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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3465/2020

ATAS/460/2021 du 12.05.2021 ( LPP ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.06.2021, rendu le 04.03.2022, REJETE, 9C_358/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3465/2020 ATAS/460/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 mai 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à CHÊNE-BOUGERIES, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître C______

 

 

demanderesse

 

contre

CIEPP - CAISSE INTER-ENTREPRISES DE PREVOYANCE PROFESSIONNELLE, sise rue de Saint-Jean 67, GENÈVE

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après l'intéressée ou la demanderesse) a été la concubine de Monsieur B______ (ci-après le concubin ou l'assuré), décédé d'une crise cardiaque, le 4 juin 2020, à 38 ans. Le couple a fait ménage commun dès la fin de l'année 2012. Leur premier enfant est né le ______ 2017 et leur second le ______ 2020.

2.        L'intéressée est salariée de l'Étude de Me C______ et affiliée de ce fait à la caisse de prévoyance FAVIA fondation de prévoyance de l'ordre des avocats de Genève et leur personnel (ci-après la FAVIA). Son concubin était affilié par le biais de son employeur, D______SA, à la CIEPP Caisse Inter-Entreprises de Prévoyance Professionnelle (ci-après la CIEPP ou la défenderesse).

3.        Le 24 décembre 2019, l'employeur de l'intéressée a annoncé le concubinage de celle-ci à sa fondation de prévoyance.

4.        Le 23 juin 2020, l'intéressée a demandé à la CIEPP l'octroi de rentes pour elle et ses enfants, suite au décès de l'assuré.

5.        Le 3 juillet 2020, la CIEPP a informé la succession de l'assuré que pour pouvoir statuer sur les prestations pour survivants qu'elle pourrait être amenée à libérer, celle-ci devait lui retourner le formulaire de demande de prestations annexé dûment rempli et signé.

6.        Le 9 juillet 2020, l'intéressée a retourné à la CIEPP le formulaire de demande de prestations et les annexes requises. Elle précisait qu'en décembre 2019, son concubin et elle-même avaient décidé d'annoncer respectivement à leur caisse de prévoyance leur concubinage de longue date. L'assuré lui avait indiqué « faire le nécessaire ».

7.        Le 25 août 2020, l'intéressée a demandé à la CIEPP pourquoi elle prenait tant de temps pour statuer sur sa demande, relevant que les démarches administratives liées au décès de son concubin représentaient pour elle une charge émotionnelle difficile.

8.        Le 9 septembre 2020, la CIEPP a transmis à l'intéressée un décompte mentionnant des capitaux-décès en faveur de ses enfants et des rentes d'orphelins.

9.        Le 30 octobre 2020, l'intéressée a formé auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice une action en paiement contre la CIEPP, concluant à la condamnation de celle-ci à lui verser une rente de survivant d'au moins CHF 37'656.- dès le 1er juillet 2020, avec intérêts moratoires à 5% dès cette date, et suite de frais et dépens. Elle a fait valoir avoir formé avec l'assuré une communauté de vie caractérisée par l'exclusivité sur les plans spirituel, psychologique, physique et économique. Lors d'un dimanche du mois de décembre 2019 passé en compagnie d'une amie du couple, Madame E______, et leurs enfants respectifs, la demanderesse et l'assuré avaient convenu de procéder à l'annonce de leur concubinage à leur caisse de prévoyance respective, ce qui pouvait être établi par l'audition de Mme E______. L'assuré avait sans équivoque exprimé sa volonté de le faire et lui avait confirmé avoir fait le nécessaire. Elle n'avait aucune raison de mettre en doute cette affirmation. Avant la période de semi-confinement du mois de mars, l'assuré avait mentionné à son supérieur, Monsieur F______, l'annonce de concubinage à laquelle elle avait elle-même procédé et exprimé son intention de faire de même. Cette décision étant prise, aucune raison ne permettait de penser que l'assuré aurait changé d'avis et n'aurait pas exécuté sa décision. À la fin de l'année 2019 et au début de l'année 2020, sa grossesse était devenue plus difficile et elle avait dû réduire son taux d'activité. L'assuré avait modifié son emploi du temps de manière significative pour prendre en charge leur premier enfant et la soulager. Il avait alors été très chargé. Ensuite, et alors que sa grossesse s'était terminée, la pandémie de coronavirus était survenue, entraînant pour l'assuré, la nécessité de s'adapter encore à une situation personnelle et professionnelle chamboulée. Leur second enfant était né le ______ 2020. La défenderesse avait dit ne pas avoir retrouvé la lettre d'annonce de concubinage de l'assuré. Si celle-ci avait été perdue, ce dernier ne pouvait en être tenu responsable. S'il n'avait pas effectué son devoir d'annonce avant le 4 juin 2020, cette omission était excusable au vu des circonstances très particulières et exceptionnelles, à savoir sa grossesse, la pandémie et son décès soudain.

L'art. 26 du règlement de la CIEPP prévoyait que tout fait ayant une incidence sur la couverture d'assurance devait être immédiatement porté à la connaissance de la CIEPP par l'assuré et ses ayants droit, soit notamment un changement d'état civil. En revanche, ni la naissance des enfants, ni le concubinage n'étaient énoncés dans cet article. De ce fait, ces évènements n'avaient pas d'incidence sur la couverture d'assurance selon la CIEPP. Dès lors, l'exigence d'annonce était disproportionnée et ne répondait à aucun intérêt de la CIEPP.

La CIEPP visait l'art. 44 al. 2 let. e du règlement pour refuser toute prestation à la demanderesse. Cette exigence violait le droit. Tout argument actuariel selon lequel tout plan de prévoyance était établi sur la base d'évaluations précises qui définissaient le coût des prestations et le taux des primes ne pouvait convaincre de la légitimité de la condition de l'annonce du concubinage, puisque la CIEPP offrait aux partenaires assimilés la possibilité de l'annoncer en tout temps (ATAS/239/2014 consid. 29).

Le consid. 3.3 de l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_161/2014 n'était pas convainquant.

L'assuré aurait pu annoncer leur concubinage la veille de son décès. On ne distinguait pas comment la caisse aurait adapté le coût des prestations et les taux de cotisation en raison de cette annonce. S'il s'était su malade, il ne faisait nul doute qu'il aurait précipité le moment de l'annonce du concubinage. L'exigence de l'art. 44 al. 2 let. e du règlement consacrait une violation du principe de l'égalité de traitement, en ce sens qu'un assuré qui tombait malade et se savait condamné pouvait adapter son comportement, contrairement à l'assuré qui décédait brutalement et sans faute de sa part. Il y avait également une violation du principe de l'égalité de traitement entre la concubine d'un assuré qui se savait malade et qui faisait le nécessaire pour annoncer le concubinage et celle d'un assuré qui n'en avait pas eu le temps, car il était décédé sans reprendre connaissance.

S'il était indéniable que l'exigence de l'annonce de communauté de vie ne contrevenait pas à l'égalité de traitement des partenaires assimilés face au conjoint survivant et au partenaire enregistré survivant, elle contrevenait par contre au principe de l'égalité de traitement entre les concubins de tous les assurés d'une caisse, ceux-là n'ayant pas d'emprise sur l'annonce du concubinage et aussi entre les assurés qui décédaient brutalement et ceux qui succombaient après une longue maladie.

Le cas d'un orphelin était semblable à celui de son parent qui se retrouvait sans soutien financier compte tenu du décès de son concubin. Il y avait une inégalité de traitement entre les enfants d'un assuré décédé et le concubin qualifié de l'assuré, également parent des enfants, engendrée par le règlement de la CIEPP, qui n'avait pas encore été traitée par le Tribunal fédéral, de sorte que les jurisprudences de ce dernier (ATF 137 V 105 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_161/2014), n'étaient pas applicables dans le cas d'espèce.

Le règlement de la CIEPP engendrait une inégalité de traitement entre un enfant de parents non mariés et un enfant de parents mariés. En effet la prise en charge de l'enfant par un seul parent au lieu des deux, compte tenu du décès du deuxième parent, nécessitait des adaptations et parfois même une nécessité de réduire le temps de travail. Ainsi, pour l'enfant de parents mariés, la rente de veuve/veuf permettait à l'enfant de bénéficier de la prise en charge adéquate par le parent restant, dès lors que celui-ci aurait la possibilité de réduire son temps de travail ou maintenir son temps de travail partiel déjà existant, sans que l'enfant ne subisse une diminution de qualité de vie.

À l'inverse, pour l'enfant de parents non mariés, si le parent survivant ne pouvait bénéficier d'une rente, il ne serait, dans la majorité des situations financières, pas en mesure de réduire son temps de travail ou de maintenir son temps de travail partiel. L'enfant verrait donc sa situation financière et/ou son bien-être se péjorer.

En l'espèce, la demanderesse avait besoin de diminuer son temps de travail pour s'occuper de ses enfants. Leur père les prenait beaucoup en charge et elle souhaitait pouvoir compenser cette perte pour eux. Or, sans l'octroi d'une rente de survivante, sa situation financière, et donc indirectement celle de ses enfants, serait nettement moins favorable. Lors de la modification majeure du droit de l'entretien de l'enfant en 2014, le Conseil fédéral avait rappelé qu'aucun enfant ne devait être désavantagé en raison de l'état civil de ses parents. L'enfant, pour pouvoir se développer harmonieusement n'avait pas seulement besoin de pouvoir compter sur une relation de qualité avec ses deux parents. Il nécessitait une prise en charge fiable et stable ainsi qu'une sécurité financière (FF 2014 512 et 517). En l'occurrence, la demanderesse ne pouvait diminuer son temps de travail, compte tenu de sa situation financière délicate. Le bien-être de ses enfants en était impacté. Si elle pouvait bénéficier d'une rente de survivante, il n'y aurait aucune inégalité de traitement entre le cas de ses enfants et d'un enfant de parents mariés. Le concubin qualifié d'un assuré qui décédait et ayant des enfants en commun avec le défunt devait automatiquement se voir verser une rente de survivant pour respecter le principe d'égalité de traitement de tous les enfants, quel que soit l'état civil des parents. À défaut, il y aurait une violation du droit fédéral, soit d'un principe cardinal du droit de l'entretien des enfants, qui devait être égal, sans égards aux situations de vie.

Six mois avant le décès brutal de son concubin, ils avaient décidé de procéder à l'annonce. Leurs volontés s'étaient manifestées devant témoin et il ne restait plus qu'à les formaliser. Suite à la mort subite de son concubin, après une période de confinement, invoquer l'absence de communication écrite pour refuser un droit était constitutif d'un formalisme excessif. Ce d'autant plus que le but de la règle imposée par la CIEPP (calcul de risque de la caisse) n'avait pas été violé, un décès intervenant six mois après la décision d'annonce n'entraînant pour la caisse que des modifications de calcul très mineures.

L'octroi d'une rente de survivant en sa faveur serait juste et respecterait tant la ratio legis de l'obligation d'annonce d'un concubinage qualifié que la ratio legis de l'art. 20a LPP, dont l'introduction avait eu pour but d'adapter la loi à l'évolution sociale et permettre également un soutien financier aux concubins qualifiés placés dans des situations délicates après un décès.

10.    Par réponse du 4 janvier 2021, la défenderesse a conclu au rejet de la demande, au motif que l'une des conditions cumulatives de l'art. 44 al. 2 n'était pas remplie. Selon l'OFAS, une exigence d'annonce ne constituait pas une condition matérielle supplémentaire, mais une simple condition formelle (bulletin de la prévoyance professionnelle de l'OFAS n° 118). Elle correspondait à la nature de la communauté de vie des personnes non mariés, à l'inverse de la réglementation du mariage, que les relations entre les partenaires soient laissées à l'entière autonomie de ceux-ci, chaque assuré étant libre de faire ou non profiter son concubin de la rente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_161/2014). Le Tribunal fédéral avait confirmé à plusieurs reprises qu'il était admis de faire dépendre le droit du partenaire survivant à des prestations de l'existence d'une déclaration écrite datant du vivant de l'assuré. Le fait pour une institution de prévoyance de prévoir une obligation d'annonce pour l'obtention d'une rente de concubin était conforme à la loi et ne constituait pas une inégalité de traitement face au conjoint survivant et au partenaire enregistré survivant (ATF 136 V 127, ATF 137 V 105, arrêt du Tribunal fédéral 9C_161/2014 et 9C_196/2018).

Selon la jurisprudence, il était légitime pour une institution de prévoyance de connaître les risques qu'elle assurait, en particulier les différentes rentes de survivants. Elle devait donc connaître les assurés qui vivaient en concubinage et pour lesquels elle pourrait être appelée à verser une rente de concubin survivant. Il lui était autorisé de ce fait d'imposer par voie réglementaire des conditions de forme et de délai. La communauté de vie de la demanderesse avec l'assuré n'avait jamais été annoncée à la défenderesse, malgré toutes les informations reçues par son concubin de sa part, tout au long de son assujettissement, au sujet de l'obligation d'annonce. La défenderesse n'avait été informée pour la première fois de ce concubinage qu'après le décès de l'assuré. Le simple fait de vivre en communauté de vie ne suffisait pas à ouvrir un droit à une rente en cas de décès. La défenderesse avait à de multiples reprises et par différents moyens de communication informé l'assuré des prestations offertes par son règlement de prévoyance. Il connaissait donc dès le début de son assujettissement les prestations offertes par son règlement de prévoyance et notamment celles relatives aux prestations décès pour les couples non mariés ainsi que les conditions y relatives. La défenderesse avait adressé en début de chaque année son certificat de prévoyance via son employeur. Tous les certificats de prévoyance de l'assuré lui avaient été adressés, dès 2013, via son employeur, sous pli fermé confidentiel à son attention. Par la suite, chaque année, il avait reçu son certificat de prévoyance qui contenait une réserve aux dispositions réglementaires, qui contenait l'exigence de l'annonce à la CIEPP de la communauté de vie.

EN DROIT

1.        Selon l'art. 73 al. 1 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit. La voie à suivre est celle de l'action (ATF 115 V 224 consid. 2).

Les autorités visées par l'art. 73 LPP sont compétentes ratione materiae pour trancher les contestations qui portent sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie) et des cotisations. En revanche, les voies de droit de l'art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement autre que le droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des effets relevant du droit de ladite prévoyance (cf. Meyer-Blaser, Die Rechtsprechung vom Eidgenössischen Versicherungsgericht und von Bundesgericht zum BVG, 2000-2004, in RSAS 49/2005, p. 258 ss).

Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ; RSG E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu'aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO ; RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 LPP ; art. 142 du Code civil [CC ; RS 210]).

Selon l'art. 73 al. 3 LPP, le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé.

En l'espèce, le litige a trait au versement d'une rente de survivant au sens de la prévoyance professionnelle sur-obligatoire, de sorte qu'il est régi par les art. 73 LPP et 134 al. 1 let. b LOJ. Par ailleurs, le siège de la défenderesse se trouve à Genève. La Cour de céans est ainsi compétente, tant ratione materiae que ratione loci, pour connaître du litige.

2.        La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) n'est pas applicable aux litiges en matière de prévoyance professionnelle (art. 2 LPGA). L'ouverture de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP n'est soumise, comme telle, à l'observation d'aucun délai (Vincent SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984, p. 19).

La procédure prévue par l'art. 73 LPP n'est pas déclenchée par une décision sujette à recours, mais par une simple prise de position de l'institution de prévoyance qui ne peut s'imposer qu'en vertu de la décision d'un tribunal saisi par la voie de l'action (ATF 115 V 239). C'est dire que les institutions de prévoyance (y compris celles de droit public) n'ont pas le pouvoir de rendre des décisions proprement dites (ATF 115 V 224).

À teneur de l'art. 73 al. 2 LPP, les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite dans laquelle le juge constatera les faits d'office.

Dans le canton de Genève, la procédure en matière de prévoyance professionnelle, est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) et plus particulièrement par les art. 89A et ss.

3.        Déposée auprès de l'autorité compétente et dans la forme prévue à l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA; RSG E 5 10), la demande est recevable.

4.        Les institutions de prévoyance qui participent à l'application du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (art. 48 al. 1 LPP) doivent respecter les exigences minimales fixées aux art. 7 à 47 LPP (art. 6 LPP). Il leur est toutefois loisible de prévoir des prestations supérieures aux exigences minimales fixées dans la loi (art. 49 LPP; Message à l'appui de la LPP, FF 1976 I 127 ch. 313 et 314; ATF 131 II 593 consid. 4.1 p. 603 et les références).

Lorsqu'une institution de prévoyance décide d'étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales fixées dans la loi (prévoyance sur-obligatoire ou plus étendue), on parle alors d'institution de prévoyance « enveloppante ». Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP en matière d'organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation qui lui convient, pour autant qu'elle respecte les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l'interdiction de l'arbitraire ou encore la protection de la bonne foi (ATF 132 V 149 et 278 consid. 3.1; ATF 130 V 369 consid. 6.4; ATF 115 V 103 consid. 4b p. 109).

Eu égard à la diversité juridique du droit aux prestations et des plans de prévoyance dans le régime sur-obligatoire (voir Schneider, Les régimes complémentaires de retraite en Europe : libre circulation et participation, thèse, 1994, p. 225 ss), rien n'interdit aux institutions de prévoyance de limiter l'allocation des prestations de la prévoyance plus étendue - à l'intérieur du cercle prévu par les autorités fiscales pour l'obtention de l'exonération fiscale - à un groupe plus restreint, en respectant les principes d'égalité et de proportionnalité, ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 115 V 103 consid. 4b ; cf. aussi Walser, Weitergehende berufliche Vorsorge, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], ch. 142, p. 54; Kieser, BVG-Invalidenrenten im Alter, in Schaffhauser/Stauffer [éd.], Berufliche Vorsorge 2002, Probleme, Lösungen, Perspektiven, 2002, p.147).

En matière de prévoyance obligatoire, les conditions d'octroi de prestations pour survivants sont décrites aux art. 18 ss LPP.

Selon l'art. 19 LPP, le conjoint survivant a droit à une rente si, au décès de son conjoint, il remplit l'une ou l'autre des conditions suivantes : il a au moins un enfant à charge (a); il a atteint l'âge de 45 ans et le mariage a duré au moins cinq ans (b; al. 1). Le conjoint survivant qui ne remplit aucune de ces conditions a droit à une allocation unique égale à trois rentes annuelles (al. 2).

En cas de partenariat enregistré, le partenaire survivant a les mêmes droits qu'un veuf (art. 19a LPP).

Selon l'art. 20 LPP les enfants du défunt ont droit à une rente d'orphelin; il en va de même des enfants recueillis lorsque le défunt était tenu de pourvoir à leur entretien.

Selon l'art. 20a LPP (titre marginal: autres bénéficiaires), outre les ayants droit selon les art. 19 et 20 LPP, l'institution de prévoyance peut prévoir dans son règlement, les bénéficiaires de prestations pour survivants ci-après : a. les personnes à charge du défunt, ou la personne qui a formé avec ce dernier une communauté de vie ininterrompue d'au moins cinq ans immédiatement avant le décès ou qui doit subvenir à l'entretien d'un ou de plusieurs enfants communs; b. à défaut des bénéficiaires prévus à la let. a: les enfants du défunt qui ne remplissent pas les conditions de l'art. 20, les parents ou les frères et soeurs; c. à défaut des bénéficiaires prévus aux let. a et b : les autres héritiers légaux, à l'exclusion des collectivités publiques, à concurrence : 1. des cotisations payées par l'assuré; ou 2. de 50 % du capital de prévoyance (al. 1). Aucune prestation pour survivants n'est due selon l'al. 1, let. a, lorsque le bénéficiaire touche une rente de veuf ou de veuve (al. 2).

Il ressort des travaux préparatoires (FF 2000 2495 ss) que le droit à des prestations pour survivants en faveur des concubins ne résulte pas de la loi elle-même mais seulement lorsque le règlement d'une institution de prévoyance institue un tel droit (art. 49 al. 1 et art. 50 LPP) et concerne exclusivement le domaine de la prévoyance plus étendue (art. 49 al. 1 LPP; ATF 137 V 105 consid. 8.2). Dans ce domaine, il existe une large autonomie des institutions de prévoyance en ce qui concerne l'aménagement des prestations et leur financement dans les limites fixées par l'article 49 al. 2 LPP, uniquement limitée par les dispositions constitutionnelles et légales, telles l'égalité de traitement, l'interdiction de l'arbitraire et la proportionnalité (ATF 138 V 86 consid. 4.2; ATF 137 V 105 consid. 8.2; ATF 115 V 103 consid. 6).

Selon l'art. 44 al. 1 du règlement de prévoyance de la CIEPP en vigueur depuis le 1er janvier 2019, le conjoint, le partenaire enregistré (selon la LPart) ou le partenaire assimilé survivant d'un assuré ou d'un pensionné a droit à une rente s'il remplit l'une ou l'autre des conditions suivantes :

a. il a un ou des enfants à charge;

b. il a atteint l'âge de 45 ans et le mariage ou le partenariat a duré au moins 5 ans ;

c. il a eu des enfants à charge et le mariage ou le partenariat a duré au moins 5 ans.

Selon l'al. 2 de la même disposition, le partenaire est assimilé au conjoint ou au partenaire enregistré (selon la LPart) en cas de décès de son partenaire si toutes les conditions suivantes sont remplies (« partenaire assimilé ») :

a. les deux partenaires ne sont liés (entre eux ou avec une autre personne) ni par le mariage ni par un partenariat (selon la LPart ou selon l'article 20a LPP et les dispositions réglementaires applicables);

b. les partenaires ne présentent aucun lien de parenté au sens de l'article 95 CC ;

c. le partenaire survivant ne reçoit pas de rente (ni aucune prestation en capital en lieu et place de la rente) du 1er et/ou 2ème pilier suisse (ou des prestations étrangères équivalentes), au titre de conjoint ou de partenaire (selon la LPart ou selon l'article 20a LPP et les dispositions réglementaires applicables) en raison d'un précédent mariage ou partenariat (selon la LPart ou selon l'article 20a LPP et les dispositions réglementaires applicables) ;

d. le partenaire apporte la preuve qu'il a formé avec le défunt une communauté de vie ininterrompue d'au moins 5 ans immédiatement avant le décès de la personne assurée ou qu'il doit subvenir à l'entretien d'un ou de plusieurs enfants communs ;

e. la communauté de vie a été annoncée à la Caisse du vivant de l'assuré par déclaration écrite, datée et signée des deux partenaires à la Caisse ou par signature légalisée avant tout mariage ou partenariat enregistré (selon la LPart) conclu subséquemment par les partenaires et la demande de prestation a été déposée par le partenaire survivant auprès de la Caisse dans les 6 mois qui suivent le décès.

Les conditions énumérées aux lettres a à d doivent être remplies tant au moment de l'annonce de la communauté de vie au sens de la lettre e qu'au moment du décès de la personne assurée.

Le fait pour une institution de prévoyance de faire dépendre réglementairement le droit de la concubine au capital-décès de la condition formelle que le défunt l'ait désignée comme bénéficiaire de son vivant est conforme à l'art. 20a LPP. L'exigence d'une déclaration de l'assuré est une condition de forme et non pas une condition matérielle supplémentaire (ATF 136 V 127 consid. 4.5). Il correspond ainsi à la nature de la communauté de vie des personnes non mariées, à l'inverse de la réglementation du mariage, que les relations entre les partenaires soient laissées à l'entière autonomie de ceux-ci, chaque assuré étant libre de faire ou non profiter son concubin de la rente (ATF 137 V 105 consid. 8.2). Une telle exigence ne contrevient pas au principe de l'égalité de traitement face aux conjoints survivants et aux partenaires enregistrés survivants. En effet, l'assimilation complète des différentes catégories n'est pas prévue par le législateur et, si l'on admet qu'il est légitime pour une institution de prévoyance de connaître les risques qu'elle assure, en particulier les différentes rentes de survivants, il est normal qu'elle connaisse les assurés qui vivent en concubinage et pour lesquels elle pourrait être appelée à verser une rente au concubin survivant. Pour les personnes mariées ou celles qui vivent en partenariat enregistré, les modifications de ces données font l'objet d'une communication obligatoire aux institutions de prévoyance par les assurés (ATF 137 V 105 consid. 9.2 à 9.4).

Dans le cas d'un concubin ayant formé une communauté de vie pendant près de dix ans avec un assuré, le Tribunal fédéral a confirmé que l'absence d'annonce écrite à l'institution de prévoyance faisait obstacle à l'octroi d'une rente pour survivants, même si ladite communauté remplissait par ailleurs la condition de la durée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_161/2014 du 14 juillet 2014 consid. 3.3).

Quand une institution de prévoyance professionnelle (de droit privé) décide d'étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales fixées par la loi (prévoyance surobligatoire ou plus étendue), on parle alors - comme en l'espèce - d'institution de prévoyance « enveloppante ». Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP en matière d'organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation qui lui convient, pour autant qu'elle respecte les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 140 V 145 consid. 3.1 et la référence).

Dans le cadre de la prévoyance plus étendue, les employés assurés sont liés à l'institution par un contrat innommé (sui generis) dit de prévoyance (ATF 131 V 27 consid. 2.1). Le règlement de prévoyance constitue le contenu préformé de ce contrat, savoir ses conditions générales, auxquelles l'assuré se soumet expressément ou par actes concluants. Il doit ainsi être interprété selon les règles générales sur l'interprétation des contrats (ATF 140 V 145 consid. 3.3 et les références).

5.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré et le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.339/03 du 19 novembre 2003 consid. 2).

6.        Conformément à l'art. 73 al. 2 phr. 2 LPP, la maxime inquisitoire est applicable à la procédure en matière de prévoyance professionnelle. En vertu de ce principe, il appartient au juge d'établir d'office l'ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires. En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l'allégation ni celui de l'administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références citées). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références citées).

7.        Le principe constitutionnel de l'égalité de traitement (art. 8 Cst) est applicable à l'ensemble de la prévoyance professionnelle, obligatoire et étendue (ATF 110 II 443).

Selon la jurisprudence déduite de l'art. 8 al. 2 Cst., le règlement d'une institution de prévoyance viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente (cf. ATF 127 V 252 consid. 3b p. 255; ATF 126 V 48 consid. 3b p. 52 et les arrêts cités). Il faut en outre que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 125 I 1 consid. 2b/aa p. 4 et la jurisprudence citée). La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 c. 8.2 et les références citées).

8.        En l'espèce, force est de constater que le concubinage de la demanderesse et de l'assuré n'a pas été annoncé du vivant de celui-ci par une déclaration écrite. La défenderesse affirme ne pas avoir reçu une telle déclaration et la demanderesse n'a pas pu démontrer qu'elle a été faite. Cette dernière doit en supporter les conséquences, le fardeau de la preuve lui incombant.

Le fait que l'assuré ait sans doute eu l'intention d'annoncer son concubinage à la défenderesse ne suffit pas à considérer que cette condition est réalisée. De même, le fait qu'il soit malheureusement décédé de façon inattendue et qu'il ait eu une surcharge d'activités en 2020, en lien avec la grossesse difficile de la demanderesse et la pandémie, ne justifie pas une exception à l'exigence de l'annonce du concubinage du vivant de l'assuré, car seule la déclaration pouvait créer l'obligation de la défenderesse de verser une rente de survivant à la demanderesse, dans le contexte de la prévoyance étendue, qui est de nature contractuelle.

On ne peut, comme le fait la demanderesse, déduire du fait que l'art. 26 du règlement de la CIEPP - qui exige que tout fait ayant une incidence sur la couverture d'assurance soit immédiatement porté à la connaissance de la CIEPP par l'assuré et ses ayants droit - ne contient pas l'obligation d'annonce du concubinage, que cette exigence serait disproportionnée, car celle-ci est clairement mentionnée dans un autre article du même règlement.

Le Tribunal fédéral a déjà jugé que l'exigence d'une telle déclaration de l'assuré correspond à la nature de la communauté de vie des personnes non mariées, à l'inverse de la réglementation du mariage, et qu'elle ne contrevient pas au principe de l'égalité de traitement face aux conjoints survivants et aux partenaires enregistrés survivants.

Le règlement ne traite pas différemment les concubins des assurés, ni les assurés qui décèdent soudainement et ceux qui succombent après une longue maladie, lesquels sont soumis à la même exigence. Il n'y a pas d'inégalité de traitement entre les enfants d'un assuré décédé et le concubin qualifié de l'assuré, également parent des enfants, dès lors qu'il s'agit d'une situation différente, vu le lien de filiation existant entre les parents et leurs enfants, soit un lien juridique qui n'existe pas entre concubins. S'agissant des enfants de parents mariés ou non mariés, ils ne se trouvent pas dans une situation semblable. Si leurs parents font le choix de ne pas se marier, il y a des conséquences juridiques, qui peuvent les impacter.

Le grief de l'inégalité de traitement doit en conséquence être écarté.

9.        Infondée, la demande doit être rejetée.

10.    La procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA).

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le