Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2228/2021

ATAS/1157/2021 du 15.11.2021 ( LAMAL ) , SANS OBJET

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2228/2021 ATAS/1157/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 novembre 2021

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à Saint-Jean-de-Gonville, FRANCE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jean ORSO

 

 

recourante

contre

 

SERVICE DE L'ASSURANCE-MALADIE, sis Route de Frontenex 62, Genève

 

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur B______ (ci-après : l’intéressé), né le 22 avril 1964, de nationalité française, marié à Madame A______ (ci-après : la recourante), père de deux enfants nés en 1995 et 1998, est décédé le 25 mai 2017.

b. Le 14 mai 2003, l’intéressé a retourné au service de l’assurance-maladie (SAM) un formulaire indiquant qu’il optait, en tant que travailleur frontalier, pour une assurance dans son pays de résidence pour lui-même et les membres de sa famille.

B. a. La recourante, représentée par un avocat, a requis, le 14 mars 2019, du SAM une copie du formulaire du droit d’option et du contrat d’assurance maladie de l’intéressé et le 8 mai 2019, après avoir reçu le formulaire, a demandé au SAM des renseignements complémentaires.

b. Par acte du 26 août 2020, complété les 10 septembre et 12 novembre 2020, la recourante a requis du SAM une affiliation rétroactive de l’intéressé au 19 février 2016.

c. Le 31 mars 2021, la recourante a derechef requis du SAM une affiliation rétroactive de l’intéressé, en soulignant que ses courriers des 26 août, 10 septembre et 12 novembre étaient restés sans réponse.

d. Le 15 avril 2021, le SAM a accusé réception de la demande de la recourante et requiS de celle-ci la transmission d’éventuels décomptes d’indemnisation de l’intéressé par Pôle Emploi ; la recourante a répondu le 28 avril 2021 que l’intéressé n’avait pas été inscrit au chômage.

C. a. Le 25 juin 2021, la recourante a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours pour déni de justice et conclu à ce qu’il soit ordonné, sur mesures provisionnelles, au SAM d’affilier rétroactivement, au 19 février 2016, l’intéressé à l’assurance maladie suisse.

b. Par décision du 15 juillet 2021, le SAM a déclaré irrecevable la demande de la recourante, au motif que la caisse de compensation AVS (ci-après : la caisse) était compétente pour rendre une décision.

c. Le 15 juillet 2021, le SAM a conclu au rejet des mesures provisionnelles et le 22 juillet 2021, à ce que le recours soit déclaré sans objet, en relevant qu’un déni de justice n’était pas réalisé vu la décision rendue le 15 juillet 2021.

d. Le 4 août 2021, la recourante a requis de la caisse une affiliation rétroactive de l’intéressé. La caisse a transmis cette demande au SAM, le 10 août 2021, en considérant qu’elle lui avait été adressée par erreur.

e. Le 30 septembre 2021, la recourante a répliqué qu’elle avait derechef demandé au SAM, le 29 septembre 2021, de se prononcer sur sa demande, en vain. Par ailleurs, le SAM avait rendu une décision le 15 juillet 2021, soit après le dépôt du recours pour déni de justice.

 

EN DROIT

1.        

1.1.       Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal; RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2.       En vertu de la LPGA, un recours peut être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition (art. 56 al. 2 LPGA).

Selon la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA-GE). Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’article 4 alinéa 4 (art. 62 al. 6 LPA).

En l’espèce, le recours pour déni de justice, interjeté par-devant l’autorité compétente (art. 58 al. 1 LPGA), est recevable.

2.        

2.1.       Lorsqu’il existe un intérêt actuel au recours au moment où celui-ci est formé, mais qu’il tombe ultérieurement en cours de procédure, le recours pur déni de justice doit être déclaré sans objet et rayé du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1).

Lorsqu’un procès devient sans objet, il s’impose de statuer néanmoins sur les frais afférents à la procédure engagée, par une décision sommairement motivée, en tenant compte de l’état de fait existant avant l’événement mettant fin au litige et de l’issue probable de celui-ci (cf. ATF 125 V 373 consid. 2a). Les frais et dépens sont supportés en premier lieu par la partie qui a provoqué la procédure devenue sans objet ou chez qui sont intervenues les causes qui ont conduit à ce que cette procédure devienne sans objet (arrêt du Tribunal fédéral 9C_773/2011 du 30 juillet 2012 consid. 4 et les références). En particulier, des dépens sont dus, en principe, si le grief d’un retard injustifié est avéré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_448/2014 du 4 septembre 2014 consid. 3).

2.2.       En l’occurrence, au vu de la décision rendue le 15 juillet 2021 par l’intimé, le recours pour déni de justice est devenu sans objet, tout comme la demande de mesures provisionnelles, de sorte qu’il convient de rayer la cause du rôle.

Le litige porte ainsi uniquement sur le droit de la recourante, dûment représentée, à des dépens pour la procédure qu’elle a initiée, en déterminant si l’intimé a fait preuve d’un retard injustifié.

3.        

3.1.       Aux termes de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

Le droit de recours de l'art. 56 al. 2 LPGA sert à mettre en œuvre l'interdiction du déni de justice formel prévue par l'art. 29 al. 1 Cst. Le retard injustifié à statuer, également prohibé par l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) – qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue que la disposition constitutionnelle (ATF 103 V 190 consid. 2b) –, est une forme particulière du déni de justice formel (ATF 119 Ia 237 consid. 2).

3.2.       Il y a retard injustifié à statuer lorsque l'autorité administrative ou judiciaire compétente ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prévu par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 131 V 407 consid. 1.1 et les références). Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes mais aussi la difficulté à élucider les questions de fait (expertises, par exemple; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2.2), mais non des circonstances sans rapport avec le litige, telle une surcharge de travail de l'autorité (ATF 130 I 312 consid. 5.2; ATF 125 V 188 consid. 2a). À cet égard, il appartient au justiciable d'entreprendre certaines démarches pour inviter l'autorité à faire diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. Si on ne peut reprocher à l'autorité quelques « temps morts », celle-ci ne saurait en revanche invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur de la procédure; il appartient en effet à l'État d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.1 et 5.2 et les références). Dans le cadre d'une appréciation d'ensemble, il faut également tenir compte du fait qu'en matière d'assurances sociales le législateur accorde une importance particulière à une liquidation rapide des procès (ATF 126 V 244 consid. 4a). Peu importe le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié; ce qui est déterminant, c’est le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard (ATF 124 V 133; ATF 117 Ia 117 consid. 3a et 197 consid. 1c; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 819/02 du 23 avril 2003 consid. 2.1 et C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2).

3.3.       À titre d’exemple, un déni de justice a été admis par la chambre de céans ou antérieurement par le tribunal cantonal des assurances sociales dans un cas où :

-        la décision de l'office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) était intervenue cinq mois après son arrêt, lequel rétablissait simplement la rente que l'OAI avait supprimée, car aucune instruction complémentaire n'était nécessaire de la part de l'administration, hormis l'envoi d'un formulaire de compensation (ATAS/859/2006 du 2 octobre 2006) ;

-        aucune décision formelle n’avait été rendue neuf mois après la demande en ce sens de l’assuré, faute de mesures d’instruction durant six mois (ATAS/711/2015 du 23 septembre 2015) ;

-        l’OAI, neuf mois après un jugement lui ordonnant de mettre en place une expertise, n’avait pas encore entrepris de démarches en ce sens (ATAS/430/2005 du 10 mai 2005).

4.        

4.1.       En l’occurrence, en rendant une décision le 15 juillet 2021, soit dix mois et demi après avoir reçu la demande de la recourante du 26 août 2020 concernant l’affiliation de l’intéressé à l’assurance-maladie suisse, l’intimé, en application des cas jurisprudentiels précités, a commis un déni de justice, ce d’autant que la recourante a régulièrement relancé l’intimé afin qu’il se prononce (les 10 septembre 2020, 12 novembre 2020, 31 mars 2021 et 28 avril 2021) et que ce n’est que le 15 avril 2021, soit sept mois et demi après le dépôt de la demande de la recourante, que l’intimé a sollicité de la recourante l’apport de pièces.

4.2.       Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré sans objet et une indemnité de CHF 2'000.- sera accordée à la recourante à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours sans objet.

Au fond :

2.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le