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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1399/2020

ATAS/577/2021 du 08.06.2021 ( AI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

 

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1399/2020 ATAS/577/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 juin 2021

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à CHÊNE-BOURG, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Christian VAN GESSEL

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1962, a été victime d'un accident de la circulation le 1er novembre 2000, à la suite duquel il a souffert notamment d'une rupture traumatique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite.

2.        Par décision du 26 novembre 2007, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) l'a mis au bénéfice d'une demi-rente d'invalidité, se fondant sur un rapport d'expertise établi par la policlinique médicale universitaire - PMU le 19 septembre 2006 à la demande de AXA WINTERTHUR ASSURANCE (ci-après : l'assureur LAA).

3.        Le 18 septembre 2014, la ZURICH compagnie d'assurances SA, assureur responsabilité civile du véhicule automobile (ci-après : l'assureur RC), a communiqué à l'OAI trois rapports de surveillance établis par des détectives privés.

4.        Par décision du 15 juin 2015, l'assureur LAA a suspendu avec effet immédiat le versement de la rente et confié un mandat d'expertise au docteur B______, chirurgien-orthopédiste FMH.

L'assuré a contesté ladite décision, concluant à ce que le mandat d'expertise soit confié à la PMU ou au professeur C______. Par arrêt sur partie du 14 octobre 2015 (ATAS/766/2015), la chambre de céans a confirmé la nomination du Dr B______ en tant qu'expert.

Par arrêt du 29 octobre 2015 (ATAS/854/2015), la chambre de céans a jugé que l'assureur LAA ne pouvait pas suspendre le droit à la rente de l'assuré sur la seule base des rapports de surveillance et du rapport de son médecin-conseil, dès lors que les conditions nécessaires à une révision procédurale ou à la reconnaissance d'une violation de l'obligation de renseigner n'étaient pas réalisées. Aussi a-t-elle admis le recours au sens des considérants et annulé la décision querellée en tant qu'elle suspendait le droit à la rente de l'assuré. Faute de recours, cet arrêt est entré en force.

5.        Le Dr B______ a établi son rapport d'expertise le 27 mai 2016.

6.        Le docteur C______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a réalisé, à la demande de l'assuré, une expertise le 2 mai 2016, qu'il a complétée le 7 novembre 2016.

7.        Par décision du 20 juin 2016, confirmée sur opposition le 26 juillet 2017, l'assureur LAA a supprimé la rente d'invalidité à compter du 1er août 2016, au motif que, selon les conclusions du Dr B______, l'assuré présentait une capacité de travail de 100% dans son ancienne activité.

L'assuré a interjeté recours le 14 septembre 2017 contre ladite décision sur opposition. La cause a été enregistrée sous le n° A/3797/2017.

8.        Dans le cadre de la révision du dossier, l'OAI a informé l'assuré le 31 octobre 2017, qu'il avait décidé de le soumettre à une expertise pluridisciplinaire.

Divers incidents de procédure, échanges de courriers et rendez-vous pour l'expertise annulés ont amené l'OAI à expressément attirer l'attention de l'assuré, par courrier du 28 février 2018, sur le fait que s'il devait manquer l'un des rendez-vous finalement fixé, son droit à la rente serait supprimé.

9.        Par arrêt du 3 avril 2018 (ATAS/292/2018) rendu dans la cause A/3797/2017 opposant l'assuré à l'assureur LAA, la chambre de céans a partiellement admis le recours, annulé les décisions des 20 juin 2016 et 26 juillet 2017, et renvoyé la cause à l'intimé pour instruction complémentaire, considérant qu'il n'y avait au dossier aucun rapport probant qui procédait à une comparaison de la situation médicale entre le moment de l'octroi initial de la rente d'invalidité et celui de la décision litigieuse.

10.    Par arrêt du 5 juin 2018 (ATAS/475/2018), la chambre de céans a déclaré le recours déposé par l'assuré contre la « décision » du 28 février 2018, irrecevable. Elle a en effet considéré que celle-ci n'était ni une décision d'ordonnancement, ni une décision sur opposition, mais une communication au sens de l'art. 51 LPGA, qui ne pouvait, partant, faire l'objet d'un recours auprès du tribunal.

11.    Le 13 juillet 2018, l'assuré a informé le centre d'expertises qu'il viendrait aux consultations prévues, « accompagné par un journaliste et probablement aussi par un caméraman, lesquels seront présents pendant les examens ».

12.    Le 25 juillet 2018, le centre d'expertises a annoncé que les experts refusaient de poursuivre la mission dans ces conditions et annulé les rendez-vous des 4 et 12 septembre 2018.

13.    Par décision du 2 août 2018, l'OAI a informé l'assuré que sa rente était supprimée dès le premier jour du deuxième mois suivant la notification.

Saisie d'un recours interjeté contre ladite décision, la chambre de céans a, par arrêt incident du 5 octobre 2018 (ATAS/888/2018), rejeté la demande de l'assuré visant au rétablissement de l'effet suspensif.

Par arrêt du 9 juillet 2019 (ATAS/653/2019), elle a partiellement admis le recours, réformé la décision litigieuse en ce sens que la suppression de la rente d'invalidité de l'assuré devait être remplacée par la suspension de celle-ci et renvoyé la cause à l'OAI pour expertise et nouvelle décision.

Elle a considéré que l'OAI était en droit de conclure de l'attitude de l'assuré qu'il refusait de se conformer à son obligation de collaborer à l'instruction de la procédure de révision, ce de manière inexcusable. Elle a toutefois jugé que la décision de suppression de la rente était disproportionnée et que la réalisation d'une expertise apparaissait à ce stade essentielle pour trancher le litige au fond.

14.    Par arrêt du 16 octobre 2019 (9C_612/2019), le Tribunal fédéral, considérant que le jugement du 9 juillet 2019 constituait une décision incidente, et que la condition du préjudice irréparable n'était pas réalisée, a déclaré le recours de l'assuré irrecevable.

15.    Le docteur D______, médecin adjoint au service d'orthopédie et traumatologie du CHUV, mandaté par l'assureur LAA suite à l'arrêt de la chambre de céans du 3 avril 2018, a établi son rapport d'expertise le 24 octobre 2019.

Il a retenu des gonalgies droites et une probable bursite chronique trochantérienne à droite, sans répercussion sur la capacité de travail, et des cervicobrachialgies droites chroniques conduisant à une limitation fonctionnelle majeure, avec répercussion sur la capacité de travail, et relevé des douleurs occasionnelles de la hanche droite et du genou droit.

Il a constaté que l'examen clinique réalisé en 2006 et son examen clinique étaient globalement comparables, avec des amplitudes articulaires similaires, à treize ans d'intervalle, que cela concerne l'épaule droite ou le membre inférieur droit. Sur le plan fonctionnel, les amplitudes articulaires de l'épaule droite, de la hanche droite et du genou droit étaient relativement comparables. Le médecin a cependant observé en plus, lors de son évaluation clinique du 20 août 2019, la présence d'une scapula droite surélevée et décollée du plan thoracique comparativement au côté controlatéral, avec un trapèze contracturé, induré et tuméfié, douloureux lors de la palpation.

Les indications subjectives et les constatations objectivement coïncident. Cependant, il n'existe pas de lésion objectivable qui puisse expliquer les symptômes du patient. Le patient reste méfiant des possibilités thérapeutiques pouvant être envisagées sur le plan de l'antalgie, ayant un sentiment d'abandon de la part du corps médical depuis de nombreuses années.

Du point de vue orthopédique, il a estimé qu'une activité de bureau, sans utilisation du membre supérieur droit au-dessus du plan de travail, avec possibilité de travailler de manière discontinue (par ex. 2 heures de travail, 30 minutes de pause puis 2 heures de travail) était tout à fait exigible. Par exemple un travail en home office à 50%. Les problèmes de concentration devraient encore être évalués par un neuropsychologue.

16.    Par courrier du 23 décembre 2019, l'assuré, par l'intermédiaire de son mandataire, a prié l'OAI de reprendre le versement de la rente depuis la suppression prononcée le 2 août 2018, et requalifiée par la chambre de céans de suspension. Il se réfère aux conclusions du Dr D______, selon lesquelles son état de santé ne s'est pas modifié depuis l'expertise réalisée par la PMU en 2006. Il constate en conséquence que la mise en oeuvre d'une expertise AI n'est plus nécessaire.

17.    Par courrier du 4 février 2020, l'OAI a informé l'assuré que le versement de la rente ne serait pas rétabli dès le mois de décembre 2019, comme souhaité, précisant que

« Nous avons soumis votre volonté au SMR et sommes dans l'attente d'une réponse de leur part. Cependant nous pouvons d'ores et déjà vous confirmer que les volets neurologique et psychiatrique de l'expertise seront a priori maintenus. En effet, à la lecture du rapport d'expertise du Dr D______, nous constatons qu'il s'agit d'une expertise orthopédique et traumatologique. Dès lors, celle-ci ne peut en aucun cas se substituer à celle mandatée par le SMR et confirmée par l'arrêt de la CJCAS du 9 juillet 2019 et par l'arrêt du TF du 16 octobre 2019 ».

Par courrier du 28 février 2020, l'OAI a confirmé que l'expertise pluridisciplinaire était maintenue.

18.    Le 6 mars 2020, l'assuré a contesté le refus de l'OAI de reprendre le versement de sa rente.

Il rappelle qu'il n'a jamais refusé d'être soumis à une expertise. Il se réfère à la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle si l'assuré se déclare prêt à collaborer à nouveau, ce qui est son cas, la rente doit immédiatement lui être versée à nouveau. Il fait également valoir la jurisprudence relative au renversement du fardeau de la preuve lorsque l'assuré refuse de façon inexcusable de renseigner l'administration et souligne qu'en l'espèce, il a lui-même précisément transmis à l'OAI le rapport d'expertise du Dr D______ du 24 octobre 2019, dont il considère qu'il a pleine valeur probante.

Il invite dès lors l'OAI à rendre une « décision sur opposition » - dûment motivée - avec indication des voies de recours.

19.    Par courrier du 9 avril 2020, en réponse à un rappel de l'assuré daté du 2 avril 2020, l'OAI lui a indiqué - à nouveau - que sa décision du 2 août 2018 prévoyait expressément le retrait de l'effet suspensif - effet suspensif que la chambre des assurances sociales avait refusé de rétablir par arrêt incident du 5 août 2018 (ATAS/888/2018) -, et que selon la jurisprudence, en cas de renvoi pour instruction complémentaire, le retrait de l'effet suspensif se prolongeait pendant la durée de ladite instruction.

L'OAI considère par ailleurs que l'expertise du Dr D______ ne permet nullement de conclure que l'état de santé de l'assuré ne se serait pas amélioré, de sorte que l'expertise pluridisciplinaire est maintenue.

20.    L'assuré, représenté par son mandataire, a interjeté recours le 18 mai 2020 contre « la décision sur opposition du 9 avril 2020, reçue le 16 avril 2020 (car expédiée par courrier B) ».

Il fait valoir :

-          qu'il n'a jamais refusé de collaborer. Il reproche à cet égard à la chambre de céans de n'avoir pas pris en considération le fait qu'il essayait par tous les moyens d'éviter deux expertises différentes pour les volets AI et LAA, et partant, un risque de contradiction.

-          qu'il a apporté la preuve, du point de vue orthopédique, que son état de santé était resté inchangé par rapport aux expertises réalisées en 2006. Selon lui, même si l'on complétait le volet orthopédique par des expertises neurologique et psychiatrique, celles-ci n'allaient jamais réduire le taux d'incapacité mais l'augmenter éventuellement, de sorte qu'il n'y avait aucune raison objective de continuer à suspendre le versement de sa rente.

Il dit ne pas comprendre l'argument de l'OAI quant à la prolongation du retrait de l'effet suspensif durant l'instruction lorsqu'il y a eu renvoi pour instruction complémentaire, dès lors qu'une fois la procédure terminée, l'effet suspensif tombe ipso iure avec la décision au fond.

Il conclut à la reprise du versement de sa rente avec effet rétroactif dès octobre 2018 et jusqu'au terme de la procédure de révision.

21.    Dans sa réponse du 29 juin 2020, l'OAI a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours, au motif que son courrier du 9 avril 2020 ne constitue pas une décision au sens de l'art. 49 al. 1 LPGA et, subsidiairement, à son rejet.

Il souligne que la question de la suspension du versement de la rente pendant la procédure d'instruction complémentaire a déjà été clairement tranchée par la chambre de céans (ATAS/653/2019) et par le Tribunal fédéral (arrêt 9C_612/2019). Elle ne saurait ainsi faire l'objet d'une décision ou d'un litige à nouveau, au vu de l'autorité de chose jugée.

Il répète que lorsque l'effet suspensif est retiré à un recours pour diriger une décision de révision qui supprime une rente, ce retrait perdure en cas de renvoi de la cause à l'administration également pendant la procédure d'instruction jusqu'à la notification de la nouvelle décision.

Il relève que dans son arrêt du 9 juillet 2019, la chambre de céans a déjà opéré le renversement du fardeau de la preuve dans le cadre de la révision de la rente d'invalidité et constaté que l'assuré, qui avait manqué de manière inexcusable à son devoir de collaboration, n'avait apporté aucun élément de preuve au cours de la procédure administrative pour rendre vraisemblable que son état de santé ne s'était pas amélioré. Cette question ne saurait faire l'objet d'une nouvelle appréciation aujourd'hui, le jugement en question étant entré en force.

Enfin, l'OAI considère que selon l'avis du SMR du 26 février 2020, le rapport du Dr D______ ne permet pas de conclure que l'état de santé de l'assuré ne s'est pas amélioré, de sorte que la réalisation d'une expertise pluridisciplinaire reste nécessaire.

22.    Dans sa réplique du 20 juillet 2020, l'assuré a fait valoir que le courrier de l'OAI devait bel et bien être qualifié de décision, puisque, ce faisant, celui-ci a refusé de lui reconnaître le droit à percevoir à nouveau sa rente d'invalidité.

Au fond, il conteste le fait que la question du versement de la rente pendant la procédure d'instruction complémentaire aurait déjà été tranchée. Le refus de rétablir l'effet suspensif prononcé par la chambre de céans dans son arrêt du 5 octobre 2018 (ATAS/888/2018) n'a qu'une portée limitée à la procédure de recours elle-même et ne se poursuit pas après celle-ci.

Il soutient que l'OAI interprète d'une façon insoutenable le rapport d'expertise du Dr D______ et verse au dossier un courrier à lui adressé par l'assureur-accidents le 6 février 2020, aux termes duquel

« Il ressort de l'expertise du 24 octobre 2019 du Dr D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique que l'examen clinique réalisé en 2006 par la Policlinique Médicale Universitaire et l'examen clinique du Dr D______ de 2019 sont globalement comparables. Il n'y a pas lieu de modifier le degré d'invalidité de 50% résultant de l'accident ».

23.    Par duplique du 24 août 2020, l'OAI a déclaré persister intégralement dans ses conclusions du 29 juin 2020.

24.    Ce courrier a été transmis à l'assuré et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Il y a préalablement lieu de se prononcer sur la recevabilité du recours interjeté par l'assuré le 18 mai 2020 contre la « décision sur opposition » du 9 avril 2020 confirmant la « décision » du 4 février 2020.

3.        a. Selon l'art. 49 al. 1 à 3 LPGA, l'assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l'intéressé n'est pas d'accord (al. 1). Si le requérant rend vraisemblable un intérêt digne d'être protégé, l'assureur rend une décision en constatation (al. 2). Les décisions indiquent les voies de droit. Elles doivent être motivées si elles ne font pas entièrement droit aux demandes des parties. La notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l'intéressé (al. 3).

Selon l'art. 51 LPGA, les prestations, créances et injonctions qui ne sont pas visées à l'art. 49, al. 1, peuvent être traitées selon une procédure simplifiée (al. 1). L'intéressé peut exiger qu'une décision soit rendue (al. 2).

Selon l'art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure, celles-ci étant directement attaquables devant les tribunaux cantonaux des assurances (ATF du 8 mai 2007 I 915/2006).

Selon l'art. 69 al. 1 let. a LAI, en dérogation aux art. 52 et 58 LPGA, les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l'objet d'un recours devant le tribunal des assurances du domicile de l'office concerné.

b. La décision (art. 49 al. 1 LPGA) n'est pas définie dans la LPGA. Elle correspond cependant à la notion de décision au sens de l'art. 5 de la loi sur la procédure administrative (PA - RS 172.021 ; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 2020, n. 2 ss ad art. 49), qui a une portée générale en matière d'assurances sociales (voir par exemple ATF 120 V 349 consid. 2b). Selon l'art. 5 al. 1 PA, sont considérées comme des décisions les mesures de l'autorité dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral ayant pour objet : a. de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations; b. de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations; c. de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits et obligations. La décision incidente se caractérise par le fait qu'elle est prise en cours de procédure et qu'elle ne constitue qu'une étape vers la décision finale. En général, elle porte sur une question de procédure. Il n'est cependant pas exclu qu'elle tranche un problème de fond (MOOR, Droit administratif, vol. II, 2e édition mise à jour et augmentée, Berne 2002, p. 226; BENOÎT BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 262 s.; ANDRÉ GRISEL, Traité de droit administratif, vol. II, p. 868). Les décisions d'ordonnancement de la procédure au sens de l'art. 52 al. 1 in fine LPGA sont des décisions incidentes en matière de procédure exclusivement, comme cela ressort clairement des textes français et allemand de cette disposition (voir aussi FF 1999 4261). À titre d'exemples de décisions d'ordonnancement de la procédure la doctrine mentionne, en particulier, les décisions relatives à la consultation du dossier, à la suspension de la procédure, à la récusation, à l'assistance judiciaire gratuite ou encore des décisions en relation avec l'établissement des faits (KIESER, op. cit., n. 18 ad art. 52). Est également mentionnée la décision sur la compétence au sens de l'art. 35 LPGA (BERNARD ROLLI, La partie générale du droit des assurances sociales [Les points forts de la nouvelle LPGA], dans In dubio, 2003 pp. 27 et 41, n. 49) (ATF 131 V 42).

c. Le système particulier de l'art. 51 al. 1 LPGA prévoit que les prestations, créances et injonctions qui ne sont pas importantes ou avec lesquelles l'intéressé est d'accord (art. 49 al. 1 LPGA a contrario) peuvent être traitées selon une procédure simplifiée, à savoir sans décision formelle. L'intéressé peut toutefois exiger qu'une décision soit rendue (art. 51 al. 2 LPGA), ce qu'il doit faire, selon le Tribunal fédéral, en principe dans le délai d'une année (ATF 134 V 145, 151 ss). Un acte d'une autorité peut être considéré comme une décision s'il possède les caractéristiques matérielles de celle-ci, quand bien même il ne serait pas désigné comme tel et ne respecterait pas les exigences de forme applicables en l'espèce (JAAC 2006/70 n° 35, CRP; dans le même sens, insistant sur la distinction entre la notion de décision et la forme de celle-ci (ATAF 2009/43 consid. 1.1.4 et 1.1.6). La forme des décisions est en général écrite (art. 34 al. 1 PA; sur le plan cantonal, notamment art. 46 al. 2 LPA/GE, 68 al. 1 CPJA/FR), la transmission pouvant, à certaines conditions, se faire par voie électronique (art. 34 al. 1bis PA). Le prononcé d'une décision peut toutefois, suivant les circonstances, intervenir d'une autre manière : orale (art. 34 al. 2 PA pour les décision incidentes), voire par signe (art. 66 OSR sur les injonctions données par la police en matière de circulation). La forme de la décision est évidemment liée à la notification de celle-ci, c'est-à-dire à sa communication à ses destinataires et à ceux qui disposent d'une voie de recours. La notification des décisions à leurs destinataires est la condition de leur opposabilité à ceux à qui elles imposent des obligations. La notification aux personnes disposant d'un droit d'opposition ou de recours apparaît aussi comme indispensable à la jouissance effective de ce droit et c'est elle qui fait partir les délais pour l'exercer (selon T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011 n° 807 - 814 - 815 ; Circulaire sur le contentieux dans l'AVS, l'AI, les APG et les PC, chiffre 1004).

4.        a. En l'espèce, l'OAI a adressé les 4 février et 9 avril 2020 deux courriers à l'assuré. Le terme « décision » n'y est pas mentionné et aucune indication des voies de droit n'y figure. Or, il n'y a décision formelle que dans le cas où le document est qualifié de tel ou s'il contient, au moins, une indication des voies de droit (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_738/2007 du 26 mars 2008 et références citées). Aucun de ces deux courriers ne constitue dès lors une décision formelle au sens de l'art. 49 al. 1 LPGA.

b. L'assuré considère toutefois que celui du 4 février 2020 vaut décision et celui du 9 avril 2020, décision sur opposition.

Il sied à cet égard de préciser d'emblée que les décisions rendues par l'OAI peuvent directement faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal (art. 69 al. 1 let. a LAI, en dérogation des art. 52 et 58 LPGA ; Circulaire sur le contentieux, ch. 2003), de sorte que l'OAI ne notifie pas de décision sur opposition aux assurés.

c. Reste à déterminer si ces courriers peuvent néanmoins être envisagés comme des décisions au sens de l'art. 51 LPGA.

Le 4 février 2020, l'OAI a informé l'assuré que le versement de la rente ne serait pas rétabli dès le mois de décembre 2019. Le 28 février 2020, l'OAI a confirmé que l'expertise pluridisciplinaire était maintenue.

Le 6 mars 2020, l'assuré a contesté le refus de l'OAI de reprendre le versement de sa rente et rappelé qu'il était prêt à se soumettre à une expertise, de sorte que la rente devait lui être immédiatement versée à nouveau. Il sollicite expressément de l'OAI qu'il rende « une décision sur opposition » formelle, ce à quoi celui-ci a répondu, le 9 avril 2020, qu'il maintenait le principe d'une expertise pluridisciplinaire et ajouté que le retrait de l'effet suspensif se prolongeait en cas de renvoi pour instruction complémentaire pendant la durée de cette instruction.

On pourrait envisager de considérer dans ces conditions que le courrier du 4 février 2020 représente un acte traité selon la procédure simplifiée et que celui du 9 février 2020 soit assimilé à une décision rendue suite à la demande expresse de l'assuré.

Il y a toutefois lieu de rappeler que par décision du 26 novembre 2007, l'OAI a reconnu le droit de l'assuré à une demi-rente d'invalidité, qu'il a supprimé cette demi-rente dès le 1er octobre 2018, que par arrêt incident du 5 octobre 2018, la chambre de céans a rejeté la demande de l'assuré visant au rétablissement de l'effet suspensif, que par arrêt du 9 juillet 2019, elle a admis partiellement le recours, réformé la décision litigieuse en ce sens que la suppression de la rente était remplacée par une suspension et renvoyé la cause à l'OAI pour expertise et nouvelle décision, qu'enfin, dans son arrêt du 16 octobre 2019, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de l'assuré.

Force est ainsi de constater que lorsque le 23 décembre 2019, l'assuré demande à l'OAI de reprendre le versement de sa rente et que l'OAI lui répond le 4 février 2020 par la négative, ce dernier ne statue pas sur ses droits et obligations, la question de la suspension du versement de la rente pendant la procédure d'instruction complémentaire ayant déjà été tranchée par la chambre de céans le 9 juillet 2019, dans un arrêt entré en force de chose jugée.

Il y a en effet chose jugée lorsque la prétention litigieuse a déjà fait l'objet d'une décision passée en force. C'est le cas lorsque, dans l'un et l'autre procès, les parties ont soumis au juge la même prétention en se fondant sur les mêmes faits (ATF 119 II 89 consid. 2a). L'autorité de chose jugée signifie que l'arrêt est obligatoire et ne peut plus être remis en question ni par les parties, ni par les autorités judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2007 du 23 janvier 2008 consid. 4.2).

En principe, seul le jugement au fond jouit de l'autorité de la chose jugée. Cela suppose que le premier tribunal saisi ait dit le droit sur la base des allégations de fait des parties, c'est-à-dire qu'il ait jugé du fondement matériel de leurs prétentions (arrêt du Tribunal fédéral 4C.21/2002 du 4 avril 2002 consid. 3). En règle générale, le dispositif d'un jugement cantonal est seul revêtu de l'autorité de chose jugée. Toutefois, lorsque le dispositif se réfère expressément aux considérants, ceux-ci acquièrent eux-mêmes la force matérielle. Ainsi, lorsque l'autorité judiciaire cantonale rend un jugement dont le dispositif prévoit que la décision attaquée est annulée et l'affaire renvoyée à l'autorité intimée pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants, cette dernière est liée par la motivation juridique de l'arrêt de renvoi relative à l'objet du litige (arrêt du Tribunal fédéral 9C_58/2012 du 8 juin 2012 consid. 4.2 et les références citées).

Pour une décision entrée en force de chose jugée, le réexamen approfondi de l'affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d'une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l'autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les même conclusions, que si des motifs de révision sont présents (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, § 10 nn. 867 à 869).

Il n'existe, en l'espèce, aucun motif à ce stade de s'écarter du jugement du 9 juillet 2019 en tant qu'il suspend le versement de la rente dans l'attente de l'expertise et de la nouvelle décision qui sera rendue ensuite.

L'information, selon laquelle le versement de la rente n'est pas repris, ne correspond ainsi pas à une mesure individuelle et concrète ayant pour objet de modifier ou d'annuler le droit à la rente. Elle ne peut en conséquence faire l'objet d'une nouvelle décision. Il en résulte qu'il n'incombait pas à l'OAI de notifier une décision formelle à l'assuré comme celui-ci le lui a demandé.

d. Dans ses courriers des 4 février et 9 avril 2020, l'OAI a également indiqué qu'il maintenait l'expertise. Il a ce faisant confirmé qu'il entendait bien exécuter le renvoi ordonné par la chambre de céans le 9 juillet 2019. On ne saurait donc assimiler ces courriers à des décisions contre lesquelles un recours pouvait être interjeté.

e. Il y a enfin lieu de relever que lors de sa décision du 2 août 2018, l'OAI a expressément retiré l'effet suspensif - effet suspensif que la chambre des assurances sociales a refusé de rétablir par arrêt incident du 5 octobre 2018 (ATAS/888/2018). Or, lorsque l'effet suspensif est retiré à un recours dirigé contre une décision de révision qui supprime une rente ou diminue une rente, ce retrait dure, en cas de renvoi de la cause à l'administration, également pendant cette procédure d'instruction jusqu'à la notification de la nouvelle décision (ATF 106 V 18 ; ATF 129 V 370).

Le retrait de l'effet suspensif s'applique en conséquence jusqu'au moment où l'OAI aura rendu une décision en exécution de l'arrêt du 9 juillet 2019.

5.        Aussi le recours du 18 mai 2020 est-il irrecevable faute de décision sujette à recours.

6.        Il ne sera exceptionnellement pas mis d'émolument à la charge de l'assuré (art. 69 al. 1bis LAI dérogeant à l'art. 61 let. a LPGA et l'art. 89H al. 4 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

 

1.        Déclare le recours du 18 mai 2020 irrecevable faute de décision sujette à recours.

2.        Renonce à percevoir un émolument.

3.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le