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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2969/2018

ATAS/1088/2019 du 26.11.2019 ( LAMAL ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2969/2018 ATAS/1088/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 novembre 2019

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Emilie CONTI MOREL

 

 

recourant

 

contre

ASSURA-BASIS SA, sise avenue Charles-Ferdinand-Ramuz 70, PULLY

 

 

intimée


 

EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______1951, de nationalité suisse, domicilié à Genève, est assuré auprès d'Assura-Basis SA (ci-après : l'assurance ou l'intimée) depuis le 1er janvier 1998 pour l'assurance obligatoire des soins, modèle médecin de famille, avec franchise à option de CHF 2'500.-, risque accident inclus.

2.        Lors d'un séjour qu'il a effectué au début du mois de juin 2017 en Pologne, avec sa fille B______, pour l'enterrement d'un ami, l'assuré a ressenti des douleurs au dos. L'examen par imagerie à résonance magnétique (ci-après : IRM) qui a été réalisé le 5 juin 2017 dans le centre de radiologie C______ à Cracovie (Pologne) a mis en évidence une sténose du canal spinal dans la région L4 à S1, des signes d'une inflammation et des atteintes dégénératives au niveau des articulations facettaires. Les symptômes ressentis par l'assuré ont disparu rapidement, et ce dernier est rentré en Suisse.

3.        Le 31 juillet 2017, l'assuré s'est rendu à nouveau en Pologne en voiture, à Cracovie, avec sa fille précitée, pour un séjour prévu, en ce qui le concernait, d'une semaine selon sa fille et de quatre à cinq semaines selon lui. Le 1er août 2017, alors qu'il déchargeait ses bagages, il a été pris de douleurs dorsales aiguës irradiant dans les deux jambes, à gauche davantage qu'à droite.

4.        Il s'est rendu le 2 août 2017 au Centre hospitalier E______ à Cracovie, où il a été examiné par le docteur D______, chirurgien et orthopédiste au sein de cet hôpital. Les examens cliniques pratiqués, sans nouvelle IRM, ont révélé des défaillances radiculaires, avec réflexe insuffisant voire absent du tendon d'Achille et parésie des pieds et des symptômes neuropathiques au niveau de l'extrémité inférieure gauche. Tout en essayant un traitement conservateur ne nécessitant pas d'hospitalisation mais en retenant une contre-indication à un retour de l'assuré en Suisse, le Dr D______ a d'emblée envisagé qu'une opération de stabilisation de la colonne lombaire et une rééducation pourraient s'avérer nécessaires, en retenant provisoirement à cette fin la date du 7 novembre 2017 (étant précisé que le temps d'attente pour une telle opération dans ledit centre hospitalier était normalement de 24 mois). Dans cette perspective, il a fait pratiquer des examens dictés par les données anamnestiques en sa possession (comportant une opération Gamma Knife en juillet 2012 et une attaque cérébrale en mars 2013) et il a établi, le 3 août 2017, une « facture pro forma » (valant devis) de PLN 22'000.- (soit CHF 5'922.88 selon conversion au 3 août 2017, cf. www.oanda.com) pour une opération consistant en la stabilisation de la partie lombaire de la colonne vertébrale et la pose d'implants pour ouvrir le canal lombaire, à payer le cas échéant jusqu'à la date du 7 novembre 2017.

5.        Par courrier du 6 septembre 2017, l'assuré a informé l'assurance qu'il allait devoir se faire opérer le 7 novembre 2017 de la colonne vertébrale à Cracovie. Son médecin lui avait rigoureusement interdit d'entreprendre un voyage quelconque et de conduire. Il a joint à sa demande de prise en charge, avec des traductions certifiées conformes des 29 août et 1er septembre 2017, le devis précité du 3 août 2017 pour l'intervention chirurgicale de PLN 22'000.-, un devis du 31 août 2017 pour la réhabilitation dans un autre établissement hospitalier de PLN 13'945.50 (soit CHF 3'754.30) et une facture du 28 juillet 2017 pour l'IRM précitée du 5 juin 2017 de PLN 550.- (soit CHF 148.-).

6.        Le 5 octobre 2017, l'assurance a indiqué à l'assuré qu'en cas de séjour temporaire dans un pays de l'Union européenne (ci-après : UE) ou de l'Association européenne de libre échange (ci-après : AELE), seules devaient être prises en charge des prestations s'avérant nécessaires du point de vue médical compte tenu de leur nature et de la durée prévue du séjour, mais qu'aucune prestation ne pouvait être allouée lorsque l'intéressé se rendant dans un de ces pays choisissait délibérément d'y recevoir des soins, et elle a demandé à l'assuré de produire un rapport médical détaillé et de lui retourner un « questionnaire sinistre » dûment rempli.

7.        Le 30 octobre 2017, l'assurance a reçu ledit questionnaire ainsi qu'un rapport médical établi par le Dr D______ le 23 octobre 2017 (muni d'une traduction certifiée conforme du lendemain).

D'après le « questionnaire sinistre », l'assuré s'était rendu en Pologne pour des raisons familiales en « juin et septembre 2017 » et son retour en Suisse était prévu pour début 2018. Il avait des douleurs dans toute la jambe gauche et la colonne vertébrale lombaire, l'empêchant de marcher. L'opération était prévue pour le 7 novembre 2017.

Selon le rapport médical du Dr D______, l'assuré s'était présenté à l'hôpital en raison de douleurs récurrentes dans la colonne L/S et les membres inférieurs. Il était nécessaire de lui faire subir une opération de décompression et de stabilisation transpédiculaire des segments L4-L5-S1, le plus vite possible ; il y avait contre-indication à ce qu'il soit transporté en Suisse. L'intervention devait être suivie d'un traitement de réhabilitation dans un hôpital.

8.        L'assuré a été opéré le 7 novembre 2017, au Centre hospitalier E______ à Cracovie.

9.        En réponse à une demande de préavis (relevant notamment, à propos de l'urgence de l'opération considérée effectuée en novembre 2017, que l'assuré était arrivé en Pologne en juin 2017, qu'aucun traitement n'avait été annoncé à l'assurance depuis le début de l'année 2016, qu'aucun suivi n'était intervenu tant avant qu'après l'opération, et que l'épouse de l'assuré était partie pour la Pologne le 1er janvier 2017), le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie générale et médecin-conseil de l'assurance, a estimé, dans un préavis du 9 novembre 2017, que ladite intervention pour une maladie dégénérative chronique ne présentait aucun caractère d'urgence et que l'assuré aurait pu revenir en Suisse avant l'opération.

10.    Par courrier du 10 novembre 2017, l'assurance, se fondant sur le préavis défavorable de son médecin-conseil, a refusé la prise en charge de l'intervention, au motif qu'il n'y avait aucune nécessité médicale à effectuer l'opération en Pologne. Dans la mesure où l'IRM avait été réalisée le 5 juin 2017 et le devis pour l'intervention datait d'août 2017, il apparaissait très clairement qu'un retour en Suisse était parfaitement exigible et réalisable.

11.    Du 27 novembre au 30 décembre 2017, l'assuré a été à nouveau hospitalisé pour une neuro-réhabilitation post-opératoire, à l'hôpital G______ à Cracovie.

12.    Par courrier du 28 novembre 2017, l'assuré a contesté la prise de position de l'assurance, précisant qu'il s'était rendu deux fois en voiture en Pologne en 2017, en juin, séjour lors duquel il avait effectué une IRM et avait pu abandonner tout traitement vu la disparition des douleurs, puis en août, séjour lors duquel il s'était trouvé complètement bloqué au point de ne plus pouvoir marcher et de devoir rester alité jusqu'à son opération du 7 novembre, nécessaire d'après ce que le Dr D______ avait écrit dans son rapport précité du 23 octobre 2017. Il a joint un nouveau certificat médical du Dr D______ du 18 novembre 2017, une facture du 7 novembre 2017 de PLN 22'000.- pour l'intervention chirurgicale du même jour, une facture du 6 novembre 2017 de PLN 10'200.- pour la réhabilitation du 27 novembre au 30 décembre 2017, une facture du 31 octobre 2017 de PLN 470.- pour différents examens préopératoires, ainsi que deux photos de l'intervention chirurgicale.

Selon le rapport médical du Dr D______ du 18 novembre 2017, l'assuré s'était présenté au Centre hospitalier E______ en raison d'intenses douleurs au niveau de la colonne vertébrale avec sciatalgie paralytique et parésie fixée des fléchisseurs dorsaux du pied gauche, lui occasionnant d'importantes difficultés pour se déplacer ; son transport était contre-indiqué. D'août à octobre 2017, il avait été préparé, lors de consultations multidisciplinaires, en vue d'un traitement opératoire de sa sténose spinale L4-L5-S1. L'intervention avait eu lieu le 7 novembre 2017 (hémilaminectomie L5 du côté gauche, ablation de la hernie du noyau pulpeux L4-L5-S1 du côté gauche, surcharge des racines épineuses, stabilisation transpédiculaire par la pose d'implants). Une facetectomie du segment L4-L5 et un repositionnement des vis L5 et S1 du côté droit avaient été effectués le 14 novembre 2017. L'assuré avait quitté l'hôpital le 18 novembre 2017 pour suivre une réhabilitation à l'hôpital G______ à Cracovie.

13.    À teneur d'un préavis établi le 14 décembre 2017 par le Dr F______, après l'apparition de ses problèmes et l'IRM pratiquée en juin 2017, l'assuré aurait pu être pris en charge en Suisse dès son retour en Suisse, et à la suite de son second voyage en Pologne, il aurait pu rentrer en Suisse après un traitement antalgique. Il n'y avait aucun caractère urgent à opérer.

14.    Par courrier du 15 décembre 2017 s'appuyant sur ce préavis de son médecin-conseil, l'assurance a confirmé son refus de prendre en charge les frais liés à l'intervention en Pologne.

15.    Par courrier du 31 décembre 2017, désormais représenté par un conseil juridique polonais, l'assuré a demandé à l'assurance de revoir sa position. Il n'avait pas projeté de subir cette opération en Pologne. La nécessité de cette dernière n'était nullement apparue en juin 2017, mais à la suite d'une soudaine détérioration de son état de santé pendant son second séjour en Pologne et alors qu'il y avait contre-indication à son transport en Suisse, ainsi que l'avait attesté le Dr D______. Les frais en jeu étaient sans doute moindres que ceux qui auraient été engagés si l'opération avait été faite en Suisse.

16.    Dans un avis médical du 26 janvier 2018, le Dr F______ a maintenu son préavis défavorable du 14 décembre 2017. Selon les résultats de l'IRM pratiquée le 5 juin 2017, l'assuré était connu pour une sténose spinale sous forme d'un canal lombaire étroit associé à une instabilité lombaire L4-L5 se manifestant par une claudication neurogène ; il connaissait donc ce diagnostic à son retour en Suisse, mais n'avait pas cherché à savoir si une opération pouvait être médicalement nécessaire et réalisable en Suisse ; il était au contraire reparti en Pologne et, dès son arrivée dans ce pays, il avait annoncé à l'assurance la nécessité imminente d'une opération de stabilisation de la colonne, fixée au 7 novembre 2017 ; aucun caractère d'urgence ne pouvait dès lors être retenu pour cette opération, planifiée longtemps à l'avance. On ne savait pas de quel traitement l'assuré avait bénéficié, ni s'il avait dû être hospitalisé avant l'opération considérée ; le dossier ne comportait aucune facture pour une telle hospitalisation, mais un devis concernant l'opération émis déjà le 3 août 2017 ; il s'agissait dès lors d'un traitement volontaire à l'étranger, qui n'était pas à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Les affirmations contenues dans le courrier de l'assuré du 28 novembre 2017 étaient difficilement plausibles par rapport à la date d'établissement du devis, car cela signifierait que l'assuré aurait présenté des douleurs dès son arrivée en Pologne début août 2017, qu'il aurait immédiatement consulté un médecin, qui aurait rapidement constaté que la seule alternative était de lui faire subir l'opération considérée, en vue de laquelle un bilan cardiaque n'avait été fait que le 31 octobre 2017, et non durant la période d'août à octobre 2017, et alors que la symptomatologie d'intenses douleurs de la colonne lombaire avec sciatalgie paralytique et parésie fixée pouvait appeler une opération en urgence, précédée d'un nouveau bilan de la colonne par CT-scanner ou une IRM, qui n'avaient pas eu lieu.

17.    Par décision du 23 février 2018, l'assurance a maintenu son refus de prendre en charge l'hospitalisation de l'assuré du 7 novembre 2017 et ses suites, au motif qu'elles devaient être considérées comme des traitements volontaires à l'étranger, planifiés à l'avance, sans que l'assurance n'ait donné son accord préalable. D'après les dispositions pertinentes, un assuré bénéficiait de la prise en charge, au titre de l'assurance obligatoire des soins, des prestations en nature s'avérant nécessaires du point de vue médical compte tenu de leur nature et de la durée prévue du séjour en cas de séjour temporaire dans un pays de l'UE/AELE, mais pas, a contrario, lorsqu'il se rendait dans un de ces pays pour se faire traiter ou profitait d'un séjour temporaire dans un de ces pays pour se faire soigner. Seule l'IRM du 5 juin 2017 pouvait être considérée comme médicalement nécessaire.

18.    L'assuré a formé opposition à cette décision par courrier du 15 mars 2018 de son conseil polonais. Son opération n'avait pas été programmée à l'avance. Il avait informé l'assurance en détail avant l'opération, sans recevoir de sa part une quelconque information que les frais de traitement pourraient ne pas lui être remboursés ni des renseignements ou conseils sur la façon de procéder. Il joignait à son opposition un rapport du Dr D______ du 1er mars 2018 (muni d'une traduction certifiée conforme du 15 mars 2018).

D'après ce rapport (relatant les faits énoncés ci-dessus sous ch. 4), l'opération de stabilisation de la colonne lombaire du 7 novembre 2017 et la ré-opération du 14 novembre 2017 n'avaient aucunement été programmées à l'avance ; l'assuré avait subi une lésion imprévue de la colonne lombaire en transportant ses bagages à son arrivée à Cracovie début août 2017, et d'août à novembre 2017 un traitement conservateur avait été administré et des examens confirmant l'état de santé de l'assuré avaient été effectués ; le temps d'attente pour une telle opération était d'ordinaire de 24 mois dans le centre hospitalier considéré. La décision d'opérer l'assuré n'avait pas été fondée sur l'IRM pratiquée en juin 2017, mais sur la lésion subie début août 2017, le défaut d'amélioration consécutivement au traitement administré, l'aggravation de l'état neurologique et l'intensité des douleurs.

19.    Le 13 avril 2018, l'assurance a demandé à l'assuré de faire parvenir à son médecin-conseil une copie de l'IRM réalisée en juin 2017 et de celle effectuée lors de son deuxième séjour en Pologne en août 2017, ainsi que d'indiquer la durée de son séjour en réhabilitation en Pologne et la date de son retour en Suisse.

20.    Par courrier du 26 avril 2018, l'assuré a transmis à l'assurance l'IRM pratiquée le 5 juin 2017 et des radiographies postopératoires ainsi qu'une « déclaration définitive » du Dr D______ du 23 avril 2018 (munie d'une traduction certifiée conforme). Il n'y avait pas de motif de ne pas lui rembourser les frais de traitement et d'hospitalisation qu'il avait encourus en Pologne.

Dans sa « déclaration définitive », le Dr D______ confirmait ses rapports antérieurs des 23 octobre 2017, 18 novembre 2017 et 1er mars 2018. Il attestait avoir pris la décision d'opérer l'assuré au vu d'une aggravation de l'état de santé de l'assuré et de ses symptômes, témoignant d'une pression sur la moelle épinière, sans qu'il ait été nécessaire d'effectuer une nouvelle IRM.

21.    Dans un avis médical du 9 mai 2018, le Dr F______ a maintenu que l'assuré avait choisi de bénéficier d'une opération élective en Pologne lors de son second voyage, qu'il avait entrepris en connaissant parfaitement son état pathologique préexistant, que l'IRM du 5 juin 2017 mettait en évidence (soit des discopathies au niveau L3-L4-L5 avec protrusion ou herniation des disques et un spondylolisthésis de L3 sur L4, le tout entraînant un rétrécissement du canal lombaire), sans que des examens radiologiques postérieurs, à une date plus proche de l'opération, ne permettent de retenir d'indication pour une opération en urgence.

22.    D'après l'appel téléphonique qu'il a fait le 4 juin 2018 à l'assurance, l'assuré venait de rentrer de Pologne quatre ou cinq jours plus tôt, n'étant pas revenu en Suisse depuis les interventions des 7 et 14 novembre 2017 et le séjour hospitalier en réhabilitation. Au niveau des symptômes, en juin 2017, il avait eu subitement une hernie, d'une façon restée supportable, mais cela avait empiré lorsqu'il avait sorti ses bagages après son deuxième voyage ; il avait suivi l'avis des médecins et chirurgiens consultés en Pologne.

23.    À teneur d'un avis médical du 4 juin 2018 d'un autre des médecins-conseils de l'assurance, le docteur H______, en juin 2017, l'assuré avait présenté une sténose du canal spinal dans la région L4 à S1, des signes d'une inflammation et des atteintes dégénératives au niveau des articulations facettaires. D'après les examens cliniques réalisés en août 2017, il avait présenté des défaillances radiculaires avec insuffisance voire absence de réflexe du tendon d'Achille et parésie des pieds ainsi que des symptômes neuropathiques, signalant une compression de la racine L5. Il était incompréhensible qu'en présence d'une sténose spinale symptomatique avec défaillance radiculaire et symptômes d'une lésion nerveuse (neuropathie), on lui ait prescrit un traitement conservateur avec myorelaxants, antirhumatismaux non stéroïdiens ainsi que Neurontin, mais ni mesures physiques ni traitement par infiltration. D'août à novembre 2017, il n'y avait aucun rapport médical sur l'évolution des déficits neurologiques. Il était contradictoire à la fois de poser une indication pour une décompression urgente et une stabilisation et de déclarer nécessaire une phase de préparation médicale de plusieurs mois ; en présence d'une sténose symptomatique du canal avec défaillances radiculaires, il était relativement urgent d'effectuer une décompression, mais en l'absence de défaillances radiculaires importantes (comme vraisemblablement dans le cas de l'assuré, vu qu'il n'y avait pas eu d'intervention neurochirurgicale effectuée rapidement, ce qui faisait supposer que les déficits neurologiques s'étaient atténués), un traitement conservateur était approprié, et, à défaut d'amélioration, il était possible de programmer à terme une décompression avec, si nécessaire, une stabilisation. En conclusion, le Dr H______ retenait que l'opération de la hernie discale et, dans le même temps, la spondylodèse, avaient été planifiées au mois d'août 2017 ; elles avaient été pratiquées dans le cadre d'une intervention programmable, pour une opération ne devant avoir lieu qu'en novembre 2017, alors qu'il n'était pas démontré qu'un retour en Suisse, en voiture ou en avion, était inacceptable pour des raisons médicales. Il n'y avait pas lieu que l'assurance garantisse la prise en charge des coûts de ce traitement volontaire à l'étranger, ni de l'intervention neurochirurgicale ni de la réadaptation postopératoire.

24.    Par décision sur opposition du 2 juillet 2018, l'assurance a confirmé sa décision du 23 février 2018. L'intervention du 7 novembre 2017 n'avait aucun caractère d'urgence ; pour les motifs indiqués par les médecins-conseils de l'assurance dans leurs avis précités des 26 janvier, 9 mai et 4 juin 2018, elle devait être considérée comme ayant été planifiée au début du mois d'août 2017 et avait donc été pratiquée dans le cadre d'une intervention programmée ; l'assurance n'avait pas à allouer ses prestations pour cette intervention et ses suites. Elle n'avait pas donné son accord préalable, en délivrant un formulaire S2, à ce que l'assuré se rende dans un État étranger pour subir cette opération, et elle n'avait pas à donner un tel accord, car l'assuré aurait eu largement le temps de rentrer en Suisse pour y effectuer cette intervention dans un délai convenable.

25.    Par acte du 3 septembre 2018, l'assuré a recouru contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), en concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que l'assurance soit condamnée à prendre en charge la totalité des frais liés à l'intervention chirurgicale du 7 novembre 2017 correspondant à PLN 34'670.-, avec intérêts à 5 % l'an dès le 7 novembre 2017. L'assurance s'était écartée des faits tels qu'ils s'étaient passés et avait mal appliqué l'art. 19 du « règlement 883/2004 du Parlement européen et du Conseil ». Moins restrictif que le droit interne suisse, qui ne prévoyait la prise en charge de traitements à l'étranger qu'en cas d'urgence et imposait un retour en Suisse qui n'apparaissait pas déraisonnable, l'art. 19 dudit règlement prévoyait le droit aux prestations en nature qui s'avéraient nécessaires du point de vue médical au cours du séjour compte tenu de la nature des prestations et de la durée prévue du séjour. Le caractère urgent de l'intervention n'était pas déterminant ; il fallait que les soins réalisés au lieu de séjour n'aient pas été planifiés avant le départ et que le traitement sur place fût approprié au regard de l'état de l'assuré. Or, l'opération du 7 novembre 2017 n'avait pas été planifiée avant le départ de l'assuré en Pologne ; et un traitement à Cracovie était plus approprié qu'un retour en Suisse, dès lors d'une part que les atteintes qu'il avait aux membres inférieurs limitaient fortement ses déplacements et qu'un transport était contre-indiqué et d'autre part qu'il pouvait bénéficier d'une opération dans un délai relativement bref comparé au délai normal de 24 mois ainsi que de l'assistance des membres de sa famille. Les coûts d'un même traitement en Suisse auraient sans doute été plus élevés, en plus de ceux engendrés par la prise en charge d'un retour en Suisse en avion et chaise roulante et d'une probable hospitalisation dès avant qu'une opération n'y soit réalisable.

26.    Par mémoire du 2 octobre 2018, l'assurance a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision sur opposition du 2 juillet 2018.

Dans le cas de l'art. 19 R 883/2004, l'assuré devait avoir besoin de soins inopinés au cours d'un séjour dans un autre État membre ; il pouvait en bénéficier sur la base de la carte européenne d'assurance-maladie (ci-après : CEAM), ce qui lui permettait de continuer son séjour dans des conditions médicalement sûres et d'éviter de devoir rentrer prématurément, mais seules étaient concernées les prestations nécessaires pour éviter de devoir abréger la durée prévue du séjour à l'étranger ; seul un traitement symptomatique léger pouvait être dispensé en cas de maladie bégnine, des soins allant au-delà d'un traitement symptomatique n'étant envisageables que s'il était médicalement nécessaire d'éviter une aggravation ou de traiter sans tarder en profondeur les causes d'une pathologie. Or, l'intervention du 7 novembre 2017 ne relevait pas d'une nécessité médicale ; plus de trois mois s'étaient écoulés entre l'arrivée de l'assuré en Pologne le 1er août 2017 et ladite opération, et l'assuré s'était rendu en Pologne la seconde fois en connaissance de son état pathologique préexistant révélé par l'IRM du 5 juin 2017. Dès lors qu'il avait eu des douleurs dès son arrivée en Pologne, qu'il avait pu consulter un médecin sans délai et avait été en mesure de fournir un devis pour l'opération litigieuse le 3 août 2017 déjà, tout laissait à penser, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'assuré avait planifié le tout avant son départ ; il avait annoncé le 6 septembre 2017 qu'il devrait se faire opérer le 7 novembre 2017, sans même attendre les effets d'éventuelles mesures physiques ou de traitements par infiltrations (pas même tentés) ; ladite opération avait été pratiquée dans le cadre d'une intervention programmable.

Selon l'art. 20 R 883/2004, l'assuré qui se rendait à l'étranger pour y subir un traitement médical devait obtenir préalablement l'accord de son assurance au moyen d'un formulaire S2, que l'assurance ne lui avait pas délivré, à juste titre dès lors que l'assuré aurait eu largement le temps de rentrer en Suisse et d'y effectuer l'intervention litigieuse dans un délai acceptable. Il n'était pas pertinent que les coûts de cette dernière et d'un séjour de réadaptation en Pologne fussent le cas échéant moins élevés qu'en Suisse.

27.    Par réplique du 22 octobre 2018, l'assuré a persisté dans les termes et conclusions de son recours. La nécessité de l'intervention litigieuse n'était apparue qu'après l'arrivée en Pologne début août 2017, lorsque l'assuré s'était trouvé soudainement entravé dans sa mobilité et perclus de douleurs dorsales. L'argumentation de l'assurance revenait à tenir pour non conformes à la vérité les faits attestés par le Dr D______, alors que le système de coordination européenne de sécurité sociale mis en place impliquait une présomption de bonne foi à l'égard des déclarations de tels acteurs des systèmes de protection sociale ; il n'y avait pas d'irrégularité affectant les avis émis par le médecin précité. La possibilité de rentrer en Suisse pour s'y faire opérer représentait une exigence contraire à la finalité de l'art. 19 R 883/2004 d'éviter l'interruption du séjour dans l'autre État.

28.    Par duplique du 13 novembre 2018, l'assurance a maintenu sa position. L'intervention du 7 novembre 2017 n'aurait pas été effectuée près de trois mois après l'arrivée de l'assuré en Pologne si elle avait été nécessaire pour éviter une aggravation ou traiter sans tarder en profondeur les causes d'une pathologie, mais bien avant et en urgence. Un rapatriement médicalisé en Suisse n'aurait pas été à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

29.    Le 21 novembre 2018, l'assuré a confirmé ses écritures antérieures.

30.    Le 14 juin 2019, la CJCAS a procédé à la comparution personnelle des parties ainsi qu'à l'audition de plusieurs personnes à titre de témoins ou de renseignements.

a.       D'après ses déclarations, l'assuré s'était rendu en voiture avec sa fille (B______) à Cracovie pour les funérailles de l'époux de son ex-femme (mère de ladite fille), ayant eu lieu le 5 juin 2017 et un ou deux jours avant lesquels il avait eu de vives douleurs dorsales, qui l'avaient amené à faire une IRM le 5 juin 2017, qu'aucun médecin ne lui avait commenté, ni en Pologne ce jour-là ni à son retour en Suisse quelques jours plus tard, étant précisé que ses douleurs avaient rapidement disparu (à la suite d'exercices physiques qu'il avait appris à faire lorsqu'il avait eu, en 2013, des sténoses au niveau L4-L5). À fin juillet 2017, sa fille Dorota et lui étaient retournés en Pologne en voiture auprès de son ex-épouse, dans le but d'y demeurer elle une quinzaine de jours et lui quatre à cinq semaines. Il n'avait pas eu de douleurs durant le voyage, mais en déchargeant la voiture, le 1er août 2017, il avait eu de vives douleurs dorsales, l'ayant littéralement plié en deux, et pour lesquelles il s'était rendu le lendemain au centre hospitalier E______ à Cracovie, où le Dr D______, sans lui faire une nouvelle IRM mais en voyant le CD de l'IRM faite le 5 juin 2017, avait estimé qu'une opération serait probablement nécessaire, avait établi dans cette perspective un devis et lui avait interdit de retourner à Genève, si bien qu'il était resté, seul, chez son ex-épouse tandis que cette dernière et leur fille Dorota étaient parties à Genève. Durant la première quinzaine de septembre 2017, les médicaments prescrits ne faisant pas effet et les examens médicaux dictés par ses antécédents ayant été faits, le Dr D______ lui avait dit qu'il n'y avait pas d'alternative à l'opération déjà prévue pour le 7 novembre 2017.

b.      Madame B______ a déclaré qu'elle avait accompagné deux fois son père en voiture en Pologne en 2017, une première fois pour l'enterrement de son beau-père, jour même où, ayant eu des douleurs dorsales, il avait subi une IRM sans qu'un médecin ne pose de diagnostic ; ses douleurs s'étaient rapidement estompées ; elle-même était retournée à Genève en avion et son père quelques jours plus tard seul en voiture, sans plus ressentir de douleurs dorsales. Elle et son père étaient repartis le 31 juillet 2017 pour Cracovie, où ils étaient arrivés le lendemain, sans que son père n'éprouve de douleurs dorsales, mais en déchargeant la voiture il en avait eu de vives, pour lesquelles elle l'avait conduit le 2 août 2017 à l'hôpital, où le Dr D______ avait dit qu'il ne pouvait pas retourner en Suisse et devait subir une opération le plus vite possible ; il avait pu habiter dans l'appartement de son ex-épouse, avec laquelle elle-même était retournée à Genève pour environ deux semaines, avant qu'elle ne la reconduise à Cracovie, où elle avait vu son père, souffrant et alité, en attente de l'opération qu'il devait subir. Début août 2017, elle et son père ne devaient rester en Pologne qu'une semaine, le but de leur séjour étant de trouver un bon psychiatre pour sa mère. Son père avait été opéré en novembre 2017 à Cracovie, avait ensuite fait un séjour en hôpital de réhabilitation, et était revenu plusieurs mois plus tard à Genève, en voiture.

c.       Entendus conjointement (avec l'accord des parties), le Dr F______ (consultant d'Assura-Basis SA) et le docteur I______ (ayant succédé au Dr H______ comme employé de cette assurance), tous deux spécialistes FMH en chirurgie et experts SIM, ont déclaré de façon convergente qu'en présence de douleurs dorsales, de deux choses l'une : soit l'assuré avait eu des troubles sensitifs ou moteurs aigus et il aurait été nécessaire de l'opérer dans un bref délai, en principe dans les 24 heures, soit, à défaut de tels troubles et de résultats satisfaisants des traitements conservatoires entrepris, une opération pouvait être indiquée mais était alors programmable après un retour en Suisse (même impliquant un voyage en voiture d'une quinzaine d'heures). Les rapports du Dr D______ évoquaient, s'agissant de celui du 23 octobre 2017, une claudication neurogène, mais, s'agissant de ceux des 18 novembre 2017 et 23 avril 2018, des lombo-sciatalgies paralytiques et une diminution des réflexes achilliens. Une claudication neurogène ne représentait pas une contre-indication à un retour en Suisse en voiture, même dans l'hypothèse où elle justifierait qu'une opération soit faite. L'IRM du 5 juin 2017 (qu'aucun rapport médical n'avait commenté) révélait des troubles dégénératifs avec un canal lombaire étroit associé à une hernie discale, soit des atteintes à la santé qui n'arrivaient pas du jour au lendemain mais pouvaient évoluer de manière fluctuante, avec des crises de type blocages ou des douleurs irradiant dans les jambes, voire des troubles sensitifs ou même moteurs. L'assuré devait avoir eu des troubles dorsaux déjà avant le 5 juin 2017, même s'il était possible qu'il ait eu un blocage le 1er août 2017 en déchargeant sa voiture. La prise en charge médicale de l'assuré était surprenante, déjà en tant que, le 5 juin 2017, celui-ci avait pu subir une IRM sans prescription médicale, et en tant que, début août 2017, il n'avait pas été soumis à une nouvelle IRM ni à des radiographies (l'IRM du 5 juin 2017 ne permettant pas de poser l'indiction d'une opération), ni n'avait fait état de frais liés à des traitements conservatoires. Les Drs F______ et I______ confirmaient les avis médicaux précédemment produits par Assura-Basis SA.

d.      Après le départ des Drs F______ et I______, Assura-Basis SA a indiqué qu'elle avait pris en charge la facture de l'IRM du 5 juin 2017 et d'autres factures relatives à des consultations et des médicaments, mais qu'elle refusait de prendre en charge l'opération et la réhabilitation subséquente, tandis que l'assuré a produit un rapport médical sur l'IRM du 5 juin 2017 établi par la docteure J______, radiologue (en polonais avec une traduction en français certifiée conforme).

e.       La CJCAS a alors demandé à Assura-Basis SA de lui communiquer les frais qu'elle avait pris en charge, et indiqué que les Drs F______ et I______ seraient ensuite invités à se déterminer sur les nouveaux éléments fournis, y compris le rapport précité de la radiologue polonaise sur l'IRM du 5 juin 2017.

31.    Le 21 juin 2019, Assura-Basis SA a produit les factures et frais de traduction que l'assuré lui avait adressés, en précisant qu'elle n'avait pris en charge que la facture de PLN 550.- relative à l'IRM du 5 juin 2017.

32.    Le 8 juillet 2019, Assura-Basis SA a transmis à la CJCAS les prises de position des Drs F______ et I______, respectivement des 26 juin et 3 juillet 2019, aux termes desquelles les documents produits ne les amenaient pas à modifier les avis médicaux déjà versés au dossier ni leurs déclarations faites lors de leur audition.

33.    Le 26 août 2019, tandis qu'Assura-Basis SA a indiqué n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler, l'assuré a présenté un mémoire au terme duquel il persistait dans les conclusions de son recours.

Pour l'assuré, la question était de savoir si les soins lui ayant été prodigués en Pologne après le 31 juillet 2017 devaient être considérés comme des soins planifiés en avance depuis la Suisse et donc leur prise en charge soumise à une autorisation préalable selon l'art. 20 R 883/2004, ou comme des soins nécessaires sur place selon l'art. 19 R 883/2004.

L'instruction du dossier avait permis de clarifier les faits pertinents. Le 5 juin 2017, l'assuré avait subi une IRM dans un centre de radiologie et d'échographie, qui lui avait remis un CD avec les photos de l'IRM et un commentaire écrit de celle-ci, sans qu'il n'ait à voir un médecin ni à se faire prescrire un traitement médical. Ses douleurs ayant disparu, il n'avait ensuite pas eu besoin de voir un médecin, ni en Pologne ni à son retour en Suisse. Elles étaient réapparues brutalement le 1er août 2017, lors du déchargement de sa voiture. Le lendemain, le Dr D______ s'était fait remettre les résultats de l'IRM pratiquée le 5 juin 2017, avait constaté une claudication neurogène et des irritations de nerfs sans nécessité d'opération en urgence, prescrit des traitements conservateurs et une opération élective en cas d'absence de succès de ceux-ci, sur quoi l'assuré avait demandé un devis pour pouvoir le présenter à son assurance-maladie. Quelques semaines plus tard, ledit médecin avait jugé qu'il convenait de réaliser l'opération à la date réservée, vu l'absence d'évolution favorable, d'où le rapport qu'il avait établi le 23 octobre 2017 à l'intention de l'assurance suisse. Les soins considérés n'avaient pas été programmés d'avance. Comme le Dr D______ l'avait indiqué dans son rapport du 1er mars 2018, l'assuré ne présentait pas une pathologie à traiter en urgence absolue ; un traitement conservateur avec des médicaments avait été essayé.

La question de savoir si un retour en Suisse était exigible était pertinente au regard du seul droit suisse, mais pas en cas de traitement subi dans un État soumis au R 883/2004. L'art. 19 de ce règlement couvrait des traitements allant bien plus loin que les simples urgences médicales, soit tous les soins qui se révélaient nécessaires pendant le séjour de l'intéressé dans un tel État, sans que celui-ci y ait établi son domicile, en particulier les soins pour une pathologie impliquant qu'il reste dans ledit État pour une durée plus longue que prévue lors de son départ, sans limite de temps. Les rapports du Dr D______ des 23 octobre 2017, 18 novembre 2017 et 1er mars 2018 établissaient la nécessité que l'assuré reste sur place et limite ses déplacements au maximum. Ils ne pouvaient être écartés, bénéficiant d'une présomption en faveur de l'appréciation des autorités médicales de l'État de séjour vis-à-vis du devoir de remboursement des assurances sociales. Assura-Basis SA n'avait pas démontré d'abus de droit à se fonder sur l'appréciation de la situation faite par le Dr D______.

En conclusion, le recours devait être admis. Subsidiairement, une expertise judiciaire indépendante devait être ordonnée et le Dr D______ être entendu par la voie de l'entraide judiciaire internationale.

34.    D'après une écriture du 17 septembre 2019 d'Assura-Basis SA, il n'y avait eu aucune contre-indication médicale à ce que l'assuré retourne en Suisse en voiture à l'échéance de la durée initialement prévue pour son séjour, à la mi-septembre 2017. Il s'avérait, d'après un téléphone du 9 septembre 2019 avec le centre hospitalier E______, que cet hôpital public avait refusé la CEAM que l'assuré lui avait présentée parce que l'intervention du 7 novembre 2017 avait été programmée ; c'est pourquoi l'assuré avait dû acquitter sur place les factures relatives à ses hospitalisations et demander ensuite à son assurance-maladie de les lui rembourser. L'opération du 7 novembre 2017 et ses suites (la réadaptation du 20 novembre au 30 décembre 2017) ne pouvaient être indemnisées au titre de l'assurance obligatoire des soins.

35.    Le 14 octobre 2019, l'assuré a relevé que l'employé du département comptable du centre hospitalier E______ avait fait référence au concept médical d'opération programmée, qui est distinct du concept juridique de traitement programmé au sens de l'art. 20 R 883/2004, que n'étaient pas les actes médicaux considérés. La CEAM n'était qu'une preuve que son titulaire était assuré dans le cadre du R 883/2004 ; les centres médicaux européens n'étaient pas contraints de facturer leurs prestations directement à l'assurance-maladie suisse, mais pouvaient exiger de l'assuré qu'il règle la facture et se fasse rembourser ensuite par son assurance selon le système du tiers-garant. Le résumé du téléphone qu'Assura-Basis SA avait fait le 9 septembre 2019 avec un employé indéterminé du centre hospitalier E______ ne pouvait en tout état servir de moyen de preuve.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10). Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie, la décision attaquée étant une décision rendue sur opposition en application de la LAMal.

Le recours a été interjeté en temps utile compte tenu de la suspension du délai de recours du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b et 60 LPGA).

Il respecte les exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Étant partie à la procédure ayant abouti à la décision attaquée, étant touché par cette décision et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, le recourant a qualité pour recourir (art. 60 let. a et b LPA).

Le recours est donc recevable.

2.        Le litige porte sur la question de savoir si les frais de l'intervention en Pologne et de l'hospitalisation qui s'en est suivie doivent être pris en charge par l'assurance-maladie du recourant au titre de l'assurance obligatoire des soins.

3.        a. L'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31 en tenant compte des conditions des art. 32 à 34 (art. 24 LAMal).

Selon l'art. 25 LAMal, l'assurance obligatoire des soins assume les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (al. 1). Les prestations comprennent notamment les examens et traitements dispensés sous forme ambulatoire, en milieu hospitalier ou dans un établissement médico-social ainsi que les soins dispensés dans un hôpital par des médecins, des chiropraticiens et des personnes fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat médical (al. 2 let. a), les mesures de réadaptation effectuées ou prescrites par un médecin (al. 2 let. d), le séjour à l'hôpital correspondant au standard de la division commune (al. 2 let. e).

D'après l'art. 32 al. 1 phr. 1 LAMal, les prestations mentionnées aux art. 25 à 31 doivent être efficaces, appropriées et économiques (art. 32 al. 1 phr. A LAMal).

b. Selon le principe de la territorialité, à la base de l'assurance-maladie obligatoire, les prestations devant être prises en charge sont celles qui sont fournies en Suisse, sans préjudice de celles fournies à l'étranger dont le droit interne suisse ou le droit international prévoient la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung, in Ulrich MEYER [éd.], Soziale Sicherheit - Sécurité sociale, vol. XIV, 3ème éd., 2016, p. 385 ss, n. 542 ss ; Stéphanie PERRENOUD, L'assurance-maladie, in Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD [éd.], Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 3ème éd., 2015, p. 1 ss, n. 375).

c. Selon l'art. 34 al. 2 LAMal, le Conseil fédéral peut décider de la prise en charge, par l'assurance obligatoire des soins, des coûts des prestations visées aux art. 25 al. 2 et 29 qui sont fournies à l'étranger, pour des raisons médicales ou dans le cadre de la coopération transfrontalière, à des assurés qui résident en Suisse. Se fondant sur cette clause de délégation, le Conseil fédéral a édicté l'art. 36 de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102), intitulé « Prestations à l'étranger ».

Au regard de ces dispositions de droit interne suisse, l'assurance-maladie obligatoire peut être tenue de prendre en charge les coûts liés à des prestations fournies à l'étranger pour des raisons médicales dans deux hypothèses, à savoir lorsqu'elles ne peuvent l'être en Suisse (art. 36 al. 1 OAMal) - hypothèse ici non pertinente - ou en cas d'urgence (art. 36 al. 2 OAMal). Cette disposition-ci précise qu'il y a urgence lorsque l'assuré, qui séjourne temporairement à l'étranger, a besoin d'un traitement médical et qu'un retour en Suisse n'est pas approprié, mais qu'il n'y a pas d'urgence lorsque l'assuré se rend à l'étranger dans le but de suivre ce traitement.

Pour que l'urgence soit donnée, il faut que l'assuré ait besoin d'un traitement à l'étranger de manière subite et imprévue, que des raisons médicales s'opposent à un report du traitement et qu'un retour en Suisse apparaisse inapproprié au regard des circonstances, y compris des coûts d'un voyage de retour au regard des coûts du traitement à l'étranger. A contrario, l'urgence doit être niée lorsque l'assuré se rend à l'étranger dans le but de suivre le traitement médical ou lorsque son retour en Suisse n'apparaît pas médicalement inapproprié (Stéphanie PERRENOUD, op. cit., n. 388 ss et jurisprudence citée).

L'art. 3 al. 4 OAMal limite le montant de la prise en charge au double de celui qui aurait été payé si le traitement avait eu lieu en Suisse.

d. Comme le rappelle l'art. 36 al. 5 OAMal, les dispositions sur l'entraide internationale en matière de prestations demeurent réservées, en particulier l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), en vigueur depuis le 1er juin 2002.

Par ce traité international, la Suisse s'est engagée à participer à la coordination des systèmes de sécurité sociale en vigueur dans les États membres de l'Union européenne (dont la Pologne), et à appliquer notamment, dans le domaine de l'assurance-maladie, le règlement n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1), complété par le règlement n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (R 987/2009, RS 0.831.109.268.11) qui en fixe les modalités d'application, s'étant substitués depuis le 1er avril 2012 respectivement au règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 et au règlement n° 574/72 du 21 mars 1972 en vertu de la décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012.

Ces règles d'entraide permettent de déroger aux règles précitées du droit interne suisse (Stéphanie PERRENOUD, op. cit., n° 377). Elles améliorent la prise en charge des soins octroyés à l'étranger ; elles donnent accès aux soins, obtenus lors d'un séjour dans un État membre ou de façon planifiée, avec un remboursement intégral des frais engagés (Bettina KAHIL-WOLFF, La coordination européenne des systèmes de sécurité sociale, in Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD [éd.], Droit suisse de la sécurité sociale, op. cit., p. 591 sss, n. 31). Elles recouvrent deux hypothèses principales, à savoir le cas (visé par l'art. 19 R 883/2004) dans lequel l'assuré a besoin de prestations en nature (soins de santé) au cours d'un séjour dans l'autre État partie à l'ALCP, et le cas (visé par l'art. 20 dudit règlement) dans lequel l'assuré se déplace dans un autre État membre pour bénéficier de tels soins.

4.        a. L'art. 19 par. 1 R 883/2004 dispose qu'une personne assurée et les membres de sa famille qui séjournent dans un État membre autre que l'État membre compétent peuvent bénéficier des prestations en nature qui s'avèrent nécessaires du point de vue médical au cours du séjour, compte tenu de la nature des prestations et de la durée prévue du séjour. Ces prestations sont servies pour le compte de l'institution compétente, par l'institution du lieu de séjour, selon les dispositions de la législation qu'elle applique, comme si les personnes concernées étaient assurées en vertu de cette législation.

Aux fins de l'application de l'art. 19 R 883/2004, l'art. 25 par. 1 R 987/2009 dispose que la personne assurée présente au prestataire de soins de l'État membre de séjour un document (la CEAM) délivré par l'institution compétente (en Suisse : l'assureur-maladie LAMal), attestant ses droits aux prestations en nature. Ce document indique que la personne assurée a droit aux prestations en nature selon les modalités prévues par l'art. 19 R 883/2004, aux mêmes conditions que celles applicables aux personnes assurées au titre de la législation de l'État membre de séjour (art. 25 par. 2 R 987/2009).

b. Les prestations en nature visées à l'art. 19 par. 1 R 883/2004 sont les prestations en nature servies dans l'État membre de séjour, selon la législation de ce dernier et qui s'avèrent nécessaires du point de vue médical afin que la personne assurée ne soit pas contrainte de rejoindre, avant la fin de la durée prévue de son séjour, l'État membre compétent pour y recevoir un traitement nécessaire (art. 25 par. 3 R 987/09).

La notion de « prestations en nature [...] qui s'avèrent nécessaires du point de vue médical » (art. 19 par. 1 R 883/04 et 25 par. 3, R 987/09) requiert une évaluation des moyens mis en oeuvre par rapport au but poursuivi, comme en matière de proportionnalité. En revanche, le but recherché ici n'est pas de réduire le plus possible une atteinte à un droit fondamental, mais de déterminer les moyens médicalement nécessaires au regard de l'état de santé d'un assuré. Bien que cette détermination se fasse d'un point de vue médical, il convient cependant de prendre également en considération le type de soins et la durée planifiée du séjour (Karl-Jürgen BIEBACK in Maximilian FUCHS (éd.), Europäisches Sozialrecht, 6ème éd. 2013, p. 258 n. 12 ad art. 19, R 883/04 et les références citées).

En d'autres termes, une personne assurée en Suisse n'est pas tenue d'interrompre prématurément son séjour à l'étranger pour ne pas perdre son droit au remboursement des soins vis-à-vis de l'assureur-maladie suisse. Admettre le contraire contreviendrait à l'esprit de l'art. 19 R 883/2004, lequel a pour but de favoriser la libre circulation des personnes. En conséquence, le critère de l'aptitude au rapatriement s'avère trop restrictif et l'assureur-maladie suisse ne saurait limiter la prise en charge des soins aux seules urgences médicales survenues dans un État partie à l'ALCP (Christoph ROHRER, Der Umfang des Versicherungsschutzes der schweizerischen obligatorischen Krankenversicherung bei vorübergehendem Aufenthalt im EU-Ausland, in RSAS 51/2007, p. 503 et les références citées). Ainsi, lorsque la durée planifiée du séjour à l'étranger est longue, les mesures médicalement nécessaires sont plus importantes qu'en cas de séjour de courte durée. Cela ne change rien au fait qu'en cas de maladie bénigne, seul un traitement symptomatique léger s'impose. Ce n'est que s'il est absolument nécessaire, d'un point de vue médical, d'éviter une aggravation ou de traiter sans tarder en profondeur les causes d'une pathologie qu'il y a lieu d'envisager des soins allant au-delà d'un traitement symptomatique (Karl-Jürgen BIEBACK, op. cit., p. 259 n. 15 ad art. 19, R 883/04).

5.        a. Aux termes de l'art. 20 par. 1 R 883/2004, à moins que ce règlement n'en dispose autrement, une personne assurée se rendant dans un autre État membre aux fins de bénéficier de prestations en nature pendant son séjour demande une autorisation à l'institution compétente.

L'institution compétente (soit l'assureur-maladie LAMal si l'État dans lequel la personne est assurée est la Suisse) doit accorder son autorisation lorsque les soins dont il s'agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l'État membre sur le territoire duquel réside l'intéressé et que ces soins ne peuvent lui être dispensés dans un délai acceptable sur le plan médical, compte tenu de son état actuel de santé et de l'évolution probable de la maladie (art. 20 par. 2 R 883/2004).

Lorsque les deux conditions mentionnées à l'art. 20 par. 2 R 883/2004 sont réalisées, l'autorisation (qui est délivrée au moyen de l'attestation S2) ne peut pas être refusée. Elle peut également être accordée à des conditions moins restrictives (CJCE, affaire C-56/01 Inizan, Rec. 2003, I-12403). Tel est le cas lorsqu'une disposition de droit national prévoit qu'un traitement à l'étranger est autorisé lorsque la prise en charge du cas y est meilleure d'un point de vue médical. Si une telle autorisation est accordée en vertu du droit national, elle est réputée correspondre à une autorisation au sens de l'art. 20 R 883/2004 (Silvia BUCHER, Hospitalisation im europäischen Ausland, in Thomas GÄCHTER [éd.], Ausserkantonale Hospitalisation : Eine Tür zu mehr Wettbewerb im Gesundheits-wesen ? p. 27 ad art. 22 par. 1 let. c R 1408/71). Si l'autorisation a été délivrée par l'assureur-maladie de l'État membre compétent, cet assureur prend en charge les coûts facturés dans l'autre État membre conformément à l'art. 25 par. 4 et 5 R 987/2009 (art. 26 par. 6 R 987/2009).

b. Lorsque l'autorisation visée par l'art. 20 R 883/2004 n'a pas été sollicitée ou délivrée et que le droit national ne prévoit pas non plus la possibilité de se faire soigner à l'étranger à des conditions moins restrictives, il reste à déterminer dans quelle mesure l'assuré peut s'affranchir de ces conditions en invoquant la libre prestation (passive) des services. Cette dernière est certes consacrée par le Traité instituant la Communauté européenne (CJCE, affaires C-158/96 Kohll, Rec. 1998, I-1931 et C-368/98 Vanbraekel, Rec. 2001, I-5363), mais elle ne fait pas partie de l'acquis communautaire que la Suisse s'est engagée à reprendre en signant l'ALCP (ATF 133 V 624 ; Hardy LANDOLT, Der Grundsatz der Austauschbefugnis im Sozial-versicherungsrecht, in PJA 9/2010, p. 1127, 1141). Le Tribunal fédéral s'est prononcé dans ce sens en considérant que les frais de traitement, en Allemagne, d'un carcinome du pancréas par radiothérapie sélective ne pouvaient être mis à la charge d'un l'assureur-maladie suisse en vertu de la libre prestation des services, étant précisé qu'il n'y avait pas de raisons médicales au sens de l'art. 34 al. 2 phr. 1 LAMal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_479/2008 du 30 décembre 2008).

6.        a Contrairement à ce que l'intimée a retenu initialement, mais aussi maintenu par la suite tout en admettant que le recourant avait pu faire deux voyages en Pologne (l'un début juin 2017 et l'autre les 31 juillet/1er août 2017), l'opération du 7 novembre 2017 et, partant, la réhabilitation subséquente ne sauraient être considérées comme ayant été programmées avant que le recourant n'arrive à destination, à Cracovie, le 1er août 2017, ne se bloque le dos en déchargeant sa voiture et ne soit conduit à l'hôpital le lendemain.

Sans doute le recourant, qui avait d'ailleurs déjà eu des problèmes dorsaux antérieurement, a-t-il ressenti des douleurs dorsales au début du mois de juin 2017, alors qu'il s'était rendu en Pologne en voiture pour des funérailles, au point qu'il y avait subi une IRM, le 5 juin 2017. Il n'y a pas pour autant d'éléments permettant d'écarter la version - confirmée par les déclarations de sa fille, mais par ailleurs non démentie par des considérations médicales -, selon laquelle lesdites douleurs avaient vite disparu, en sorte qu'il avait pu ne pas consulter de médecin en Pologne, retourner en Suisse quelques jours plus tard, n'avoir pas besoin non plus de consulter un médecin en Suisse, décider de se rendre à nouveau en Pologne en voiture à la fin juillet 2017 et le faire effectivement, de surcroît sans rencontrer de nouveaux problèmes dorsaux jusqu'au moment où il a déchargé sa voiture une fois arrivé à destination. Cette version est d'ailleurs compatible avec l'explication donnée par le Dr I______ lors de son audition par la chambre de céans, à savoir que les troubles dégénératifs dont le recourant était atteint pouvaient évoluer de manière fluctuante et donner lieu à des crises de type blocages ou des douleurs irradiant dans les jambes, voire des troubles sensitifs ou mêmes des troubles moteurs.

b. S'il a envisagé d'emblée qu'une opération pourrait devoir être effectuée, le Dr D______ n'a pas jugé qu'elle devait l'être en urgence ni n'a exclu qu'un traitement conservateur suffise, mais il a d'ores et déjà réservé la date du 7 novembre 2017 pour cette opération pour le cas où il se confirmerait qu'elle devait intervenir et, dans la perspective de permettre au recourant d'évoquer la question de sa prise en charge par son assurance-maladie, il a établi, le 3 août 2017, une « facture pro forma » valant devis. La chambre de céans ne voit pas de raison de mettre en doute que, comme ledit médecin l'a attesté le 1er mars 2018, il a fondé sa décision d'opérer le recourant non sur l'IRM du 5 juin 2017, mais sur la lésion subie par ce dernier début août 2017 en déchargeant sa voiture, le défaut d'amélioration consécutivement au traitement administré, l'aggravation de l'état neurologique et l'intensité des douleurs.

7.        a. Les rapports successifs établis par le Dr D______ ne démontrent pas ni même ne prétendent qu'à début août 2017 il y a eu urgence à opérer le recourant. À teneur des explications convaincantes fournies par les Drs F______ et I______ lors de leur audition par la chambre de céans, c'était alors de deux choses l'une : soit le recourant présentait des troubles sensitifs ou moteurs aigus et il se serait imposé de l'hospitaliser et de l'opérer en urgence, afin d'éviter qu'il ne subisse de graves déficits durables, soit tel n'était alors pas le cas et des traitements conservateurs pouvaient être entrepris et une opération n'être décidée qu'à défaut de succès de tels traitements, de façon programmable. C'est la seconde de ces hypothèses qui était alors réalisée.

De surcroît, comme le recourant n'a alors pas même été hospitalisé et a pu vivre seul au domicile de son ex-épouse à Cracovie, cette dernière étant retournée avec leur fille à Genève pour une quinzaine de jours, il se justifie de tenir pour réaliste que - comme les Drs F______ et I______ l'ont affirmé - il lui aurait été possible de regagner son domicile à Genève.

b. Si donc la cause devait être jugée au regard du seul droit interne suisse, soit de l'art. 36 al. 2 OAMal, il ne fait guère de doute que la décision attaquée serait bien fondée, autrement dit que l'opération considérée et ses suites ne seraient pas à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

Elle doit l'être cependant au regard de l'art. 19 R 883/2004. Aussi le recourant ne devait-il, pour le moins, pas abréger son séjour en Pologne, mais pouvait-il y demeurer durant toute la durée prévue de son séjour et y recevoir, à la charge de l'intimée, les prestations en nature qui s'avéraient nécessaires du point de vue médical.

c. Initialement, le retour du recourant en Suisse n'était pas prévu pour début 2018. L'indication que tel était le cas, figurant dans le « questionnaire sinistre » que l'intimée a reçu du recourant le 30 octobre 2017, doit être comprise comme désignant le mois prévu pour son retour en Suisse dès lors que la décision avait finalement été prise - compte tenu de l'insuccès des traitements conservateurs entrepris, de l'aggravation de l'état neurologique et de l'intensité des douleurs - de l'opérer le 7 novembre 2017, soit à la date qui avait été réservée à cette fin dans cette éventualité, conçue rapidement sinon d'emblée comme probable.

Bien que sa fille a déclaré que leur second séjour en Pologne, dès les 31 juillet / 1er août 2017, devait durer environ une semaine, motivé qu'il était par leur souci de trouver un bon psychiatre pour respectivement leur mère et ex-épouse, il peut être retenu que, comme lui-même l'a déclaré, il avait prévu de rester en Pologne pendant quatre à cinq semaines, soit au plus jusque vers la mi-septembre 2017 (comme l'intimée l'a d'ailleurs admis dans son écriture du 17 septembre 2019). Or, c'est pendant cette période que, comme le recourant en a informé l'intimée par courrier du 6 septembre 2017, le Dr D______ a considéré que l'opération en question devait être entreprise, certes encore sans urgence, et à tout le moins qu'il y avait contre-indication à un retour du recourant en Suisse avant une telle opération et ses suites, comme cela résulte des rapports dudit médecin des 23 octobre 2017, 18 novembre 2017, 1er mars 2018 et 23 avril 2018 et comme la fille du recourant l'a confirmé lors de son audition.

Il est compréhensible et légitime que le recourant n'ait pas entrepris de revenir en Suisse avant son opération pour la subir en Suisse, dès lors que le médecin précité estimait indispensable qu'il reste sur place. Il ne disposait au demeurant pas d'un avis médical divergent à ce sujet.

8.        a. En l'absence d'éléments en démontrant le caractère abusif, les avis médicaux émis par le Dr D______ doivent se voir reconnaître force probante, concernant tant la contre-indication à un retour en Suisse que la nécessité de se faire opérer le 7 novembre 2017 à Cracovie, et, partant, d'y bénéficier des suites de l'opération en question.

Il est en effet inhérent au système d'entraide internationale mis en place par l'ALCP en matière de prestations médicales, impliquant l'application notamment de l'art. 19 R 883/2004, que l'appréciation de la situation médicale faite par les médecins de l'État de séjour (ici la Pologne) bénéficie d'une présomption de confiance pour l'institution d'assurance (ici suisse), ainsi que la Cour de Justice de l'UE l'a jugé notamment dans l'arrêt C-145/03 du 12 avril 2005 dont le recourant se prévaut.

b. L'art. 19 R 883/2004 couvre l'hypothèse dans laquelle l'assuré en séjour dans un État membre de l'UE ou de l'AELE y a besoin de soins médicaux et que son retour en Suisse avant le cas échéant qu'il les obtienne, fût-ce sous la forme d'une opération, est contre-indiqué médicalement, même si une telle opération doit se faire finalement après l'échéance de la durée prévue initialement pour le séjour considéré. La situation ne se trouve pas appréhendée pour autant par l'art. 20 R 883/2004 ; elle ne peut être assimilée à celle dans laquelle un assuré se rend dans un État membre dans le but de bénéficier de tels soins.

c. Il n'en résultait pas que les prestataires des soins considérés, en particulier les deux hôpitaux polonais dans lesquels le recourant a bénéficié des prestations considérées, devaient, au seul vu de la CEAM du recourant, lui fournir lesdits soins mais les facturer directement à l'intimée. Le R 883/2004 et les modalités d'application que prévoit le R 987/2009 n'impliquent pas que prévale le système du tiers-payant ; les hôpitaux considérés pouvaient exiger du recourant qu'il règle leurs factures et s'adresse à l'intimée pour se faire rembourser à due concurrence, selon le système du tiers-garant. Il n'est donc pas déterminant que - selon un indice fourni par l'intimée après les échanges d'écritures - le centre hospitalier E______ ait le cas échéant « refusé » la CEAM du recourant et lui ait demandé de s'acquitter de ses factures.

9.        a. Le recours doit donc être admis, la décision attaquée être annulée et la cause être renvoyée à l'intimée pour qu'elle détermine et paie le montant qu'il lui revient de prendre en charge, en application de l'assurance obligatoire des soins modèle « médecin de famille » du recourant, sur les factures que ce dernier lui a adressées dans cette cause.

b. La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

Vu l'issue donnée au recours, une indemnité de procédure de CHF 2'000.- est allouée au recourant, à la charge de l'intimée (art. 61 let. g LPGA).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 2 juillet 2018 d'Assura-Basis SA et renvoie la cause à cette dernière pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Alloue à Monsieur A______, à la charge d'Assura-Basis SA, une indemnité de procédure de CHF 2'000.-.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le