de présumer que, durant la période d'allocation de ces indemnités, il a entrepris tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour retrouver un emploi, faute de quoi les organes de l'assurance-chômage lui auraient dénié tout droit corrélatif (arrêts du Tribunal fédéral des assurances P 61/03 du 22 mars 2004 consid. 3.3 et P 88/01 du 8 octobre 2002 consid. 3 ; VALTERIO, op. cit., n. 146 ad art. 11).

6.              

6.1 En l'occurrence, s’agissant du gain potentiel imputé à l’épouse du recourant, il convient en préambule de souligner que l’on comprend mal sur quelles bases l’intimé l’a établi. Si le plan de calcul se réfère à l’ESS pour la période du 1er mars au 31 juillet 2017, le gain retenu à ce titre dès le 1er août 2017 paraît défini « selon les normes de la CCT ». L’intimé n’a pas indiqué quelle convention et quel salaire il appliquait - étant toutefois précisé qu’il semble avoir pour pratique de se fonder sur les salaires prévus dans le secteur du nettoyage pour le canton de Genève, dans le cas où une activité simple et répétitive sans formation doit être envisagée (cf. ATAS/1025/2013 du 17 octobre 2013 ch. 17 « En fait »). Dans ces circonstances, il est surprenant que l’intimé, dans sa décision sur opposition, soutienne que l’ESS est applicable à la détermination du gain potentiel et qu’il affirme avoir retenu « les montants de référence prévus par l’ESS respectivement en 2017, 2018, 2019 et 2020 pour une femme non invalide de moins de 55 ans ». L’ESS étant une statistique des revenus dans différents secteurs, recensant les salaires notamment selon les niveaux de formation ou d’exigences, mais sans distinction en fonction de l’état de santé des employés, l’indication de l’intimé n’est guère intelligible, en plus d’être contradictoire, comme on l’a vu. On doit également relever que l’intimé n’a jamais explicitement précisé le taux d’activité exigé, bien que le montant de CHF 50'444.10 retenu au titre de gain potentiel pour 2017, relativement élevé, laisse supposer qu’il s’agit d’un plein temps. Pour référence, le revenu tiré de l’activité de la ligne Total pour une femme selon l’ESS 2016 (tableau TA1_skill_level) était de CHF 52'356.- en 2016. À cela s'ajoute, même si ce point n'a pas été remis en cause dans l'acte de recours, que l'on saisit mal à quoi correspond le poste "gains activité lucrative", également pris en compte par l’intimé dans les revenus déterminants du recourant. Ces revenus sont en effet très largement supérieurs aux salaires effectivement réalisés par l’épouse du recourant. Dans l’hypothèse où ils concernent des revenus réalisés par le recourant, on ignore sur quelles pièces du dossier ces revenus sont fondés.

Au vu de ces éléments, il n’est pas certain que la décision de l’intimé satisfasse à l’obligation de motivation déduite du droit d’être entendu garanti à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale (Cst. - RS 101). Cette obligation doit en effet notamment permettre au justiciable de comprendre la décision de l’autorité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1153/2014 du 11 mai 2015 consid. 3.1). La question de l’existence d’un tel vice et de ses conséquences sur la présente procédure (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_762/2009 du 5 juillet 2010 consid. 2.2) n’a cependant pas à être tranchée en l’espèce, dès lors que le recours doit de toute façon être admis pour les motifs suivants.

6.2 Pour les motifs qui seront exposés ci-après, il n'y a pas lieu de tenir compte d'un gain potentiel de l'épouse du recourant.

6.2.1 S'agissant, d'abord, de la période courant de mars 2017 à juillet 2017, soit avant que l'intéressée ne travaille en qualité de secrétaire aide-comptable, force est de constater que l’intimé n’a pas tenu compte d'un délai d’adaptation à compter du début du droit à des prestations complémentaires. Or, conformément à la jurisprudence précitée, il incombait à l'intimé de prendre en compte une période d'adaptation réaliste, étant rappelé que, vu l'âge de son fils, il était nécessaire de trouver une solution de garde. Dans la mesure où la durée de ce délai est, en principe, fixée à six mois, il y a lieu de renoncer à la prise en compte d'un gain potentiel durant cette période.

6.2.2 S'agissant ensuite de la période d'août 2017 à avril 2019, il convient de relever que le fils du couple n'était pas encore scolarisé. Or, il ressort du dossier que le recourant ne pouvait pas assumer la garde de son fils. L'intéressé a en effet exposé que son état de santé ne le lui permettait pas, dès lors qu’il ne pouvait ni porter des charges, ni courir, et qu’il souffrait de douleurs chroniques. À cet égard, il a produit un certificat établi en date du 1er juillet 2020 par son médecin traitant, le docteur Brahim LAKKI, lequel attestait qu’il n’était pas en mesure de s’occuper de son fils au quotidien eu égard à ses problèmes de santé. Si l’intimé estimait que ce certificat ne permettait pas de comprendre les raisons empêchant le recourant de garder son fils, comme il le fait valoir dans sa décision sur opposition, il lui appartenait de procéder aux mesures d’instruction nécessaires, conformément à l’art. 43 LPGA. Il ne pouvait toutefois pas se contenter d’écarter cette pièce en l’absence de tout indice permettant de mettre en doute son exactitude.

En outre, le fils du recourant présente des problèmes de santé : le 5 février 2019, la doctoresse C______, médecin aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a attesté que cet enfant était suivi régulièrement en pneumologie pédiatrique. Dans son certificat du 14 février 2019, la doctoresse D______ a également fait état de pathologies médicales nécessitant d'une part un régime alimentaire spécifique, et d’autre part de fréquents rendez-vous médicaux ou procédures médicales complexes, entraînant régulièrement un absentéisme scolaire et exigeant la présence accrue de sa mère. La doctoresse E______, médecin au Service des spécialités pédiatriques des HUG, a quant à elle diagnostiqué dans un certificat du 27 mars 2019 une œsophagite à éosinophiles, nécessitant un traitement au long cours, et entraînant un risque de vomissements, d’intolérance alimentaire et de dénutrition. Cette circonstance particulière justifie que l’exigibilité de la reprise d’une activité professionnelle soit appréciée avec une certaine retenue, compte tenu des soins supplémentaires et du suivi médical plus important dont a besoin le fils du recourant par rapport à des enfants du même âge en bonne santé. L’intimé invoque un arrêt du 14 août 2018 (ATAS/677/2018), dans lequel la chambre de céans a admis que le régime alimentaire d’un enfant âgé de plus de dix ans, ayant pour conséquence un temps de préparation plus long des repas, ne faisait pas obstacle à la prise en compte d’un gain potentiel pour l’intéressée. Cette situation ne saurait toutefois être comparée à celle qui fait l’objet de la présente procédure, dans la mesure où elle concerne un enfant largement plus âgé d’une part, et dont les problèmes médicaux se résument essentiellement à l’adoption d’une alimentation adaptée d’autre part.

S'ajoute à cela que le recourant et sa femme ont deux filles aînées. Bien qu’elles soient vraisemblablement largement autonomes dans les gestes de la vie quotidienne au vu de leur âge, on ne saurait ignorer le surcroît de travail ménager et de tâches éducatives lié à ces deux enfants lors de la fixation du taux de travail exigible de l’épouse du recourant.

Eu égard à ce qui précède, on ne saurait considérer que l’épouse du recourant, qui a travaillé à 25 % (soit 10 heures par semaine) d’août 2017 à mai 2019, malgré le très jeune âge de son fils et les problèmes de santé de ce dernier, a failli à son obligation de diminuer le dommage en ne recherchant pas une activité à un taux plus important, et qu’elle s’est partant dessaisie d’un revenu.

6.2.3 S’agissant enfin de la période courant dès mai 2019, l’épouse du recourant recherchait un emploi à 70 %, comme cela ressort de sa fiche d’inscription à l’assurance-chômage. Elle a perçu des indemnités de chômage dès cette date, ce qui implique qu’elle a entrepris les démarches pour retrouver un emploi à ce taux. Partant, conformément à la jurisprudence et à la doctrine citées, on ne peut pas non plus retenir de dessaisissement à partir de son inscription au chômage. On précisera encore qu’on ne saurait exiger un taux d’activité supérieur à 70 % à partir de mai 2019, ce temps de travail étant déjà élevé au vu des circonstances et des considérations développées plus haut, qui restent pertinentes pour cette période.

La décision de l’intimé n’est ainsi pas conforme au droit. La cause lui sera dès lors renvoyée pour nouveau calcul du droit aux prestations complémentaires en supprimant le gain potentiel imputé à l’épouse du recourant durant la période de mars 2017 à août 2020. Ce faisant, il appartiendra à l'intimé de clarifier sur quels éléments il s'est fondé pour retenir les gains de l'activité lucrative, tels qu'ils figurent dans les décomptes de prestations pour cette période.

Enfin, eu égard à l’issue du litige, la chambre de céans renoncera aux mesures d’instruction proposées par le recourant (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2).

7.             Vu ce qui précède, le recours est partiellement admis.

Le recourant, représenté par une avocate, a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 et art. 89H al. 1 LPGA).

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouveau calcul des prestations complémentaires au sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 2'000.-.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le