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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/527/2021

ATAS/609/2021 du 10.06.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/527/2021 ATAS/609/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 juin 2021

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à GENÈVE

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Madame B______(ci-après : l’assurée), vendeuse en grande surface, s’est inscrite auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) et un délai-cadre a été ouvert en sa faveur à compter du 1er novembre 2018.

2.        Le 1er novembre 2018, l’assurée a signé un plan d’action par lequel elle s’engageait notamment à effectuer au minimum dix recherches d’emploi par mois, à répartir sur l’ensemble du mois concerné.

3.        En raison de la pandémie de coronavirus (COVID-19), l’office régional de placement (ci-après : l’ORP) a émis des directives dispensant les assurés de l’obligation de rechercher un emploi dès le 16 mars 2020 et réduisant le nombre minimum de recherches à effectuer à trois en mai 2020 et à cinq en juin, juillet et août 2020.

4.        Par décision du 5 octobre 2020, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a prononcé la suspension de l’exercice du droit à l’indemnité de l’assurée pour une durée de trois jours motif, pris que ses recherches d’emploi pendant la période de contrôle extraordinaire de mars à août 2020 étaient insuffisantes : elle n’avait entrepris aucune démarche en mars et seulement deux en mai 2020 au lieu de trois.

5.        Le 25 octobre 2020, l’assurée s’est opposée à cette décision.

Elle a fait remarquer que, par courriel du 16 mars 2020, l’ORP avait dispensé les assurés des recherches d’emploi en ces termes :

« Dès à présent et jusqu’à nouvel ordre, les recherches d’emploi ne sont plus obligatoires. Si vous en effectuez, conservez-les. Vous nous les transmettrez à nouveau lorsque nous vous l’indiquerons. »

Puis, par courriel du 27 mars 2020, l’ORP avait demandé aux assurés de répondre aux offres dans ou en dehors de leur profession, en ajoutant : « la recherche d’emploi demeurant difficile dans le contexte actuel, sachez que nous ne formulons aucune exigence concernant la quantité de vos démarches mais comptons sur vous pour agir au mieux ».

L’assurée affirmait n’avoir appris qu’en date du 19 mai 2020 que le nombre minimum de recherches avait été fixé à trois pour ce mois-là.

6.        Par décision du 12 janvier 2021, l’OCE a rejeté l’opposition.

L’OCE a convenu que, s’agissant de mars 2020, les communications adressées aux assurés concernant les recherches d’emploi à effectuer avaient pu prêter à confusion et qu’il n’y avait pas lieu de sanctionner l’intéressée pour cette période.

Il n’en demeurait pas moins que seules deux recherches avaient été effectuées en mai 2020, alors qu’un nombre minimum de trois était exigé. Dès lors, c’était à juste titre qu’une sanction avait été prononcée.

Quant à la durée de ladite sanction, elle correspondait au barème édicté par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) et respectait le principe de la proportionnalité.

7.        Par écriture du 13 février 2021, l’assurée a interjeté recours contre cette décision.

Elle allègue avoir toujours rempli ses obligations à satisfaction et estime que la sanction qui lui a été appliquée est disproportionnée par rapport à la gravité des faits.

Elle allègue qu’en mai 2020, sa fiche mentionnait cinq recherches, alors que les directives de l’ORP n’en exigeaient que trois. Elle reproche à l’OCE de n’avoir pris en compte que deux de ces recherches au motif que les trois autres étaient datées du 4 juin 2020, alors même qu’elle ne les a pas reportées sur sa fiche de juin, mais en a effectué cinq autres ce mois-là, au lieu des trois requises.

Elle explique avoir toujours cru de bonne foi que les recherches d’un mois pouvaient être effectuées jusqu’au 5 du mois suivant, date à laquelle elles devaient être remises à l’OCE. Elle fait remarquer qu’elle a déjà procédé de la sorte par le passé et qu’aucun des cinq conseillers qui se sont succédés auparavant n’a attiré son attention sur le fait que les recherches devaient correspondre strictement au mois du calendrier.Ce n’est que le 24 septembre 2020 que sa nouvelle conseillère lui a expliqué son erreur d’interprétation. La recourante estime avoir été confortée dans son erreur jusque-là.

8.        Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 12 mars 2021, a conclu au rejet du recours.

9.        Dans sa réplique du 21 avril 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle répète qu’il ne s’agissait pas de sa part d’un non-respect volontaire des consignes, mais d’une mauvaise interprétation des directives de l’OCE sur laquelle son attention n’a jamais été attirée, bien qu’elle ait déjà commis cette erreur plusieurs fois par le passé, en août et novembre 2019, par exemple.

Elle fait remarquer qu’en mai 2020, son avant-dernière conseillère en placement en date, Madame C______, ne lui a pas non plus signalé son erreur. Au contraire, le 24 avril, elle l’avait félicitée de continuer activement ses recherches malgré la difficulté de la situation.

C’est seulement sa dernière conseillère en date, Madame D______, qui a attiré son attention sur son erreur, lors d’un entretien téléphonique du 24 septembre 2020, sans pour autant lui annoncer qu’elle avait « dénoncé » les faits au service.

10.    Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 27 mai 2021.

L’intimé a confirmé qu’il s’agissait-là du premier manquement reproché à l’assurée depuis qu’elle émarge à l’assurance-chômage, soit depuis le 1er novembre 2018.

Il a malgré tout campé sur sa position, estimant s'être déjà montré tolérant au vu du fait qu'aucune recherche n'avait été effectuée en mars 2020, d’une part, que l’assurée venait de se voir rappeler son plan d’action (le 19 mai 2020), d’autre part.

Ce à quoi l’intéressée a réitéré qu’elle pensait en toute bonne foi avoir jusqu'au 4 du mois suivant pour faire ses recherches.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (cf. art. 60 LPGA).

3.        Le litige porte sur le bien-fondé et la proportionnalité de la sanction prononcée par l’intimé à l’encontre de la recourante.

4.        En vertu de l'art. 17 al. 1 LACI, l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu'il exerçait précédemment, et il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis.

L’assuré doit cibler ses recherches d’emploi, en règle générale, selon les méthodes de postulation ordinaires et doit apporter à l’office compétent la preuve pour chaque période de contrôle (art. 26 de l’ordonnance sur l’assurance chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 - OACI).

S'il ne remplit pas cette exigence, le droit à l'indemnité de l'assuré est suspendu, en application de l'art. 30 al. 1 let. c LACI. La durée de la suspension est de un à quinze jours en cas de faute légère, seize à trente jours en cas de faute de gravité moyenne, trente et un à soixante jours en cas de faute grave (cf. art. 45 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage - OACI).

S'agissant plus particulièrement de la sanction appliquée en cas de recherches insuffisantes durant la période de contrôle, le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) préconise une durée de trois à quatre jours pour un premier manquement, de cinq à neuf jours pour un second et de dix à dix-neuf pour le troisième (cf. Circulaire relative à l'indemnité de chômage ch. D79 1.C).

L'autorité compétente dispose d'une certaine marge d'appréciation pour juger si les recherches d'emploi sont suffisantes quantitativement et qualitativement. Elle doit tenir compte de toutes les circonstances du cas particulier (cf. Circulaire relative à l'indemnité de chômage, état en janvier 2007, B116).

Pour trancher le point de savoir si l'assuré a fait des efforts suffisants pour trouver un travail convenable, il faut tenir compte aussi bien de la quantité que de la qualité des démarches entreprises (ATF 124 V 225 consid. 4a p. 231). Sur le plan quantitatif, la jurisprudence considère que dix à douze recherches d'emploi par mois sont en principe suffisantes (cf. ATF 124 V 225 consid. 6 p. 234 ; arrêt C 258/06 du 6 février 2007 consid. 2.2).

5.        a. Le défaut ou l’insuffisance de recherches d’emploi et la remise tardive de recherches d’emploi effectuées représentent des inobservations des prescriptions de contrôle du chômage ou des instructions de l’autorité compétente, visées par l’art. 30 al. 1 let. d LACI. Ces manquements n’atteignent pas forcément le degré de gravité des exemples de telles inobservations que cite cette disposition légale, comme le refus d’un travail convenable, le fait de ne pas se présenter à une mesure de marché du travail ou de l’interrompre sans motif valable, ou encore de compromettre ou empêcher, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but. Il y a en outre une différence de gravité, pouvant appeler à différencier la mesure de la sanction, entre le fait, pour un assuré, de n’effectuer aucune recherche d'emploi ou de produire ses recherches d’emploi après le délai (surtout en cas de léger retard seulement).

Les directives du SECO paraissent assimiler ces deux situations, en prévoyant dans l’un et l’autre cas que la faute est légère et appelle une suspension de 5 à 9 jours lors du premier manquement, que la faute est de légère à moyenne lors d’un deuxième manquement et appelle une suspension de 10 à 19 jours, et que, lors d’un troisième manquement le dossier est renvoyé à l'autorité cantonale pour décision.

b. Le Tribunal fédéral a jugé qu'une sanction identique ne devait pas s'imposer lorsque l'assuré ne faisait aucune recherche d'emploi ou lorsqu'il produisait ses recherches après le délai, surtout s'il s'agissait d'un léger retard qui avait lieu pour la première fois pendant la période de contrôle. Il a ainsi confirmé qu’un formulaire de recherches remis pour la première fois avec cinq jours de retard alors que l’assurée avait fait des recherches de qualité justifiait une sanction, non pas de cinq jours de suspension du droit à l’indemnité, mais uniquement d’un seul jour (arrêt du Tribunal fédéral 8C_2/2012 du 14 juin 2012).

6.        En l'espèce, l’intimé a infligé à la recourante une suspension de trois jours. Dans sa décision initiale, il a motivé cette sanction par le fait que l’intéressée n’avait effectué aucune démarche en mars 2020 et seulement deux en mai 2020 (au lieu de trois). Cela étant, l’intimé a reconnu dans sa décision sur opposition qu’il n’y avait pas lieu de sanctionner l’assurée pour l’absence de recherches en mars 2020, les communications concernant cette période pouvant prêter à confusion. On ajoutera, s’agissant de mars 2020, que l’assurée avait au surplus clairement mentionné sur son formulaire de recherches (reçu en mai 2020 par l’intimé) qu’elle avait été atteinte du coronavirus du 7 au 20 mars 2020.

Ne reste donc plus litigieuse que la question de savoir si le fait de n’effectuer que deux recherches du 1er au 31 mai 2020 justifie une suspension de trois jours, étant précisé que trois autres recherches ont été mentionnées par la recourante pour cette période, qui n’ont toutefois été accomplies que le 4 juin.

A cet égard, la recourante explique qu’elle ignorait que les recherches devaient être effectuées durant le mois civil. Il ressort d’ailleurs de l’examen de ses formulaires précédents que c’est la troisième fois qu’elle procédait de la sorte. Ainsi, en août 2019, huit recherches avaient été effectuées en août et deux en septembre. De même, en novembre 2019, dix recherches concernaient novembre et deux autres le début du mois de décembre. Si, dans le second cas, il est normal que l’attention de l’assurée n’ait pas été attirée sur son erreur (la condition du nombre minimal de dix recherches durant le mois civil étant remplie), il n’en va pas de même de la période d’août 2019. Le conseiller alors en charge de l’intéressée ne semble cependant pas avoir relevé que seules huit recherches sur dix avaient été effectuées durant le mois civil, confortant ainsi l’assurée dans son erreur.

Il est vrai pourtant que le contrat d’objectifs parle de « nombre minimum de recherches à effectuer par mois », étant précisé que lesdites recherches doivent être remises au plus tard le 5 du mois suivant. Il ressort ainsi de la formulation figurant tant dans le contrat d’objectifs que sur le formulaire de recherches que celles-ci concernent le mois civil (cf. à cet égard l’arrêt ATAS/534/2016 du 30 juin 2016).

Néanmoins, la Cour de céans considère que, tout comme il se justifie d’opérer une distinction, en termes de gravité de la faute, entre un assuré qui n’effectue aucune recherche d'emploi et celui qui les produit tardivement, on ne saurait assimiler celui qui n’effectue pas assez de recherches à celui qui en effectue un nombre suffisant – voire, comme en l’occurrence, plus que demandé –, mais en partie au tout début du mois suivant le mois civil considéré.

En l’occurrence, au vu de l’évidente bonne foi de la recourante et de l’ensemble des circonstances, notamment du fait que l’intéressée a effectué en avril 2020 cinq recherches - alors même qu’aucune n’était exigée de sa part ce mois-là - et du fait que son conseiller en personnel a manqué au devoir de diligence qui lui incombait en n’attirant pas plus tôt (dès août 2019) son attention sur son erreur d’interprétation, la Cour de céans considère qu’il se justifie - à titre exceptionnel - de renoncer à toute sanction.

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 12 janvier 2021.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le