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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1361/2020

ATAS/624/2021 du 16.06.2021 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1361/2020 ATAS/624/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 juin 2021

4ème Chambre

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à COLOGNY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître François CANONICA

recourant

 

 

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée


 

 

EN FAIT

1.        B______Sàrl (ci-après la société) a été inscrite au registre du commerce le 23 décembre 2010 et radiée le 6 septembre 2017. Elle avait pour but le courtage dans le domaine mobilier et immobilier, le consulting et la mise en place de solutions liées au service de facility management. Monsieur A______ (ci-après l’intéressé ou le recourant) en a été l’unique l’associé-gérant avec signature individuelle depuis le 23 décembre 2010.

2.        Monsieur C______a transmis à la société, chaque fin de mois durant les années 2013 et 2014, des factures de respectivement CHF 5'500.- et CHF 5'800.- relatives à des interventions sur site pour des travaux graphiques et de prépresse.

3.        Le 30 juillet 2014, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après la caisse ou l’intimée) a informé la société que son réviseur se rendrait dans ses locaux le 23 octobre 2014 pour une vérification portant sur la période de décembre 2010 à décembre 2013.

4.        Le 12 juin 2015, la société a informé la caisse que M. C______ avait travaillé pour elle comme sous-traitant et qu’il était déclaré correctement sur France, étant donné que son activité était principalement dans ce pays.

5.        Par décisions du 11 juillet 2016, la caisse a informé la société, c/o D______ SA (dont l’administrateur unique est l’intéressé depuis le 16 juillet 2007), que suite au contrôle auquel son réviseur avait procédé, elle lui remettait les décomptes de cotisations AVS/AI/APG/AC/AMat et les contributions aux allocations familiales.

La caisse a établi le même jour des factures rectificatives pour la société relatives aux cotisations salariales pour les années 2011 à 2014 prenant en compte un salaire pour M. E______ pour les années 2011 à 2014 et pour M. C______ pour les années 2013 et 2014, ainsi que des factures complémentaires d’intérêts moratoires pour ces années.

6.             Le 19 juillet 2016, la société, c/o D______ SA, a formé opposition aux décisions rendues par la caisse le 11 juillet 2016 contestant les reprises de salaires concernant MM. C______ et E______ et faisant valoir que les montants versés à ces derniers ne pouvaient pas être considérés comme des salaires.

7.        Par décision du 20 août 2018, la caisse a demandé à l’intéressé de lui verser dans les trente jours CHF 180'237.10, représentant les cotisations paritaires de 2011 à 2016, y compris les frais et les intérêts moratoires. La société, dont il avait été associé-gérant du 23 décembre 2010 au 14 septembre 2017, avait été déclarée en faillite et radiée d’office le 6 septembre 2017 du registre du commerce. Le 4 septembre 2017, la suspension de la liquidation avait été publiée, laissant à la caisse un découvert de CHF 180'237.10. De ce fait, elle subissait un dommage dont elle demandait réparation en application de l’art. 52 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

8.        Le 28 août 2018, l’intéressé a formé opposition à la décision précitée, faisant valoir que la caisse n’avait pas répondu au courrier (recours) que la société lui avait adressé le 19 juillet 2016, de sorte que le recours devait être considéré comme accepté, faute de réponse de la caisse. La société, et maintenant lui-même, restaient dans l’attente de la facture corrective de la caisse prenant en considération les griefs évoqués, à savoir que celle-ci avait considéré à tort que MM. E______ et C______ avaient été salariés de la société.

9.        Par décision sur opposition du 5 mars 2019 adressée à la société, c/o D______ SA, la caisse a constaté que la société avait été rayée d’office du registre du commerce, qu’elle avait de ce fait perdu sa personnalité juridique et qu’elle ne pouvait plus ester en justice. En conséquence, la cause était rayée du rôle.

10.    Par décision sur opposition du 11 mars 2020 adressée à l’intéressé, la caisse a rejeté l’opposition formée contre les décisions complémentaires de cotisations du 11 juillet 2016, considérant qu’il ne faisait pas de doute que l’ensemble des montants qui avaient été versés à MM. E______ et C______ devaient être qualifiés de salaire déterminant au sens la LAVS et que ces montants étaient par conséquent assujettis au paiement des cotisations paritaires usuelles.

11.    Le 11 mai 2020, l’intéressé a formé recours contre la décision sur opposition du 11 mars 2020 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté que l’intimée avait considéré à tort que les montants qui avaient été versés par la société à MM.  E______ et C______ devaient être considérés comme du salaire déterminant au sens de la LAVS.

12.    Le 21 septembre 2020, l’intimée a fait valoir qu’elle avait établi correctement ses décisions du 11 juillet 2016 et considéré comme salaires, au sens de la LAVS, les revenus de MM. C______ et E______.

13.    La chambre de céans a appelé en cause MM. C______ et E______, qui n’ont pas pu être localisés.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

b. Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

Le recourant étant domicilié dans le canton de Genève, la Cour de céans est également compétente ratione loci.

2.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans les formes et délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.        4.1. L’objet du litige est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées).

4.2. En l’espèce, dans son opposition du 28 août 2018 formée contre la décision en réparation du dommage qui lui avait été adressée le 20 août 2018, le recourant a fait valoir que l’opposition formée par la société contre les décisions complémentaires de cotisations du 11 juillet 2016 n’avait pas fait l’objet d’une décision de l’intimée. La décision sur opposition du 11 mars 2020 rejette formellement l’opposition formée le 19 juillet 2016 contre les décisions du 11 juillet 2016 et ne se prononce pas sur l’opposition du 28 août 2018 formée par l’intéressé contre la décision en réparation du dommage du 20 août 2018.

Le litige porte ainsi uniquement sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 11 mars 2020, en tant qu’elle rejette l’opposition formée le 19 juillet 2016 contre les décisions du 11 juillet 2016, qui étaient adressées à la société.

5.        Il ressort de la procédure, que cette opposition du 19 juillet 2016 a déjà fait l’objet d’une décision sur opposition le 5 mars 2019, qui a été notifiée en pli recommandé avec accusé de réception à la société, c/o la société D______ SA, dont l’administrateur unique est l’intéressé depuis le 16 juillet 2007. Dans cette décision, la caisse indiquait que la société avait été rayée d’office du registre du commerce, qu’elle avait de ce fait perdu sa personnalité juridique, qu’elle ne pouvait plus ester en justice et qu’en conséquence, la cause était rayée du rôle.

Une société ayant cessé d’exister ne peut en effet plaider ni comme demanderesse ni comme défenderesse et tous les actes accomplis par ou à l’encontre d’une société anonyme radiée sont nuls (SJ 1960 p. 13). Ces principes s’appliquent mutatis mutandis en procédure administrative (ATAS/1187/2010 du 23 novembre 2010). Il en résulte que les décisions du 11 juillet 2016 sont entrées en force et que l’opposition du 19 juillet suivant ne pouvait plus faire l’objet d’une décision sur opposition.

La notification de la décision sur opposition du 11 mars 2020 à l’intéressé constitue dès lors un grave vice de procédure, de sorte qu’il se justifie de déclarer d’office la nullité de cette décision (ATF 132 II 21 consid. 3.1 p. 27; 130 III 430 consid. 3.3 p. 434; 129 I 361 consid. 2.1 p. 363; 122 I 97 consid. 3a/aa p. 99; 118 Ia 336 consid. 2a p. 340; 116 Ia 215 consid. 2c p. 219).

6.        Se pose encore la question de qualité pour recourir de l’intéressé.

6.1. La qualité pour agir (ou légitimation active), qui doit être examinée d'office (cf. ATF 110 V 347 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_40/2009 du 27 janvier 2010 consid. 3.2.1) – se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom. Le défaut de qualité pour agir conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131; cf. ATF 126 III 59 consid. 1 et ATF 125 III 82 consid. 1a).

À teneur de l’art. 60 LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b) ont qualité pour recourir. Les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/522/2002 du 3 septembre 2002 consid. 2b et les références citées).

La jurisprudence et la doctrine n’admettent que de manière relativement stricte la présence d’un intérêt propre et direct lorsqu’un tiers désire recourir contre une décision dont il n’est pas le destinataire (ATF 131 II 652 consid. 3.1; ATF 131 V 300 consid. 3). Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ou leur impose des obligations. En plus d’un intérêt concret, par exemple un intérêt économique au contenu de la décision litigieuse, la qualité pour agir du tiers suppose qu’il se trouve, avec l’objet de la contestation, dans un rapport suffisamment étroit, respectivement qu’il soit touché avec une intensité supérieure que les autres personnes, ce qui doit être examiné en rapport avec les circonstances concrètes (ATF 130 V 560 consid. 3.4 et les références).

6.2. En l’espèce, dès lors que la société qui était la destinataire des décisions du 11 juillet 2016 n’a plus la personnalité juridique, le recourant ne pouvait plus la représenter devant la chambre de céans. Il ne pouvait pas non plus recourir à titre personnel, n’étant pas directement touché par la décision sur opposition du 11 mars 2020, qui tranchait l’opposition formée le 19 juillet 2016 par la société. Il n’est en effet touché qu’indirectement par les factures rectificatives adressées à la société, dans la mesure où la demande dont il fait l’objet, en application de l’art. 52 LAVS, lui réclame un dommage dont l’étendue est notamment fondée sur ces factures. Faute de qualité pour agir, le recours de l’intéressé doit être rejeté.

7.        Au vu des considérations qui précèdent, l’appel en cause de MM. C______ et E______ apparaît inutile et sera révoqué.

8.        Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la décision sur opposition du 11 mars 2020 est nulle.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le