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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2696/2024

ATA/1390/2024 du 26.11.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2696/2024-AIDSO ATA/1390/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES intimé

 



EN FAIT

A. a. B______, née le ______ 2014, est la fille de A______ et C______.

b. Par convention du 19 août 2016, ratifiée par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) le 27 septembre 2016, C______ s’est engagé à verser, en mains de A______, allocations familiales, de formation et d’études non comprises, à titre de contribution à l’entretien de l’enfant : CHF 650.- du 1er septembre 2016 jusqu’au 5 ans de l’enfant ; CHF 750.- de 5 ans à 10 ans révolus ; CHF 850.- de 10 ans à 15 ans révolus et CHF 950.- de 15 ans jusqu’à sa majorité.

B. a. Par convention du 17 septembre 2018, A______ a mandaté le service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA) pour le recouvrement de la pension due par le père de sa fille en sa faveur.

b. A______ a perçu des avances de pension du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2021, soit pendant 36 mois. Celles-ci ont été intégralement remboursées, C______ s’étant acquitté de son dû avec régularité.

c. Par décision du 11 juillet 2024, l’office cantonal de l’assurance-invalidité
(ci-après : OAI) a octroyé à B______ une rente pour enfant liée à la rente de son père de CHF 980.- par mois à compter du 1er juin 2023. Cette rente était versée sur le compte bancaire de sa mère.

d. Par courrier du 30 juillet 2024, le SCARPA a informé A______ que son mandat envers elle avait pris fin avec effet au 30 juin 2024. Le montant de la rente complémentaire était supérieur à celui de la pension alimentaire prévue par la convention du 17 septembre 2018. Dans la mesure où C______ s’était acquitté de l’intégralité des prestations dues, il avait procédé à la clôture du dossier.

C. a. Par acte du 21 août 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. La pension alimentaire et la rente de l’assurance-invalidité étaient deux choses sans rapport. Alors qu’elle n’avait rien reçu de la part du SCARPA pour le mois de juillet 2024, l’hospice général lui avait déduit la pension alimentaire, qu’elle n’avait pas reçue.

Elle a produit le décompte définitif de virement pour la période du 1er août au 31 août 2024, d’où il ressort qu’un montant de CHF 980.- à titre de « rente AI » et de CHF 770.- à titre de « pension alimentaire » ont été pris en compte dans ses ressources.

b. Le 11 septembre 2024, le SCARPA a conclu au rejet du recours.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le bien-fondé de la décision du SCARPA informant la recourante de la fin de son mandat de recouvrement de la pension alimentaire et de la clôture du dossier.

2.1 D'après l'art. 293 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), il appartient au droit public (cantonal) de régler le versement d'avances pour l'entretien de l'enfant lorsque les père et mère ne satisfont pas à leur obligation d'entretien.

Le 1er janvier 2022 est entrée en vigueur l'ordonnance fédérale sur l’aide au recouvrement des créances d’entretien du droit de la famille du 6 décembre 2019 (Ordonnance sur l’aide au recouvrement, OAiR - RS 211.214.32).

Selon le Tribunal fédéral, l'OAiR ne change rien à la souveraineté cantonale en matière de réglementation, car elle ne porte que sur l'aide au recouvrement des créances d'entretien fondées sur le droit de la famille, alors que l'avance des pensions alimentaires continuera de relever exclusivement du droit public cantonal (art. 293 al. 2 CC) et que les cantons sont libres de décider s'ils veulent avancer des pensions alimentaires, à quel montant ils le font et quelles conditions ils posent pour ce faire (ATF 148 III 270 consid. 6.4).

2.2 Sur le plan cantonal, le SCARPA a pour missions d’aider, sur demande, de manière adéquate et gratuitement toute personne créancière d’une pension alimentaire en vue d’obtenir l’exécution des prestations fondées sur un jugement ou sur une promesse juridiquement valable (art. 2 let. a de la loi sur l’avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 22 avril 1977 - LARPA - E 1 25) ; de verser à la personne créancière d’une pension alimentaire, sur demande et pour une durée déterminée, des avances de pensions alimentaires si les conditions légales sont remplies (let. b). L’aide au recouvrement est régie par l’OAir, par la LARPA et par les dispositions d’exécution de celle-ci (art. 2A al. 1 LARPA). Le droit au versement d’avances de pensions alimentaires est régi par la présente loi et ses dispositions d’application (art. 2A al. 2 LARPA). La personne créancière d’une pension alimentaire signe une procuration d’encaissement en faveur du service pour le recouvrement de sa pension (art. 4 al. 1 LARPA).

Selon l’art. 5 LARPA, la personne créancière de l’une des contributions d’entretien mentionnées aux art. 6 et 7 peut demander au service de faire des avances (al. 1). Le droit à l’avance naît le premier jour du mois au cours duquel le service prête son aide au recouvrement au sens de l’art. 3 al. 1 de l’ordonnance fédérale. Il prend automatiquement fin au plus tard après 36 mois et ne peut être renouvelé. Cette durée peut toutefois être exceptionnellement portée à 48 mois si l’avance concerne au moins un enfant qui n’a pas atteint l’âge de la scolarité enfantine (al. 2).

Selon l’art. 6 let. c LARPA, les contributions d’entretien fixées par convention approuvée par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant donnent droit à des avances. Le législateur cantonal a chargé le Conseil d’État de fixer par voie réglementaire le montant maximum des avances pour les enfants (art. 9 LARPA). Ainsi l'art. 2 al. 1 du règlement d’application de la loi sur l’avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 2 juin 1986 (RARPA - E 1 25.01) dispose que le montant de l'avance en faveur d'un enfant correspond à celui de la pension fixée par le titre d'entretien, mais au maximum à CHF 673.- par mois et par enfant. L'autorité administrative ne peut donc pas accorder une avance de CHF 673.- lorsque la contribution mensuelle fixée par le jugement de divorce est inférieure à ce montant ; dans le cas contraire, elle dispose d'un certain pouvoir d'appréciation. Aussi appartient-il en principe à cette autorité d'examiner à titre préliminaire le montant de cette contribution d'entretien, en se référant au jugement civil (arrêt du Tribunal fédéral 1P.522/2003 du 3 novembre 2003 consid. 1.1).

2.3 Selon l’art. 285a al. 3 CC, les rentes d’assurances sociales ou les autres prestations destinées à l’entretien de l’enfant qui reviennent par la suite au père ou à la mère en raison de son âge ou de son invalidité et en remplacement du revenu d’une activité doivent être versées à l’enfant ; le montant de la contribution d’entretien versée jusqu’alors est réduit d’office en conséquence.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la règle vise à faire l'économie d'une procédure de modification du montant des contributions alimentaires. Les contributions à l'entretien des enfants sont réduites automatiquement, aux conditions de l'art. 285a al. 3 CC (anciennement art. 285 al. 2bis aCC), dans la mesure des rentes AVS/AI payées pour ceux-ci (ATF 128 III 305 consid. 3). Lorsque la rente est plus élevée que la contribution d'entretien, le débirentier n'a plus aucune prestation d'entretien à verser (ATF 145 V 154 consid. 3.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_720/2019 du 23 mars 2020 consid. 3.3.3 ; 5D_43/2019 du 24 mai 2019 consid. 5.2.2).

Dans un arrêt 1P.522/2003 du 3 novembre 2003 portant sur une demande de restitution du SCARPA au motif que l’enfant avait perçu une rente pour enfant liée à la rente AVS de son père, le Tribunal fédéral a relevé que la rente complémentaire, versée directement à l'enfant et non pas au bénéficiaire de la rente de vieillesse, pouvait sans arbitraire être assimilée à une contribution d'entretien versée par le père. Il n’était pas non plus arbitraire de tenir compte de ces versements pour refuser des avances parce qu'un montant supérieur au maximum de CHF 673.- était déjà versé pour l'entretien de l'enfant. Ces prestations cantonales d'assistance, destinées à assurer un minimum vital et non pas à suppléer entièrement aux carences du débiteur de la pension alimentaire, pouvaient être soumises à de pareilles exigences (consid. 2.2 ; cf. aussi ATA/494/2003 du 17 juin 2003 consid. 5b). 

2.4 En l’occurrence, dans la décision entreprise, le service intimé a retenu que dans la mesure où le montant de la rente complémentaire versée à l’enfant était supérieur à la pension alimentaire due par le père en vertu de la convention ratifiée par le TPAE le 27 septembre 2016, la recourante ne pouvait plus prétendre à des avances de pensions alimentaires.

La recourante fait valoir que la pension alimentaire et la rente de
l’assurance-invalidité sont « deux choses sans rapport ».

Il résulte toutefois de l’art. 285a al. 3 CC que lorsqu’une rente d’assurances sociales destinée à l’entretien de l’enfant revient au père ou à la mère en raison de son âge ou de son invalidité et en remplacement du revenu d’une activité, le montant de la contribution d’entretien est réduit en conséquence. Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de relever que dite rente complémentaire pouvait sans arbitraire être assimilée à une contribution d'entretien versée par le débiteur de la pension alimentaire. C’est le lieu de préciser qu’il n’est pas contesté que le père de l’enfant concernée ne travaille plus et perçoit, en remplacement de son salaire, une rente d’assurance-invalidité ainsi que des montants complémentaires pour chacun de ses enfants. Il convient donc d’admettre, à l’instar de ce qui a été jugé dans l’ATA/494/2003 du 17 juin 2003, confirmé par le Tribunal fédéral, que le versement de la rente pour enfant honore la prestation due par le père de l’intéressée. Celle-ci, soit pour elle sa mère, recevant une somme supérieure au montant prévu par la convention du 27 septembre 2016, ainsi qu’au maximum prévu par la LARPA et par son règlement d'application, elle ne peut plus prétendre à des avances de pension alimentaire.

S’ajoute à cela qu’il n’est pas contesté que la recourante a signé la convention avec l’intimé le 17 septembre 2018. Or, en application de l’art. 5 al. 2 LARPA, le droit à des avances prend automatiquement fin au plus tard après 36 mois et ne peut être renouvelé.

Ces éléments conduisent au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 août 2024 par A______ contre la décision du service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires du 30 juillet 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :