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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2554/2025

ATA/1017/2025 du 16.09.2025 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2554/2025-FORMA ATA/1017/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 septembre 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1980, a déposé en ligne le 11 février 2025 un dossier de candidature en vue d’intégrer dès la rentrée universitaire 2025-2026 la Maîtrise universitaire en études globales (ou master of arts in global studies ; ci‑après : MAGS) du Global Studies Institute (ci-après : l’institut) de l’Université de Genève.

Il a produit un curriculum vitae, une lettre de motivation, un certificat de langue anglaise, une confirmation de participation au « CAS rebuild Ukraine », un relevé de notes « plan libre » portant sur un enseignement suivi en mai et juin 2024 et une attestation d’études de la haute école paysage ingénierie et architecture (ci-après : HEPIA).

Il a également postulé pour des masters en gestion de patrimoine, en innovation, développement humain et durabilité et en développement territorial.

b. Par décision notifiée en ligne le 14 avril 2025, l’institut a informé A______ que sa candidature n’avait pas été retenue par le comité scientifique. En  raison du nombre élevé de candidatures, celui-ci avait dû se montrer très sélectif et seule une petite fraction des candidatures avait pu être acceptée.

c. Le 14 avril 2025, A______ a formé opposition contre cette décision.

Il souhaitait connaître les raisons précises pour lesquelles son dossier n’avait pas été retenu pour la sélection finale. Il semblait particulièrement peu clair que le motif du refus soit le nombre des candidatures. Le refus paraissait infondé. Il espérait qu’il n’était pas motivé par des raisons discriminatoires.

L’institut était invité à lui transmettre tous les documents justifiant le rejet de sa candidature et à motiver sa décision.

d. Par décision du 19 juin 2025, déclarée immédiatement exécutoire, la directrice de l’institut a rejeté l’opposition.

Le comité scientifique du MAGS avait examiné 306 candidatures, dont la sienne, et n’en avait retenu que 74, soit environ 24% des dossiers. Il avait valorisé les candidats disposant d’une solide formation de base en sciences sociales et d’une ouverture sur les matières transversales telles que les méthodes qualitatives et quantitatives ainsi que les statistiques. Il avait en outre constaté qu’il n’avait présenté aucun relevé de notes ni même de diplôme, son dossier de candidature étant apparemment incomplet.

B. a. Par acte remis à la poste le 18 juillet 2025, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, à l’annulation de la décision du 14 avril 2025 et à ce que soit ordonnée son immatriculation au MAGS pour le semestre d’automne 2025-2026. Subsidiairement, le dossier devait être renvoyé à l’institut pour nouvelle décision.

Son droit d’être entendu avait été violé. L’accès au dossier lui avait été refusé malgré sa demande explicite. La motivation avait varié entre les décisions.

La motivation était insuffisante et contradictoire. Le motif de la sélection exigeante n’était pas prévu par le règlement d’études du 19 juin 2023 (ci-après : RE-MAGS). Il avait dûment déposé les pièces.

La décision était arbitraire et reposait sur une erreur manifeste d’appréciation. Son dossier avait été jugé complet et il avait été admis sans réserve le 5 juin 2025 au master en développement territorial.

La décision consacrait une inégalité de traitement et était disproportionnée. Son profil était comparable à d’autres candidats retenus. Les éléments qu’il avait mis en avant (CAS « Rebuild Ukraine », BIM, fondation suisse, statut S) avaient été ignorés.

Les délais de décision avaient été dépassés. L’institut devait statuer avant le 16 mai 2025. Son silence constituait déjà une « décision implicite attaquée ». La réponse tardive était nulle.

b. Le 24 juillet 2025, le recourant a complété son argumentation.

Le changement de motivation entre le 14 avril et le 19 juin 2025 l’avait privé de la possibilité de répliquer sur le nouveau grief. La décision de juin retenait une absence de pièces alors que celles-ci avaient pourtant bien été téléversées. Les mêmes pièces lui avaient valu une admission au master en développement territorial. Il avait le statut S en droit des étrangers et bénéficiait de l’aide sociale, et ne pouvait partant pas subir une sélection plus sévère. Le silence de l’autorité passé le 16 mai 2025 équivalait à une décision implicite positive. La décision tardive du 19 juin 2025 renversait illégalement un acquiescement tacite.

c. Le 4 août 2025, l’institut a demandé un délai pour se déterminer.

Compte tenu des documents transmis par le recourant au stade du recours, soit la décision du secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (ci‑après : SEFRI) reconnaissant le titre universitaire obtenu en Ukraine, le diplôme de formation supérieure « génie industriel et civil » obtenu à l’université nationale de Kyiv de construction et d’architecture, il avait décidé de saisir le comité scientifique afin qu’il puisse réexaminer le dossier de candidature du recourant et se prononcer au fond sur sa demande d’admission.

d. Le 11 août 2025, le recourant a indiqué que les documents que l’intimé qualifiait de nouveaux avaient été téléversés avec sa candidature lors du dépôt en ligne. Il produisait des captures d’écran de la procédure de téléversement.

e. Le 19 août 2025, l’institut a conclu au rejet du recours.

Le comité scientifique avait examiné les documents produits au stade du recours et avait maintenu son préavis initial.

Il ressort du rapport de la conseillère académique du 13 août 2025, produit par l’intimé, que le comité scientifique avait réexaminé la totalité du dossier de candidature, y compris les deux documents transmis avec le recours, ainsi que les arguments du recourant. Le SEFRI avait reconnu son diplôme ukrainien comme équivalent à « technicien ES en technique des bâtiments », soit un titre qui n’était pas académique mais sanctionnait une formation professionnelle délivrée par une école supérieure et n’était pas dans le domaine des sciences sociales. L’argument relatif à l’admission du recourant au master en développement territorial devait être examiné à la lumière du nombre des candidatures et des admissions et du lien existant entre le génie civil et le développement territorial. Il était « complètement faux » que d’autres candidats avec des profils similaires au sien avaient été admis au MAGS. C’étaient les mêmes critères de l’art. 5.2 RE-MAGS, et plus particulièrement des lettres c, d et e en termes de connaissances académiques qui avaient été pris en compte pour l’ensemble des dossiers.

Les qualifications académiques du recourant avaient été jugées insuffisantes en comparaison avec les résultats obtenus par d’autres candidats. Le recourant n’avait pas de formation académique se rapprochant des études en sciences sociales et autres cours de méthodes.

L’institut avait remis au recourant toutes les pièces demandées.

Le recourant n’avait pas téléversé avec sa candidature son diplôme de bachelor (ou un titre jugé équivalent) ni les relevés détaillés des cours universitaires suivis et des résultats obtenus durant le premier cycle universitaire. Seuls avaient été téléversés des documents académiques portant sur une formation en cours ou des cours libres, sans lien avec les documents exigés par le RE-MAGS. Les captures d’écran produites par le recourant ne concernaient pas sa candidature au MAGS mais vraisemblablement une autre candidature pour un autre master.

Ce n’était que dans la procédure de recours que l’institut avait pris connaissance de la reconnaissance par le SEFRI d’un diplôme ukrainien, équivalent à celui de « technicien ES en technique des bâtiments ». Or, il ne s’agissait pas d’un titre académique de 180 crédits ECTS mais d’une formation professionnelle délivrée par une école supérieure. Ce motif suffisait pour exclure sa candidature au MAGS.

Le fait que le recourant avait été admis dans un autre master était sans pertinence, dès lors que chaque programme se fondait sur des exigences et des critères d’admission propres.

Le délai pour statuer sur les oppositions était de trois mois.

f. Le 2 septembre 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions et son argumentation.

À titre très subsidiaire, son immatriculation conditionnelle devait être ordonnée, sous réserve d’accomplir, dans un délai à fixer par la chambre administrative, les compléments requis par le RE-MAGS. À titre préalable, les logs de plateforme, horodatages et uploads, les critères et le scoring, les procès-verbaux signés et une liste anonymisée des résultats devaient être produits. À défaut, un constat judiciaire devait être ordonné.

Il produisait une capture d’écran montrant le 11 mai 2025 à 18h29 le statut téléversé/vérifié pour les documents « diplôme spécialiste génie civil », « relevés universitaires » et « décision SEFRI », signées QES.

g. Le 3 septembre 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

h. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et pièces produits par les parties.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 43 al. 2 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30 ; art. 36 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'université du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE ; art. 26.3 RE-MAGS).

2.             Le recours doit être examiné au regard de la LU, du statut de l’université du 16 mars 2011 entré en vigueur le 28 juillet 2011, ainsi que du RIO-UNIGE. S’agissant d’une candidature à un programme d’études, sont applicables en outre les dispositions spéciales du RE-MAGS.

3.             Le recourant conclut à titre préalable à la production par l’intimé d’un certain nombre de pièces, à défaut à un constat judiciaire.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique (ATF 135 I 279 consid. 3.2 ; 132 II 485 consid. 3.2 et les références citées). Il comprend notamment le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 En l’espèce, il sera vu plus loin que le recours doit être rejeté faute pour le recourant de remplir la condition de disposer d’un titre universitaire. Il suit de là que la démonstration qu’il aurait produit toutes les pièces requises à temps et la connaissance des autres circonstances de l’évaluation de sa candidature ainsi que des autres candidatures sont sans influence sur la solution du litige.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

4.             Le litige a pour objet le bien-fondé du refus d’admettre le recourant dans le cursus du MAGS.

4.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

4.2 L’université est ouverte à toute personne remplissant les conditions d’immatriculation et d’inscription (art. 16 al. 1 LU). Les conditions d’inscription sont fixées dans les règlements des unités principales d’enseignement et de recherche ou des autres unités d’enseignement et de recherche (art. 16 al. 6 LU).

4.3 De manière générale, lorsque le nombre de candidats excède le nombre de places disponibles, il incombe à l'autorité compétente de décider d'un critère de priorité propre à départager ceux qui remplissent les conditions formelles expressément mentionnées dans le règlement d'études (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1227/2012 du 10 juillet 2013 consid. 4.2).

4.4 Selon l’art. 5.1 RE-MAGS, le MAGS est un master spécialisé auquel aucun baccalauréat universitaire ne donne automatiquement accès. L’admission se fait sur dossier.

Selon l’art. 5.2 RE-MAGS, sont admissibles les personnes qui, cumulativement : (a) sont titulaires d’un baccalauréat universitaire d’une haute école suisse (bachelor de 180 crédits ECTS au moins) ou d’un titre jugé équivalent ; (b) peuvent justifier de la capacité à suivre des enseignements en français et en anglais ; (c) peuvent justifier d’avoir validé un enseignement sur les fondements de l’approche interdisciplinaire et systémique en relations internationales à 6 crédits ECTS ou un enseignement jugé équivalent ; (d) peuvent justifier d’avoir validé un enseignement spécifique sur les global studies à 6 crédits ECTS ou un enseignement jugé équivalent ; (e) peuvent justifier d’avoir validé un enseignement sur les computational social sciences à 6 crédits ECTS ou un enseignement jugé équivalent.

Selon l’art. 5.3 RE-MAGS, sont également admissibles des personnes qui, bien que ne remplissant pas les conditions de l’al. 2 let. c, d et e de l’art. 5.2, remplissent les autres conditions de l’al. 2 et ont acquis des compétences académiques leur permettant d’entreprendre un master of arts in global studies.

Selon l’art. 5.4 RE-MAGS, la directrice de l’institut statue sur les équivalences visées à l’al. 2 ou sur les dossiers visés à l’al. 3 sur la base du préavis du comité scientifique.

L’art. 5.5 RE-MAGS prévoit que les dossiers de candidature doivent notamment contenir :

-          une copie certifiée du diplôme de bachelor ou d’un titre considéré comme équivalent ; en cas de titre autre qu’un bachelor, la directrice décide de l’équivalence, conformément à l’al. 4 ; l’absence d’un tel document dans le dossier de candidature peut, si les conditions posées à l’art. 7 sont satisfaites, donner le cas échéant lieu à une admission conditionnelle ; si le dernier titre universitaire obtenu l’a été plus de cinq années avant le dépôt de la candidature, la lettre de motivation doit spécifiquement justifier les raisons qui incitent le candidat à postuler pour une formation de base au sens de l’art. 63 al. 1 du statut ;

-          le relevé détaillé des cours universitaires suivis et des résultats obtenus (procès‑verbaux d’examen) durant le premier cycle d’études universitaire ;

-          la preuve d’une maîtrise du français et de l’anglais telle que l’accomplissement d’un cycle d’études antérieur en français et/ou en anglais, ou la réussite d’un examen reconnu attestant des compétences linguistiques, ou toute autre preuve jugée pertinente par le comité scientifique ;

-          une lettre de motivation ;

-          un curriculum vitae.

L’art. 6.1 RE-MAGS prévoit que les décisions d’admission ou de refus d’admission sont prononcées par la directrice sur proposition du comité scientifique.

L’art. 7.1 RE-MAGS prévoit que dans le but de favoriser la continuité du cursus de formation de base, le comité scientifique peut, lorsqu’un candidat affirme avec vraisemblance au moment du dépôt de sa candidature être sur le point d’obtenir un baccalauréat universitaire (au minimum 120 crédits ECTS acquis au moment du dépôt de la candidature), proposer une décision d’admission conditionnelle. Selon l’art. 7.2 RE-MAGS, l’admission se fait en ce cas sous condition d’obtention du diplôme annoncé ; le titre au sens de l’art. 5 doit impérativement être acquis avant le début de l’année académique pour laquelle la candidature a été déposée. Selon l’art. 7.3 RE-MAGS, aucun autre motif que celui prévu à l’alinéa premier du présent article ne peut être pris en compte par la directrice pour prononcer une admission conditionnelle.

4.5 La LU a instauré une procédure d’opposition préalable au recours devant la chambre administrative, dont elle a chargé l’université d’organiser le déroulement (art. 43 al. 2 LU). En vertu de l’art. 26 al. 1 RE-MAGS, les décisions prises en application du règlement peuvent faire l’objet d’opposition. Selon le RIO-UNIGE, c’est l’autorité décisionnaire qui statue sur l’opposition (art. 4 RIO-UNIGE).

4.6 L’art. 43 al. 5 LU prévoit que les autorités en charge du traitement des oppositions internes d’étudiants statuent dans les trois mois dès leur saisine. Exceptionnellement, ce délai peut faire l’objet d’une unique prolongation d’un mois si les circonstances particulières du cas l’exigent. Une telle prolongation est communiquée par écrit avec l’indication des motifs à l’étudiant avant l’expiration du premier délai.

4.7 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 Cst., le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2024 du 15 novembre 2024 consid. 3.2).

4.8 Selon la jurisprudence, les décisions entachées d'un vice sont généralement annulables. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'un vice peut frapper une décision de nullité. Une décision est nulle lorsque le défaut dont elle est affectée est particulièrement grave et manifeste, ou du moins aisément reconnaissable, et que le constat de nullité ne porte pas atteinte à la sécurité du droit. Les motifs de nullité qui entrent en ligne de compte sont notamment l'incompétence fonctionnelle ou matérielle de l'autorité qui a statué ou de graves erreurs procédurales (ATF 132 II 21 consid. 3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_270/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1). La nullité d'une décision doit être constatée d'office par toute autorité (ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1 ; ATA/121/2025 du 28 janvier 2025 consid. 4.6).

4.9 Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 2.2.1 ; 1C_695/2021 du 4 novembre 2022 consid. 3.1.2).

La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique (art. 8 al. 2 Cst.). Une décision viole le droit à l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_178/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.1).

5.             En l’espèce, dans deux griefs d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier lieu, le recourant fait valoir, d’une part, que la motivation de la décision du 14 avril 2025 ne permet pas de comprendre pour quelle raison sa candidature a été écartée, ce qui violerait son droit d’être entendu, et d’autre part que l’intimé a tardé à statuer sur son opposition, ce qui entraînerait son admission tacite.

Ces griefs ne sont pas fondés.

S’agissant tout d’abord de la motivation, la décision du 14 avril 2025 indiquait qu’en raison du nombre élevé de candidatures, le comité scientifique avait dû se montrer très sélectif et que seule une petite fraction des candidatures avait pu être acceptée. Le recourant, qui connaissait la description de la formation et le RE‑MAGS, pouvait ainsi comprendre que son dossier avait été analysé mais n’avait pas été retenu car il ne répondait pas aux critères stricts de sélection.

L’intimé a ensuite précisé dans la décision sur opposition du 19 juin 2025 que : (1) le comité scientifique avait valorisé les candidats disposant d’une solide formation de base en sciences sociales et d’une ouverture sur les matières transversales telles que les méthodes qualitatives et quantitatives ainsi que les statistiques et (2) il n’avait présenté aucun relevé de notes ni même de diplôme, son dossier de candidature étant apparemment incomplet.

Il ne s’agit pas d’un changement de motivation, comme semble le considérer le recourant, mais de précisions sur les motifs pour lesquels sa candidature ne répondait pas aux exigences strictes. Le recourant pouvait comprendre que sa formation n’était pas dans le giron des sciences sociales et ne comportait pas d’ouverture dans les méthodes qualitatives et quantitatives ou les statistiques. Il n’avait en outre pas produit les pièces requises.

La motivation de la décision du 19 juin 2025 permettait ainsi au recourant de la comprendre et de former et d’argumenter un recours, ce qu’il a d’ailleurs fait.

S’agissant ensuite de la tardiveté dont se plaint le recourant, l’art. 43 al. 5 LU impartit aux autorités en charge du traitement des oppositions internes d’étudiants de statuer dans les trois mois dès leur saisine, ce qu’a fait en l’occurrence l’intimé, de sorte qu’aucun retard ne peut lui être imputé, et qu’il n’y a ainsi pas lieu d’examiner si, comme le soutient le recourant, un retard de l’autorité emporterait acceptation d’une opposition.

6.             Le recourant se plaint d’une violation de la loi. Compte tenu des titres qu’il avait produits, il aurait dû être admis.

Le recourant soutient avoir produit à temps les titres exigés, ce dont l’intimé n’aurait pas tenu compte. Il prétend le prouver avec des captures d’écran.

Or, il s’est inscrit à plusieurs cursus et les captures d’écran qu’il a versées ne permettent pas de s’assurer que c’est bien avec son inscription au MAGS qu’il a produit notamment les documents requis par les rubriques « diplôme de baccalauréat en langue originale » et « relevé des notes en langue originale ».

Ce dernier document apparaît d’ailleurs dans une capture d’écran comme téléversé (avec le logo d’un œil ouvert) et dans l’autre comme « à fournir » et « vérifié » (avec le logo d’une flèche vers le haut).

Quoi qu’il en soit, même si le recourant établissait avoir produit en temps utile son diplôme ukrainien et sa reconnaissance par le SEFRI, l’intimé indique qu’il aurait dû pareillement rejeter sa demande d’admission, au motif, suffisant pour fonder le rejet, qu’il ne possédait pas un titre universitaire mais un titre d’une école professionnelle correspondant au titre suisse de technicien ES en technique des bâtiments, et que le titre produit n’était par ailleurs pas dans le domaine des compétences visé par l’art. 5 RE-MAGS.

Le raisonnement de l’intimé ne prête pas le flanc à la critique.

Le titre produit n’est pas un baccalauréat universitaire d’une haute école suisse (bachelor de 180 crédits ECTS au moins) au sens où entend l’art. 5.2 let. a RE‑MAGS, et n’a pas été jugé équivalent, sans qu’on puisse reprocher à l’intimé un abus de son pouvoir d’appréciation sur ce point, le diplôme du recourant étant par ailleurs du domaine de la construction. Le recourant n’indique pas qu’il contesterait l’équivalence reconnue à son diplôme par le SEFRI.

Par ailleurs, le recourant n’a pas établi avoir validé un enseignement sur les fondements de l’approche interdisciplinaire et systémique en relations internationales de 6 crédits ECTS ou un enseignement jugé équivalent, ni un enseignement spécifique sur les Global Studies de 6 crédits ECTS ou un enseignement jugé équivalent, ni un enseignement sur les Computational social sciences de 6 crédits ECTS ou un enseignement jugé équivalent – ainsi que l’exige l’art. 5.2 let. c, d et e RE-MAGS. Il semble même l’admettre, puisqu’il conclut dans sa réplique à une admission provisoire sous réserve d’accomplir, dans un délai à fixer par la chambre de céans, les compléments requis par le RE-MAGS.

Les autres éléments invoqués par le recourant – CAS « Rebuild Ukraine », BIM, fondation suisse, statut S – n’avaient pas à être pris en compte par l’institut, selon le RE-MAGS.

La décision querellée apparait ainsi conforme à la loi et ne consacre ni excès ni abus du pouvoir d’appréciation de l’intimé.

7.             Le recourant conclut dans sa réplique à son admission provisoire dans le cursus, le temps d’accomplir les compléments requis par le RE-MAGS.

Il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur cette conclusion, à supposer qu’elle soit recevable, dès lors que l’admission conditionnelle prévue à l’art. 7.2 RE-MAGS exige que le titre manquant, comportant au moins 120 crédits ECTS, soit impérativement acquis avant le début de l’année académique, une condition que le recourant ne soutient pas ni même ne rend vraisemblable être en mesure de remplir.

8.             Le recourant se plaint encore d’une inégalité de traitement, dès lors qu’il a été admis dans un cursus de développement territorial sur la base des mêmes documents et que d’autres candidats présentant un profil similaire au sien auraient été admis au MAGS.

Il ne saurait être suivi.

Il ne démontre pas que les situations seraient identiques et que les exigences seraient les mêmes pour les deux cursus. L’intimé fait observer non sans pertinence qu’il n’est au demeurant pas surprenant que le recourant, qui a suivi une formation et obtenu un diplôme dans la construction, ait pu être admis dans un cursus en développement territorial et non dans un cursus de relations internationales.

Le recourant ne rend par ailleurs pas vraisemblable que d’autres candidats au profil semblable au sien auraient été admis au cursus du MAGS, étant précisé que l’intimé a nié que tel ait pu être le cas.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

9.             Le recourant plaidant au bénéfice de l’assistance juridique, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5.10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 juillet 2025 par A______ contre la décision de l’Université de Genève du 19 juillet 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :