Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1321/2024 du 12.11.2024 sur JTAPI/1423/2023 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3281/2022-PE ATA/1321/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 12 novembre 2024 2ème section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Innocent SEMUHIRE, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2023 (JTAPI/1423/2023)
A. a. A______, né le ______1981, est ressortissant du Sénégal.
b. Par formulaire M daté du 7 mars 2022 adressé à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), B______ (ci-après : B______) a requis en faveur de A______ une autorisation de séjour avec activité lucrative au service du restaurant « C______ ». Il était indiqué que A______ était arrivé à Genève le 8 février 2022.
c. Par décision du 9 juin 2022, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui l'OCPM avait transmis la demande, l’a refusée.
La demande ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse et l'ordre de priorité n'avait pas été respecté, B______ n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'UE et de l'AELE n'avait pu être trouvé.
Le recours formé contre cette décision par A______ a été rejeté, en dernier lieu par la chambre administrative de la Cour de justice le 20 août 2024.
d. Par décision du 5 septembre 2022, l'OCPM a refusé d'octroyer à A______ une autorisation de séjour en vue de l'exercice d'une activité lucrative et a prononcé son renvoi de Suisse. Cette décision se fondait sur la décision rendue le 9 juin 2022 par l'OCIRT.
e. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant principalement à son annulation et, préalablement, à ce que sa comparution personnelle soit ordonnée.
Il avait été privé de la possibilité de recourir contre la décision de l'OCIRT, qu'il n'avait jamais reçue bien qu'il fût indiqué sur cette dernière qu'elle lui était adressée en copie. Or, dans la mesure où elle se fondait uniquement sur celle de l'OCIRT, la décision négative de l'OCPM ne pouvait pas lui être opposée sans violer son droit d'être entendu, notamment en l'invitant à présenter ses observations sur son intention de refuser de lui octroyer une autorisation de séjour et en lui donnant accès à son dossier (sic).
Il maîtrisait le français et son âge permettait de supposer qu'il s'intégrerait durablement à l'environnement professionnel et social suisse et en particulier genevois. Il disposait d'une formation de cuisinier spécialisé. Le secteur de la restauration souffrait d'un manque de main-d'œuvre. Une autorisation de séjour avec activité lucrative aurait ainsi dû lui être délivrée.
Par ailleurs, son renvoi n'était pas exécutable actuellement, dans la mesure où il ne disposait ni d'un passeport national valable, ni d'un laissez-passer. Comme l'avait indiqué la Mission permanente du Sénégal à Genève, ces documents ne pouvaient être établis qu'à l'étranger. Or, il ne disposait pas de la possibilité d'aller se faire établir de tels documents dans un autre pays.
f. L’OCPM a conclu au rejet du recours.
g. Dans sa réplique, A______ a relevé que la décision litigieuse ne concernait pas uniquement son renvoi, mais principalement le refus de l’OCPM de lui octroyer une autorisation de séjour avec exercice d'une activité lucrative. La décision attaquée ne se fondait pas sur un préavis de l'OCIRT, mais uniquement sur la décision de cet office du 9 juin 2022. Selon la loi, la décision des autorités du marché du travail était préalable à celle des autorités de police des étrangers.
h. Par jugement du 20 décembre 2023, le TAPI a rejeté le recours dirigé contre la décision de l’OCPM.
Dès lors que l’OCIRT avait refusé l’autorisation requise en faveur de A______, il appartenait à l’OCPM de constater que ce dernier était dépourvu d’un titre de séjour. Cette autorité avait, en outre, à juste titre prononcé le renvoi de l’intéressé.
B. a. Par acte expédié le 1er février 2024 à la chambre administrative, A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation, concluant à l’octroi d’une autorisation de séjour, subsidiairement au renvoi de la cause au TAPI.
Ce dernier avait violé la loi en statuant avant d’attendre l’issue de la procédure opposant le recourant à l’OCIRT. Cette dernière décision était déterminante pour examiner le bien-fondé de la décision de l’OCPM qui se basait sur elle. De ce fait, il avait été privé de son droit d’accès à une autorité judiciaire (art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Cette manière de faire l’avait privé d’un recours effectif.
Se référant aux art. 18 ss de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le recourant a fait valoir qu’il remplissait toutes les conditions permettant d’obtenir une autorisation de séjour avec activité lucrative. Le domaine de la restauration, dans lequel il était qualifié, souffrait d’une pénurie du personnel. Enfin, son renvoi n’était pas exécutable, dès lors qu’il ne disposait ni d’un passeport ni d’un laissez-passer.
Il a sollicité l’assistance juridique.
b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.
c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.
d. À la suite du rejet de la demande d’assistance juridique, puis du paiement de l’avance de frais par le recourant, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. L’objet du litige est la décision de l'OCPM refusant d’octroyer au recourant une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité lucrative, au motif qu'il était lié par la décision préalable négative de l’OCIRT.
2.1 De nationalité sénégalaise, le recourant ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), ni de celles de la Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association Européenne de Libre-Échange (AELE - RS 0.632.31).
Conformément à l'art. 2 al. 1 à 3 LEI, son admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée en Suisse est donc régie par les art. 18 ss LEI et par les dispositions d'exécution de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3 ; C-857/2013 du 19 mai 2014 consid. 3).
Compte tenu de la forme potestative du libellé des art. 18 ss LEI, le recourant ne peut revendiquer aucun droit à exercer une activité lucrative en Suisse (ATA/1290/2022 du 20 décembre 2022 consid. 4).
2.2 Lorsqu'un étranger ne possède pas de droit à l'exercice d'une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l'admettre en vue de l'exercice d'une activité lucrative ainsi que pour l'autoriser à changer d'emploi ou à passer d'une activité lucrative salariée à une activité lucrative indépendante (art. 40 al. 2 LEI).
Le Conseil fédéral détermine les cas dans lesquels les autorisations de courte durée, de séjour ou d'établissement, ainsi que les décisions préalables des autorités cantonales du marché du travail sont soumises à l'approbation du secrétariat d’État aux migrations. Celui-ci peut refuser son approbation ou limiter la portée de la décision cantonale (art. 99 LEI).
2.3 Avant d’octroyer une première autorisation de séjour ou de courte durée en vue de l’exercice d’une activité lucrative, l’autorité cantonale compétente décide si les conditions sont remplies pour exercer une activité lucrative salariée ou indépendante au sens des art. 18 à 25 LEI (art. 83 al. 1 let. a OASA).
Selon l'art. 88 al. 1 OASA, chaque canton désigne les autorités chargées, dans son domaine de compétence cantonal, de l’exécution de la LEI et des ordonnances d’application. Dans le canton de Genève, l'OCIRT exerce les compétences en matière de marché du travail et relatives au contrôle du respect de la LEI et de ses ordonnances d’exécution en matière d’exercice d’une activité économique (art. 1 al. 3 let. a et b de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
3. En l'espèce, l'OCIRT a rendu une décision défavorable à l'endroit du recourant concernant l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative. Cette décision a été attaquée devant le TAPI, puis devant la chambre administrative, qui ont tous deux rejeté le recours dont ils ont été saisis. La question de savoir si l’OCPM devait attendre que la décision rendue par l’OCIRT devienne définitive n’a plus à être tranchée. En effet, entre-temps l’arrêt de la chambre administrative, prononcé le 20 août 2024, est devenu définitif, mettant un terme à cette procédure.
L’octroi d’un titre de séjour pour activité lucrative selon les art. 18 ss LEI ayant définitivement été refusé au recourant, il n'est dès lors plus possible de revenir sur les questions qui y sont abordées, contrairement à ce que souhaiterait le recourant dans son acte de recours en alléguant que son admission à une activité lucrative servirait les intérêts économiques de la Suisse en raison de la pénurie de main-d'œuvre qui sévit dans son domaine d’activité.
La décision subséquente de l'OCPM, qui fait l'objet du présent recours, n'est que la conséquence du fait que le recourant ne remplit pas les conditions pour un séjour avec activité lucrative en Suisse et qu’il n’est pas au bénéfice d’une autorisation de séjour en Suisse.
Dès lors et comme l’a constaté le TAPI, la décision de l’OCPM ne peut qu'être confirmée.
Pour le surplus, il convient de constater que le recourant a pu saisir tant le TAPI que la chambre de céans d’un recours et y exposer ses motifs, dans les deux procédures de droit des étrangers le concernant. Son droit d’accès à une autorité judiciaire a donc été pleinement respecté.
4. Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.
4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).
4.2 Le recourant fait valoir qu’il ne dispose pas d’un passeport ni d’un laissez‑passer lui permettant de retourner dans son pays d’origine. Or, comme cela ressort de l’attestation établie par la Mission permanente du Sénégal auprès des Nations-Unies à Genève le 3 mars 2022 – pièce produite par le recourant lui-même –, il peut se faire établir un « document de voyage » auprès des consulats généraux du Sénégal à Paris, Lyon ou Milan. Il n’existe ainsi aucune impossibilité objective d’obtenir les « documents de voyage ». En outre, l’attestation ne fait pas référence à l’établissement ou au renouvellement d’un passeport. Le site de la Mission permanent du Sénégal comporte cependant expressément un onglet dédié aux passeports (https://www.missionsenegal-geneve.org/passport, consulté le 4 novembre 2024).
Au vu de ce qui précède, l’impossibilité alléguée d’obtenir l’établissement ou le renouvellement de son passeport sénégalais n’est pas rendue vraisemblable. L’exécution du renvoi du recourant est ainsi possible. Il est également licite et raisonnablement exigible, aucun élément au dossier ne s’y opposant.
La décision de renvoi est donc conforme à la loi.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
5. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2023 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Innocent SEMUHIRE, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au Secrétariat d’État aux migrations.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière : |
Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.