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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1841/2025

ATA/889/2025 du 19.08.2025 ( FORMA ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.09.2025, 2C_553/2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1841/2025-FORMA ATA/889/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 août 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineur, agissant par ses parents B______ et C______

représenté par Me Mehdi CHRAIBI, avocat recourant

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SERVICE DE LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE intimé



EN FAIT

A. a. Né le ______2012 au Soudan, A______ (ci‑après également : l'élève) est arrivé en 2015 en Suisse, où il a fréquenté un jardin d'enfants pendant l'année scolaire 2015/2016. Il est ensuite retourné au Soudan en 2019 avant de revenir en Suisse en février 2024.

Il a intégré l'école genevoise en 7e année primaire (7P) en avril 2024 à l'école primaire D______ à E______, en classe d'accueil.

b. Le 24 juin 2024, le service de la pédagogie spécialisée (ci-après : le SPS) a reçu de la direction de l'école fréquentée par l'élève un formulaire d'évaluation standardisée (ci-après : PES) urgent accompagné de divers documents parmi lesquels, notamment, un rapport médical établi le 15 février 2018 par le docteur F______, un rapport d'évaluation médico-psychologique établi le 3 juillet 2024 par les docteures G______ et H______, le bulletin scolaire du deuxième semestre 2023/2024, un rapport d'évaluation en langue d'origine finalisé le 21 juin 2024 par I______, et la grille d'estimation du degré d'atteinte des objectifs en référence au plan d'études romand, complétée le 24 juin 2024.

Selon la PES, l'élève présentait des difficultés notables dans sa communication, son comportement et ses interactions avec son environnement. Il ne répondait pas à son prénom, ne semblait pas comprendre les consignes, même simples, ses gestes pouvaient être impulsifs, maladroits et souvent non coordonnés, au point de mettre en danger ses camarades. Lors des récréations, il ne participait pas aux jeux de ces derniers et il lui arrivait de quitter le périmètre scolaire. Ses capacités de concentration étaient faibles et il avait besoin d'être constamment supervisé par un adulte. Il présentait d'importantes difficultés de prononciation, en français comme en arabe, et n'était pas en mesure de reconnaître son prénom écrit. Ses compétences scolaires ne correspondaient pas à celles attendues chez un enfant de son âge.

Dans son rapport du 15 février 2018, le Dr F______ avait posé un diagnostic d'autisme infantile.

Selon le rapport d'évaluation médico-psychologique du 3 juillet 2024, il présentait des difficultés notables en termes de langage et de communication. Il ne reconnaissait pas son prénom, ne comprenait pas lorsqu'on s'adressait à lui et n'établissait jamais de contact visuel. Son vocabulaire était limité et son discours comme ses dessins répétitifs. Il sollicitait beaucoup sa maîtresse et se montrait très tactile, sans avoir toujours conscience de ses gestes. Ses interactions avec les autres enfants et avec les adultes étaient difficiles. Il était incapable de rester orienté vers les activités ou les personnes qui l'entouraient et présentait une agitation motrice, ayant de la peine à rester assis.

Selon son bulletin scolaire relatif au second semestre de l'année scolaire 2023/2024, il n'avait pu être évalué dans aucune discipline.

À teneur de la grille d'estimation du degré d'atteinte des objectifs, il atteignait le niveau attendu d'un élève de 2P dans les domaines de compréhension de l'oral et de l'écrit, de production de l'oral et d'écriture et instruments de communication. Sa progression dans les apprentissages de la vie scolaire était peu satisfaisante dans la prise en charge de son travail personnel, dans ses relations avec les autres élèves et les adultes, dans le respect des règles de la vie commune ainsi que dans la collaboration avec les camarades.

Une mesure de pédagogie spécialisée était recommandée.

La PES avait été signée par le père de l'élève lors d'une séance tenue avec la direction de l'école le 20 juin 2024, sa mère n'étant pas présente à cette occasion. Ce dernier avait indiqué être en accord avec l'évaluation des besoins et les mesures envisagées.

c. Le SPS a soumis le dossier de A______ à des spécialistes du domaine de la psychologie spécialisée, lesquels ont préavisé l'octroi d'une prestation d'enseignement spécialisé.

d. La commission pluridisciplinaire de recommandation pour la psychologie spécialisée (ci-après : la CPR) en a fait de même lors de sa séance du 3 septembre 2024.

e. Le 15 octobre 2024, le SPS a adressé aux parents de l'élève un projet de décision prévoyant l'octroi d'une prestation d'enseignement spécialisé et les a invités à faire valoir leur droit d'être entendus.

f. Par courrier de leur conseil du 15 novembre 2024, A______ et ses parents se sont opposés à l'octroi d'une prestation d'enseignement spécialisé.

Les parents de l'élève, en particulier sa mère, n'avaient pas été suffisamment impliqués.

L'octroi d'une prestation d'enseignement spécialisé violerait le principe de la proportionnalité dès lors qu'il ne ressortait pas du projet de décision que d'autres mesures moins incisives de soutien et d'aménagement scolaires aient été prises. La période de scolarisation était trop courte pour évaluer les besoins en la matière de l'élève.

Le principe de l'égalité de traitement était également violé, la situation de l'élève ne se distinguant pas de celle d'autres enfants scolarisés à l'étranger.

Étaient annexés à ce courrier, notamment, une attestation de la répétitrice de l'élève, établie le 24 octobre 2024, ainsi qu'une attestation du directeur de l'école soudanaise au sein de laquelle l'élève avait été scolarisé de 2021 à 2023.

g. À la suite de cette opposition, le SPS a demandé au directeur de l'établissement une actualisation de la situation de l'élève. Parlant lui-même l'arabe, ce dernier a confirmé l'existence d'un important retard scolaire. Au moment de l'actualisation, soit en novembre 2024, l'élève fréquentait une classe d'accueil, à effectif réduit, à 50%, et passait le reste du temps seul avec l'adulte qui l'accompagnait. Il ne fréquentait jamais une classe régulière et sa grande fatigabilité ne lui permettait pas de passer une journée entière en classe d'accueil. Son comportement s'était amélioré à certains égards : il n'avait plus de gestes inappropriés avec les filles, ne léchait plus les vitres, parvenait mieux à s'orienter dans l'espace et obéissait à des consignes très simples. Il montrait toujours une agitation motrice importante.

L'école primaire D______ accueillait de très nombreux élèves allophones et des protocoles de tests étaient utilisés pour évaluer leurs compétences malgré les barrières linguistiques. L'élève avait toutefois échoué à ces tests quel que soit le niveau proposé. Il en était allé différemment de ses deux frères, pourtant scolarisés au sein du même établissement.

h. Une rencontre a eu lieu le 11 mars 2025 entre les parents de l'élève et une collaboratrice du SPS. Ces derniers relevant que la situation s'était nettement améliorée depuis la rentrée 2024, au vu notamment du bulletin scolaire de janvier 2025 faisant état de progrès significatifs, cette dernière leur a indiqué que l'élève bénéficiait alors d'un soutien très inhabituel dans l'enseignement régulier, lié à la PES et qui ne pourrait être maintenu. À cela s'ajoutait que l'élève était en âge de passer au cycle d'orientation, dont les exigences (plusieurs enseignants différents, obligation de changer de classe plusieurs fois par jour, pas d'accueil parascolaire à midi, etc.) étaient incompatibles avec ses besoins particuliers. Le retard scolaire important dont il souffrait, tel que mis en évidence par un test en arabe effectué en juin 2024, ne pourrait pas être comblé.

i. Par décision du 17 avril 2025, le SPS a octroyé la prestation d'enseignement spécialisé pour l'enfant A______ à compter du 12 mai 2025. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Une poursuite de sa scolarité dans l'enseignement régulier ne pouvait être envisagée, tant en raison de ses difficultés scolaires et d'apprentissage qu'au vu de son retard scolaire très important. Le soutien dont il bénéficiait alors au sein de l'enseignement régulier était en réalité plus individualisé que ne le serait une prestation d'enseignement spécialisé. Il ne pourrait être reconduit dans l'hypothèse d'une poursuite de scolarité dans l'enseignement régulier, au cycle d'orientation.

D'autres mesures étaient d'emblée insuffisantes pour répondre aux besoins de l'élève, dont les difficultés allaient bien au-delà de problèmes linguistiques, connus et maîtrisés au sein de l'école primaire D______.

Les parents avaient été pleinement impliqués dans le processus.

B. a. Par acte adressé le 27 mai 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), les parents de A______, agissant pour son compte, ont formé recours contre cette décision, concluant à son annulation. À titre préalable, l'effet suspensif devait être restitué.

Les observations des parents sur la période d'observation trop brève, ne prenant pas en compte le temps d'adaptation de l'élève, n'avaient pas été prises en considération et il n'avait pas été tenu compte de l'évolution positive de celui-ci. Cette évolution positive démontrait que les problèmes comportementaux relevés n'étaient pas liés à un trouble autistique mais à des difficultés d'adaptation. L'accompagnement prodigué ayant donné des résultats positifs, le principe de subsidiarité interdisait de prononcer une mesure plus grave, telle l'enseignement spécialisé dans une école de pédagogie spécialisée (ci-après : ECPS) « renforcée », non appropriée. Une expertise médicale récente était nécessaire.

b. Le 16 juin 2025, le SPS a conclu au rejet de la requête en restitution de l'effet suspensif. Le recourant ayant renoncé à répliquer, la cause a été gardée à juger sur ce point le 25 juin 2025.

c. Dans ses écritures en réponse, le SPS a conclu au rejet du recours.

Les mesures de soutien et d'accompagnement scolaire mises sur pied par la direction de l'établissement scolaire fréquenté par le recourant – qui devaient être distinguées des prestations de pédagogie spécialisée octroyées par le SPS – allaient au-delà de toute mesure individuelle ordinaire de pédagogie spécialisée qui aurait pu être instaurée, et une intention de la part des parents de demander un bilan en logopédie ou en psychomotricité, ou encore d'envisager un suivi psychothérapeutique, n'était pas connue. Au vu du caractère insuffisant de ces mesures, appelées à prendre fin, il n'était dès lors pas contraire au principe de la proportionnalité d'octroyer à l'élève des prestations d'enseignement spécialisé, seules à mêmes de répondre à ses besoins. Compte tenu des importantes difficultés du recourant, son intégration dans une ECPS renforcée paraissait indispensable, l'application de la mesure étant cependant du ressort de l'office médico‑pédagogique (ci-après : OMP). Ces difficultés ne pouvaient être attribuées à son statut d'élève migrant et allophone, comme le démontrait le fait que ses deux frères, scolarisés dans le même établissement, n'y étaient pas confrontés.

d. Le recourant ayant renoncé à répliquer, la cause a été gardée à juger le 5 août 2025.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 39 du règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021 - RPSpéc - C 1 12.05).

2.             Le recourant sollicite expressément la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties, lors de laquelle ses parents, qui agissent pour lui dans la présente procédure, pourraient être entendus. Il demande également, afin d'établir que cet établissement ne répondrait pas à ses besoins, l'audition de la directrice de l'ECPS Vallade au sein duquel il devrait être intégré en cas de rejet du présent recours.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 Dans le cas d'espèce, les parents du recourant ont eu la possibilité de s'exprimer et de produire les documents leur paraissant pertinents aussi bien devant l'autorité intimée que, par deux fois, devant la chambre de céans. Ils n'expliquent pas sur quel élément ne pouvant être établi par écrit ou par la production d'une pièce leur audition devrait porter. De la même manière, l'audition de la collaboratrice du SPS ayant traité le dossier du recourant ne paraît pas de nature à apporter des éléments pertinents supplémentaires, l'autorité intimée ayant déjà expliqué à plusieurs reprises les motifs l'ayant conduite à prendre la décision querellée.

L'audition de la directrice de l'ECPS au sein de laquelle le recourant pourrait être intégré en cas de rejet du recours, ne paraît pas davantage utile à la solution du litige, qui porte sur l'octroi de prestations d'enseignement spécialisé (art. 7 al. 3 et 24 al. 1 et 2 RPSpéc). La délivrance effective des prestations octroyées, et donc le cas échéant la détermination de l'ECPS adapté aux besoins de l'élève, relève pour sa part de l'OMP (art. 9 al. 2 RPSpéc). Le choix de l'ECPS où pourrait le cas échéant être intégré le recourant est donc exorbitant au présent litige.

L'autorité intimée a pour le surplus produit les éléments pertinents du dossier du recourant. La chambre administrative dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause, de sorte qu’il ne sera pas donné suite aux requêtes du recourant.

3.             Est litigieux l'octroi de prestations d'enseignement spécialisé, au sens de l'art. 11 al. 10 RPSpéc), en faveur du recourant.

3.1 Aux termes de l'art. 62 al. 3 Cst., les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, terme qui inclut les enfants à besoins éducatifs particuliers, au plus tard jusqu'à leur vingtième anniversaire.

3.2 Pour mettre en œuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), auquel la République et canton de Genève est partie (C 1 08.0). Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée (art. 1 et. 2 let. a AICPS). Lorsque les mesures octroyées dans le cadre de l'école ordinaire s'avèrent insuffisantes, une décision quant à l'attribution de mesures renforcées doit être prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 AICPS).

3.3 En référence aux principes de l'école inclusive mentionnés à l'art. 10 al. 2 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) et dans l'AICPS, le département du l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Les plans d’études constituent la référence commune à tous les élèves qui fréquentent l’école, quels que soient leurs besoins particuliers (art. 28 al. 1 et 2 LIP).

De la naissance à l'âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s'il est établi qu'ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu'ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l'enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu'un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).

Selon l'art. 29 al. 1 LIP, est considéré comme enfant et jeune à besoins éducatifs particuliers celui qui présente une altération des fonctions mentales, sensorielles, langagières ou physiques entravant ses capacités d’autonomie et d’adaptation dans un environnement ordinaire. Le contexte est pris en compte lors de l’évaluation visant à déterminer des besoins éducatifs particuliers.

3.4 La détermination des besoins de pédagogie spécialisée se fait dans le cadre d’une procédure d’évaluation standardisée, confiée par l’autorité compétente à des structures d’évaluation reconnues (art. 31 al. 3 LIP).

Les parents sont associés à la procédure de décision relative à l’attribution des mesures de pédagogie spécialisée (art. 32 al. 2 LIP). Chaque bénéficiaire des mesures de pédagogie spécialisée est intégré dans la structure d’enseignement ou de formation la plus adaptée à ses besoins et visant à la plus grande autonomie à sa majorité, tout en répondant aux besoins de tous les élèves ou apprentis de la classe (art. 32 al. 3 LIP).

3.5 Selon l'art. 33 al. 1 LIP, les prestations de pédagogie spécialisée comprennent : le conseil, le soutien, l’éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité (let. a) ; des mesures de pédagogie spécialisée dans un établissement d’enseignement régulier ou spécialisé (let. b) ; la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (let. c).

3.6 Aux termes de l’art. 11 RPSpéc, l'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre les prestations de : conseil et soutien (al. 2 et 3), éducation précoce spécialisée (al. 4 et 5), logopédie (al. 6), psychomotricité (al. 7), soutien spécialisé en enseignement régulier (al. 8), enseignement spécialisé (al. 9 à 11), prise en charge à caractère résidentiel (al. 12) et transports des enfants et des jeunes (al. 13).

L’enseignement spécialisé tel que prévu à l'art. 11 al. 9 à 11 RPSpéc comprend l'enseignement et l'éducation adaptés aux besoins de l'enfant ou du jeune concerné. Si nécessaire, il comprend également la prestation de conseil et de soutien dans les domaines de la logopédie, de la psychomotricité et de la psychologie. Il est dispensé en structure d'enseignement spécialisé, soit en classe intégrée au sein d'un établissement régulier ou en école de pédagogie spécialisée. Sous réserve de l'application de la loi sur l'accueil à journée continue, il comprend l'accès aux repas pour l'enfant ou le jeune concerné.

Une mesure individuelle de pédagogie spécialisée est soit ordinaire soit renforcée (art. 12 al. 1 RPSpéc).

Une mesure individuelle est envisagée lorsque les mesures dispensées dans le lieu principal de prise en charge ou dans le cadre scolaire sont insuffisantes et/ou inappropriées. Il peut s'agir de l'éducation précoce spécialisée dans le domaine préscolaire, de la logopédie et de la psychomotricité pour une durée n'excédant pas quatre ans ou 220 séances de traitement, et du soutien par des interprètes en langue des signes ou des spécialistes de soutien en basse vision (art. 12 al. 2 RPSpéc).

Une mesure individuelle renforcée est envisagée lorsque les mesures dispensées dans le cadre de l'enseignement régulier et/ou les mesures ordinaires de pédagogie spécialisée sont insuffisantes et/ou inappropriées. Elles comprennent l'éducation précoce spécialisée en milieu institutionnel, la logopédie ou la psychomotricité pour des durées excédant quatre ans ou 22 séances, le soutien pédagogique de l'enseignement spécialisé, l'enseignement spécialisé et la prise en charge à caractère résidentiel (aer. 12 al. 3 RPSpéc).

3.7 Le SPS est l'autorité compétente chargée de l’octroi des mesures de pédagogie spécialisée et de la désignation des prestataires (art. 7 al. 3 RPSpéc). Il veille à l'application de la procédure d’évaluation des besoins et met en œuvre la procédure d'octroi telles que prévues dans le RPSpéc (art. 7 al. 4 RPSpéc).

3.8 La PES est élaborée sur la base du formulaire mis à disposition par le SPS et évalue le fonctionnement, les besoins et les objectifs de l'enfant ou du jeune. Elle détermine également les objectifs de la mesure envisagée (art. 16 al. 1 et 17 al. 1 et 2 RPSpéc).

La PES est un instrument du concordat sur la pédagogie spécialisée. Les cantons recourent à cet instrument lorsqu'il s'agit d'attribuer des mesures renforcées de pédagogie spécialisée (ATA/944/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5f). La PES prend en considération les compétences et difficultés de l'enfant mais aussi les caractéristiques environnementales (familiales et scolaires) dans lesquelles il vit. Elle permet ainsi de se prononcer sur les possibilités d'adaptation de l'environnement aux difficultés de l'enfant. L'application de cette procédure doit garantir une égalité de traitement de toutes les demandes (ibidem).

Selon l’art. 18 RPSpéc, dans le cadre de la PES, le responsable d'évaluation veille à impliquer systématiquement l'enfant ou le jeune ainsi que ses parents. Il inclut également les professionnels impliqués dans la prise en charge et le suivi, notamment thérapeutique, de l'enfant ou du jeune. Il s’adjoint si nécessaire la collaboration d'autres professionnels (al. 1). La participation de l’enfant ou du jeune concerné est garantie de manière adaptée à ses capacités, ses difficultés et son âge. Ses opinions ou souhaits sont pris en compte dans l’évaluation des objectifs et des besoins (al. 2). Le responsable d'évaluation recherche un consensus entre les parties prenantes sur l'évaluation des objectifs et des besoins. Il veille à ce que les positions des parties prenantes figurent dans le dossier d'évaluation. Le refus de l’enfant ou du jeune ou des parents de participer à la procédure doit également figurer dans le dossier d’évaluation (al. 3).

Le responsable chargé de la conduite de la PES est le professionnel responsable du lieu principal de prise en charge de l’enfant ou du jeune (art. 15 al. 1 RPSpéc).

La PES peut être conduite de manière accélérée dans les cas d'urgence, soit notamment lorsque l'enfant ou le jeune n'a pas encore été scolarisé à l'école publique ou est nouvellement arrivé à Genève, ou que son bon développement cognitif et social est sévèrement compromis (art. 19 al. 2 RPSpéc). Le responsable de l'évaluation constitue alors le dossier d'évaluation avec les éléments dont il dispose immédiatement, provenant notamment des parents et d'autres professionnels impliqués (art. 19 al. 3 RPSpéc).

À l'issue de la PES, le responsable d'évaluation transmet le dossier d'évaluation au SPS, en vue de la procédure d'octroi, qui est fixée par voie de directive (art. 16 al. 2 RPSpéc).

3.9 À réception du dossier d'évaluation, le SPS l'examine et, en fonction du type de prestation envisagée, sollicite le préavis de spécialistes du domaine de la pédagogie spécialisée, qui sont rattachés à (a) l'unité pluridisciplinaire du service de la pédagogie spécialisée et/ou (b) la direction générale de l'OMP (art. 21 al. 1 RPSpéc). En cas de besoin, le SPS peut faire procéder à une expertise médicale ou technique à laquelle l'enfant ou le jeune concerné est tenu de se soumettre (art. 21 al. 2 RPSpéc).

3.10 En l'absence d'accord des parties prenantes sur l'évaluation des besoins ou les mesures envisagées, ou lorsqu'il le juge nécessaire pour sa prise de décision, le SPS sollicite le préavis de la CPR en lui transmettant le dossier d'évaluation, le cas échéant accompagné des renseignements et pièces issus de l'instruction complémentaire (art. 21 al. 4 RPSpéc).

La commission de recommandation a pour mission de formuler des recommandations sur les mesures individuelles renforcées de pédagogie spécialisée à mettre en œuvre, à l'attention du SPS (art. 22 al. 2 RPSpéc). Elle est composée de six membres, comprenant un représentant de la direction de la coordination des prestations déléguées et de la surveillance de l’office de l'enfance et de la jeunesse, qui la préside, un pédagogue de la direction générale de l'enseignement obligatoire, un pédagogue de la direction générale de l'enseignement secondaire II, un pédagogue et un thérapeute de l’OMP et un représentant d'une organisation se vouant statutairement à la défense des droits des personnes à besoin éducatif particulier ou handicapées (art. 22 al. 4 RPSpéc).

3.11 Les représentants légaux, l'enfant capable de discernement ou le jeune majeur sont associés aux étapes de la procédure d'octroi. Ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces. (art. 23 al. 1 RPSpéc). Leur droit d'être entendu est respecté avant la prise d'une décision (art. 23 al. 2 RPSpéc).

3.12 Le SPS rend une décision après examen du dossier d'évaluation et des éventuels préavis obtenus (art. 24 al. 1 RPSpéc). La décision d'octroi désigne le type de prestation octroyée, sa durée, le prestataire retenu et la prise en charge financière y relative. La décision d'octroi précède la mise en œuvre de la prestation (art. 24 al. 2 RPSpéc).

3.13 Il ressort en l'espèce du dossier, en particulier de la PES et de ses annexes, que, lors de son intégration à l'école primaire D______ en avril 2024, le recourant a d'emblée présenté d'importantes difficultés touchant son comportement, le respect des règles, la communication, son orientation dans l'espace et sa mobilité, ainsi que ses capacités d'apprentissage. Son niveau scolaire était en outre très en deçà de celui des autres élèves du même âge. S'agissant d'un élève nouvellement arrivé à Genève, et dont le bon développement cognitif et social paraissait compromis, c'est à juste titre que la direction de son école a immédiatement engagé une PES, selon la procédure applicable aux cas d'urgence.

Nonobstant cette urgence, les parents du recourant ont été largement associés à la procédure d'évaluation, étant entendus à plusieurs reprises par la direction de l'école, les enseignants et l'infirmière scolaire, et donnant leur accord à la transmission du dossier médical de l'enfant. Le formulaire PEV a été signé par le père – alors d'accord avec la mesure individuelle de pédagogie spécialisée proposée – en l'absence de la mère, retenue au chevet de leur fille. Après qu'ils eurent changé d'avis, un projet de décision leur a été adressé, sur lequel ils ont eu l'occasion de s'exprimer. Dans le cadre de l'examen des objections qu'ils ont soulevées, ils ont encore eu un entretien avec la collaboratrice du SPS traitant le dossier, lors duquel ils ont pu faire valoir leur point de vue. Il ne saurait donc être considéré qu'ils n'auraient pas été suffisamment impliqués dans la procédure. Le reproche portant sur l'absence de rencontre avec les thérapeutes et professionnels suivant l'enfant tombe à faux dès lors qu'il n'est pas allégué que, pendant toute la durée de l'évaluation, celui-ci ait fait l'objet d'un traitement thérapeutique ou d'un suivi par un professionnel autre que l'OMP.

Contrairement à ce que soutient le recourant, la PES ne souffre d'aucune lacune. Les difficultés comportementales et d'apprentissage auxquelles est confronté l'enfant y sont développées de manière approfondie, ainsi que leurs conséquences sur sa capacité à poursuivre sa scolarité dans l'enseignement régulier. Elle est accompagnée d'un rapport médico-psychologique récent établi par deux spécialistes, confirmant les difficultés comportementales constatées par la direction de l'école et les enseignants, ainsi que d'un rapport d'évaluation en langue d'origine, également récent, permettant d'établir que les problèmes de comportement, d'apprentissage et de niveau scolaire relevés ne pouvaient être attribués à des causes linguistiques. S'il est exact que le rapport du Dr F______ posant un diagnostic d'autisme infantile est relativement ancien, puisqu'il date de 2018, ce point n'est pas déterminant dans la mesure où la décision d'octroyer ou non des prestations de pédagogie spécialisée se fonde avant tout sur des motifs pédagogiques et non médicaux. Il n'est pour le surplus pas inintéressant de constater que les symptômes observés en 2018 par le Dr F______ (déficit d'attention, absence de communication et d'interaction, absence de plaisir) correspondent en grande partie aux difficultés mises en évidence par la PES. Le SPS n'était ainsi pas tenu de faire procéder à une expertise médicale.

Au terme de la PES, tant la direction de l'école que les auteurs du rapport médico‑psychologique ont recommandé une mesure individuelle d'enseignement spécialisé. En raison du désaccord des parents, le dossier de l'enfant a par la suite été soumis à la CPR laquelle, lors de sa séance du 10 décembre 2024, s'est ralliée à la majorité de ses membres à la recommandation d'une mesure individuelle d'enseignement spécialisé.

Ainsi, au vu de l'importance des difficultés comportementales et d'apprentissage constatées et de l'unanimité des avis recueillis, le SPS n'a pas abusé du large pouvoir d'appréciation qui est le sien en octroyant la prestation d'enseignement spécialisé contestée.

Les arguments invoqués par le recourant pour s'y opposer doivent être écartés.

Il ne peut ainsi être retenu, en premier lieu, que les difficultés éprouvées par l'enfant seraient dues à sa méconnaissance du français ou à une adaptation difficile au milieu scolaire genevois. L'évaluation effectuée le 23 juin 2024 en arabe a en effet conduit à confirmer que l'enfant présente les mêmes problématiques comportementales et des niveaux de compétence similaires en arabe et en français. Ni l'attestation rédigée par la répétitrice de l'enfant, dont les compétences en psychologie et pédagogie ne sont pas connues, ni celle du directeur de l'école fréquentée au Soudan par le recourant, faute d'éléments de comparaison (taille des classes, regroupement de niveaux, objectifs de l'enseignement, encadrement, etc.), ne conduisent à remettre en cause cette constatation. À cela s'ajoute que, selon les allégations de l'autorité intimée, non contestées sur ce point par le recourant, les deux frères de ce dernier n'ont pas connu les mêmes difficultés d'intégration que celui-ci alors qu'ils ont eux aussi commencé à fréquenter l'école D______ en même temps que lui, étant rappelé que le personnel de cet établissement est familiarisé avec l'accueil d'élèves allophones.

C'est également à tort que le recourant reproche à l'autorité intimée une violation du principe de la proportionnalité pour avoir renoncé à adopter des mesures de pédagogie spécialisée moins incisives. Il faut en effet constater que les mesures de soutien mises en place, pour la durée de la procédure d'évaluation, par l'établissement scolaire qu'il fréquente, soit l'intégration dans une classe d'accueil à effectif réduit une demi-journée et un suivi individuel pendant l'autre demi-journée, vont au-delà des mesures ordinaires de pédagogie spécialisée prévues par les art. 11 al. 2 à 8 et 12 al. 2 RPSpéc. Même si ces mesures ont permis une évolution modestement favorable de l'élève, elles ne sont pas de nature à lui permettre de poursuivre sur la durée une scolarité dans l'enseignement régulier. Surtout, elles ne pourront être pérennisées alors même que, compte tenu de son âge, l'enfant est supposé commencer le cycle d'orientation, lequel exige de la part des élèves des capacités de communication et d'organisation sans commune mesure avec le degré primaire.

Enfin, et quand bien même la question du choix d'un ECPS répondant aux besoins de l'enfant relève de la compétence de l'OMP et qu'elle est donc exorbitante au présent litige, il sera souligné que l'établissement envisagé à ce stade offre des prestations non seulement éducatives mais également thérapeutiques, de nature à permettre une prise en charge adaptée aux besoins du recourant.

Mal fondé, le recours doit ainsi être rejeté.

4.             Le prononcé de la présente décision rend sans objet la requête de restitution de l'effet suspensif.

5.             Vu la nature de la procédure, aucun émolument ne sera perçu et vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2025 par A______, agissant par ses parents B______ et C______, contre la décision rendue par le service de la pédagogie spécialisée le 17 avril 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Medhi CHRAIBI, avocat du recourant, ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - service de la pédagogie spécialisée.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :