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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3377/2019

ATAS/746/2021 du 08.07.2021 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3377/2019 ATAS/746/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 juillet 2021

5ème Chambre

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à LE VAUD, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Grégoire REY

Monsieur B______, domicilié rue ______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Didier De MONTMOLLIN

Maître E______, domicilié cours des Bastions 5, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Michel BUSSARD

 

recourants

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER-CIAM 106.1, rue de Saint-Jean 67, GENÈVE

intimée

 


EN FAIT

A. Aa. La société C______ SA (ci-après : la société ; anciennement D______ SA jusqu’au
19 décembre 2014) a été inscrite au registre du commerce le 10 septembre 1999. Elle avait pour but le développement et la commercialisation de logiciels d’aide
à l’analyse financière et des conseils en investissement. Son personnel était affilié auprès de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes – FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l’intimée). Entre le moment de sa création et celui de sa faillite le 25 mars 2015, sa volonté s’est exprimée notamment par Messieurs E______, administrateur du 10 septembre 1999 au 1er avril 2015, A______, administrateur du 23 mars 2006 au
8 novembre 2012, et B______, administrateur du 10 juin 2002 au 10 mars 2003, puis administrateur, président du 10 mars 2003 au 20 juin 2003 et, enfin, administrateur, président et directeur du 20 juin 2003 au 1er avril 2015. Pendant la durée des mandats évoqués, les trois administrateurs précités étaient au bénéfice d’une signature collective à deux.

Ab. Par décision de sursis au paiement du 10 juillet 2009, la caisse a accordé à la société, à sa demande, un plan d’amortissement en vue du paiement échelonné de cotisations arriérées à hauteur de CHF 67’453.45. Dite décision mentionnait, d’une part, que les décomptes de cotisations courants restaient dus et devaient être payés dans les délais fixés et, d’autre part, que le sursis était caduc si le débiteur ne respectait pas les clauses du plan d’amortissement, la dette entière redevenant alors exigible. Ce premier arrangement a été entièrement honoré par la société.

Ac. Le 13 janvier 2010, la caisse a rendu, à la demande de la société, une seconde décision de sursis au paiement, assortie d’un plan d’amortissement en vue du paiement échelonné de cotisations arriérées à concurrence de CHF 46’453.45. Ce deuxième arrangement a également été respecté.

Ad. Par courrier du 22 octobre 2010 à la caisse, la société a accusé réception
des décomptes de cotisations de juin (CHF 17’539.30), juillet (CHF 15’499.95) et août 2010, et demandé à la caisse de ne pas engager de poursuites, mais de lui accorder un délai à fin novembre 2010 pour régler ces décomptes. À l’appui de sa requête, elle a demandé à la caisse de prendre en considération le fait que la société avait respecté le plan d’amortissement accordé en 2009 et au début 2010 et que les cotisations mensuelles de 2009 avaient toutes été réglées. Historiquement, les recettes du mois d’octobre 2010 étaient les plus faibles de l’année pour la société. Comme les prévisions de recettes pour novembre 2010 étaient plus optimistes, la société pensait pouvoir régler les décomptes de cotisations 2010 en souffrance, d’ici-là.

Ae. Le 3 novembre 2010, la caisse a répondu favorablement au courrier de la société du 22 octobre 2010, en déclarant qu’elle suspendait la procédure de recouvrement des cotisations paritaires de juin, juillet et août 2010 et de divers intérêts moratoires jusqu’à fin novembre 2010.

Af. Par courrier du 2 décembre 2010, la société a fait savoir à la caisse qu’elle avait certes réglé la facture d’intérêts au 30 novembre 2010, mais qu’elle n’avait pas été en mesure de régler les cotisations dues dans le même délai. Aussi a-t-elle demandé
un échelonnement pour le paiement des cotisations de juin à octobre 2010, auxquelles s’ajoutait un décompte complémentaire relatif à 2008. Ces divers postes représentaient, selon ses calculs, un total de CHF 77’619.50 qu’elle proposait de payer à raison de CHF 6’000.- par mois à partir du 31 janvier 2011, tout en assurant que le paiement du solde des cotisations en souffrance aurait lieu dans les meilleurs délais, une fois que la société bénéficierait de liquidités plus importantes.

Ag. Faisant suite à la demande de la société du 2 décembre 2010, la caisse a rendu, le 7 décembre 2010, une décision de sursis au paiement prévoyant le règlement de la somme de CHF 77’619.50 au moyen d’acomptes mensuels de CHF 6’000.- payables à la fin de chaque mois entre le 28 janvier 2011 et le 30 décembre 2012. Un dernier paiement, d’un montant de CHF 5’619.50, était exigible au 30 janvier 2012.

Ah. Par courrier du 5 septembre 2011, la société a informé la caisse qu’elle entendait continuer à payer CHF 6’000.- par mois, conformément à l’arrangement en cours, mais qu’en raison de la baisse du dollar et de l’euro par rapport au franc suisse, et la pression qui en découlait sur la trésorerie, il lui était de plus en plus difficile de s’acquitter des cotisations de l’année 2011 dans les délais prévus. Aussi la société a-t-elle demandé à la caisse de pouvoir suspendre le paiement des cotisations 2011 (à partir d’avril) jusqu’à ce qu’elle se trouve dans une situation de trésorerie plus confortable.

Ai. Par pli du 15 septembre 2011, la caisse a relevé qu’au 7 décembre 2010, date du plan de paiement, le compte de la société présentait un solde débiteur de
CHF 80’210.05. Elle a ajouté qu’à ce jour, la société était même redevable de la somme de CHF 120’987.40, en y incluant les cotisations du mois d’août. Tout
en rappelant qu’elle était tenue, par le législateur, d’appliquer des règles strictes
en matière de délai de paiement et que le but d’un échéancier était de diminuer
sa créance, la caisse s’est toutefois dite consciente de la situation économique actuelle, de sorte qu’elle était disposée à établir un ultime plan de paiement portant sur le montant de CHF 120’987.40, moyennant un amortissement mensuel de
CHF 10’000.- ; dès la comptabilisation d’un premier versement de CHF 10’000.-, la caisse établirait un plan de paiement en bonne et due forme.

Aj. Le 14 octobre 2011, la caisse a rendu une décision de sursis au paiement, annulant celle du 7 décembre 2010, et portant sur les décomptes de cotisations des mois de septembre et octobre 2010 et la période d’avril à août 2011. S’y ajoutaient trois décomptes complémentaires 2008, arrêtés au 13 octobre 2010, respectivement au 8 avril 2011 et au 3 juillet 2011, ainsi que des décomptes d’intérêts moratoires, ce qui représentait, en tout et pour tout, la somme de CHF 110’987.40. Celle-ci était payable au moyen d’acomptes mensuels de CHF 10’000.- dus à la fin de chaque mois entre le 28 octobre 2011 et le 30 juillet 2012. Un dernier paiement, d’un montant de CHF 10’987.40, était exigible au 30 août 2012. Comme elle n’avait reçu que deux versements de la part de la société, en exécution de l’arrangement du
14 octobre 2011, la caisse a annulé celui-ci le 16 mars 2012.

Ak. Le 12 avril 2012, la caisse a informé la société qu’au vu du non-respect, par celle-ci, de l’obligation de payer les cotisations paritaires selon l’arrangement convenu, une infraction pénale avait été commise. Elle a précisé qu’avant de s’adresser au Ministère public, elle impartissait à la société un ultime délai de
dix jours pour fournir des explications sur les paiements en souffrance et faire des propositions pour amortir sa dette qui, au 12 avril 2012, se montait à
CHF 182’613.85.- (y compris le montant de la « part pénale » de CHF 79’795.90 pouvant faire l’objet d’une plainte).

Al. Par courrier du 16 avril 2012, la société a réfuté les accusations de négligence que la caisse avait portées à son encontre le 12 avril 2012 et expliqué que le retard dans le paiement des cotisations s’expliquait par le crash des marchés financiers en 2008 et l’affaire Madoff, événements qui avaient touché les fonds spéculatifs et entraîné la perte de certains clients importants de la société. La situation ne s’était pas améliorée entre 2009 et le début de l’année 2012. Les ventes de la société « continuaient à subir la réduction des montants des contrats existants ». Par ailleurs, la force du franc suisse en 2011-2012 avait réduit de près de 30% les recettes escomptées. En effet, 70% des revenus étaient perçus en USD, EUR ou GBP, tandis qu’environ 70% des dépenses étaient effectuées en francs suisses. La société avait déjà réduit ses effectifs. Entre 2008 et 2012, le nombre de personnes employées était passé de 23 à 14. De plus, la société continuait à contrôler le niveau de ses frais généraux. Son intention était de continuer les paiements mensuels selon le plan de remboursement. Elle avait effectué un paiement de CHF 5’000.- le 11 avril 2012. Et si les flux de trésorerie le permettaient, elle prévoyait de verser à la caisse entre CHF 5’000.- et CHF 10’000.- par mois, voire même de commencer à rembourser les sommes dues qui n’étaient pas comprises dans l’accord passé avec la caisse.

Am. Le 2 mai 2012, la caisse a informé la société qu’elle ne pouvait pas accepter les termes de la demande de remboursement échelonné tels qu’ils ressortaient du courrier du 16 avril 2012, car les précédents plans n’avaient pas été respectés et le solde débiteur du compte de la société ne cessait d’augmenter. En revanche, pour éviter une dénonciation auprès du Ministère public, elle proposait un arrangement portant uniquement sur la part pénale des cotisations. Cet arrangement consistait à obtenir de la société un premier versement de CHF 10’000.- au 15 mai 2012 et des acomptes de CHF 5’850.- dès le 15 juin 2012, jusqu’à règlement de la part pénale de CHF 79’795.90.

An. La caisse ayant reçu, le 2 mai 2012, le premier versement de CHF 10’000.- évoqué, elle a rendu, le 11 mai 2012, une décision de sursis au paiement portant
sur la part pénale des cotisations paritaires sur les périodes de décomptes complémentaires 2008 et 2009, avril à novembre 2011 et janvier 2012. Selon l’échéancier annexé, le montant total faisant l’objet de l’arrangement s’élevait à
CHF 60’481.35, somme qui était payable au moyen d’acomptes mensuels de
CHF 5’850.-, dus au milieu de chaque mois entre le 15 juin 2012 et le 15 mars 2013. Un dernier paiement, d’un montant de CHF 1’981.35 était exigible au 15 avril 2013.

Ao. Le 11 mai 2012 également, la caisse a adressé à la société un extrait de compte pour la période du 1er janvier 2011 au 11 mai 2012, montrant qu’entre ces deux dates, le solde de cotisations dues par la société était passé d’un montant de
CHF 90’596.95 à CHF 199’310.40.

Ap. Le 21 septembre 2012, la caisse a reçu en ses locaux M. B______ et Madame F______, directrice financière de la société.  Ce rendez-vous avait été accordé à la demande du premier nommé suite aux procédures de mainlevée auxquelles la société était partie. M. B______ a expliqué à la caisse que des saisies seraient une catastrophe pour son activité. De son côté, la caisse a rendu les représentants de la société attentifs
au solde restant dû qui avait doublé en un an, malgré les arrangements
des 7 décembre 2010, 14 octobre 2011 et 11 mai 2012, portant sur les montants
respectivement de CHF 77’619.50, CHF 110’987.40 et CHF 60’481.35. Elle leur a également fait savoir que pour diminuer la dette, il était impératif de payer les cotisations courantes en plus des arriérés. Aussi leur a-t-elle demandé de lui soumettre un nouveau plan de paiement prévoyant des versements substantiels.

Aq. Le 27 septembre 2012, la caisse a transmis à la société un extrait de compte pour la période du 1er janvier 2012 au 27 septembre 2012. Ce document révélait qu’entre ces deux dates, le solde de cotisations dues par la société était passé de CHF 146’459.50 à CHF 218’835.65.

Ar. Par courriel du 22 octobre 2012, la caisse a confirmé à la société qu’elle avait suspendu la continuation des poursuites suite à la réception des jugements et qu’elle restait dans l’attente de la nouvelle proposition de paiement de la société.

As. Le 7 novembre 2012, la société a soumis à la caisse une proposition de plan de remboursement.

At. Le 19 novembre 2012, la caisse a fait savoir à la société que dans la mesure où la proposition du 7 novembre 2012 prévoyait une augmentation progressive de l’amortissement et un engagement à régler les cotisations courantes en sus de celles « de » (NDR : probablement « dès ») janvier 2013, elle était prête à accorder un sursis au paiement, moyennant le paiement d’acomptes mensuels de CHF 5’850.- du 15 décembre 2012 au 15 mars 2013 et de CHF 6’000.- du 15 avril au 15 juin 2013. Cet accord impliquait que le premier versement fût effectué d’ici au 15 décembre 2012.

Au. Le 10 janvier 2013, la caisse a rendu une décision de sursis au paiement, correspondant aux conditions annoncées le 19 novembre 2012. Selon l’échéancier reproduit, le montant total à verser (CHF 260’752.65) pouvait être ramené à
CHF 225’202.65 au 15 juin 2013, soit au moment du paiement du dernier acompte mensuel de CHF 6’000.-.

Av. Les 17 avril et 19 août 2013, la Fédération des entreprises romandes, Genève (ci-après : FER Genève) a successivement menacé d’exclusion, puis exclu la société de ses membres, avant de revenir sur cette dernière décision le 2 septembre 2013, après établissement, le 30 août 2013, d’un nouvel arrangement provisoire (jusqu’au 6 janvier 2014), portant sur l’entier de la créance et prévoyant le paiement des cotisations courantes dès juillet 2013. Selon l’échéancier annexé, le montant total de la créance (CHF 264’599.15) pouvait être réduit à CHF 214’599.15 moyennant le versement de cinq acomptes mensuels de CHF 10’000.- entre le 5 septembre 2013 et le 6 janvier 2014.

Aw. Le 10 octobre 2013, la caisse a transmis à la société un extrait du compte de cotisations du 1er janvier 2012 au 9 octobre 2013. Il en ressortait que la dette de la société, d’un montant de CHF 146’549.50 au 1er janvier 2012, s’élevait désormais à CHF 263’267.40.

Ax. Le 6 février 2014, M. B______ a informé la caisse que pour faire face à ses problèmes, la société avait réduit son personnel de 23 employés en 2008 à 9 salariés en 2013 et réduit toutes les dépenses possibles. Dans ce même intervalle, les charges totales de la société avaient diminué de CHF 3’151’000.-
à CHF 1’756’000.-. Ces mesures n’avaient pas empêché l’accroissement de son endettement. Suite à la vérification des comptes financiers de 2012, l’organe de révision avait insisté sur le fait qu’il fallait rapidement trouver des mesures d’assainissement, sinon la société serait dans l’obligation de notifier au Tribunal de première instance son état de surendettement, selon l’art. 725 al. 2 CO. Lors de l’assemblée générale du 7 juillet 2013, le conseil d’administration avait proposé aux actionnaires de souscrire une augmentation du capital, ce qu’ils avaient refusé.
Le conseil d’administration leur avait également annoncé avoir reçu une offre d’achat portant sur tous les actifs de la société pour CHF 500’000.- et cette offre, si elle était acceptée, permettrait à la société de payer ses dettes sociales et une petite partie des dettes restantes. Le conseil d’administration avait également informé les actionnaires qu’ils pouvaient faire une offre concurrentielle jusqu’au
30 septembre 2013. Comme il n’avait reçu aucune proposition dans le délai imparti, le conseil d’administration avait décidé d’accepter l’offre de CHF 500’000.- et jugé opportun de convoquer une assemblée générale afin d’informer les actionnaires et organiser un vote consultatif sur cette décision. Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 10 décembre 2013, 77% des actionnaires présents et représentés avaient voté pour la proposition de vente de tous les actifs sociaux pour la somme de CHF 500’000.-. Alors que le conseil d’administration avait commencé à finaliser la transaction avec l’acquéreur, la société s’était vu notifier, le 7 janvier 2014, une ordonnance du Tribunal de première instance lui faisant interdiction de céder les actifs de l’entreprise. Cette démarche avait été initiée par un actionnaire minoritaire, Monsieur G______, et avait ouvert la voie à une procédure judiciaire appelée à durer plusieurs mois et dont l’effet immédiat avait été de plonger la société dans une situation très précaire. Au vu de ces éléments, le conseil d’administration avait pris toutes les mesures appropriées pour payer les dettes sociales. Cependant, en raison de la requête déposée par M. G______, il se trouvait à présent bloqué, sans y être pour rien, et jusqu’à nouvelle décision du Tribunal.

Ay. Le 18 mars 2014, la caisse a adressé à la société un rappel relatif au sursis au paiement qu’elle avait accordé le 30 août 2013. Il en ressortait que l’échéancier n’avait pas été respecté pour le dernier acompte de CHF 10’000.-, exigible au
6 janvier 2014.

Ba. Par courriel du 28 mars 2014, la société a demandé à la caisse un nouvel arrangement de CHF 10’000.- par mois dès le 30 mai 2014, en attendant que le Tribunal tranche le litige l’opposant à M. G______.

Bb. Le 3 avril 2014, la caisse a informé la société qu’au vu des facilités de paiement qu’elle lui avait déjà octroyées par le passé, elle n’était pas disposée à négocier un nouvel échéancier si la société ne versait pas, d’ici au 15 avril 2014, la dernière mensualité de l’arrangement actuel qui s’élevait à CHF 10’000.-. Sans réception d’une nouvelle proposition de paiement d’ici au 30 avril 2014, la caisse n’aurait
pas d’autre choix que de continuer les procédures de recouvrement civiles et de s’adresser directement aux organes responsables de la société pour la part pénale.

Bc. Le 14 avril 2014, la caisse a reçu, de la part de la société, le montant de
CHF 10’000.- évoqué dans son courrier du 3 avril 2014.

Bd. Par courrier du 25 avril 2014, M. B______ a expliqué en préambule que le conseil d’administration était soumis au calendrier judiciaire et qu’il ne pouvait pas, en l’état, finaliser la proposition de reprise des actifs. En outre, M. B______ se disait conscient qu’entretemps, les décomptes de cotisations continuaient chaque mois et que la dette augmentait. En l’état, il proposait, jusqu’à la décision du Tribunal, un plan de paiement de CHF 10’000.- par mois à partir du 31 mai 2014.

Be. Le 6 mai 2014, la caisse a fait savoir à M. B______ qu’elle ne pouvait accepter sa proposition du 25 avril 2014 et finaliser un nouveau plan de paiement qu’aux conditions suivantes :

-          d’ici au 31 mai 2014, un versement de CHF 30’000.- correspondant à la somme des deux mensualités de retard dans le dernier échéancier (CHF 20’000.-) et de la nouvelle échéance du mois de mai (CHF 10’000.-) et

-          dès le 30 juin 2014, des mensualités de CHF 10’000.-.

Par ailleurs, les cotisations courantes devraient être impérativement payées aux échéances légales dès le mois de mai 2014. À réception des CHF 30’000.-, la caisse confirmerait, par voie de décision, son acceptation définitive, accompagnée du plan de paiement.

Bf. Le 23 mai 2014, M. B______ a expliqué à la caisse que la proposition qu’elle avait faite le 6 mai 2014 se heurtait à un problème de délais, raison pour laquelle la société avait effectué un paiement de CHF 15’000.- au
30 mai 2014. Ce paiement s’inscrivait dans le cadre d’une contreproposition qui prévoyait en outre une deuxième tranche de CHF 15’000.-, ainsi que le paiement des cotisations du mois de mai 2014 dans le courant du mois de juin. Enfin, dès le 30 juillet 2014, la société s’acquitterait de CHF 10’000.- par mois, ainsi que des cotisations courantes.

Bg. Par pli du 10 juin 2014 à M. B______, la caisse a accusé réception du premier versement de CHF 15’000.-, en précisant qu’elle attendait, ce mois encore, le second versement du même montant, ainsi que le paiement des cotisations courantes de mai 2014 pour pouvoir confirmer l’octroi du sursis au paiement.

Bh. Par courriel du 3 juillet 2014, la société a informé la caisse qu’elle avait anticipé le paiement de CHF 10’000.-, exigible au 30 juillet 2014, en l’effectuant le 30 juin 2014. En conséquence, le prochain paiement serait effectué, conformément à l’échéancier, le 29 août 2014.

Bi. Le 4 juillet 2014, la caisse a transmis l’échéancier à la société. Il en ressortait que le montant total à verser s’élevait à CHF 302’998.30 et qu’il avait été réduit de CHF 10’000.- par le paiement anticipé du 30 juin 2014. En tenant encore compte de trois versements de CHF 10’000.- exigibles les 29 août, 30 septembre et 31 octobre 2014, il resterait un solde de CHF 262’998.30 à payer.

Bj. Le 10 juillet 2014, la société a informé la caisse qu’elle s’était vu notifier, le
4 juillet 2014, l’ordonnance du Tribunal de première instance rejetant, sur mesures provisionnelles, la requête de M. G______ tendant à ce qu’il soit fait interdiction à la société de céder les actifs de la société jusqu’à droit jugé sur la contestation
de la décision de l’assemblée générale du 10 décembre 2013. Elle a ajouté que
M. G______ avait 10 jours pour faire appel.

Bk. Par arrêt du 26 septembre 2014, la chambre civile de la Cour de justice a rejeté l’appel interjeté par M. G______ contre l’ordonnance OTPI/948/2014 rendue le
4 juillet 2014 par le Tribunal de première instance.

Bl. Le 18 novembre 2014, la caisse a écrit à la société pour lui accorder une remise de CHF 10’500.- sur le montant total dû. En vue de clore rapidement le dossier, la caisse était disposée à abandonner partiellement (soit à concurrence de ce montant) l’encaissement de taxes de sommation et d’amendes. Le versement du solde dû devait cependant parvenir à la caisse d’ici au 31 janvier 2015. À défaut, la remise de CHF 10’500.- serait caduque et le solde intégralement dû.

Bm. Par jugement du 25 mars 2015, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société.

Bn. Le 3 juin 2015, la caisse a provisoirement produit dans la faillite une créance
de CHF 305’383.40. Le même jour, elle a adressé deux courriers identiques, l’un
à M. B______, l’autre à M. E______, pour les informer que la part pénale s’élevait encore à CHF 49’242.95 et que sans versement ou proposition d’amortissement de ladite part d’ici au 15 juin 2015, elle allait devoir continuer ses procédures de recouvrement.

Bo. Le 17 août 2015, l’office des faillites a informé la caisse que la liquidation sommaire de la faillite avait été ordonnée le 3 août 2015.

Bp. Par pli du 23 novembre 2015, l’office des faillites a transmis à la caisse l’état de collocation dans la faillite, déposé le 24 novembre 2015. Selon ce document, la production provisoire de la créance de la caisse avait été colloquée pour partie en deuxième classe (CHF 247’815.25) et le solde (CHF 57’568.15) en troisième classe. Le dividende probable se montait à 16.11% pour la première classe et à 0% pour la troisième classe.

Bq. Le 5 février 2016, la caisse a produit dans la faillite une créance définitive de CHF 304’645.25, répartie à raison de CHF 247’077.10 et CHF 57’568.10 entre la deuxième et la troisième classe.

Br. Le 9 février 2016, l’office des faillites a délivré à la caisse des actes de défaut
de biens de CHF 57’568.15 et CHF 207’331.07. Selon le tableau de distribution, le dividende se montait à 0% pour la créance de CHF 57’568.15 et 16.0865% pour celle de CHF 247’077.10 colloquée en deuxième classe, permettant ainsi à la caisse de recevoir, le 11 février 2016, un paiement de CHF 39’746.03 de la part de l’office des faillites.

Bs. Le 24 février 2016, la faillite de la société a été clôturée, puis la société a été radiée d’office du registre du commerce.

Bt. Le 29 mars 2016, la caisse a informé MM. E______ et B______, par pli séparé, que suite au dividende de CHF 39’746.03 versé par l’office des faillites, le montant de la part dite « pénale » pouvant faire l’objet d’une dénonciation s’élevait désormais à CHF 13’941.10, montant dont ils étaient invités à s’acquitter d’ici au 11 avril 2016 s’ils entendaient échapper à la continuation de la procédure pénale.

Bu. Le 13 avril 2016, la caisse a encore fait savoir à MM. E______ et
B______ que suite au versement de CHF 13’941.10, effectué le 5 avril 2016 par ce dernier, le montant de la part pénale était désormais soldé.

B. a. Par décision du 8 septembre 2017, la caisse a réclamé à M. B______ la réparation du dommage de CHF 231’468.60 qu’elle avait subi dans la faillite de la société. Elle a précisé que ce montant tenait compte du dividende qui lui avait été alloué et du montant de CHF 13’941.10 qu’il avait versé le 5 avril 2016. Le montant impayé de CHF 231’468.60 correspondait aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC et assurance maternité :

-          des salaires différés 2010, 2011 et 2012 ;

-          des décomptes complémentaires 2009 ;

-          des périodes de juillet à novembre 2011 ;

-          du décompte final 2011 ;

-          du mois de janvier 2012 ;

-          des périodes de mars à décembre 2012 ;

-          des périodes de d’avril à juin 2013 ;

-          des périodes de septembre à décembre 2013 ;

-          des périodes de janvier à avril 2014 ;

-          des périodes de novembre à décembre 2014.

Étant donné que M. B______ avait été administrateur, président et directeur de la société pendant les périodes en question, il était responsable du dommage de CHF 231’468.60.

b. Par décision du même jour, la caisse a réclamé à M. E______, en termes similaires, la réparation du dommage de CHF 231’468.60, en précisant, d’une part, qu’il avait été administrateur de la société pendant les périodes auxquelles se rapportaient les dettes de cotisations demeurées impayées et, d’autre part, que la créance en réparation du dommage était conjointe et solidaire entre les différents responsables. Ainsi, une décision en réparation du dommage avait également
été adressée à M. B______, pour le même montant, ainsi qu’à
M. A______ pour CHF 113’229.15.

c. Le même jour, la caisse a rendu une décision en réparation du dommage à l’encontre de M. A______, pour un montant de CHF 113’229.15, correspondant aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC et assurance maternité :

-          des décomptes complémentaires 2009 ;

-          des périodes de juillet à novembre 2011 ;

-          du décompte final 2011 ;

-          du mois de janvier 2012 ;

-          des périodes de mars à septembre 2012.

Étant donné que M. A______ avait été administrateur pendant les périodes en question, il était responsable du dommage, dont il répondait conjointement
et solidairement avec MM. B______ et E______, à concurrence de CHF 113’229.15.

d. Le 26 septembre 2017, M. A______ a formé opposition à la décision du
8 septembre 2017 le concernant. Pour ce faire, il a renvoyé à deux courriers en pièce jointe, qu’il avait adressés les 7 novembre 2016 et 24 janvier 2017 à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) dans le cadre d’un différend qui l’opposait à cette dernière. Il en ressortait que, dans la mesure où il connaissait
les responsabilités d’administrateur, il avait insisté, à chaque réunion du conseil d’administration de la société, sur la priorité qui devait être donnée aux paiements des cotisations sociales et des impôts, ce qu’il avait réitéré avec insistance en 2011. La direction de la société l’avait assuré qu’elle était en contact avec l’AFC et qu’un accord avait été conclu avec cette dernière en 2012. Aussi considérait-il de bonne foi que le problème des dettes fiscales de la société était réglé. En tant qu’administrateur, il ne pouvait que conseiller, mais pas formuler d’exigences, raison pour laquelle il avait donné sa démission en 2012. Ce faisant, il s’était « soustrait légalement aux responsabilités dans cette affaire ».

e. Le 12 octobre 2017, M. B______ a formé opposition à la décision du 8 septembre 2017, notifiée le 14 septembre 2017, motif pris qu’il avait rencontré à plusieurs reprises les collaborateurs de la caisse entre 2009 et 2014 pour se mettre d’accord sur des plans de paiement qui avaient permis à la société de payer un maximum de cotisations sociales. De surcroît, le conseil d’administration n’était jamais resté passif face aux problèmes de liquidités de la société. Des mesures avaient été prises afin de réduire les charges entre 2008 et 2014 et des efforts avaient été consentis par les membres du conseil d’administration. En effet, ils avaient collectivement décidé, le 4 juin 2013, de postposer des créances dont ils étaient titulaires envers la société pour la somme de CHF 1’169’398.60. Aussi, pour aider la société, M. B______ n’avait personnellement pas perçu de salaire à raison de deux ou trois mois chaque année en 2012, 2013, comme en 2014. Dès 2010, le conseil d’administration avait commencé à chercher un investisseur pour augmenter son capital et régler ses problèmes de trésorerie. En 2013, la société avait reçu une offre de CHF 500’000.- pour le rachat de ses actifs. Cette offre émanait de M. B______ et de son frère. En raison des démarches judiciaires entreprises par M. G______, la société n’avait pu finaliser la cession des actifs sociaux qu’avec effet au 30 décembre 2014. Ce délai entre fin 2013 et fin 2014 avait engendré une augmentation des dettes de la société, que M. B______ chiffrait à CHF 265’431.- pour l’AVS et CHF 142’416.- pour la LPP. Soutenant que la vente des actifs, qui avait rapporté CHF 500’000.- à la société, était la seule solution pour faire rentrer une importante quantité de liquidités dans la société et que sans cette transaction, le dommage subi par les créanciers dans la faillite aurait augmenté d’autant, M. B______ a estimé que le conseil d’administration et lui-même avaient fait le maximum, dans un contexte économiquement difficile, pour permettre à la société d’honorer ses obligations et qu’ainsi, il y avait lieu d’annuler la décision du
8 septembre 2017.

f. Le 12 octobre 2017, M. E______ a formé opposition à la décision du
8 septembre 2017 le concernant. Il a expliqué à titre liminaire que la société avait été principalement active dans le développement et la commercialisation d’un logiciel d’aide à l’analyse financière, dénommé Pack Hedge, utilisé petit à petit
par de nombreuses banques et intermédiaires financiers en lieu et place du logiciel concurrent (Per Trac). L’acquisition de tout nouveau client important permettait non seulement de vendre de nouvelles licences annuelles, mais également de facturer des heures de formation, ainsi que des services annexes. La société, dont il était fondateur et administrateur depuis 1999, avait connu, en 2002, une première période économique difficile. Il avait alors cherché et trouvé, en la personne de
M. B______, un investisseur externe prêt à amener les liquidités nécessaires pour assurer la survie et le développement de la société, ce qui n’avait pas empêché cette dernière, en raison de la crise financière de 2008, de voir le nombre de ses clients passer de 120 à 88 entre 2008 et fin 2014. Parallèlement à cette évolution défavorable, le franc fort avait été à l’origine d’une diminution d’environ 30% des rentrées financières, par le simple fait des variations des cours monétaires. Étant donné qu’il avait convaincu M. B______ et d’autres personnes d’investir dans la société – plus de CHF 4’000’000.- pour le premier et CHF 1’500’000.- pour les autres –, M. E______ n’avait pas pu se résoudre à les abandonner dans une période économique difficile. C’était par loyauté envers M. B______ qu’il était resté administrateur de la société jusqu’à sa faillite. Malgré le dommage que cette dernière avait causé aux créanciers, la décision du 8 septembre 2017 devait être annulée dans la mesure où la caisse n’avait en définitive pas subi de dommage. En effet, lors de la vente des actifs de la société à D______SA, une clause avait été négociée dans le contrat de cession d’actifs, aux termes de laquelle « les parties déclarent explicitement que toutes les dettes du vendeur sont exclues de la transaction et [qu’il] appartient au vendeur seul de les assumer ; le vendeur s’engage à indemniser l’acheteur pour toutes demandes liées à ces dettes. Cependant, les dettes liées aux employés, citées dans la législation relative au transfert de patrimoine, font exception ; il appartient ainsi principalement au vendeur de les assumer, mais s’il n’est pas en mesure de le faire, l’acheteur est également responsable de leur paiement ».

En l’espèce, la société avait été dissoute par jugement du 25 mars 2015. Il était donc indéniable qu’elle n’était plus en mesure d’assumer ses obligations financières et qu’il revenait donc à D______ SA de les assumer et à la caisse de s’adresser à elle pour l’intégralité des cotisations non payées. Subsidiairement, les conditions de l’art. 52 LAVS n’étaient pas remplies dans la mesure où l’action de M. E______ au sein du conseil d’administration avait toujours eu pour but
le paiement des dettes sociales et des salaires de la société, le fait d’attirer de nouveaux investisseurs et clients. Il avait également renoncé à certaines créances qu’il avait envers la société ou accepté qu’elles fussent postposées. De plus, il avait souscrit plusieurs augmentations de capital dans le but de permettre à la société d’obtenir du capital frais. Enfin, lorsque la seule solution propre à assurer l’emploi des salariés et le désintéressement d’un maximum de créanciers s’était avérée
être la cession de l’activité de la société, il avait insisté non seulement pour que
le prix de vente (CHF 500’000.-) couvre les dettes sociales, mais aussi pour que l’acquéreur se porte solidairement responsable du paiement de ces mêmes dettes. Il avait ainsi toujours agi diligemment dans le sens d’un paiement prioritaire, par la société, de ses dettes sociales, conformément à ce qui était aujourd’hui attendu d’un administrateur, de sorte que la décision du 8 septembre 2017, le condamnant à verser CHF 231’468.60 à la caisse devait être annulée.

g. Par décision du 30 juillet 2019, la caisse a rejeté l’opposition de M. A______ motif pris qu’il avait été administrateur avec signature collective à deux entre mars 2006 et novembre 2012 et que le dommage réclamé portait sur une période d’un peu plus d’un an précédant sa démission. Ce qui s’était passé après son départ du conseil d’administration ne le concernait plus et la caisse ne lui réclamait d’ailleurs pas le dommage qui s’y rapportait. En revanche, pendant qu’il revêtait les fonctions d’administrateur, il ne suffisait ni de prétendre avoir insisté – lors des conseils d’administration – pour que les dettes sociales fussent réglées, ni de se fier à « l’accord crédible » négocié par la direction de la société et la caisse en 2012, pour être exonéré de toute responsabilité. Comme l’insistance dont il prétendait avoir fait preuve n’avait pas été suivie d’effets, il aurait dû en tirer les conséquences, à savoir démissionner plus tôt ou faire en sorte que les paiements à la caisse soient faits. Il ne pouvait pas se contenter d’une déclaration selon laquelle un accord avait été trouvé avec la caisse pour le règlement des dettes. S’il avait demandé à cette dernière un relevé de compte, elle le lui aurait adressé, compte tenu de sa fonction d’administrateur. Dans ce cas, il aurait pu constater l’ampleur de la dette, et le fait qu’elle ne diminuait pas malgré les arrangements puisque les cotisations courantes n’étaient pas payées dans les délais. Enfin, le fait d’avoir renoncé à toute rémunération ne modifiait pas non plus sa responsabilité.

h. Par décision du 30 juillet 2019, la caisse a rejeté l’opposition formée par
M. B______. La caisse avait certes pu constater que certaines mesures avaient été prises, au fil des années, par les responsables de la société pour tenter de résoudre les difficultés et juguler les dettes de cotisations sociales. Ces mesures n’avaient cependant pas suffi et la société avait continué à maintenir du personnel, avec toutes les conséquences en termes de charges sociales que cela impliquait, malgré le fait que les clients n’étaient pas plus nombreux, bien au contraire. Les baisses de personnel dataient surtout de l’époque précédant les périodes lors desquelles les cotisations sociales étaient restées impayées, époque pendant laquelle la société avait eu des difficultés à verser les cotisations sociales mais y était tout de même parvenue. Les espoirs du conseil d’administration, qui n’était effectivement pas resté passif, s’étaient cependant révélés vains. Aussi la caisse était-elle d’avis que le maintien en vie de la société, dans les circonstances de l’époque, pendant plusieurs années, sans que ne soient versées les cotisations sociales, respectivement sans respect intégral des arrangements octroyés par la caisse, constituait une négligence grave de la part des dirigeants de la société, dont les obligations liées à la fonction concernaient précisément le paiement en temps et en heure des charges sociales. M. B______, qui était l’un des dirigeants de la société, avait cru jusqu’au bout que la société pouvait s’en sortir ; à tort. Or, ce n’était pas à l’AVS, à savoir à tous les cotisants, de subir les effets de la crise économique via le non-paiement des cotisations sociales par la société. Par ailleurs, le fait que M. B______ ait consenti à des efforts sur le plan de sa propre rémunération n’était pas pertinent pour apprécier sa responsabilité. Il en allait de même du fait de ne pas avoir utilisé de l’argent appartenant à la société à son profit ou au profit de tiers. Comme il avait été organe formel de la société pendant toute la période pendant laquelle les cotisations sociales n’avaient pas été versées, sa responsabilité était engagée à hauteur de
CHF 231’468.60.

i. Par décision du même jour, la caisse a rejeté l’opposition de M. E______ pour les mêmes motifs que ceux qui l’avaient amenée à rejeter l’opposition formée par M. B______. En outre, elle a considéré que le fait que M. E______ ait relancé régulièrement M. B______ pour s’assurer que la société respectait ses engagements ou négociait des arrangements n’était pas suffisant. Ses rappels sur la nécessité absolue de payer en priorité les charges sociales de la société n’avaient manifestement pas été pris en considération et il aurait dû en tirer les conséquences, à savoir soit démissionner, soit faire en sorte que les paiements fussent effectués. Même si la caisse comprenait qu’il était délicat pour M. E______, vu sa position d’administrateur et d’avocat de la société, de démissionner alors qu’il avait fait en sorte que M. B______ investisse dans la société et rejoigne le conseil d’administration, il n’en demeurait pas moins que, ni le désir de loyauté de M. E______, ni l’utilité qu’il avait, de par son expertise, pour la société et ses salariés, ne permettaient de l’exonérer de sa responsabilité pour le défaut de paiement des cotisations sociales. Enfin, le fait que D______ SA, en tant qu’acquéreuse de l’actif social, se fût engagée contractuellement vis-à-vis de la société à assumer le paiement des « employees debts » ne modifiait en rien la qualité de débitrice de cette dernière, respectivement et subsidiairement la qualité de débiteur de M. E______ en tant qu’organe. S’il considérait que c’était à D______ SA de réparer le dommage subi par la caisse, il lui était loisible, une fois le paiement de CHF 231’468.60 effectué, d’ouvrir, par la voie civile, une action récursoire contre D______ SA. En revanche, la caisse n’était pas en mesure d’exonérer M. E______ de sa responsabilité en raison des arrangements pris avec D______ SA, pas plus qu’elle n’était habilitée à agir contre cette dernière.

C. a. Le 16 septembre 2019, les destinataires des décisions sur opposition du 30 juillet 2019, assistés chacun d’un avocat, ont interjeté recours contre celles-ci devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant, sous suite de dépens, à leur annulation et à ce qu’il soit dit et constaté qu’ils n’étaient redevables d’aucun montant envers l’intimée sur la base de leur activité d’administrateur de la société.

b. Le 11 octobre 2019, l’intimée a conclu au rejet de chacun des recours interjetés et invité la chambre de céans à ordonner la jonction des causes A/3377/2019, A/3384/2019 et A/3440/2019.

b/aa. Dans sa réponse à M. A______, l’intimée a réitéré dans les grandes lignes les arguments développés dans la décision litigieuse, ajoutant qu’elle contestait, d’une part, avoir commis une faute concomitante – en accordant un certain nombre d’arrangements à la société – et, d’autre part, que la créance était prescrite.

b/bb. Dans sa réponse à M. B______, identique en substance à celle donnée à M. A______, l’intimée a ajouté que le fait qu’une procédure pénale ouverte contre M. B______ (pour détournement de l’impôt à la source) ferait prochainement l’objet d’un classement n’était pas de nature à modifier sa position. En effet, les conditions d’application des dispositions pénales en matière de fiscalité n’étaient pas comparables à celles qui étaient en jeu dans le cadre de la procédure en réparation du dommage résultant du non-paiement des cotisations sociales.

b/cc. Dans sa réponse à M. E______, l’intimée a indiqué qu’en tant que
ce dernier invoquait, pour la première fois dans la procédure, que des salaires déclarés auprès de l’intimée n’auraient en réalité jamais été versés, le montant du dommage pouvait en principe être rectifié. Toutefois, les remarques faites par
M. E______ n’étaient pas assez précises, en l’état, pour envisager une telle rectification.

c. Le 25 octobre 2019, la chambre de céans a ordonné la jonction des causes A/3377/2019, A/3384/2019 et A/3440/2019 sous le numéro de cause A/3377/2019, transmis aux recourants les trois réponses de l’intimée du 11 octobre 2019, ainsi que le bordereau de pièces, et leur a imparti un délai pour se déterminer.

d. Par réplique du 22 novembre 2019, M. B______ a soutenu que le dies a quo du délai de prescription correspondait au 3 juin 2015 et qu’en rendant sa décision en réparation du dommage le 7 septembre 2017, sa créance était prescrite.

e. Le 6 décembre 2019, MM. A______ et E______ ont répliqué en soutenant, chacun pour leur part, que l’intimée avait eu une connaissance suffisante de son dommage le 17 août 2015 au plus tard – date à laquelle l’office des faillites avait informé l’intimée de la liquidation sommaire de la faillite – et qu’ainsi, la créance en réparation du dommage était prescrite. Par ailleurs, dans la mesure
où l’intimée avait laissé s’accroître sa créance envers la société d’un montant initial de CHF 67’453.45 pour atteindre un total de CHF 305’383.40 au gré de onze arrangements accordés à partir du 10 juillet 2009, elle avait commis une faute concomitante justifiant la réduction, sinon la suppression, de l’obligation de réparer le dommage.

f. Par écriture spontanée du 10 janvier 2020, l’intimée a indiqué que le dies a quo correspondait à la date de la consultation par ses soins de l’état de collocation
(16 décembre 2015) et qu’elle n’avait commis aucune faute concomitante en l’absence de manquements grave dans l’application des prescriptions en matière de fixation et de perception des cotisations.

g. Par pli du 24 août 2020, l’intimée a informé la chambre de céans qu’au vu d’un arrêt ATAS/79/2020 du 30 janvier 2020, aujourd’hui définitif, elle ne réclamait
plus aux trois recourants les cotisations « assurance maternité » mentionnées dans les décisions litigieuses et qu’ainsi, les montants du dommage qu’elle persistait à réclamer se montaient à :

- CHF 112’602.75 pour M. A______ ;

- CHF 230’163.50 pour M. B______ ;

- CHF 230’163.50 pour M. E______.

h. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 24 septembre 2020, M. B______ a indiqué que le logiciel Pack Hedge était utilisé au départ pour les fonds spéculatifs (« Hedge Funds ») et, par la suite, par des intermédiaires financiers qui pouvaient être des banques, des family offices, des assurances, etc. Les affaires de la société avaient commencé à se péjorer à partir de la crise de 2008.

M. E______ a déclaré pour sa part que M. G______ avait non seulement fondé la société avec lui mais aussi développé, avec son équipe, le logiciel Pack Hedge. M. G______ en était très fier et pensait qu’il allait lui rapporter une fortune. Lorsque M. B______ était entré dans la société et avait amené des fonds, il avait reçu en contrepartie un actionnariat majoritaire, étant entendu que la société, à ce moment-là, était proche de la faillite et qu’elle y avait alors échappé à la faveur des fonds injectés par M. B______. Depuis lors, M. G______ n’était pas satisfait de la nouvelle composition de l’actionnariat parce qu’il avait l’impression qu’on lui volait son invention. Aussi n’avait-il eu de cesse, par la suite, de mettre des bâtons dans les roues de la société, ce qui expliquait son opposition à la cession d’actifs dont la levée par les tribunaux avait pris une année. Pendant la durée de la procédure civile, les actifs de la société avaient fondu et bien que la vente ait pu être réalisée, il n’avait pas été possible d’éviter la faillite.

Également entendu par la chambre de céans, M. A______ a indiqué que lorsqu’il avait quitté la société en 2012 – essentiellement pour des raisons d’âge –, il avait eu des discussions avec MM. B______ et E______. Ceux-ci lui avaient alors confirmé qu’il y avait eu un accord avec l’intimée sur le paiement des cotisations sociales et qu’ils travaillaient sur cet accord pour payer les cotisations. Étant lui-même gestionnaire de fortune, il considérait que le Pack Hedge était un « super produit » et que la société allait non seulement survivre mais probablement se redresser. Il savait que M. G______ était un actionnaire minoritaire difficile mais à cette époque, il n’y avait pas encore d’action judiciaire.

Pour sa part, la représentante de l’intimée a maintenu que le point de départ subjectif du délai de prescription coïncidait avec la date du dépôt de l’état de collocation en novembre 2015. Pour le surplus, elle a persisté dans ses conclusions dont les chiffres avaient été réactualisés récemment.

i. Dans leurs déterminations finales du 26 octobre 2020, les parties ont réitéré, en synthèse, les arguments développés à l’appui de leurs conclusions et renvoyé à leurs précédentes écritures.

j. Le 28 octobre 2020, la chambre de céans a transmis à chaque partie, pour information, une copie des déterminations finales des autres parties à la procédure.

k. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire,
du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56
de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du
6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS – RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, le recours étant dirigé contre une décision rendue sur opposition fondée sur la LAVS.

b. Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. L’art. 52 al. 5 LAVS doit être compris en ce sens que les actions en réparation du dommage contre les personnes morales et leurs organes doivent être ouvertes au for du siège de la société, respectivement au for du siège qui était le sien avant la faillite, ceci indépendamment du domicile des organes recherchés (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

Dès lors que la société avait son siège dans le canton de Genève avant sa faillite, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

c. Les recours ont été interjetés en temps utile (art. 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA –
E 5 10).

Touchés par les décisions attaquées et ayant un intérêt digne de protection à leur annulation ou modification, MM. A______, B______ et E______ ont qualité pour recourir (art. 59 LPGA).

Leurs recours sont donc recevables.

2.        L’objet du litige porte sur la responsabilité des recourants pour le dommage subi par l’intimée en raison du défaut de paiement des cotisations sociales par la société.

3.        L’art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 et suivants du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS – RS 831.101), prescrit que l’employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux caisses les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l’objet de décisions. L’obligation de l’employeur de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi (ATF 118 V 193 consid. 2a et les références).

4.        L’art. 52 LAVS régissant la responsabilité de l’employeur a été modifié le
1er janvier 2020. Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c’est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d’espèce, et la loi sera citée dans son ancienne version (art. 52 aLAVS).

En vertu de l’art. 52 aLAVS, l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation est tenu à réparation (al. 1). Si l’employeur est une personne morale, les membres de l’administration et toutes les personnes qui s’occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d’un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L’employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

5.        À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

a. Les délais prévus par l’art. 52 al. 3 aLAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2 ; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2). Cela signifie qu’ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l’art. 52 al. 1 aLAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d’opposition ou la procédure de recours qui s’ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

Le dommage survient dès que l’on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 195 consid. 2.2 ; 126 V 444 consid. 3a ; 121 III 384 consid. 3bb). Tel sera le cas lorsque des cotisations sont frappées de péremption, ou en cas de faillite, en raison de l’impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu au moment de l’avènement de la péremption ou le jour de la faillite; ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans de l’ancien art. 82 al. 1 in fine RAVS (ATF 129 V 195 consid. 2.2 ; 123 V 16 consid. 5c).

b. Selon la jurisprudence rendue à propos de l’ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l’empire de l’art. 52 al. 3 aLAVS (arrêt du Tribunal fédéral H.18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l’attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d’exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l’obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

En cas de faillite, le dommage est en règle générale déjà suffisamment connu lorsque la collocation des créances est publiée, respectivement lorsque l’état de collocation (et l’inventaire) est déposé pour être consulté (ATF 126 V 444 consid. 3a, ATF 121 V 236 consid. 4a, ATF 119 V 92 consid. 3 et les références citées). Ces principes s’appliquent aussi en cas de faillite liquidée par la procédure sommaire car le jugement ordonnant la liquidation sommaire ne permet pas à lui seul de connaître le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.3 et les références).

c. S’agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit : tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse – CO, Code des obligations – RS 220). Cette notion d’acte judiciaire des parties doit être interprétée largement (ATF 106 II 35 consid. 4), tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l’inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d’une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l’instance (cf. ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l’opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

6.        En l’espèce, il est constant que le dommage s’est produit le 25 mars 2015, soit au moment du prononcé de la faillite. En revanche, les recourants soutiennent que l’intimée est réputée avoir eu une connaissance suffisante du dommage le 3 juin 2015 – soit au moment où elle a produit provisoirement une créance totale de
CHF 305’383.40 dans la faillite – mais au plus tard le 17 août 2015, date à laquelle l’office des faillites l’a informée que la liquidation sommaire avait été ordonnée
le 3 août 2015. Partant, en rendant sa décision en réparation du dommage le 8 septembre 2017, sa créance aurait été prescrite.

La chambre de céans ne saurait se rallier à ce raisonnement pour plusieurs motifs.
Il sied de rappeler en premier lieu qu’en règle ordinaire, la caisse de compensation est en mesure d’estimer suffisamment l’étendue de son dommage au moment du dépôt de l’état de collocation. Inversement, la partie lésée peut exceptionnellement, en raison de circonstances spéciales, acquérir la connaissance nécessaire avant le dépôt de l’état de collocation ; c’est en particulier le cas lorsqu’elle apprend de l’administration de la faillite, à l’occasion d’une assemblée des créanciers, qu’aucun dividende ne pourra être distribué aux créanciers de sa classe. L’existence de telles circonstances ne sera cependant admise qu’avec retenue (ATF 118 V 193 consid. 3b). Dans le cas particulier, la chambre de céans constate que dans sa production provisoire du 3 juin 2015, correspondant à une créance totale de
CHF 305’383.40, l’intimée réservait précisément toutes « modifications pouvant intervenir, dues à des éléments nouveaux non connus à ce jour, notamment les salaires produits dans la faillite dont [elle n’aurait] connaissance que lors du
dépôt de l’état de collocation » (cf. pce. 18 intimée). On ajoutera que parmi
les « modifications pouvant intervenir », il y avait notamment les suites de la mise en demeure, également adressée le 3 juin 2015, à MM. B______ et A______, portant sur la somme de CHF 49’242.95 dont le paiement (ou à tout le moins une proposition de paiement) devait parvenir à l’intimée d’ici au 15 juin 2015 (pces 77 et 78 intimée). Il est vrai qu’entre la production provisoire du 3 juin 2015 et l’état de collocation déposé le 24 novembre 2015, le montant de la créance totale n’a pas changé dans le cas particulier (CHF 305’383.40), notamment parce que la mise en demeure du 3 juin 2015 est restée sans suite le 15 juin 2015 (et même au-delà). Il n’en reste pas moins que pour réduire le risque d’une procédure en réparation du dommage prématurée et inutile (car fondée sur un montant du dommage qui s’est modifié et n’a pu être arrêté qu’au moment du dépôt de l’état de collocation), il convient de veiller à ce que la décision en réparation du dommage, qui précède l’action judiciaire, soit prononcée dans le délai, « considéré comme nécessaire et absolument suffisant [de deux ans] » à compter du dépôt de l’état de collocation et de l’inventaire (RCC 1990, p. 415 consid. 3c). En fixant à ce moment la connaissance suffisante du dommage, le risque d’entreprendre « des procédures improductives reste minime » (ibidem). On ajoutera qu’en l’occurrence, l’intimée n’a appris qu’à la suite du dépôt de l’état de collocation que le dividende probable s’élèverait à 16.11% pour la deuxième classe, respectivement 0% pour la troisième classe. L’espèce à juger se distingue donc clairement de l’hypothèse évoquée dans l’ATF 118 V 193 précité, dans laquelle un avancement du dies a quo se justifie
à titre exceptionnel en raison d’une annonce émanant de l’administration de la faillite, précédant le dépôt de l’état de collocation et informant la caisse qu’aucun dividende ne pourra être distribué aux créanciers de sa classe. On soulignera enfin que l’annonce de la liquidation sommaire, faite le 17 août 2015 par l’office des faillites, ne saurait pas non plus faire partir le délai de prescription de deux ans puisque cette information ne permet pas, à elle seule, de connaître le dommage (cf. ci-dessus : consid. 5b in fine) qui, on l’a vu, était tout à fait susceptible de se modifier jusqu’au dépôt de l’état de collocation.

Il s’ensuit qu’en rendant ses décisions en réparation du dommage le 8 septembre 2017, l’intimée a agi dans les limites des délais de prescription relatif et absolu de deux, respectivement cinq ans.

Par ailleurs, le délai de prescription de cinq ans courant dès le 25 mars 2015 et
le délai de prescription de deux ans courant dès le 24 novembre 2015 ont été interrompus, tant par les décisions en réparation du dommage du 8 septembre 2017, que par les décisions sur opposition du 30 juillet 2019, puis les recours du
16 septembre 2019.

7.        a. Dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2012, l’art. 52 al. 2 aLAVS codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l’employeur est une personne morale, la responsabilité peut s’étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d’une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 aLAVS ne permet ainsi pas de déclarer l’organe d’une personne morale directement débiteur des cotisations d’assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu’il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

b. La notion d’organe selon l’art. 52 aLAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l’art. 754 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 234/02 du 16 avril 2003 consid. 7.3 publié in REAS 2003 p. 251).

En matière de responsabilité des organes d’une société anonyme, l’art. 52 aLAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l’organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a; ATF 117 II 432 consid. 2b ; ATF 117 II 570 consid. 3 ; ATF 107 II 349 consid. 5a ; Thomas NUSSAUMER, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d’un dommage selon l’art. 52 LAVS, in RCC 1991,
p. 403).

Au contraire des organes de fait, les organes formels répondent indépendamment de leur fonction ou de leur influence sur la marche des affaires de la société. Le fait qu’ils disposent d’un pouvoir de signature et les motifs de leur mandat sont également sans importance (cf. ATF 114 V 211 consid. 4). En présence d’un organe formel, il n’est pas nécessaire d’examiner s’il répond à la notion d’organe matériel (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 34/04 du 15 septembre 2004
consid. 5.3.2).

c. Si plusieurs personnes sont responsables d’un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (art. 52 al. 2, 2ème phrase aLAVS). La responsabilité solidaire autorise la caisse de compensation à procéder contre l’ensemble ou seulement quelques-uns des auteurs du dommage, cas échéant contre un seul d’entre eux (ATF 134 V 306 consid. 3.1).

d. Au plan temporel, un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement des cotisations qui sont venues à échéance et qui auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d’administration et celui où il a quitté ses fonctions (ATF 134 V 401 consid. 5.1).

e. En l’occurrence, l’intimée réclame aux trois recourants, pris conjointement et solidairement entre eux, la réparation d’un dommage de CHF 113’229.15 (diminué des cotisations d’assurance-maternité [CHF 626.40] à CHF 112’602.75 selon la proposition de l’intimée du 24 août 2020), respectivement à deux d’entre eux
(soit MM. B______ et E______), pris conjointement et solidairement entre eux, la réparation d’un dommage de CHF 231’468.60, diminué des cotisations d’assurance-maternité (CHF 1’305.10) à CHF 230’163.50 selon la proposition de l’intimée du 24 août 2020).

Alors que le montant de CHF 113’229.15 correspond aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC et assurance maternité (y compris les frais administratifs, les intérêts moratoires et les taxes de sommation) et porte sur des décomptes complémentaires 2009, des périodes de juillet à novembre 2011, le décompte final 2011, le mois de janvier 2012 et les mois de mars à septembre 2012, le montant de CHF 231’468.60 englobe non seulement les cotisations dues jusqu’à septembre 2012, il comprend également les cotisations, frais administratifs, intérêts moratoires et taxes de sommation dus jusqu’à décembre 2014.

Étant donné que M. A______ a été inscrit au registre du commerce en tant qu’administrateur du 23 mars 2006 au 8 novembre 2012, alors que les deux autres recourants y ont été inscrits en qualité d’administrateur, président et directeur, respectivement administrateur à tout le moins jusqu’à la faillite de la société
le 25 mars 2015, M. A______ revêtait la qualité d’organe formel seulement jusqu’au 8 novembre 2012, de sorte qu’il ne saurait être tenu pour responsable du dommage résultant des cotisations qui auraient dû être versées après son départ du conseil d’administration. MM. B______ et E______ répondent donc en principe – et de manière subsidiaire (ci-dessus : consid. 7a) – du dommage à concurrence de CHF 231’468.60, tandis que M. A______ ne peut en principe être recherché que pour le montant de CHF 113’229.15.

8.        Dans un premier moyen, M. E______ soutient que l’intimée n’aurait en réalité pas subi de dommage puisqu’aux termes de la convention de cession d’actifs conclue entre la société et D______ SA, cette dernière était tenue d’assumer les dettes liées aux employés si la société n’était pas en mesure de le faire.

Cette argumentation ne saurait être suivie. En effet, selon le système légal, la responsabilité de droit public instituée par l’art. 52 LAVS est le corollaire des obligations que l’employeur – i.e. celui qui verse à des personnes obligatoirement assurées une rémunération au sens de l’art. 5 al. 2 LAVS (cf. art. 12 al. 1 LAVS) – assume, notamment, en matière de perception des cotisations et de versement des prestations (BINSWANGER, Kommentar zum AHVG, note 1 ad art. 52; ATF 96 V 124; voir également le message du Conseil fédéral relatif à un projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1946 II 437 et 529). Cette norme ne vise donc pas n’importe quel dommage invoqué par une caisse de compensation : par définition, ce dernier doit être la conséquence d’un acte ou d’une omission relevant des tâches que la loi attribue à l’employeur. En matière de cotisations, qui représente le champ d’application principal de l’art. 52 LAVS, l’employeur responsable ne peut donc être que la personne (physique ou morale) qui était chargée, en tant qu’organe d’exécution de la loi, de la perception des cotisations et du règlement des comptes, conformément à l’art. 14 al. 1 LAVS en corrélation avec les art. 34 ss RAVS (ATF 119 V 389 consid. 5a et les références).

Or, dans le cas particulier, D______ SA n’avait à l’évidence aucune obligation découlant de la LAVS en matière de retenue et de paiement des cotisations d’assurances sociales dues sur les rémunérations versées par la société. Cela suffit à exclure une responsabilité de D______ SA, fondée surl’art. 52 aLAVS, pour le dommage résultant du non-paiement des cotisations par la société faillie.

9.        Il sied d’examiner à présent si les recourants ont violé intentionnellement ou par négligence les devoirs leur incombant et s’il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les manquements qui leur sont imputables et le préjudice subi, dont le montant est contesté par M. E______.

10.    La négligence grave mentionnée à l’art. 52 al. 1 aLAVS est admise très largement par la jurisprudence. Se rend coupable d’une négligence grave l’employeur qui ne respecte pas la diligence que l’on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d’un employeur de la même catégorie. Dans le cas d’une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention que la société doit accorder, en tant qu’employeur, au respect des prescriptions de droit public sur le paiement des cotisations d’assurances sociales. Les mêmes exigences s’imposent également lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (arrêt du Tribunal fédéral 4C_31/2006 du
4 mai 2006 consid. 4.6). La haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion est une attribution intransmissible et inaliénable du conseil d’administration conformément à l’art. 716a CO (arrêt du Tribunal fédéral 9C_839/2016 du 4 juillet 2017 consid. 5.2). Dans le cadre de l’exercice de cette haute surveillance, l’administrateur répond de la cura in custodiendo. C’est ainsi qu’il a non seulement le devoir d’assister aux séances du conseil d’administration, mais également l’obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires. Il est tenu de prendre les mesures appropriées lorsqu’il a connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, d’irrégularités commises dans la gestion de la société. Ce devoir de surveillance incombe à tous les membres du conseil d’administration, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein du conseil d’administration (ATF 114 V 219 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.3 et les références).

Celui qui appartient au conseil d’administration d’une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l’acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1 in SJ 2005 I 272). Il en va de même lorsque, en raison de la répartition interne des fonctions administratives, il incombe en premier lieu à certains administrateurs de veiller au paiement des cotisations (arrêts du Tribunal fédéral 9C_961/2012 du 18 mars 2013 consid. 4.2 et 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.3 et les références, arrêt du Tribunal fédéral des assurances
H 40/05 du 29 novembre 2005 consid. 4). Les autres administrateurs n’en sont pas moins tenus de s’enquérir de la situation et de prendre les mesures nécessaires en cas de retard dans le paiement des cotisations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 262/03 du 14 octobre 2004 consid. 4.2).

La négligence grave est également donnée lorsque l’administrateur n’assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n’exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d’administration conformément à l’art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d’administrateur tout en sachant qu’elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l’angle de l’art. 52 aLAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l’homme de paille, ne peut s’exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 87/04 du 22 juin 2005 consid. 5.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 234/00 du 27 avril 2001 consid. 5d). L’administrateur qui, de facto, est exclu de la gestion doit s’efforcer de manière d’autant plus durable d’avoir accès aux livres de compte (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2011 du
8 juillet 2011 consid. 4.2).

Commet également une faute grave l’organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; voir également l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1) ou celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu’il se trouvait, en raison de l’attitude du tiers, dans l’incapacité de prendre les mesures qui s’imposaient s’agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l’incapacité d’exercer son devoir de surveillance (cf. par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3, arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2, arrêt du Tribunal fédéral 9C_351/2008 consid. 5.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 224/06 du 10 décembre 2007 consid. 6).

11.    a. La survenance d’un dommage ne suffit pas à conclure à une faute qualifiée au sens de l’art. 52 al. 1 aLAVS. Toutefois, la caisse de compensation qui subit un dommage du fait d’une violation des prescriptions peut partir du principe que l’employeur ou ses organes ont transgressé ces prescriptions de manière intentionnelle ou par négligence grave, lorsqu’il n’existe pas d’indication plaidant en faveur de la licéité de leur comportement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_228/2008 du 5 février 2009 consid. 4.2.1). Ainsi, il existe une présomption d’une faute qualifiée de l’employeur ou de ses organes, ce qui implique un devoir de collaborer accru de la personne recherchée sur ce point. L’employeur et ses organes doivent ainsi procéder aux offres de preuve nécessaires pour exclure une intention ou une négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral 9C_325/2010 du 10 décembre 2010 consid. 4.1).

b. Dans certaines circonstances, un employeur peut causer intentionnellement un préjudice sans être dans l’obligation de le réparer, lorsqu’il retarde le paiement des cotisations pour maintenir son entreprise en vie, lors d’une passe de trésorerie difficile. Mais il faut alors, pour qu’un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l’art. 52 LAVS, que l’on puisse admettre que l’employeur avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu’il pourrait s’acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). À cet égard, la seule expectative que la société retrouve un équilibre financier ne suffit pas ; il faut des éléments concrets et objectifs selon lesquels on peut admettre que la situation économique de la société se stabilisera dans un laps de temps déterminé et que celle-ci recouvrera sa capacité financière (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 163/06 du 11 juin 2007 consid. 4.4). Ce qui est déterminant, ce n’est pas de savoir si l’employeur croyait réellement que l’entreprise pouvait être sauvée et que les cotisations seraient payées dans un proche avenir ; il s’agit bien plutôt d’examiner si une telle attitude était alors défendable, objectivement, aux yeux d’un tiers responsable (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 19/07 du 10 décembre 2007 consid. 4.1). Un non-paiement des cotisations pendant une période relativement brève n’exclut pas forcément une faute grave mais ne saurait, à lui seul – en l’absence d’autres circonstances –, être qualifié de négligence grave (ATF 121 V 243 consid. 4b). Une période « relativement brève » de non-paiement des cotisations (respectivement la reprise du paiement dans un « proche avenir ») est dépassée lorsque l’obligation de payer les cotisations est violée pendant plus d’une année (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2007 du 17 septembre 2007 consid. 3.1), en particulier lorsqu’il n’existe pas, dans le même temps, un plan d’assainissement concret, notamment d’un point de vue temporel (arrêt du Tribunal fédéral H 34/02 du 4 mars 2004 consid. 5.2) ou lorsqu’un assainissement ne peut être attendu qu’après de nombreuses années d’exploitation déficitaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 295/02 du 2 décembre 2003 consid. 5.2.1). Le non-paiement des cotisations paritaires n’est pas excusable lorsqu’on ne peut de toute manière pas sérieusement s’attendre à un assainissement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 28/84 du 21 août 1985 consid. 3).

Le fait de s’alarmer de la situation, de négocier avec les créanciers ou encore de tabler sur la promesse d’un actionnaire majoritaire ne sont pas des circonstances qui feraient apparaître comme légitime ou non fautive l’inobservation par un administrateur des prescriptions en matière d’AVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 163/00 du 19 octobre 2000 consid. 3b).

12.    En ce qui concerne la causalité adéquate, la jurisprudence admet en règle générale un tel lien entre l’inaction de l’organe et le non-paiement des cotisations.

Il n’y a pas de lien de causalité lorsque même un comportement conforme au droit n’aurait pas empêché la survenance du dommage (Felix FREY / Hans-Jakob MOSIMANN / Susanne BOLLINGER [éd.], AHVG-IVG, 2018, n. 20 ad art. 52 LAVS ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 77/03 du 18 janvier 2005 consid. 6.5).

13.    a. En l’espèce, les recourants soutiennent qu’ils n’ont pas à répondre, vis-à-vis de l’intimée, de la part du dommage – non couverte lors de la liquidation de la
faillite de la société – correspondant au non-paiement partiel des cotisations AVS/AI/APG/AC relatives à la période comprise entre l’année 2009 et le mois de septembre 2012 (M. A______), respectivement entre l’année 2009 et le mois de décembre 2014 (MM. B______ et E______), motif pris qu’ils n’auraient pas fait preuve de passivité face à la crise financière de 2008 en réduisant le nombre d’employés de 23 (en 2008) à 9 (en 2013), en fermant des locaux aux USA et en réduisant encore les dépenses notamment en optant pour un hébergeur de messagerie électronique gratuit. Ils ajoutent avoir cru de bonne foi que la société pouvait s’en sortir, leurs espoirs étant alors fondés sur un affaiblissement du franc suisse par rapport aux principales devises étrangères, l’acquisition de nouveaux clients au rythme d’avant la crise et l’entrée dans le capital de nouveaux investisseurs. Ce n’était que lorsqu’il était devenu apparent
que la situation de la société ne pouvait plus être redressée que le conseil d’administration avait cherché une issue favorable aux créanciers (dont l’intimée), aux employés et aux clients, par une cession d’actifs pour un montant de
CHF 500’000.-, solution présentée comme « favorable » puisqu’une liquidation de la société par l’office des faillites n’aurait pas rapporté un sou vaillant dès lors
que les actifs sociaux étaient composés pour l’essentiel d’actifs immatériels (« intangible assets »). Ainsi, au moment initialement prévu pour la cession
d’actifs (31 décembre 2013), le montant de CHF 500’000.- aurait permis de régler entièrement les dettes de la société envers l’intimée, la caisse de pension et l’administration fiscale (pour l’impôt à la source), alors qu’un solde éventuel aurait permis de désintéresser une petite partie des créanciers en souffrance (« a small portion of outstanding creditors » ; cf. Annual Report, Year 2013, p. 12 § 3). Si
en fin de compte, ce scénario de désintéressement des trois créanciers précités ne s’était pas réalisé en raison d’une augmentation de la dette à leur égard durant la procédure menée par M. G______ en 2014, cet état de choses, en particulier le report de la cession d’actifs au 31 décembre 2014, était imputable à M. G______, de sorte qu’il n’existait pas de lien de causalité naturelle et adéquate entre les actions diligentées par le conseil d’administration et le dommage subi, in fine, par l’intimée.

b. En argumentant de la sorte, soit en mettant en exergue une succession de problèmes conjoncturels apparus en 2008 dont ils n’auraient pas directement à répondre, les recourant omettent de relever qu’en 2007 déjà, le bilan présentait une situation où les dettes sociales (« liabilities » ; CHF 3’701’367.-) dépassaient les actifs (« assets » ; CHF 1’797’613.-) de CHF 1’903’754.-, laissant ainsi apparaître, comme en 2008, une situation de surendettement au sens de l’art. 725 al. 2 CO, à tout le moins en évaluant les biens à leur valeur d’exploitation (cf. annual Report, Year 2008 – Shareholders Report, p. 4, avant-dernier § et le bilan au 31 décembre 2007). À cela s’ajoutaient encore un résultat déficitaire de l’exercice 2007 après impôts (-CHF 724’131.-) ainsi que des liquidités de CHF 172’988.- dont on ignore si elles suffisaient à payer les dettes échues.

Comme on peut le constater, la société était déjà dans une situation difficile avant
la crise financière de 2008. Sans préjudice de ce qui précède, cet événement ne saurait, par sa seule survenance, exonérer les recourants de toute négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral 9C_436/2016 du 26 juin 2017 consid. 8.4.1). En effet, dans le contexte de crise invoqué, il y a lieu de s’en tenir au principe jurisprudentiel selon lequel l’employeur ne peut payer des salaires que dans la mesure où les cotisations sociales qui en découlent directement ex lege sont couvertes (arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 307/03 du 25 mai 2004 consid. 3.2 et H 34/02
du 4 mars 2004). Or, force est de constater que la société a négligé le paiement des cotisations sociales courantes dès 2008-2009 (pce 28, p. 4 intimée) et qu’elle n’a que partiellement respecté les arrangements, soit les sursis accordés par l’intimée pour le règlement des cotisations échues. Ces carences ne sauraient toutefois apparaître justifiées ou excusables du fait que les recourants tablaient sur des perspectives d’assainissement (cf. notamment l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 394/01 du 19 novembre 2003 consid. 6.2.3). En effet, plus une société connaît des problèmes de liquidités qui persistent et des arriérés de cotisations qui s’accumulent, moins les organes peuvent justifier une stratégie de continuation des affaires (« Business Defense » ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_41/2017 du 2 mai 2017 consid. 7.3.1). Ce à quoi les objections formulées par les recourants ne changent rien : qu’il s’agisse de leur renonciation totale ou partielle à leur rémunération ou du capital investi par M. B______ dans la société (CHF 4’000’000.-), ces mesures mises en œuvre – parmi d’autres – pour maintenir l’activité de la société ou pour en empêcher la faillite n’excluent pas, en l’espèce, une faute qualifiée au sens de l’art. 52 aLAVS. En effet, pour l’appréciation de cette dernière, ce n’est pas ce que les organes responsables ont entrepris pour prolonger l’existence de la société qui est décisif mais le point de savoir s’ils se sont conformés à leur devoir de veiller au règlement des cotisations d’une manière reconnaissable pour les tiers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_41/2017 du 2 mai 2017 consid. 7.3.2).

MM. A______ et E______ se prévalent certes d’avoir insisté pour que les cotisations sociales soient réglées. Toutefois, en tant qu’ils ne parvenaient pas, par des moyens adéquats, à atteindre ce résultat durant leurs mandats respectifs, il leur aurait incombé de démissionner pour ne pas encourir le reproche d’une faute grave (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_41/2017 du 2 mai 2017 consid. 7.3.3 et les arrêts cités), à moins qu’il y ait lieu de considérer, sur la base des circonstances objectives et d’une appréciation sérieuse de la situation, qu’ils pouvaient objectivement s’attendre, ainsi que M. B______, à ce que les dettes de cotisations sociales soient payées dans un délai raisonnable et qu’au vu des dettes existantes et des risques encourus, une retenue temporaire des cotisations sociales aurait un effet décisif pour le sauvetage de société (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 34/02 du 4 mars 2004 consid. 5.2 et les arrêts cités). Cette exception n’est toutefois pas réalisée en l’espèce. En effet, un examen des rapports annuels
du conseil d’administration et de l’organe de révision révèle qu’après les états financiers de l’année 2007 déjà évoqués, les bilans 2008 à 2013 se caractérisent tout autant par des dettes sociales qui ne sont couvertes que lorsque les biens sont estimés à leur valeur de liquidation, révélant ainsi les difficultés de la société de faire face à ses engagements financiers dans une perspective de poursuite de son activité (cf. Rémy BUCHELER, Abrégé de droit comptable, p. 313), ce d’autant que les liquidités (« cash and cash equivalents »), dont le montant s’élevait à, respectivement, CHF 7’840.- (fin 2008), CHF 66’146.- (fin 2009), CHF 48’152.- (fin 2010), CHF 44’804.- (fin 2011), CHF 18’844.- (fin 2012), CHF 13’551.- (fin 2013) et CHF 413.- (fin 2014), connaissaient une lente érosion dès 2009 alors
que trois ans plus tard, dès 2012, la société enchainait de surcroît les exercices déficitaires (cf. les comptes de résultat au 31 décembre [« Income statements for the year ended 31st December »] des années 2012 à 2014). Dans ces circonstances, on ne saurait considérer que la société traversait une crise de liquidités de courte durée qui aurait pu être surmontée dans un « proche avenir » (ci-dessus : consid. 11b). En conséquence, on ne pouvait pas non plus objectivement s’attendre à ce que les carences dans le paiement des cotisations, acceptées par la société dès 2008-2009, auraient pu être corrigées et rattrapées dans ce même horizon temporel. Partant, la violation des prescriptions en matière de cotisations courantes par la société – de même que le non-respect des arrangements accordés par l’intimée pour le règlement des cotisations arriérées – pendant (bien) plus d’une année ne s’inscrivait pas dans un plan d’assainissement concret d’un point de vue temporel, de sorte que le caractère provisoire de cette violation doit être nié (cf. l’arrêt H 34/02 du 4 mars 2004 précité, consid. 5.2). Au regard notamment de l’importance des pertes ressortant des bilans entre 2007 et 2014, il y a lieu de considérer que les chances de survie de la société dépendaient non pas du non-paiement des cotisations mais de la mise à disposition de moyens supplémentaires très substantiels qui avoisinaient déjà la somme de deux millions en 2007. Il s’ensuit que le logiciel Pack Hedge – aussi prometteur fût-il – qui constituait le seul produit de la société, n’était déjà pas suffisamment financé à la base. Or, il n’est pas tolérable de répercuter le risque entrepreneurial découlant de ce sous-financement sur les assurances sociales (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_861/2018 du 12 mars 2019 consid. 4.5 in fine), pas plus que la nouvelle dégradation des états financiers de la société entre la date initialement prévue pour la cession des actifs à D______ SA (31 décembre 2013) et celle à laquelle cette transaction a finalement eu lieu (31 décembre 2014), une fois l’opposition de M. G______ à ce projet levée par la justice civile.

À cet égard, force est également de constater que dans le contexte évoqué par
M. B______ devant la chambre de céans le 24 septembre 2020 (« M. G______ n’était pas content parce qu’il avait l’impression qu’on lui volait son invention [ ], ce qui [expliquait] son opposition à la cession d’actifs qui [avait] mis une année avant d’être réglée par les tribunaux »), les chances de s’acquitter de la dette de cotisations ne pouvaient plus, objectivement, être qualifiées de raisonnables, eu égard, par ailleurs, à des années d’exploitation déficitaire (cf. l’arrêt H 295/02 précité consid. 5.2.1).

14.    a. Il résulte de ce qui précède que les recourants ne sont pas parvenus à renverser
la présomption d’une faute qualifiée de leur part (ci-dessus : consid. 11a) en lien avec la violation des prescriptions en matière de cotisations, de sorte que leur comportement et leurs omissions sont constitutifs d’une négligence grave sans laquelle le dommage ne se serait pas produit. Cette conclusion vaut également pour M. A______, à tout le moins pour la période qui le concerne. Le fait que
MM. B______ et E______ l’aient assuré qu’un accord aurait été trouvé avec l’intimée juste avant son départ de la société le 8 novembre 2012 ne saurait le dégager de tout responsabilité ; M. A______ semble tout d’abord confondre l’existence d’un accord avec la simple proposition de remboursement que la société a soumise à l’intimée le 7 novembre 2012. En second lieu, cette proposition, bien qu’elle ait été acceptée le 10 janvier 2013 par l’intimée, ne portait nullement sur l’intégralité de la dette qu’il avait contribué à laisser s’accumuler jusqu’à son départ (CHF 246’854.25 au 7 novembre 2012 ; cf. pce 15 intimée), mais sur une partie seulement de celle-ci. Enfin, M. A______ paraît également oublier qu’il répond, quoi qu’il en soit, du dommage résultant du non-paiement des cotisations, qui sont venues à échéance et qui auraient dû être versées entre le jour de son entrée au conseil d’administration et celui où il a quittéses fonctions (cf. ci-dessus : consid. 7d et ci-après : consid. 14d in initio). Or, force est de constater que la décision qui le concerne ne fait qu’appliquer ce principe.

b. À ce stade de l’analyse, il serait néanmoins prématuré de conclure à une responsabilité des recourants pour l’intégralité du dommage subi par l’intimée dès lors que l’obligation de l’employeur – et subsidiairement celle de ses organes – de réparer le dommage peut être réduite, si et dans la mesure où la survenance du dommage, ou son aggravation, présente un lien de causalité naturelle et adéquate avec une violation grave, par l’administration, des obligations qui lui incombent (cf. ATF 122 V 185). Aussi convient-il d’examiner, ci-après, l’existence d’une éventuelle faute concomitante de l’intimée.

c. Selon l’art. 34b RAVS, si le débiteur de cotisations rend vraisemblable qu’il se trouve dans des difficultés financières et s’il s’engage à verser des acomptes réguliers et opère immédiatement le premier versement, la caisse peut accorder un sursis, pour autant qu’elle ait des raisons fondées d’admettre que les acomptes et les cotisations courantes pourront être versés ponctuellement (al. 1). La caisse fixe par écrit les conditions de paiement, notamment le montant des acomptes et la date des versements, en tenant compte de la situation du débiteur (al. 2). Le sursis est caduc de plein droit lorsque les conditions de paiement ne sont pas respectées. L’octroi du sursis vaut sommation au sens de l’art. 34a, si la caisse n’y a pas encore procédé (al. 3).

d. Conformément à la jurisprudence, un sursis au paiement combiné avec un plan d’amortissement ne change rien au caractère illicite du paiement non conforme des cotisations; une telle mesure ne saurait excuser ou justifier le paiement tardif des cotisations déjà échues et des cotisations arrivant à échéance. La question de la faute doit cependant être appréciée d’après les circonstances qui ont conduit à l’octroi du sursis. Pour trancher le point de savoir si les organes d’une personne morale ont observé leur devoir de diligence en relation avec l’obligation de l’employeur de s’acquitter du paiement des cotisations, on tiendra néanmoins compte de l’existence d’un sursis au paiement assorti d’un plan d’amortissement dans la mesure où la personne tenue de cotiser se voit ainsi reconnaître le droit de déroger aux délais de paiement ordinaires (ATF 124 V 254 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 ; cf. aussi VSI 1/1999,
p. 23 consid. 3b).

e. En l’espèce, la chambre de céans constate qu’après deux premiers sursis au paiement respectés par la société – que la caisse lui avait accordés sur la base de difficultés financières alléguées – la société a informé la caisse le 5 septembre 2011 qu’il lui était difficile de continuer à honorer à la fois les acomptes mensuels de CHF 6’000.- prévus dans l’échéancier du troisième sursis (7 décembre 2010) et les cotisations courantes, raison pour laquelle elle demandait à la caisse de pouvoir suspendre le paiement des cotisations 2011 (à partir d’avril) jusqu’à ce que l’état de ses liquidités s’améliore. Sachant qu’au 15 septembre 2011, la société était déjà redevable de CHF 120’987.40, signe qu’elle ne parvenait pas à s’acquitter à la fois des acomptes prévus par les décisions de sursis au paiement successives et des cotisations courantes, on comprend difficilement comment l’intimée pouvait avoir des raisons fondées d’admettre, selon l’art. 34b al. 1 RAVS, que les acomptes et cotisations courantes pourraient être versés ponctuellement par une nouvelle décision de sursis au paiement qu’elle a néanmoins rendue le 14 octobre 2011 et qui n’a pas été respectée, conduisant à son annulation le 16 mars 2012. Étant donné que le sursis est caduc de plein droit lorsque les conditions de paiement ne sont pas respectées (art. 34b al. 3 RAVS), et que s’il est caduc, la poursuite peut d’emblée être entamée pour l’intégralité de la dette, sans qu’il soit nécessaire d’engager la procédure de sommation (cf. Directives sur la perception des cotisations [ci-après : DP], ch. 2223), on ne comprend pas non plus que la caisse ait rendu une nouvelle décision de sursis au paiement le 11 mai 2012, portant, qui plus est, uniquement sur le paiement échelonné de la part pénale (CHF 79’795.90), alors qu’à cette date,
le solde de cotisations dues (incluant ladite part pénale) représentait la somme
de CHF 199’310.40. Aussi, malgré l’incapacité manifeste de la société de régler à
la fois les arriérés, selon les échéanciers, et les cotisations courantes, l’intimée a-t-elle encore accordé d’autres arrangements (décisions de sursis des 10 janvier 2013,
30 août 2013 et 4 juillet 2014), parfois même sans attendre le premier versement immédiat prévu par l’art. 34b al. 1 RAVS (cf. l’arrangement du 30 août 2013 ;
pces 15 et 34 intimée) et en laissant en souffrance, jusqu’à la faillite de la société
le 25 mars 2015, des arriérés de cotisations échus depuis plusieurs années, comme en atteste l’énumération des postes du dommage figurant dans les décisions en réparation du dommage du 8 septembre 2017. Or, selon la jurisprudence, commet une faute grave la caisse qui, à l’instar de l’intimée, fait preuve de passivité ou
de lenteur dans le recouvrement des cotisations (notamment par l’octroi de délais excessifs dans les sursis au paiements ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_548/2017 du 13 mars 2018 consid. 7.2.2), tarde à notifier des rappels (ou des poursuites) ou accorde de manière répétée des sursis au paiement sans qu’il y ait lieu d’admettre que les acomptes et les cotisations courantes pourront être versés ponctuellement (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_660/2011 du 31 mai 2012).

Une faute grave de l’intimée doit par conséquent être admise.

f. Reste à en déterminer les conséquences sur le dommage.

Le dommage réparable à la charge des recourants ne doit être réduit que si et dans la mesure où sa survenance ou son aggravation, présente un lien de causalité naturelle et adéquate avec une violation grave, par l’intimée, des obligations qui lui incombent (ci-dessus : consid. 14e). D’un côté, tout porte à considérer qu’au regard de la progression importante, au fil des années, du solde de cotisations dues, des mesures de recouvrement plus soutenues et incisives auraient été indiquées pour empêcher cet accroissement. D’un autre côté, des poursuites plus nombreuses
que celles initiées en 2012 (pces 87-89 intimée), et qui auraient pu porter sur l’intégralité du solde dû (vu les sursis au paiement non respectés ; cf. DP, ch. 2233), auraient comporté un risque important d’une liquidation de la société par voie de faillite avant que la cession des actifs ne soit opérée, avec un dommage plus important à la clé, compte tenu des spécificités suivantes : « une simple liquidation de la société aurait porté préjudice [à ses créanciers] puisqu’à fin 2013, 92.7% de ses actifs, soit CHF 1’955’009 sur CHF 2’109’499.- était des actifs intangibles, en particulier des contrats de licence avec la clientèle, sans valeur de liquidation » (cf. les observations de M. B______ du 23 octobre 2020, p. 2-3).

Cela dit, même en prenant en considération les spécificités de la société évoquées, et la diminution de ses (faibles) liquidités au fil du temps, la chambre de céans est d’avis qu’il y avait néanmoins une marge de manœuvre pour des mesures de recouvrement un peu plus poussées que celles qui ont été mises en œuvre, même s’il n’est pas possible de quantifier avec précision les effets qu’elles auraient produit sur la diminution du dommage. Aussi existe-t-il, dans cette mesure, un lien de causalité adéquate entre les manquements de l’intimée et l’aggravation du préjudice qui s’est produit, sans qu’il en résulte, pour autant, une interruption du lien de causalité adéquate entre le comportement des organes de la société et le dommage. En effet, la négligence grave dont ont fait preuve les recourants (cf. ci-dessus : consid. 13b et 14a) représente clairement la cause prépondérante de la perte des cotisations. Au regard de ces éléments et du signal erroné donné à la société par l’octroi répété de sursis non respectés, il se justifie de réduire, ex aequo et bono, le dommage réclamé aux recourants d’un tiers. En l’absence d’interruption du lien de causalité adéquate entre la faute des organes et le dommage, il n’est pas possible d’arrêter le montant du dommage à une date déterminée. C’est à ce niveau qu’intervient l’élément ex aequo et bono, sachant que le non-paiement fautif des cotisations et l’octroi de sursis au paiement indus se sont maintenus jusqu’à la faillite

15.    Il reste à déterminer plus précisément l’étendue du dommage.

a. En l’espèce, M. E______ ne conteste pas que la créance que l’intimée a produite dans la faillite de la société n’a pas été couverte et qu’ainsi, l’intimée a subi un dommage au sens de l’art. 52 LAVS. Dans son recours (p. 25), il fait état de cotisations calculées sur des salaires qui n’auraient finalement jamais été payés. En réponse à cet argument, l’intimée a indiqué, dans sa réponse du 11 octobre 2019
à M. E______, que les mentions figurant dans la pièce 12 produite par ce dernier n’étaient pas suffisamment précises pour envisager une telle rectification, notamment du fait qu’on ne savait pas quelles étaient les personnes concernées par ces prétendus non-versements de salaires. Aussi convenait-il que soient transmis à l’intimée les noms, prénoms et numéro AVS des personnes concernées, en vue d’un éventuel « recalcul ».

Dans la procédure en réparation du dommage ouverte contre un organe, un libre examen par le juge des décisions de cotisations entrée en force est seulement possible si le destinataire de la décision en réparation du dommage n’avait plus la qualité d’organe au moment où les décisions de cotisations ont été notifiées à la société. En dehors de cette exception (non pertinente pour le cas d’espèce), les décisions de cotisations entrées en force ne peuvent plus être attaquées à moins qu’elles soient entachées d’une erreur manifeste (ATF 134 V 401 consid. 5.2 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_223/2019 du 23 mai 2019 consid. 5).

b. Dès lors que M. E______ n’a de toute manière pas donné suite à l’invitation de l’intimée de donner les précisions requises et que la question de la masse salariale effective n’a plus été abordée par l’intéressé dans ses écritures postérieures au recours, la chambre de céans considère que la preuve d’une erreur manifeste des décisions de cotisations portant sur la période 2009 à 2014 n’a pas été apportée. En conséquence, elle s’en tiendra, avant réduction d’un tiers (ci-dessus : consid. 14f), au montant de CHF 231’468.60 (respectivement CHF 113’229.15
pour M. A______ de 2009 à septembre 2012) retenu au titre des cotisations demeurées impayées sur les périodes précitées, ce montant incluant les frais administratifs, de sommation, de poursuite et les intérêts moratoires, ce qui est conforme aux prescriptions en vigueur (cf. DP ch, 8016 et 8017), sous réserve des précisions qui suivent.

16.    Dans un arrêt de principe du 31 janvier 2020, la chambre de céans a rappelé que la responsabilité des organes de l’AVS, au sens de l’art. 49 LAVS, est réglée à
l’art. 78 LPGA, ainsi qu’aux art. 52, 70 et 71a LAVS, qui s’appliquent par analogie. Elle a ensuite constaté que la loi genevoise instituant une assurance en cas de maternité et d’adoption (LAMat – RSG J 5 07) ne reprend pas la responsabilité prévue à l’art. 52 aLAVS et ne prévoit pas non plus l’application de cette loi par analogie. En renvoyant uniquement à la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG – RS 834.1), et plus précisément – mais certes non exclusivement – à des dispositions sans lien avec la responsabilité de l’employeur, la LAMat n’évoque ni la responsabilité de l’employeur, ni même les dispositions matérielles de la LAVS, de sorte qu’elle ne satisfait pas aux exigences découlant du principe de la légalité, notamment en matière de précision et de prévisibilité, et dont le respect doit être apprécié avec rigueur, dès lors que la condamnation à la réparation du dommage résultant du défaut de paiement des cotisations sociales constitue une mesure incisive (ATAS/79/2020 du 31 janvier 2020).

17.    Force est ainsi de constater que si la responsabilité des recourants au sens de
l’art. 52 aLAVS doit être confirmée, il n’existe pas de base légale suffisante pour les rechercher pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat. L’intimée se rallie du reste tardivement (cf. art. 53 al. 3 LPGA) à ce point de vue dans son courrier du 24 août 2020 en proposant que le montant du dommage à réclamer soit diminué de CHF 626.40 pour M. A______ et de CHF 1’305.10 pour MM. B______ et E______, s’établissant ainsi à CHF 112’602.75 pour M. A______ et CHF 230’163.50 pourles deux derniers organes cités. La chambre de céans constate toutefois que les réductions proposées correspondent simplement aux montants dus au titre des cotisations d’assurance-maternité (cf. les décisions du 8 septembre 2017). En raisonnant de la sorte, l’intimée omet d’exclure les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants.

18.    Eu égard à ce qui précède, les recours sont partiellement admis, les décisions du 30 juillet 2019 réformées, en ce sens que les trois recourants répondent conjointement et solidairement d’un montant de CHF 75’068.50 (soit : CHF 112’602.75 x 2 / 3), alors que seuls MM. B______ et E______ répondent conjointement et solidairement de CHF 153’442.33 (soit : CHF 230’163.50 x 2 / 3), somme qui englobe le montant de CHF 75’068.50. Pour le surplus, la cause sera renvoyée à l’intimée pour nouveau calcul du dommage excluant les intérêts moratoires et frais administratifs afférents aux cotisations LAMat, et nouvelle décision sur ce point.

19.    Les recourants obtenant partiellement gain de cause, l’intimée leur versera à chacun un montant de CHF 2’000.- à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

*****

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les admet partiellement.

3.        Réforme les trois décisions de l’intimée du 30 juillet 2019 au sens des considérants.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour nouveaux calculs et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l’intimée à verser CHF 2’000.- à chacun des recourants, à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le