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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/46/2024

ATA/1409/2024 du 03.12.2024 sur JTAPI/519/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/46/2024-PE ATA/1409/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 décembre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Andrea VON FLÜE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 mai 2024 (JTAPI/519/2024)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1985, est ressortissante française.

b. Selon le registre informatisé Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), elle est arrivée à Genève le 27 janvier 2016.

c. Le 23 mai 2016, elle s’est vu délivrer, par l’OCPM, une autorisation de séjour avec activité lucrative, dont la validité est arrivée à échéance le 19 mai 2021, en vue d’occuper, dès le 1er janvier 2016, le poste de « Senior Banker CRM Farmer – Desk Russia » auprès de la B______ SA (ci-après : B______).

d. À teneur du formulaire de déclaration de fin des rapports de service du 26 mars 2018, A______ a cessé cette activité lucrative au 31 décembre 2017.

e. Des certificats médicaux au dossier font état d’une incapacité totale de travail de la précitée du 1er janvier au 30 avril 2018 pour cause de maladie.

f. Le 12 août 2019, l’entreprise individuelle C______, ayant notamment pour but le marketing et la communication digitale, a été inscrite au registre du commerce genevois, A______ étant titulaire de la signature individuelle.

B. a. Par formulaires reçus par l’OCPM les 20 mai et 5 juillet 2021 et 12 janvier 2022, A______ a requis le renouvellement de son titre de séjour.

b. Elle a produit de nouveaux certificats médicaux faisant état d’une incapacité totale de travail pour les mois d’août puis octobre à décembre 2021.

c. Par ordonnance pénale du 25 novembre 2021, le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.‑, avec sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu’à des amendes de CHF 400.- et CHF 500.- pour conduite, le 29 septembre 2021, d’un véhicule sans permis de conduire et d’un cyclomoteur sans permis de circulation ou plaque nécessaire et non couvert par l’assurance responsabilité civile prescrite.

d. À teneur de l’extrait établi par l’office des poursuites (ci-après : OP) le 14 septembre 2021, A______ faisait l’objet d’actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 59'784.65.

e. Donnant suite à une demande de renseignements complémentaires, A______ a indiqué à l’OCPM, par courrier du 1er juillet 2022, sous la plume d’une assistante sociale, qu’elle était aidée par l’Hospice général (ci-après : hospice) depuis le 1er septembre 2021, en raison de problèmes de santé – connus depuis plusieurs années mais qui s’étaient aggravés dès 2018 – ne lui permettant pas de travailler. Depuis son dernier emploi, elle avait vécu sur ses économies jusqu’à ce qu’elle n’ait plus d’autre choix que de faire appel à l’hospice. Ses problèmes de santé avaient impliqué une incapacité temporaire à faire face à ses obligations financières, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de produire une attestation de non-poursuite. Au vu de son niveau de formation, elle avait de bons atouts pour rebondir, pour autant que son état de santé le lui permette. Elle produisait un arrêt de travail pour le mois de juillet 2022.

f. Figurent en outre au dossier :

-          une attestation de l’hospice du 23 mars 2023 selon laquelle elle avait perçu l’aide sociale à hauteur de CHF 10'483.20 de septembre à décembre 2021, de CHF 38'579.15 en 2022 et de CHF 6'326.05 de janvier à mars 2023 ;

-          un extrait de l’OP du 27 mars 2023 faisant état de plus d’une dizaine de poursuites, certaines ayant été payées, étant éteintes ou ayant été frappées d’opposition, de huit actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 27'247.28 et de trois comminations de faillite (faillite ouverte le 4 octobre 2021 et clôturée le 19 mai 2022).

g. Par ordonnance pénale du 10 mai 2023, le Ministère public de la Confédération a condamné A______ à une peine pécuniaire de 180 jours‑amende à CHF 60.-, avec sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de deux ans, ainsi qu’à une amende de CHF 1'620.- pour mise en circulation de fausse monnaie, importation, acquisition ou prise en dépôt de fausse monnaie et tentative d’escroquerie. Le 14 mars 2023, elle avait essayé de changer en francs suisses, auprès d’une banque CHANGE MIGROS, 35 faux billets d’EUR 50.-. Douze faux billets supplémentaires d’EUR 50.- avaient été découverts, pour six d’entre eux, dissimulés dans son vagin et, pour les six derniers, dans son appartement.

h. Par projet de décision du 27 juin 2023, l’office cantonal de l’assurance‑invalidité (ci-après : OCAI) a informé A______ que les conditions d’octroi d’une rente de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) étaient remplies la concernant. Elle aurait droit, à compter du 1er novembre 2022, à une rente AI à 100%. Son incapacité de travail totale, toutes activités confondues, était reconnue dès le 1er mai 2021 (début du délai d’attente d’un an). Dès lors que sa demande de prestations avait été déposée le 31 mai 2022, sa rente ne serait versée qu’à compter du 1er novembre 2022. Des mesures professionnelles n’étaient actuellement pas indiquées.

i. Par courrier du 9 octobre 2023, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser de renouveler son titre de séjour ou de lui octroyer une nouvelle autorisation et de prononcer son renvoi de Suisse.

Elle ne disposait plus du statut de travailleuse depuis le 1er septembre 2021, date à compter de laquelle elle bénéficiait de prestations de l’aide sociale au sens de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). Partant, les conditions légales en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour sous l’angle du droit de demeurer en Suisse n’étaient pas remplies.

De plus, arrivée en Suisse sept ans plus tôt, elle ne pouvait se prévaloir d’une intégration exceptionnelle au point que son renvoi en France serait inexigible et que sa réintégration y serait compromise. Son intégration sociale et professionnelle en Suisse ne pouvait être qualifiée de poussée et irréprochable. Elle émargeait à l’aide sociale depuis septembre 2021 à hauteur de CHF 76'225.60 et faisait l’objet d’actes de défaut de biens pour une somme totale de CHF 27'247.28. Rien ne démontrait qu’elle s’était engagée dans la vie associative ou culturelle à Genève, qu’elle y aurait tissé des liens particulièrement forts ni qu’elle y aurait acquis des connaissances si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en pratique en France.

j. Le 10 novembre 2023, A______ a demandé à l’OCPM le renouvellement de son titre de séjour.

Elle souffrait d’importants problèmes de santé et percevait désormais une rente AI avec effet rétroactif au 1er novembre 2022. Une demande de prestations complémentaires était en cours. Son intégration n’avait jamais posé problème. Titulaire de plusieurs diplômes universitaires, elle avait occupé des postes à responsabilité. C’était uniquement en raison de ses problèmes de santé qu’elle avait perdu son emploi et bénéficié de prestations de l’hospice, de sorte que ces éléments ne pouvaient être retenus à son encontre. Il en allait de même de ses dettes, étant précisé qu’elle avait participé à un atelier afin d’identifier les possibilités d’y remédier.

Elle avait bénéficié d’une rente AI limitée dans le temps, octroyée de novembre 2018 à mars 2019. La décision AI rendue en 2019 lui reconnaissait une incapacité de travail totale depuis avril 2017. Malgré une tentative de se réinsérer par le biais d’une entreprise individuelle, ses problèmes de santé avaient persisté, avec pour conséquence qu’elle bénéficiait à nouveau de l’AI.

Étaient notamment joints :

-          les deux premières pages (sur dix) de la décision rendue par l’OCAI le 27 septembre 2023 lui octroyant un droit à une rente d’invalidité entière d’un montant mensuel de CHF 790.- du 1er novembre au 31 décembre 2022 puis de CHF 810.- à compter du 1er janvier 2023 ;

-          un document « Motivation octroi d’une rente d’invalidité », non daté et signé par l’OCAI, à teneur duquel elle avait droit, dès le 1er novembre 2022, à une rente entière d’invalidité. Était reconnue une incapacité de travail durable de 100% dans toutes activités confondues dès le 1er mai 2021 (début du délai d’attente d’un an) ; à l’échéance de ce délai d’attente au 1er mai 2022, le droit à une rente entière AI lui était reconnu ; toutefois, sa demande de prestations ayant été déposée le 31 mai 2022, la rente ne pouvait lui être versée qu’à compter du 1er novembre 2022 (demande tardive) ; des mesures professionnelles n’étaient actuellement pas indiquées ;

-          deux pages, non datées ni signées, d’un document « Motivation octroi d’une rente d’invalidité limitée dans le temps », selon lequel elle avait droit, du 1er novembre 2018 au 31 mars 2019, à une rente entière basée sur un degré de 100% ; était reconnue une incapacité de travail durable de 100% dans toute activité depuis avril 2017 (début du délai de carence d’un an) ; il ressortait de l’instruction médicale que sa capacité de travail était à nouveau de 100% dès janvier 2019 dans une activité adaptée à son état de santé ; sa demande de prestations ayant été déposée en mai 2018, la rente ne pouvait être versée qu’à compter de novembre 2018. Au vu de son degré de formation élevé, son activité habituelle pouvait rester une activité adaptée en dehors du domaine bancaire ; elle avait la possibilité d’exercer dans la finance, la communication ou la gestion en respectant les limitations fonctionnelles.

k. À teneur de la note au dossier établie le 17 novembre 2023 par l’OCPM, D______ SA avait versé des prestations d’indemnités journalières en faveur de A______ du 1er janvier 2018 au 25 avril 2019, date à laquelle les 730 jours d’indemnités maximales avaient été versés. Le médecin conseil préconisait une reprise du travail à 100% dès le 1er avril 2019.

l. Par décision du 20 novembre 2023, l’OCPM a refusé de renouveler le titre de séjour de A______, de lui octroyer une nouvelle autorisation de séjour et une autorisation d’établissement et lui a imparti un délai au 8 mars 2024 pour quitter la Suisse.

Les conditions de renouvellement de son titre de séjour n’étaient plus réunies. Elle n’exerçait plus d’activité lucrative depuis le 1er janvier 2018 et ne disposait plus du statut de travailleuse depuis le 25 avril 2019, date de la fin du délai de 730 jours durant lequel elle avait bénéficié de prestations d’indemnités journalières maladie. Quand bien même l’OCAS lui avait reconnu le droit à une rente AI entière basée sur un degré de 100% à compter du 1er mai 2022, à cette date, elle ne pouvait plus se prévaloir du statut de travailleuse communautaire. La précitée bénéficiait en outre de l’aide sociale depuis septembre 2021, pour une somme totale qui se montait, au 11 novembre 2023, à CHF 80'567.55.

Les conditions du droit de demeurer n’étaient pas remplies. Elle n’avait pas atteint l’âge de la retraite lors de la cessation de son activité. Aucune raison majeure au sens de l’art. 20 de l’ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses États membres, ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP - RS 142.203) ne pouvait être reconnue.

Sa situation médicale ne représentait pas un cas d’extrême gravité. Son intégration sociale et professionnelle ne pouvait être qualifiée de particulièrement poussée et irréprochable. Elle faisait l’objet de huit actes de défaut de biens pour une somme totale de CHF 27'247.28 (état au 27 mars 2023). En outre, les conditions de l’art. 58a al. 1 let. a et d de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n’étaient pas remplies, dans la mesure où les deux condamnations pénales prononcées à son encontre contrevenaient à la sécurité et à l’ordre publics et que ses dettes démontraient un manque d’intégration à la vie économie helvétique. Les soins nécessaires à ses problèmes de santé étant disponibles en France, l’exécution de son renvoi dans ce pays était exigible.

Enfin, au vu de la présence d’un motif de révocation d’une autorisation de séjour au sens des art. 62 al. 1 let. d LEI et 23 OLCP, les conditions de délivrance d’une autorisation d’établissement n’étaient pas réalisées.

C. a. Par acte du 5 janvier 2024, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi de l’autorisation de séjour sollicitée.

Elle s’était vu reconnaître une incapacité de travail totale dans toutes les activités dès avril 2017, période durant laquelle elle percevait des indemnités pour perte de gain. C’était sur insistance du service médical régional de l’office de l’assurance‑invalidité (ci-après : SMR) qu’il avait été décidé qu’elle pouvait reprendre une activité lucrative entière dans une activité adaptée à son état de santé dès janvier 2019. Cette décision s’était toutefois avérée manifestement erronée et elle aurait dû recourir contre cette dernière, qui était contraire à l’avis de plusieurs médecins, dont son médecin traitant. Ce dernier avait d’ailleurs mieux apprécié la situation que le SMR puisque, peu après avoir considéré qu’elle pouvait exercer une activité adaptée, l’OCAI avait revu sa position, constatant qu’à compter du 1er novembre 2022, elle avait droit à une rente AI entière. Une demande de prestations complémentaires était actuellement pendante. Dans l’intervalle, elle percevait des prestations de l’hospice.

Ainsi, elle était demeurée en incapacité de travail depuis 2017, comme établi par plusieurs documents médicaux. L’on ne pouvait dès lors se fonder sur les seules décisions de l’OCAI pour considérer que, de janvier 2019 à octobre 2022, elle disposait d’une pleine capacité de travail, la première décision de l’OCAI apparaissant pour le moins contestable. L’évolution de sa santé avait démontré que l’appréciation du SMR était infondée et non conforme à la situation.

C’était à tort que l’OCPM considérait qu’elle ne bénéficiait plus du statut de travailleuse depuis le 25 avril 2019, date à laquelle elle avait cessé de percevoir des indemnités journalières pour maladie. Cette date ne correspondait pas à la fin de son statut de travailleuse, mais uniquement à la fin de ses prestations d’indemnités journalières, étant souligné qu’à cette période, elle demeurait en incapacité de travail. En effet, le droit à des prestations financières de l’assurance perte de gain ne sauraient correspondre à la capacité de travail de l’assurée, dont la maladie pouvait parfaitement perdurer au-delà des 730 jours de droit aux indemnités. Dès avril 2019, elle n’avait plus bénéficié de prestations AI puis, faute de pouvoir exercer une activité lucrative en raison de son incapacité de travail, elle avait dû solliciter l’hospice, qui lui avait versé des prestations de septembre 2021 à avril 2022. Dès mai 2022, l’hospice lui avait octroyé des prestations à titre d’avance sur les prestations complémentaires dont elle bénéficierait.

Partant, elle était demeurée en incapacité de travail au-delà d’avril 2019 et rien ne permettait de considérer qu’elle aurait perdu son statut de travailleuse avant de se trouver à nouveau au bénéfice d’une rente AI entière. Du reste, la première décision de l’OCAI ne retenait pas qu’elle disposait d’une pleine capacité de travail dans toute activité, mais uniquement dans une activité adaptée. Pour le surplus, il serait disproportionné de lui reprocher de ne pas avoir recouru contre cette première décision de l’OCAI, dès lors que plusieurs documents médicaux probants démontraient que sa capacité n’était pas telle que retenue par l’office précité. De même, l’expérience avait démontré que la décision de l’OCAI était erronée puisque, très rapidement, son état de santé avait continué à se dégrader, l’empêchant d’exercer une activité lucrative.

En conclusion, il ne pouvait être retenu qu’elle avait perdu son statut de travailleuse lorsque l’OCAI avait décidé qu’elle pouvait reprendre un emploi, ce d’autant qu’il aurait encore fallu qu’elle trouve une activité adaptée à ses problèmes de santé. De plus, elle n’avait sollicité l’assistance publique qu’à partir de septembre 2021, pour une durée très limitée et uniquement en raison de ses problèmes médicaux. C’était enfin à tort qu’une mauvaise intégration avait été retenue à son encontre, ses dettes étant subséquentes à ses problèmes de santé et ses condamnations pénales étant « de gravité toute relative ».

Elle produisait :

-          un certificat médical établi le 27 février 2019 par le Dr E______, qui la suivait depuis mai 2017, selon lequel elle présentait une épilepsie mal stabilisée, suivie et traitée par un neurologue, ainsi que des troubles du sommeil, avec atteinte à sa capacité de travail dès fin avril 2017 ; l’évolution était défavorable avec de nombreuses crises d’épilepsie et états post critiques, sa santé psychique s’était progressivement dégradée, avec une symptomatologie dépressive et une consommation abusive d’alcool ; elle avait été licenciée, ce qui n’avait pas favorisé l’évolution de son état dépressif ; son suivi médical avait permis une amélioration substantielle et un traitement par antidépresseurs avait été instauré ; l’évolution semblait confirmer qu’elle ne pourrait plus reprendre une activité professionnelle dans son ancien domaine ; une reconversion devait donc impérativement être envisagée, par le biais notamment d’un stage, afin d’optimiser une reprise professionnelle à moyen terme, laquelle semblait largement envisageable ;

-          un courrier du Dr E______ du 10 septembre 2018 indiquant à D______ SA qu’il s’étonnait du contenu du courrier adressé par cette dernière à A______ le 19 juillet 2018 dès lors qu’il ne correspondait pas aux conclusions du Dr F______, expert ; ce dernier précisait que l’incapacité était totale au moins jusqu’à fin septembre et qu’en cas de non‑reprise, un nouveau certificat médical devait être demandé au psychiatre traitant ; la patiente n’était pas en mesure de reprendre une activité professionnelle et des mesures de réadaptation étaient en cours ; l’évaluation n’était pas favorable et de nouveaux éléments médicaux étaient en cours d’investigation ; il était donc demandé à D______ SA « d’apprécier justement » les conclusions du Dr F______ ;

-          des arrêts de travail à 100% établis par le Dr E______ pour les périodes : du 1er décembre 2018 (inclus) au 31 mai 2019 ; du 1er au 30 juin 2019 (avec la précision que la patiente était en incapacité de travail dans son ancienne profession, des démarches étaient actuellement en cours en vue d’une reconversion professionnelle auprès de l’AI et du chômage ; il semblait important que l’assurance perte de gain puisse poursuivre le versement des allocations : jusqu’à fin avril, le temps que l’AI puisse prendre le relais) ; du 11 novembre au 31 décembre 2019, puis à 0% dès le 1er janvier 2020 ; du 31 août au 30 septembre 2020 (avec la précision « reprise à réévaluer ») ; du 1er au 31 mai 2021 ; du 1er août au 30 novembre 2021, puis à 0% dès le 1er décembre 2021 et du 1er décembre 2021 au 31 mai 2022 ;

-          le rapport établi par le SMR le 16 juin 2023, selon lequel A______ était en incapacité de travail (ci-après : IT) dès le 4 mai 2017 pour des raisons psychiatriques et neurologiques. Dans le cadre de la première demande (14 mai 2018), le SMR avait retenu une IT totale dans son activité habituelle (ci-après : AH) dès avril 2017, en lien avec un épisode dépressif moyen en rémission et une capacité de travail dans une activité adaptée (ci‑après : CTAHAA) pleine en se basant sur le rapport d’expertise de juin 2018 du Dr F______, mandaté par l’assurance perte de gain ; par décision entrée en force le 4 février 2021, elle s’était vu octroyer une rente AI entière à durée limitée jusqu’au 31 mars 2019 ; à teneur du rapport médical établi le 12 décembre 2022 par deux psychiatres (non produit), nonobstant une prise en charge adéquate débutée le 15 février 2022, l’assurée avait gardé une capacité de travail dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée (ci‑après : CTAHAA) nulle ; les diagnostics étaient « trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline », « anxiété généralisée et dépendance secondaire à l’alcool utilisation continue » ; selon le rapport médical du Dr E______ du 7 novembre 2022 (non produit), la CTAHAA était nulle et à réévaluer ; le médecin précité avait acté une CTAHAA pleine dès avril 2019, avec une inscription au chômage conséquente et une recherche d’emploi à temps plein ; à la « GED » du 31 mai 2022, il n’y avait que deux arrêts de travail pour l’année 2020, avec une reprise annoncée pleine dans une AA (janvier 2020) et une reprise à réévaluer à la suite d’un mois d’IT pleine en septembre 2020 ; le début de l’IT totale durable datait du 1er mai 2021 ; en raison de l’âge et des ressources de l’assurée, une évolution ultérieure n’était pas exclue ; en conclusion, l’atteinte principale à la santé incapacitante était un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline et les autres atteintes consistaient en une anxiété généralisée, une dépendance secondaire à l’alcool en utilisation continue et une épilepsie myoclonique juvénile ; le début de l’incapacité de travail durable était fixé à 100% dès avril 2017 ; la capacité de travail exigible dans l’AH d’employée de banque était de 0% dès avril 2017, et dans une AA, de 0% dès avril 2017, de 100% dès janvier 2019 et de 0% dès mai 2021 ; les limitations fonctionnelles consistaient en l’absence d’exigence de rendement au vu du manque d’auto activation, de la faible endurance, de la fatigabilité, de la vulnérabilité, avec nécessité d’un cadre activant et rassurant ;

-          un document intitulé « demande de recours » établi le 20 décembre 2023 par le Dr G______, médecin assistant et interne en psychiatrie, précisant notamment que A______ n’avait aucun lien social en Suisse hormis son conjoint, épousé quatre ans plus tôt, qui était incarcéré depuis plusieurs mois ; elle n’avait pas de contact avec sa famille en Russie, sa mère ayant coupé les ponts avec elle lorsqu’elle lui avait annoncé fréquenter un homme d’origine musulmane ; elle ne communiquait plus avec ses amis en Russie, par gêne eu égard à sa situation médicale et professionnelle ; elle n’avait pas davantage gardé de liens avec ses anciens collègues, de sorte qu’elle était complètement isolée ; le diagnostic était : anxiété généralisée, dépendance secondaire à l’alcool et trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline ; elle bénéficiait d’une psychothérapie hebdomadaire et d’une consultation psychiatrique toutes les trois semaines, ce qui avait permis une stabilisation ; toutefois, ses conditions actuelles précaires et la menace de renvoi constituaient des facteurs aggravants pour sa santé mentale ; il était peu probable, pour des raisons financières et d’accessibilité, qu’elle puisse bénéficier d’un traitement approprié dans « son pays d’origine » ; en outre, un retour forcé la mettrait dans un état de détresse, un risque suicidaire et une forte décompensation étant loin d’être exclus ; en cas de régularisation, elle pourrait bénéficier d’un suivi psychiatrique adapté ; une reprise professionnelle dans une activité adaptée permettrait d’atténuer la sévérité du trouble et de la valoriser ;

-          son curriculum vitae, à teneur duquel elle avait notamment, en France, effectué un stage en tant qu’analyste de crédit en 2008 auprès d’une banque puis travaillé pour B______ de 2008 à 2016 en tant qu’inspectrice senior ; elle a également obtenu, dans ce même pays, entre 2003 et 2008, une licence en économie et gestion, un master en finance et contrôle puis un master en ingénierie financière.

b. Le 11 mars 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

A______ n’avait plus la qualité de travailleuse depuis le 25 mars 2019, sa dernière activité lucrative remontant à 2018. Elle n’était pas en mesure de s’assumer financièrement, une demande de prestations complémentaires étant en cours. Dès lors que, selon la première décision de l’OCAI, elle pouvait reprendre une activité adaptée dès janvier 2019, son droit de demeurer ne pouvait être fondé sur une incapacité permanente de travail. Un départ en France ne ferait pas obstacle au versement de la rente AI.

c. Par ordonnance pénale rendue le 30 janvier 2024 par le Ministère public, A______ a été condamnée à :

-          une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 60.-, sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de trois ans pour infraction à l’art. 116 al. 1 let. a LEI, pour avoir hébergé et ainsi facilité le séjour illégal en Suisse d’H______ alors qu’elle savait que ce dernier ne disposait pas des autorisations nécessaires pour séjourner en Suisse, ainsi qu’à ;

-          une amende de CHF 500.- pour infraction à l’art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) pour la consommation, depuis plusieurs années et plusieurs fois par semaine, de stupéfiants, en particulier de cocaïne.

d. Par jugement du 28 mai 2024, le TAPI a rejeté le recours.

A______ avait conclu uniquement à la délivrance d’une autorisation de séjour, et non d’une autorisation d’établissement, et seule cette conclusion était examinée.

Elle avait cessé son activité lucrative auprès de B______ le 31 décembre 2017. Il n’était pas démontré, ni même allégué, qu’elle aurait ensuite exercé une autre activité lucrative sur le sol helvétique. Elle expliquait au contraire que, nonobstant la création par ses soins d’une entreprise individuelle inscrite au registre du commerce genevois le 12 août 2019, elle n’avait pas été en mesure de reprendre une activité professionnelle en raison de ses problèmes de santé. La seule activité lucrative qu’elle avait exercée avait débuté le 1er janvier 2016 et pris fin le 31 décembre 2017, de sorte qu’elle avait duré deux ans.

La période du 1er janvier 2019 au 1er mai 2021 n’avait pas été couverte entièrement par des arrêts de travail du Dr E______ et des démarches avaient été conduites en vue d’une reconversion. Quoi qu’il en soit, la décision de l’OCAI prévalait sur les certificats du médecin traitant. Aucun élément ne permettait de conclure qu’elle serait devenue durablement incapable de travailler avant la date fixée dans la seconde décision de l’OCAI. A______ n’avait pas recouru contre le première décision de l’OCAI qui faisait état d’une possibilité de reprise de l’activité pleine adaptée dès janvier 2019. Elle n’avait pas perçu d’indemnités chômage dès janvier 2019 ni procédé à des recherches actives d’emploi. Elle soutenait qu’elle n’était plus en mesure d’exercer une activité dès cette période. Elle avait perdu le statut de travailleuse le 1er janvier 2019 et ne se trouvait alors pas encore en incapacité permanente de travail, laquelle n’avait débuté que le 1er mai 2021, ainsi que l’avait retenu l’OCAI.

Elle ne pouvait se prévaloir d’un droit de demeurer en Suisse, en application de l'art. 4 Annexe I de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) en relation avec l'art. 2 § 1 du règlement (CEE) 1251/70.

Elle bénéficiait d’indemnités AI d’un montant mensuel de CHF 810.-, conformément à la seconde décision rendue par l’OCAI le 27 septembre 2023. Cette somme ne lui permettait pas de subvenir à ses besoins de manière indépendante dans le canton et elle émargeait toujours à l’aide sociale. Les éventuelles prestations complémentaires, dont il ne ressortait pas du dossier qu’elles avaient été demandées, n’entraient pas en ligne de compte pour établir les moyens financiers suffisants selon l’ALCP.

Faute de disposer des moyens financiers nécessaires, elle ne pouvait prétendre au renouvellement de son autorisation de séjour sur la base des art. 24 Annexe I ALCP et 16 OLCP.

Elle séjournait en Suisse depuis janvier 2016, soit depuis huit ans et quatre mois. Elle émargeait à l’aide sociale depuis septembre 2021, pour une somme s'élevant, en novembre 2023, à plus de CHF 80'000.-. Même si cette dépendance était vraisemblablement liée à son incapacité permanente de travail telle que reconnue par l’OCAI à compter du 1er mai 2021, le montant continuait d’augmenter, sa rente AI ne lui permettant pas d’être financièrement autonome. Elle faisait l’objet d’actes de défaut de biens pour un total de plus de CHF 27'000.- en mars 2023. Rien ne laissait à penser que sa situation financière lui permettrait à terme de régler ses dettes, ni même une partie de ces dernières. Elle avait fait l’objet depuis novembre 2021, soit en l’espace de deux ans et demi, de trois condamnations pénales à des peines pécuniaires avec sursis, en dernier lieu quatre mois auparavant. Il ne ressortait pas des ordonnances pénales au dossier, ni même de ses allégations que sa volonté délictuelle aurait été affectée par ses problèmes de santé et ces condamnations pénales démontraient son incapacité à respecter la loi et l’ordre public suisses. Son intégration dans le canton ne pouvait être qualifiée de particulièrement réussie, ni même de réussie.

Elle n’avait aucun proche en Suisse, hormis son compagnon, détenu depuis plusieurs mois. Rien n’indiquait qu’elle aurait plus de peine à s’intégrer en France, où sa prise en charge médicale pourrait être poursuivie.

Elle ne remplissait pas les conditions du cas individuel d’extrême gravité, ni celles de l’admission provisoire.

D. a. Par acte remis à la poste le 28 juin 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce que son titre de séjour soit renouvelé. Préalablement, l’apport de son dossier AI devait être ordonné.

C’était à la suite d’une tentative de se réinsérer professionnellement que son état de santé s’était à nouveau dégradé et avait conduit à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er novembre 2022. Son état de santé demeurait très préoccupant et le refus de renouveler son titre de séjour constituait un facteur aggravant pour sa santé mentale.

La décision de l’OCAI selon laquelle elle pourrait travailler dans une activité adaptée à compter de janvier 2019 était manifestement erronée. Elle aurait certes dû former recours contre cette décision – mais elle avait pensé qu’elle pourrait reprendre une activité, ce qui ne s’était pas avéré possible. Son attitude était la preuve qu’elle tenait à travailler. Le Dr E______ avait mieux apprécié la situation que l’OCAI, lequel avait dû revoir sa position et retenir le droit à une rente d’invalidité entière dès le 1er novembre 2022.

À teneur de plusieurs certificats médicaux, elle était en incapacité de travail depuis 2017. Elle avait tenté de mener une activité indépendante, en vain. Elle avait suivi de nombreuses mesures de réinsertion, qui n’avaient pas été fructueuses. On ne pouvait retenir qu’elle avait perdu son statut de travailleuse dès lors que l’OCAI avait décidé qu’elle pouvait reprendre un emploi, étant observé qu’elle aurait encore dû trouver une activité adaptée. Elle n’avait pas immédiatement demandé l’aide sociale, mais seulement à partir de septembre 2021 et pour une durée limitée.

L’OCPM lui avait indiqué le 19 octobre 2021 que son permis de séjour serait renouvelé faute de motifs de révocation. Au moment d’être reconnue invalide à 100% elle séjournait toujours légalement en Suisse et n’avait pas perdu son statut de travailleuse.

Ses dettes étaient la conséquence de ses problèmes de santé et ses condamnations pénales, qu’elle regrettait, étaient d’une gravité toute relative

b. Le 24 juillet 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 28 août 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle ne bénéficiait plus de l’aide de l’hospice depuis le 1er août 2024, celui-ci estimant que sa fortune dépassait les montants admis. Elle avait bénéficié d’un versement de sa caisse de prévoyance LPP et vivait du capital reçu.

Avec davantage de diligence, son permis de séjour aurait été renouvelé bien plus tôt. Au plan médical, sa situation demeurait précaire voire inquiétante et son psychiatre évoquait une situation extrêmement complexe. Selon ce dernier, rester en Suisse lui permettrait de bénéficier d’un traitement stable, de dépasser ses traumatismes et de soigner sa dépendance à l’alcool et aux médicaments, une reprise professionnelle dans une activité adaptée permettrait d’atténuer la sévérité du trouble et un nouvel emploi pourrait lui redonner un élan vital et de la confiance.

d. Le 29 août 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante conclut à titre préalable au versement à la procédure de son dossier de l’assurance invalidité.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).

2.2 En l’espèce, la recourante n’indique pas en quoi l’apport du dossier complet de l’OCAI serait utile au sort de la cause. Elle critique la décision de l’OCAI arrêtant le début de son incapacité de travail, tout en admettant qu’elle aurait dû recourir à l’époque et sans indiquer en quoi celle-ci serait viciée, se contentant de lui opposer les avis de son médecin traitant. Si elle estimait qu’un élément de son dossier AI en particulier serait utile à ses griefs, il lui était loisible de le verser elle-même à la procédure.

Il ne sera pas donné suite à sa demande.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OCPM de ne pas renouveler l’autorisation de séjour de la recourante et de prononcer son renvoi.

3.1 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l’ALCP. La loi ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

En l'occurrence, la recourante est de nationalité française, de sorte que sa situation est réglée par l'ALCP et par l’OLCP, notamment l'Annexe I de l'Accord (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).

3.2 Les autorisations de séjour de courte durée, de séjour et frontalières UE/AELE peuvent être révoquées ou ne pas être prolongées, si les conditions requises pour leur délivrance ne sont plus remplies (art. 23 al. 1 OLCP). Les droits d'entrée, de séjour et d'accès à une activité économique conformément à l'ALCP, y compris le droit de demeurer sur le territoire d'une partie contractante après la fin d'une activité économique, sont réglés par l'Annexe I de l'accord (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).

3.3 Selon l'art. 6 § 1 Annexe I ALCP, le travailleur salarié ressortissant d'une partie contractante qui occupe un emploi, d'une durée égale ou supérieure à un an, au service d'un employeur de l'État d'accueil reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance. Il est automatiquement prolongé pour une durée de cinq ans au moins. Lors du premier renouvellement, sa durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à un an, lorsque son détenteur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs.

3.4 L'art. 4 § 1 Annexe I ALCP prescrit que les ressortissants d'une partie contractante ont le droit de demeurer sur le territoire d'une autre partie contractante après la fin de leur activité économique. L'art. 4 § 2 Annexe I ALCP renvoie sur ce point au règlement (CEE) 1251/70.

3.5 Conformément à l'art. 2 al. 1 de ce règlement, a le droit de demeurer à titre permanent sur le territoire d'un État membre : (a) le travailleur qui, au moment où il cesse son activité, a atteint l'âge prévu par la législation de cet État pour faire valoir des droits à une pension de vieillesse et qui y a occupé un emploi pendant les douze derniers mois au moins et y a résidé d'une façon continue depuis plus de trois ans ; (b) le travailleur qui, résidant d'une façon continue sur le territoire de cet État depuis plus de deux ans, cesse d'y occuper un emploi salarié à la suite d'une incapacité permanente de travail ; si cette incapacité résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ouvrant droit à une rente entièrement ou partiellement à charge d'une institution de cet État, aucune condition de durée de résidence n'est requise et (c) le travailleur qui, après trois ans d'emploi et de résidence continus sur le territoire de cet État, occupe un emploi de salarié sur le territoire d'un autre État membre, tout en gardant sa résidence sur le territoire du premier État où il retourne, en principe, chaque jour ou au moins une fois par semaine.

3.6 De jurisprudence constante, doit être considéré comme un « travailleur » au sens de l'ALCP la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d'une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (existence d'une prestation de travail, d'un lien de subordination et d'une rémunération). Cela suppose l'exercice d'activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires (ATF 141 II 1 consid. 2.2.4 et 3.3.2 ; 131 II 339 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_395/2023 du 7 novembre 2023 consid. 4.2.3 ; 2C_945/2021 du 11 août 2022 consid. 6.2).

Pour apprécier si l'activité exercée est réelle et effective, il faut tenir compte de l'éventuel caractère irrégulier des prestations accomplies, de leur durée limitée ou de la faible rémunération qu'elles procurent. Ainsi, le fait qu'un travailleur n'effectue qu'un nombre très réduit d'heures – dans le cadre, par exemple, d'une relation de travail fondée sur un contrat de travail sur appel – ou qu'il ne gagne que de faibles revenus, peut être un élément indiquant que l'activité exercée n'est que marginale et accessoire (ATF 131 II 339 consid. 3.4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_761/2015 du 21 avril 2016 consid. 4.2.2). À cet égard, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser qu'un travail exercé au taux de 80% pour un salaire mensuel de CHF 2'532.65 ne représentait pas un emploi à tel point réduit ou une rémunération si basse qu'il s'agirait d'une activité purement marginale et accessoire sortant du champ d'application de l'art. 6 Annexe I ALCP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1061/2013 du 14 juillet 2015 consid. 4.4). En revanche, il a considéré qu'une activité à taux partiel donnant lieu à un salaire mensuel d'environ CHF 600.- à 800.- apparaissait tellement réduite et peu rémunératrice qu'elle devait être tenue pour marginale et accessoire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1137/2014 du 6 août 2015 consid. 4.4).

Ne constituent pas non plus des activités réelles et effectives celles qui ne relèvent pas du marché normal de l'emploi, mais sont destinées à permettre la rééducation ou la réinsertion de personnes diminuées sur le plan physique ou psychique (ATF 131 II 339 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_835/2015 du 31 mars 2016 consid. 3.3 et les références citées).

3.7 Le Tribunal fédéral considère qu'un étranger au bénéfice d'une autorisation de séjour UE/AELE peut perdre le statut de travailleur au sens de l'ALCP (et par conséquent se voir refuser la prolongation ou se voir révoquer l'autorisation de séjour dont il est titulaire) si : (1) il se trouve dans un cas de chômage volontaire ; (2) on peut déduire de son comportement qu'il n'existe (plus) aucune perspective réelle qu'il soit engagé à nouveau dans un laps de temps raisonnable, ou (3) il adopte un comportement abusif, notamment en se rendant dans un autre État membre pour y exercer un travail fictif ou d'une durée extrêmement limitée dans le seul but de bénéficier de prestations sociales meilleures que dans son État d'origine ou que dans un autre État membre (ATF 141 II 1 consid. 2.2.1; 131 II 339 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 2C_755/2019 du 6 février 2020 consid. 4.4.1).

Aux termes de l'art. 4 al. 2 du règlement 1251/70, les périodes de chômage involontaire, dûment constatées par le bureau de main-d'œuvre compétent, et les absences pour cause de maladie ou accident sont considérées comme périodes d'emploi (ATF 147 II 35 consid. 3.1 ; 141 II 1 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_168/2021 du 23 novembre 2021 consid. 5.4 ; au sujet de l’art. 6 al. 6 Annexe I ALCP : ATF 147 II 1 consid. 2.1.1 et 2.1.3). Devant se prononcer sur la question de savoir à partir de quel moment une personne perdait le statut de travailleur une fois au chômage involontaire, le Tribunal fédéral a considéré qu'une période de 18 mois de chômage involontaire pouvait aboutir à un tel résultat (ATF 147 II 1 consid. 2.1.3 ; aussi art. 61a al. 4 LEI, en vigueur depuis le 1er juillet 2018, selon lequel, en cas de cessation involontaire de travail, le droit de séjour des travailleurs européens qui ont déjà séjourné douze mois en Suisse prend fin dans les six mois ou dans les six mois après la fin d'éventuelles indemnités de chômage).

3.8 Selon l'art. 4 al. 1 Annexe I ALCP, les ressortissants d'une partie contractante et les membres de leur famille ont le droit de demeurer sur le territoire d'une autre partie contractante après la fin de leur activité économique. L'art. 4 al. 2 Annexe I ALCP renvoie, conformément à l'art. 16 ALCP, au règlement (CEE) 1251/70 (pour les travailleurs salariés) et à la directive 75/34/CEE (pour les indépendants), « tels qu'en vigueur à la date de la signature de l'accord ».

Comme déjà mentionné, l'art. 2 par. 1 let. b du règlement (CEE) 1251/70 prévoit, en substance, que chaque État reconnaît un droit de demeurer à titre permanent sur son territoire à celui qui, résidant d'une façon continue sur le territoire de cet État depuis plus de deux ans, cesse d'y occuper un emploi salarié à la suite d'une incapacité permanente de travail.

Selon la jurisprudence, pour pouvoir prétendre au droit de demeurer en Suisse sur la base de cette disposition, il faut que l'intéressé ait effectivement eu la qualité de travailleur et qu'il ait cessé d'occuper un emploi salarié suite à une incapacité de travail (ATF 144 II 121 consid. 3.2). Pour déterminer le moment où l'incapacité de travail survient, il convient de se référer aux résultats de la procédure d'octroi de la rente AI (ATF 141 II 1 consid. 4.2.1 ; 144 II 121 consid. 3.6). Ainsi, l'autorité ne peut, en principe, pas statuer sur la poursuite du séjour en Suisse tant qu'une demande d'AI relative à une incapacité de travail durable est en cours (ATF 144 II 121 consid. 3.6.2 ; 141 II 1 consid. 4.2.1). Exceptionnellement, il est possible de ne pas attendre l'issue de la procédure AI lorsqu'il n'existe aucun doute quant à la réalité de l'incapacité de travail et à son commencement (ATF 141 II 1 consid. 4.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_322/2020 du 24 juillet 2020 consid. 3.3.1).

3.9 En l’espèce, au terme d’un examen particulièrement fouillé du dossier, le TAPI est parvenu à la conclusion que la recourante n’avait plus le statut de travailleuse depuis le 1er janvier 2019, soit lorsqu’elle s’est trouvée en incapacité totale de travailler dès le 1er mai 2021.

La recourante fait valoir que son médecin traitant aurait attesté son incapacité de travail auparavant déjà. Cependant, outre que les certificats médicaux n’ont pas couvert toute la période considérée, ainsi que l’a relevé le TAPI, c’est sur le résultat de la procédure d’octroi de la rente d’invalidité que l’OCPM devait se fonder pour arrêter la date de l’incapacité, conformément à la jurisprudence précitée (ATF 141 II 1 consid. 4.2.1 ; 144 II 121 consid. 3.6), et c’est à juste titre que le TAPI a relevé que la recourante n’avait pas attaqué les décisions de l’OCAI sur ces points. C’est ainsi de manière conforme à la loi que le TAPI a retenu que l’incapacité totale de travailler de la recourante avait débuté le 1er mai 2021.

La recourante fait valoir qu’elle avait en réalité conservé son statut de travailleuse. Elle ne peut être suivie. C’est en janvier 2019 qu’elle avait, selon la première décision de l’OCAI, retrouvé une capacité de travail dans une activité adaptée. Elle n’était alors plus employée de B______. Les activités de réinsertion et la tentative de démarrer une activité indépendante ne pouvaient être considérés comme un travail au sens de la jurisprudence précitée. Certes, son médecin traitant avait établi des certificats, mais ces arrêts ne couvraient pas toute la période et il avait également, ainsi que l’a relevé le TAPI, précisé en juin 2019 que des démarches étaient en cours en vue d’une reconversion. Le TAPI a également relevé que la recourante n’avait pas affirmé avoir entrepris des démarches pour trouver un emploi ni perçu des indemnités de l’assurance-chômage.

C’est ainsi sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que le TAPI a conclu qu’entre le 1er janvier 2019 et le 21 mai 2021, date du début de son incapacité totale de travail, la recourante n’avait pas le statut de travailleuse, et ne remplissait pas les conditions au renouvellement de son autorisation de séjour selon l’art. 4 Annexe I ALCP cum art. 2 par. 1 règlement (CEE) 1251/70.

Le fait que l’OCPM lui aurait indiqué le 19 octobre 2021 que son permis de séjour serait renouvelé faute de motifs de révocation, comme le fait valoir la recourante, n’empêchait pas celui-ci de modifier ses intentions après avoir instruit son cas, et la recourante ne saurait en inférer qu’au moment d’être reconnue invalide à 100% elle aurait toujours séjourné légalement en Suisse et n’aurait pas perdu son statut de travailleuse.

4.             La recourante ne soutient pas devoir bénéficier d'une autorisation de séjour sur une autre base que celle qui vient d'être examinée. Elle n’allègue en particulier pas qu’elle disposerait d’une fortune suffisante ni qu’elle remplirait les conditions du cas individuel d’extrême gravité, et les circonstances ne ressortent pas de la procédure.

La recourante, qui a indiqué dans sa réplique vivre d’un versement LPP, ne donne en effet aucune indication chiffrée à son sujet et ne soutient pas disposer des moyens financiers suffisants pour obtenir une autorisation sur la base des art. 24 Annexe I ALCP et 16 OLCP.

Il peut être renvoyé sur ces points à l’analyse détaillée effectuée par le TAPI aux consid. 19 à 23 et 24 à 35 du jugement attaqué.

5.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

5.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

5.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour à la recourante, l'intimé devait en principe prononcer son renvoi. La recourante ne fait pas valoir de circonstances propres à considérer que l'exécution de son renvoi serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible. De telles circonstances ne ressortent pas non plus du dossier, étant précisé que les problèmes de santé de la recourante, soit des troubles de nature psychique, peuvent parfaitement être pris en charge par le système de santé français.

Le jugement attaqué est ainsi conforme au droit.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             La recourante plaidant au bénéfice de l’assistance juridique, aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du recours, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA et 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andrea VON FLÜE, avocat de la recourante, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Justine BALZLI, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.