Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1058/2025 du 30.09.2025 ( FPUBL ) , ADMIS
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| 
 | POUVOIR JUDICIAIRE A/730/2025-FPUBL ATA/1058/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 30 septembre 2025 | 
 | ||
dans la cause
A______ recourante
 représentée par Me Christian BRUCHEZ, avocat
contre
UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée
 
A. a. A______, née le ______ 1986, est médecin cardiologue au bénéfice d'un doctorat.
b. Le 10 octobre 2022, elle a déposé sa candidature à la fonction de privat-docent auprès de la faculté de médecine de l'Université de Genève (ci-après : l'université).
c. En novembre 2022, la commission des privat-docents (ci-après : la commission), rattachée à l'université, a accepté sa candidature.
d. Dans le délai qui lui a été prolongé au 2 janvier 2024, A______ a soumis sa thèse d'habilitation intitulée « Spontaneous coronary artery dissection : contemporary insights into an underdiagnosed cause of acute coronary syndromes ».
Elle a également remis une liste de publications, un curriculum vitae, ainsi qu'une liste de six experts nationaux et internationaux, signée, et confirmant que : « les experts proposés ne sont pas des mentors, des collaborateurs, des personnes ayant participé à mes publications ou des personnes dont l'objectivité et l'indépendance seraient susceptibles d'être mises en doute pour toute autre raison ».
e. Par courriel du 6 mars 2024, la commission lui a demandé de fournir une seconde liste de quatre à six experts potentiels nationaux et internationaux afin d'avoir davantage d'évaluations d'experts sur sa thèse. Il était rappelé qu'il devait s'agir d'experts avec lesquels elle n'avait pas de publications communes les cinq dernières années.
f. Par courriel du même jour, A______ a demandé s'il y avait un « souci » avec les experts indiqués sur la première liste fournie.
g. Sans attendre la réponse, elle a transmis, toujours le même jour, une nouvelle liste comprenant cinq experts, signant et confirmant que : « les experts proposés ne sont pas des mentors, des collaborateurs, des personnes ayant participé à mes publications ou des personnes dont l'objectivité et l'indépendance seraient susceptibles d'être mise en doute pour toute autre raison ».
h. La commission, représentée par le Professeur B______, l'a convoquée à un entretien le 28 mars 2024 lors duquel il lui a été expliqué que six des experts qu'elle avait proposés sur les deux listes avaient eu des publications communes avec elle. Elle a reconnu son « erreur grossière », estimant qu'elle avait établi ces listes de manière trop précipitée. Il lui a été expliqué qu'au vu de cet évènement inédit, il serait statué sur sa situation, que la décision finale reviendrait au doyen de la faculté de médecine et qu'en attendant, sa thèse de privat-docent serait mise en pause.
i. Par courrier du 18 juin 2024, la commission a informé A______ que lors de sa réunion du 17 juin 2024, elle avait statué sur son cas et décidé de l'interruption de toutes ses démarches actuelles et futures pour l'obtention d'un titre de privat-docent au sein de la faculté de médecine, laquelle avait décidé de « ne plus jamais » l'autoriser à déposer sa candidature à la fonction de privat-docent. Elle a ajouté que c'était la première fois qu'elle faisait face à un tel acte « délictueux » et qu'elle tenait à faire respecter le règlement afin d'assurer une probité exemplaire dans le traitement des candidatures à cette fonction.
j. Le 18 juillet 2024, A______ a contesté ce courrier.
k. Par décision du 28 octobre 2024, le doyen de la faculté de médecine a annulé la décision du 18 juin 2024 et a prononcé la clôture de la procédure d'habilitation de A______ au titre de privat-docent.
Au moment de rendre sa thèse d'habilitation, elle avait déposé à deux reprises, soit les 2 janvier et 6 mars 2024, une liste d'experts contenant des collaborateurs avec lesquels elle avait eu des publications communes dans les cinq années qui précédaient le dépôt de sa candidature à la fonction de privat-docent, ce qui contrevenait à l'art. 7 al. 1 du règlement relatif aux fonctions de privat-docents de la faculté de médecine du 17 mai 2013, complété le 27 juin 2017 (ci-après : le règlement).
l. A______ a formé opposition le 29 novembre 2024.
m. Par décision sur opposition du 27 février 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, le doyen de la faculté de médecine a rejeté l'opposition et confirmé la décision de clôture de la procédure d'habilitation.
La condition prévue à l'art. 7 al. 4 du règlement – à savoir de signer la liste d'experts confirmant que les experts proposés étaient impartiaux – était un prérequis à la validation du processus de dépôt de la thèse d'habilitation, l'évaluation de la thèse étant une étape ultérieure et définie à l'art. 8 dudit règlement. Faute de liste d'experts valide, A______ n'avait pas rempli les conditions de l'art. 7 du règlement et n'avait ainsi pas pu valider le processus de dépôt de la thèse d'habilitation. Il apparaissait conforme au règlement que si la condition formelle portant sur la liste d'experts n'était pas remplie, la procédure d'habilitation fût clôturée. La décision du 28 octobre 2024 respectait donc le principe de la légalité.
Au vu de l'erreur commise à deux reprises, empêchant la validation de l'étape du dépôt de la thèse d'habilitation, il n'apparaissait pas disproportionné de prononcer la clôture de la procédure d'habilitation, ce qui n'empêchait au demeurant pas A______ de représenter sa candidature ultérieurement, sans qu'il y ait besoin de produire une nouvelle thèse.
Les arguments qu'elle avançait pour justifier le non-respect de la condition prévue à l'art. 7 al. 4 du règlement ne sauraient remettre en question ce raisonnement, chaque candidat se devant de respecter scrupuleusement les conditions prévues par le règlement. En cas de doute, il lui aurait appartenu de demander des éclaircissements auprès de la commission.
B. a. Par acte du 3 mars 2025, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation et à celle rendue le 28 octobre 2024 par le doyen et, cela fait, à ce qu'elle soit autorisée à « poursuivre, respectivement, à reprendre » la procédure d'habilitation ; préalablement, il devait lui être donné acte qu'elle avait produit une liste complémentaire d'experts pour évaluer sa thèse.
Elle avait été cheffe de clinique aux Hôpitaux universitaires de Genève depuis le 1er novembre 2018 et avait été promue médecin adjointe dès le 1er novembre 2021. Parallèlement à son poste de médecin cardiologue, elle était investie dans l'enseignement depuis plusieurs années. Ainsi, depuis l'année 2018, elle avait effectué plusieurs heures d'enseignements pré- et post- gradué, y compris durant son congé maternité. Elle avait également reçu le prix de la Fondation Reuter pour la mise en place du registre suisse des dissections coronaires spontanées, ainsi que le prix Swiss Interventional Cardiology Award en 2020. Aspirant à une carrière académique, notamment à l'obtention du titre de Professeure, elle avait déposé sa candidature à la fonction de privat-docent.
Elle ne s'était pas rendue compte que sa première liste comprenait des noms d'experts avec lesquels elle avait publié durant les cinq dernières années. En aucun cas elle n'avait eu l'intention de dissimuler un élément quelconque ni de tromper l'université dans le cadre de la soumission de ces listes d'experts.
Son erreur découlait de plusieurs facteurs. Notamment, elle souhaitait proposer des experts qui n'étaient pas des cardiologues généralistes mais qui avaient des connaissances sur la pathologie traitée dans sa thèse de privat-docent. Elle avait par ailleurs établi la seconde liste trop rapidement, dans la précipitation et le stress, étant précisé qu'elle ignorait la raison pour laquelle elle devait soumettre une seconde liste d'experts. Les coauteurs dans les publications médicales étaient nombreux, de sorte qu'il n'était pas possible de se souvenir de toutes les personnes ayant contribué à une publication ni de tous les coauteurs figurant sur les publications auxquelles elle avait participé. Il convenait par ailleurs de prendre en considération que durant cette période, elle avait fait face à une charge mentale qui contribuait à expliquer son erreur.
La décision querellée contrevenait au principe de la légalité, dans la mesure où l'art. 7 al. 4 du règlement ne prévoyait pas comme conséquence de sa violation la clôture de la procédure d'habilitation. Le but de cette disposition était de s'assurer que l'évaluation de la thèse ne fût pas entachée d'un vice, à savoir que les experts choisis fussent impartiaux. La clôture de la procédure d'habilitation n'était donc pas nécessaire au but visé et il aurait suffi de choisir deux experts de la liste conformément à l'art. 8 al. 1 du règlement afin d'évaluer sa thèse, ou de requérir de la candidate, cas échéant, qu'elle présente une nouvelle liste. Les deux listes d'experts, bien qu'elles fussent entachées d'erreurs, regroupaient cinq noms d'experts dont l'université ne contestait en effet pas qu'ils n'avaient pas de publication commune avec la recourante. L'autorité avait ainsi commis un excès de son pouvoir d'appréciation en voulant la sanctionner disciplinairement.
Prononcer la clôture de la procédure d'habilitation et imposer de la sorte de présenter une nouvelle candidature n'était ni nécessaire au regard du but d'intérêt public visé, ni dans un rapport raisonnable avec les conséquences subies.
Par surabondance, A______ produisait une nouvelle liste comprenant cinq experts avec lesquels elle confirmait n'avoir pas eu de publications communes durant les cinq dernières années.
b. Le 22 avril 2025, l'université a conclu au rejet du recours.
La nouvelle liste d'experts produite par la recourante ne saurait être prise en considération à ce stade de la procédure.
Échouant à deux reprises à communiquer une liste d'experts valable à la commission à cause d'une erreur répétée, A______ n'avait pas satisfait aux conditions permettant de valider le processus de dépôt de la thèse d'habilitation, de sorte que le doyen n'avait pas d'autre choix que de mettre un terme à la procédure d'habilitation. Il avait ainsi agi dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et la décision querellée ne violait pas le principe de la légalité.
Pour les mêmes raisons, elle respectait le principe de proportionnalité. A______ était par ailleurs autorisée à déposer une nouvelle candidature à la fonction de privat-docent.
c. Dans sa réplique du 23 mai 2025, A______ a persisté dans ses conclusions.
La décision querellée constituait en réalité une mesure disciplinaire par laquelle l'université avait souhaité sanctionner son comportement, laquelle ne reposait sur aucune base légale.
Prononcer la clôture de l'habilitation, même en l'autorisant à déposer une nouvelle candidature, n'était pas nécessaire au but d'intérêt public visé. La décision de clôture n'était pas non plus dans un rapport raisonnable avec l'atteinte à ses droits car déposer une nouvelle candidature, sans garantie qu'elle soit acceptée, engendrerait des conséquences importantes sur sa carrière académique et professionnelle, étant précisé que le temps et l'investissement consacrés pour ce projet étaient considérables.
d. Sur ce, les parties ont été informée que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. La recourante sollicite préalablement une audience de conciliation.
2.1 Selon l’art. 65A al. 1 LPA, les juridictions administratives peuvent en tout temps procéder à une tentative de conciliation.
2.2 En l'espèce, l'autorité intimée a conclu au rejet de cette demande dans la mesure où elle n'entendait pas revenir sur la décision querellée. Partant, il semble qu'une tentative de conciliation serait vouée à l'échec, étant précisé que l’art. 65A al. 1 LPA est potestatif. Au vu de l'issue donnée au litige, une telle audience se révèle au demeurant inutile.
Il ne sera en conséquence pas donné suite à la requête de tenue d’une audience de conciliation.
3. La recourante a proposé l'audition des parties.
3.1 Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).
Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2).
3.2 En l’espèce, la recourante a eu la possibilité de faire valoir ses arguments et de produire toute pièce utile devant la chambre de céans, qui dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige.
L’audition des parties ne sera ainsi pas ordonnée.
4. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de clôture de la procédure d'habilitation de la recourante au titre de privat-docent.
4.1 Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1) et que la base légale revête une certaine densité normative, c'est-à-dire qu'elle présente des garanties suffisantes de clarté, de précision et de transparence (ATF 131 II 13 consid. 6.5 ; 129 I 161 consid. 2.2).
4.2 L'administration commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation lorsqu'elle prend une mesure que la loi ne lui laisse pas la liberté d'adopter. En d'autres termes, l'administration sort du cadre que la loi a fixé à l'exercice de sa liberté d'appréciation : elle prononce, par exemple, une sanction qui ne figure pas dans la liste légale. Un tel comportement constitue une violation directe de la loi (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 179 n° 513).
Le principe de la légalité trouve en droit disciplinaire une application différenciée (Ursula MARTI/Roswitha PETRY, La jurisprudence en matière disciplinaire rendue par les juridictions administratives genevoises, in RDAF 2007 I 226, 235). Il s'applique en effet strictement aux sanctions en ce sens que l'autorité ne peut pas infliger une sanction qui n'est pas prévue par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 du 18 juin 2010 consid. 5.1).
4.3 Le règlement fixe les conditions d’habilitation et de renouvellement à la fonction de privat-docent (préambule).
Selon l’art. 1 dudit règlement, le privat-docent dispense, à temps partiel, un enseignement structuré au sein de la faculté de médecine (al. 1) Il est nommé par le Rectorat, sans traitement, pour une première période de quatre ans au maximum (al. 2). Lorsqu’une candidature à la fonction de privat-docent n’est pas retenue, le candidat peut déposer une nouvelle candidature, en suivant à nouveau le processus complet de nomination (al. 4).
L'art. 7 du règlement, relatif au dépôt des thèses d'habilitation, prévoit que le candidat dispose en principe d’une année au maximum pour rendre sa thèse d’habilitation, dès qu’il a été informé par la commission que sa candidature était susceptible d’être admise (al. 1). Le délai d’une année peut être prolongé uniquement en cas de circonstances exceptionnelles, et avec l’accord préalable de la commission et du doyen de la Faculté de médecine. En cas de non-respect du délai d’un an ou du délai de prolongation dûment autorisé, le candidat est informé par la commission du refus de sa candidature (al. 2). Les thèses d’habilitation sont déposées auprès de la commission, accompagnées du curriculum vitae et de la liste des publications mis à jour du candidat (al. 3). Au moment du dépôt, le candidat propose également une liste de 4 à 6 experts potentiels (suisses et internationaux), avec les coordonnées de ceux-ci. La liste d’experts doit être signée par le candidat, qui confirme ainsi que les experts proposés ne sont pas des mentors, des collaborateurs, des personnes ayant participé à ses publications ou des personnes dont l’objectivité et l’indépendance seraient susceptibles d’être mises en doute pour toute autre raison (al. 4).
L'art. 8 du règlement traite de l'évaluation des thèses d'habilitation. Il prescrit que celles-ci doivent être évaluées par deux experts pour les revues et un expert pour les recueils de publications. Les experts sont choisis par la commission (al. 1 du règlement). La Commission des privat-docents nomme également un rapporteur chargé d’examiner chaque thèse en concertation avec le président de la Commission des privat-docents (al. 2). Sur la base de l’avis des experts, le rapporteur et le président de la Commission des privatdocents peuvent requérir des modifications de la thèse d’habilitation (al. 3). La thèse d’habilitation est soumise à un logiciel anti-plagiat (al. 4). Lorsque la thèse d’habilitation leur paraît achevée, le rapporteur et le président de la Commission des privat-docents en informent le doyen de la Faculté de médecine, qui autorise alors le candidat à présenter sa leçon d’habilitation (al. 5). Dans les cas précités, le rapporteur de la Commission des privat-docents prépare à l’attention du Collège des professeurs de la Faculté de médecine, un rapport relatif au dossier complet du candidat et au contenu de sa thèse d’habilitation (al. 6).
4.4 En l'espèce, la décision querellée de clôture de la procédure d'habilitation a été prononcée au motif du non-respect de l'art. 7 al. 4 du règlement précité, faute pour la recourante d'avoir soumis, à deux reprises, une liste d'experts valide.
L'autorité intimée soutient que l'art. 7 du règlement fixe les conditions formelles s'agissant du processus de dépôt de la thèse d'habilitation, lesquelles constitueraient un prérequis à la validation de ce processus. La recourante n'avait pas rempli à deux reprises la condition de signer une liste d'experts valide car parmi les experts proposés, certains avaient eu des publications communes avec elle dans les cinq dernières années, de sorte que la procédure d'habilitation devait être clôturée.
Force est toutefois de constater que cette disposition ne prévoit pas une telle conséquence. Si l'on se réfère à la systématique du règlement, celui-ci prévoit qu'une fois l'évaluation du dossier de candidature effectuée (art. 2 à 4 du règlement), le candidat doit rédiger une thèse d'habilitation (art. 5). Cette thèse doit être déposée dans le délai imparti, sous peine de refus de la candidature (art. 7 al. 2). Elle doit en outre être accompagnée d'un dossier, dont une liste de 4 à 6 experts (art. 7 al. 3 et 4 du règlement). Ensuite du dépôt de la thèse, celle-ci est évaluée par deux experts, lesquels sont choisis par la commission (art. 8 al. 1 du règlement).
À l'instar de la recourante, il convient donc de retenir que les conditions de l'art. 7 al. 3 et 4 empêcheraient tout au plus le candidat de passer à l'étape suivante, à savoir de faire évaluer sa thèse par des experts, le but de cette disposition étant de s'assurer qu'il s'agisse d'experts impartiaux et indépendants. En aucun cas il ne s'agit d'une condition de validité de la thèse déposée dans le délai imparti ou de validité de la candidature. Cette disposition ne prévoit pas que son non-respect, fût-il intervenu à deux reprises, entraînerait comme conséquence la clôture de la procédure d'habilitation.
La décision querellée constitue en réalité une sanction disciplinaire par laquelle l'autorité intimée a entendu sanctionner le comportement de la recourante au motif qu'elle n'avait pas respecté « scrupuleusement les conditions prévues par le règlement ». Cette volonté de sanctionner est démontrée également par le fait que dans la décision annulée du 18 juin 2024, l'autorité intimée avait décidé de « ne plus jamais » l'autoriser à déposer sa candidature à la fonction de privat-docent, la commission relevant que c'était la première fois qu'elle faisait face à un tel acte « délictueux » et qu'elle tenait à « faire respecter le règlement afin d'assurer une probité exemplaire dans le traitement des candidatures » à cette fonction.
Or, l'autorité intimée ne pouvait prononcer une telle mesure disciplinaire en l'absence de base légale et réglementaire.
Il sera ainsi constaté que la décision querellée consacre une violation du principe de la légalité.
Pour ce motif déjà, la décision attaquée doit être annulée.
5. S'ajoute à cela que la décision de clôture de la procédure d'habilitation querellée, qui n'est pas nécessaire au regard du but d'intérêt public visé, doit également être annulée car contrevenant au principe de la proportionnalité.
5.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées). Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).
5.2 Comme vu ci-devant, et comme l'indique l'autorité intimée, le but d'intérêt public poursuivi par l'art. 7 al. 4 du règlement précité est d'assurer une probité dans le traitement des candidatures à la fonction de privat-docent en soumettant l'évaluation de la thèse d'habilitation à des experts impartiaux et indépendants. En application de l'art. 8 du règlement précité, les thèses d’habilitation doivent être évaluées par deux experts choisis par la commission. Or, il n'est pas contesté que dans les deux listes fournies par la recourante, bien qu'entachées d'erreurs, cinq experts étaient valides.
L'autorité intimée n'a pas démontré la volonté délictuelle de la recourante, étant précisé que ses erreurs relèvent d'une négligence grave. Toutefois, la clôture de la procédure d'habilitation l'oblige à recommencer le processus visant à l'obtention du titre de privat-docent depuis le début, en déposant à nouveau un dossier de candidature, ce quand bien même elle n'aurait pas besoin de rédiger une nouvelle thèse. En l'état, rien ne garantit que son dossier de candidature soit de nouveau accepté, et la conséquence pour sa carrière académique et professionnelle est importante, le titre de privat-docent étant non seulement nécessaire pour accéder au poste de chargée de cours, puis de professeure, mais également pour accéder au poste de médecin adjoint agrégé, ce titre pouvant être porté uniquement à l'obtention du titre de privat-docent.
La commission a la prérogative de choisir les experts à teneur de l'art. 8 du règlement. Il lui aurait ainsi suffi de choisir deux experts valides dans les deux listes transmises par la recourante, solution apte à produire le résultat escompté par le règlement et qui apparaît plus appropriée au vu des conséquences pour cette dernière.
Le recours sera ainsi admis et la décision querellée annulée.
Le dossier sera renvoyé à l'université afin qu'elle poursuive la procédure d'habilitation de la recourante et, partant, procède à l'évaluation de sa thèse conformément à l'art. 8 du règlement. À cet effet, il appartiendra à la commission de choisir deux experts parmi les deux listes transmises par la recourante, voire parmi la troisième liste qu'elle a produite dans le cadre de la présente procédure,
6. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, à la charge de l’intimée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
 LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 3 mars 2025 par A______ contre la décision de l'Université de Genève du 27 février 2025 ;
au fond :
l'admet et annule la décision précitée ;
renvoie le dossier à l'Université de Genève afin qu'elle procède à la poursuite de la procédure d'habilitation de A______ au sens des considérants ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;
alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’Université de Genève ;
dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ; dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),
- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;
- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Christian BRUCHEZ, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Université de Genève.
Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière-juriste : 
 
 M. MARMY | 
 | la présidente siégeant : 
 
 M. PERNET | 
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le 
 
 
 
 
 | 
 | la greffière : 
 
 
 
 |