Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/883/2025 du 19.08.2025 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2122/2025-FPUBL ATA/883/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 19 août 2025 |
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dans la cause
A______ recourant
contre
DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE,
DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé
A. a. A______ a été engagé par le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou le département) le 1er septembre 2011, en qualité de stagiaire en responsabilité au sein de l’enseignement secondaire I au cycle d’orientation (ci-après : CO) de B______.
Il a été nommé fonctionnaire le 1er septembre 2014. Depuis cette date, il est maître généraliste de C______, dans le même établissement.
b. Le 21 février 2025, il a reçu en mains propres une convocation à un entretien de service prévu le 13 mars 2025. L’objectif de cet entretien était de l’entendre au sujet d’une éventuelle insuffisance de prestations. Cette situation était susceptible de conduire à une résiliation des rapports de service pour motif fondé.
c. Le 10 avril 2025, l’intéressé s’est exprimé sur le compte rendu de l’entretien de service.
d. Par courriel du 3 mai 2025, A______ a invité la conseillère d’État à lui transmettre tout courrier à sa nouvelle adresse, soit : « Hôtel D______, Rue E______ 1______, F-2______ F______ ».
e. Par décision du 28 mai 2025, envoyée par pli recommandé à A______, à l’adresse susmentionnée, la conseillère d’État a ouvert à son encontre une procédure de reclassement.
f. Selon le suivi des envois de la Poste, le pli contenant cette décision a été distribué le 3 juin 2025.
B. a. Par acte déposé au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice le 17 juin 2025, A______ a interjeté recours contre la décision précitée, dénonçant une « faute morale, politique et professionnelle », ainsi qu’un « écrit calomnieux et diffamatoire ».
b. Le 23 juin 2025, le DIP a conclu à l’irrecevabilité du recours. Il ressortait du suivi de la Poste, produit en annexe, que sa décision avait été distribuée le 3 juin 2025.
c. Le 27 juin 2025, A______ a produit une écriture spontanée.
d. Par pli du même jour, la chambre administrative a invité le recourant à se déterminer sur l’éventuelle tardiveté de son recours.
e. Le 14 juillet 2025, le recourant a contesté le caractère tardif de son recours. Il se « courrouçait devant cette basse mesquinerie ». Par courriel du 7 juin 2025, produit en annexe de son écriture, la réceptionniste de son appart-hôtel lui avait indiqué que deux courriers étaient arrivés à la réception « ce jour-là ». Le jour même, il avait donc inscrit la date de réception du « 7 juin 2025 » sur la lettre de la conseillère d’État. Plus tard, la réceptionniste lui avait précisé qu’il était possible que l’une des deux lettres soit arrivée avant le 7 juin 2025. Les réceptionnistes de l’hôtel lui avaient assuré n’avoir « jamais rien signé » pour la réception des courriers. La chambre administrative pouvait les entendre à ce sujet si besoin. Il invoquait l’art. 62 al. 5 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA-GE - E 5 10).
f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. La chambre administrative examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/244/2024 du 27 février 2024 consid. 1 ; ATA/583/2023 du 5 juin 2023 consid. 1 et les arrêts cités).
Se pose la question de savoir si le recours a été déposé en temps utile.
1.1 Selon l’art. 62 al. 1 let. b LPA, le délai de recours contre une « autre décision », en l’occurrence une décision incidente, est de dix jours. Il court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 1re phr. LPA).
Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2e phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/583/2023 précité consid. 1.3 et les arrêts cités).
Les écrits doivent parvenir à l’autorité ou être remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 4 LPA).
1.2 Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1re phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire. Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est en principe pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine ; ATA/583/2023 du 5 juin 2023 consid. 1.3 et les références citées).
Selon une jurisprudence bien établie, les communications des autorités sont soumises au principe de la réception. Il suffit qu'elles soient placées dans la sphère de puissance de leur destinataire et que celui-ci soit à même d'en prendre connaissance pour admettre qu'elles ont été valablement notifiées (ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2 ; 142 III 599 consid. 2.4.1 ; 122 I 139 consid. 1). Autrement dit, la prise de connaissance effective de l'envoi ne joue pas de rôle sur la détermination du dies a quo du délai de recours (ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2 ; 142 III 599 consid. 2.4.1).
1.3 Selon l’art. 62 al. 4 LPA, la décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution.
De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir des actes du juge est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins (ATF 141 II 429 consid. 3.1). Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 141 II 429 consid. 3 et la référence citée). À défaut, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d'une communication officielle à son adresse habituelle (ATF 117 V 131 consid. 4a).
1.4 Lorsqu'une personne à qui une décision devait être notifiée ne l'a pas reçue, sans sa faute, le délai de recours court du jour où cette personne a eu connaissance de la décision (art. 62 al. 5 LPA).
Le fardeau de la preuve de la notification d'un acte et de sa date incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 136 V 295 consid. 5.9). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 et les références citées), dont la bonne foi est présumée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3 et les références citées). La preuve de la notification peut toutefois résulter d'autres indices que des indications postales ou de l'ensemble des circonstances, par exemple d'un échange de correspondance ultérieur ou du comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.2).
1.5 Selon la jurisprudence, pour les envois postaux recommandés, il existe une présomption selon laquelle l'employé de la Poste a dûment déposé l'avis de retrait dans la boîte aux lettres ou la boîte postale du destinataire, et que la date de distribution a été correctement enregistrée. Cette présomption peut être renversée si le destinataire établit au degré de la vraisemblance prépondérante une erreur dans la notification; il faut des indices concrets d'une erreur (ATF 142 IV 201 consid. 2.3 en matière pénale, et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_250/2008 du 18 juin 2008 consid. 3.2.2).
1.6 Selon l'art. 11 al. 1 de la Convention européenne sur la notification à l'étranger des documents en matière administrative du 24 novembre 1977 (CENA 94 - RS 0.172.030.5 - STE n° 94), ratifiée tant par la France que par la Suisse, tout État contractant a la faculté de faire procéder directement par la voie de la Poste aux notifications de documents à des personnes se trouvant sur le territoire d’autres États contractants (ATA/820/2024 du 9 juillet 2024 consid. 2.2).
1.7 En l'espèce, il ressort du suivi des envois de la Poste suisse que la décision de la conseillère d’État du 28 mai 2025 a été distribuée par voie recommandée le 3 juin 2025 à l’adresse de notification indiquée par le recourant. Le délai de recours de dix jours a donc commencé à courir le lendemain et s'est échu le 13 juin 2025. Le recours, déposé au greffe de la chambre administrative le 17 juin 2025, est donc a priori tardif.
Dans ses écritures, le recourant ne conteste pas avoir reçu la décision litigieuse. Il estime toutefois que le dies a quo du délai de recours commence le lendemain de sa réception, le 7 juin 2025. Il se prévaut, en cela, d’un courriel de la réceptionniste de son appart-hôtel, selon lequel des lettres auraient été « reçues » pour lui le 7 juin 2025. Or, même à admettre que la décision litigieuse figurait dans les courriers mentionnés par la réceptionniste – ce que le recourant ne démontre pas –, il a indiqué que la réceptionniste avait elle-même reconnu qu’il était possible que l’un des courriers ait été reçu plus tôt. Or, dans la mesure où l’adresse de notification correspond à l’adresse qu’il avait lui-même indiquée à l’intimé, quelques semaines avant de recevoir la décision litigieuse, il lui appartenait de prendre ses dispositions pour sauvegarder ses droits. Il supporte ainsi le risque, à l'intérieur de sa sphère d'influence, de prendre connaissance tardivement des courriers envoyés par recommandé. Il ne saurait sans autre se fier à l’indication de la réceptionniste de son hôtel s’agissant de la date de la notification, étant précisé qu’une simple recherche sur le site Internet de la Poste, avec le numéro d’envoi indiqué sur l’enveloppe, lui aurait permis de comprendre que le pli litigieux avait été distribué le 3 juin 2025. Enfin, le recourant conteste qu’une signature aurait été requise par l’office postal. Or, outre qu’il ne produit aucune attestation en ce sens des personnes responsables de la réception des courriers de l’hôtel, il ne conteste pas que le pli litigieux est bien parvenu dans sa sphère d’influence. Il ne saurait donc se prévaloir d’une éventuelle erreur de la Poste pour justifier le dépôt tardif de son recours.
Pour le reste, le recourant ne soutient pas qu’il aurait subi un cas de force majeure.
Il découle de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable.
2. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
La valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d LTF).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare irrecevable le recours interjeté le 17 juin 2025 par A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 28 mai 2025 ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 200.- ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière :
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