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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3077/2023

ATA/1324/2024 du 12.11.2024 sur JTAPI/232/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3077/2023-PE ATA/1324/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 novembre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 mars 2024 (JTAPI/232/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1980, est ressortissant du Kosovo.

b. Il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse valable du 5 août 2008 au 5 août 2011.

B. a. Le 17 décembre 2018, A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus ».

Il était arrivé en Suisse en 2006 et pouvait prouver par pièces sa présence ininterrompue à partir de 2008. Il était employé de l’entreprise B______ SA en qualité de peintre en bâtiment. Il était financièrement indépendant, percevait un salaire mensuel de CHF 4'000.-, ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de biens, parlait couramment le français et était parfaitement intégré. Il n’avait jamais fait l’objet d’une condamnation pénale.

Il produisait un certain nombre de pièces, notamment un extrait de compte individuel AVS mentionnant des cotisations pour les années 2008 (deux mois), 2009 (sept mois), 2010 (six mois), 2011 et 2012 (douze mois) et 2013 (quatre mois).

b. Les 29 novembre et 6 décembre 2019, à la demande de l’OCPM, il a transmis, des pièces complémentaires, notamment un contrat de travail avec C______ SA du 8 janvier 2014 et des fiches de salaire pour les années 2014 à 2017 mentionnant le prélèvement de cotisations sociales.

c. Le 27 novembre 2021, l’OCPM a dénoncé A______ au Ministère public, faisant état de soupçons sur les décomptes et certificats de salaire établis par C______ SA et les certificats de travail de D______ SA et E______ SA.

d. A______ a été entendu par la police le 24 février 2022.

Il avait été arrêté en 2007 et avait fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse valable de 2008 à 2011. Il avait quitté la Suisse en 2009 et était revenu en 2010. Il était reparti en 2011 mais avait été arrêté. Durant cette interdiction d’entrée, il avait fait des allers et retours entre la Suisse et le Kosovo.

Il avait travaillé pour différents employeurs, notamment C______ SA de 2014 à 2017, et également, le week-end, E______ SA, après quoi il était reparti au Kosovo pendant deux mois. Entre 2018 et 2020, il avait travaillé pour la société d’F______, dont il ne se souvenait plus du nom. En 2020, il avait travaillé pour G______ Sàrl et depuis juillet 2020, il travaillait pour H______ Sàrl. Il se trouvait en arrêt accident.

En 2015, il avait demandé le remboursement de ses cotisations AVS dans le but de pouvoir payer une somme d’argent à son ex-femme, ce qui lui avait permis de se séparer d’elle et de garder son fils.

Il reconnaissait avoir travaillé et séjourné en Suisse sans autorisation mais pas d’avoir fourni des documents frauduleux.

e. Par jugement du 18 janvier 2023, le Tribunal de police (ci-après : TP) a reconnu A______ coupable d’entrée illégale (en janvier 2018), de séjour illégal (du 19 janvier 2016 au 13 décembre 2018), d’activité lucrative sans autorisation et d’infraction à l’art. 92 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10). Il l’a acquitté, notamment, de l’accusation de faux dans les certificats et de tentative de comportement frauduleux à l’égard des autorités.

f. Le 15 mars 2023, à la demande de l’OCPM, A______ a produit des pièces complémentaires.

Le TP avait à juste titre retenu qu’il n’avait pas tenté de tromper l’OCPM. Cela signifiait qu’il n’avait pas menti, qu’il était effectivement en Suisse durant les années 2014 à 2018 et qu’il avait travaillé pour les entreprises dont les documents avaient déjà été produits. Les fiches de salaire suffisaient à prouver sa présence durant les années en question. Il produisait en plus des déclarations de collègues de travail et de divers restaurants.

g. Le 24 mars 2023, l’OCPM a informé A______ de son intention de rejeter sa demande et de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) et de prononcer son renvoi de Suisse.

h. Le 26 avril 2023, A______ a fait valoir qu’il était arrivé en Suisse en 2006 et y séjournait de manière ininterrompue depuis lors. Il avait travaillé pour C______ SA de 2014 à 2017, selon une nouvelle attestation de l’administrateur de la société et avait produit bien plus qu’une preuve de catégorie A pour chaque année.

Dès son arrivée en Suisse, il avait travaillé et participé à la vie économique du canton de Genève. Il avait parfaitement pu s’intégrer et nouer de solides liens d’amitié. Il avait un niveau de français A2. Il n’avait commis aucune infraction pénale, n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale et n’avait jamais fait l’objet de poursuites. Il était financièrement indépendant.

i. Par décision du 25 août 2023, l’OCPM a refusé d’accéder à la demande et de soumettre le dossier de A______ avec un préavis positif au SEM, et a prononcé son renvoi.

Son extrait de compte individuel AVS du 12 novembre 2018 mettait en avant des cotisations uniquement pour quelques mois durant la période de 2008 à 2013. Selon ses déclarations à la police, il était arrivé en Suisse courant 2006, avait quitté la Suisse en 2009 et serait revenu en 2010, puis reparti en 2011 pour revenir à une date inconnue. De plus, il avait annoncé son départ de Suisse à la Centrale de Compensation de l’AVS (ci-après : la centrale) courant 2013 après avoir demandé le remboursement de ses cotisations AVS. À la lumière de ces faits, son cas relevait plus du travail saisonnier que d’un séjour de longue durée dans la clandestinité. L’annonce de son départ auprès de la centrale pour obtenir le remboursement de ses cotisations avait mis fin à son séjour sur le territoire suisse puisqu’il avait signé le formulaire le 21 septembre 2015 depuis le Kosovo indiquant un départ définitif de Suisse le 23 décembre 2013. Il était revenu en Suisse au plus tôt fin décembre 2013 et ne comptabilisait ainsi que cinq années de séjour au moment du dépôt de la demande. Cette annonce de départ de Suisse ainsi que ses allers et retours entre la Suisse et le Kosovo n’avaient été dévoilés que dans le cadre de l’enquête de police. Sa situation ne répondait pas aux critères de l’« opération Papyrus », faute d’un séjour prouvé et continu de dix ans minimum à Genève pour une personne célibataire et sans enfants scolarisés. Il ne démontrait pas que sa réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle.

C. a. Par acte du 21 septembre 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation.

Il avait produit des preuves de catégorie A pour les quinze dernières années de séjour. L’OCPM ne remettait plus en doute, à juste titre, la véracité des fiches de salaire pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017. Il avait dû se rendre au Kosovo à plusieurs reprises mais il s’agissait toujours de séjours de courte durée comparables à des vacances. Il n’avait jamais interrompu son séjour. Il avait effectivement annoncé son départ de Suisse en 2013 dans le cadre de sa demande de retrait de ses cotisations AVS mais n’avait en réalité jamais quitté la Suisse. Suite à son divorce, il avait été condamné à verser EUR 15'000.- à la famille de sa femme en raison de la « loi du Kanun », raison pour laquelle il avait demandé le remboursement de ses cotisations AVS. Ce retrait apparaissait dans l’extrait de compte AVS qu’il avait produit avec sa demande d’autorisation de séjour. Enfin, il n’avait pas été condamné pour infraction à l’art. 118 LEI. En retenant un séjour continu depuis 2013, il remplissait ce jour le critère des dix ans de présence en Suisse.

b. Le 22 novembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 18 janvier 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

Son départ et le retrait de ses cotisations AVS étaient parfaitement justifiés au vu de la situation. Il avait produit des déclarations en attestant et avait sollicité l’audition de témoins. Faute de se rendre au Kosovo pour régler son divorce et s’acquitter de « l’amende », il n’aurait plus jamais vu son enfant. Au moment où l’OCPM avait définitivement traité son dossier, soit en 2023, il avait démontré son séjour en Suisse durant les treize dernières années, notamment eu égard à l’extrait de son compte AVS.

d. Par jugement du 14 mars 2024, le TAPI a rejeté le recours.

A______ n’avait pas démontré qu’au moment du dépôt de sa requête, il totalisait un séjour ininterrompu de dix ans. Il ressortait de son extrait de compte AVS que les premières cotisations dataient de 2008. Cette année-là, il n’avait cotisé que deux mois, puis sept mois en 2009, six mois en 2010, douze mois en 2011 et 2012 et enfin seulement quatre mois en 2013. Par ailleurs, lors de son interrogatoire par la police le 24 février 2022, il avait clairement indiqué avoir quitté la Suisse en 2009 et être revenu en 2010, pour ensuite repartir en 2011 et revenir à une date non déterminée. Concernant les fiches de salaire et contrats de travail produits, bien qu’il n’eût pas été condamné pour faux dans les titres et tentative de comportement frauduleux, cela ne voulait pas encore dire que les fiches de salaire produites dans le cadre de la requête reflétaient la vérité – eu égard notamment au fait qu’elles mentionnaient des taux de cotisation erronés et que les cotisations ne concordaient pas avec l’extrait de compte AVS. Leur force probante devait dès lors être fortement relativisée. Enfin, aucun élément du dossier ne corroborait que le recourant n’aurait pas quitté la Suisse lors de sa demande de remboursement de ses cotisations AVS en 2015 – faits dont il avait caché l’existence lors du dépôt de sa requête –, les attestations produites confirmant le payement de EUR 15'000.- dans le cadre de son divorce ne permettant pas de mettre en lien ce payement avec le retrait des cotisations et, surtout, sa présence ou non en Suisse. Il en découlait que, en tout cas jusqu’en 2011, sa présence en Suisse n’était pas régulière et qu’elle avait été interrompue en 2013 par son départ définitif de Suisse annoncé auprès de la centrale. Il ne pouvait obtenir une régularisation de son séjour sous l’angle de l’« opération Papyrus ».

Il ne pouvait non plus se prévaloir d’un cas de rigueur. On pouvait au mieux retenir un séjour régulier et continu à partir de fin 2013. Celui-ci ne pouvait être qualifié de long et devait être fortement relativisé dès lors que A______ avait séjourné en Suisse à la faveur d’une tolérance des autorités depuis le dépôt de sa demande de régularisation en décembre 2018. Son intégration socioprofessionnelle ne justifiait pas, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Sous l’angle de l’intégration socioculturelle en Suisse, il ne démontrait pas l’existence de liens amicaux et affectifs à Genève d’une intensité telle qu’il ne pourrait être exigé de sa part de poursuivre ses contacts par les moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo, pas plus qu’il s’était fortement investi dans la vie culturelle ou associative genevoise. Il avait conservé des fortes attaches familiales au Kosovo, notamment son fils, auquel il rendait régulièrement visite et dont il assurait l’entretien. Il ne pouvait se prévaloir d’un comportement irréprochable. Il avait séjourné et travaillé illégalement en Suisse durant plusieurs années et avait été condamné pour ces faits. Il avait également fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 5 août 2011 qu’il n’avait pas respectée. Il avait été condamné pénalement pour activité lucrative sans autorisation et infraction à l’art. 92 LAMal.

Sa réintégration au Kosovo ne constituait pas une situation rigoureuse. L’exécution de son renvoi était possible, licite et pouvait raisonnablement être exigée.

D. a. Par acte remis à la poste le 24 avril 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM. Subsidiairement, la cause devait être retournée au TAPI pour nouvelle décision. Préalablement, l’audition de six témoins devait être ordonnée, ainsi que la production par l’OCPM de « tout document interne / directive concernant les critères de l’"opération Papyrus" ».

Il était suivi médicalement en Suisse depuis plusieurs mois et avait récemment subi une nouvelle opération. Il produisait le compte-rendu d’une arthroscopie de l’épaule gauche avec réinsertion du sus-épineux du 7 février 2024 et une note de suite du 15 avril 2024 attestant du suivi de la physiothérapie et indiquant qu’il était important qu’il puisse poursuivre sa rééducation en Suisse.

Deux témoins pourraient expliquer le déroulement conflictuel de son divorce, le montant qu’il avait dû payer selon la loi coutumière, les risques qu’il aurait encourus en cas de non-paiement et la durée de son séjour au Kosovo durant cette période. Trois témoins pourraient attester la durée de son activité ininterrompue de 2007 à 2009, de 2010 à 2013 et de 2014 à 2017 et expliquer pour quelles raisons il n’avait été que partiellement déclaré aux assurances sociales.

Pour les documents de catégorie A, un seul document par année de séjour était suffisant. Il avait produit de tels documents pour les quinze dernières années de séjour. Le TAPI avait retenu à tort qu’il ne remplissait pas la condition de la durée du séjour. L’audition à la police n’avait pas pour but de déterminer s’il répondait aux critères de l’« opération Papyrus ». Il ne contestait pas s’être rendu au Kosovo pour des séjours de courte durée qui ne dépassaient jamais quatre semaines. L’OCPM ne l’avait jamais interpellé quant à la durée de ces séjours.

Le TAPI se permettait de remettre en cause les preuves relatives à son emploi chez C______ SA alors qu’une autorité pénale s’était prononcée sur ces documents. Il était le premier administré à qui l’OCPM refusait la prise en compte de fiches de salaires au motif que les cotisations n’apparaissaient pas sur l’extrait AVS. L’audition de I______ établirait la pratique de l’OCPM sur ce point. Les deux témoins des difficultés de son divorce pourraient également attester qu’il n’avait jamais interrompu son séjour en Suisse.

Ses condamnations pénales ne portaient que sur son séjour sans autorisation et ne pouvaient partant être prises en compte.

Il remplissait les conditions pour bénéficier de l’« opération Papyrus ».

b. Le 23 mai 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 7 juin 2024, l’OCPM a produit un courriel de FEDPOL du 6 janvier 2024 indiquant au SEM qu’une sortie confirmée de l’espace Schengen avait été constatée pour A______.

d. Le 16 juillet 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

La pièce transmise par l’OCPM ne comportait aucune information concrète sur son éventuelle sortie de l’espace Schengen. Il se trouvait en Suisse, pays dans lequel il séjournait toujours.

e. Le 19 juillet 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conclut à titre préalable à l’audition de témoins et à la production par l’OCPM de « tout document interne / directive concernant les critères de l’"opération Papyrus" ».

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, les critères de l’« opération Papyrus » ont été largement documentés et précisés par la jurisprudence constante et abondante de la chambre de céans. Il n’y a pas lieu d’ordonner à l’OCPM de produire de la documentation à leur sujet, ni d’entendre un fonctionnaire de cet office. Il sera au surplus vu plus loin que l’OCPM était fondé à ne pas tenir compte d’attestations de salaire non compatibles avec le relevé AVS.

Les autres témoins devraient, selon le recourant, expliquer le déroulement conflictuel de son divorce, le montant qu’il avait dû payer selon la loi coutumière, les risques qu’il aurait encourus en cas de non-paiement et la durée de son séjour au Kosovo durant cette période, ou encore la durée de son activité ininterrompue de 2007 à 2009, de 2010 à 2013 et de 2014 à 2017 et expliquer pour quelles raisons il n’avait été que partiellement déclaré aux assurances sociales.

Il sera vu plus loin que les éléments à la procédure sont concordants et suffisants pour établir que le recourant n’a pas séjourné en Suisse de manière ininterrompue durant dix ans au moins. Un tel séjour devrait-il être établi que le recourant ne remplirait encore pas, comme il sera vu, les conditions d’une intégration socio‑professionnelle esceptionnelle. Les circonstances du divorce du recourant ont été exposées par celui-ci. Il sera vu plus loin qu’elles n’affaiblissent pas la portée de sa déclaration qu’il quittait la Suisse en vue de récupérer ses cotisations. L’audition des témoins n’est donc pas nécessaire pour la solution du litige.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable et prononçant son renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment du dépôt de la demande, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers [ci-après : directives LEI], état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

3.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.4 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus », avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/254/2023 du 14 mars 2023 consid. 2.1.4).

3.5 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.6 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.7 De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/1093/2024 du 17 septembre 2024 consid. 3.4).

3.8 En l’espèce, le recourant reproche au TAPI d’avoir retenu à tort qu’il n’avait pas démontré qu’il avait toujours vécu en Suisse depuis 2008.

Le TAPI a pris en compte : les décomptes AVS du recourant, qui ne présentent que des périodes discontinues de cotisation ; les déclarations du recourant à la police, selon lesquelles il avait quitté la Suisse en 2009 pour y revenir en 2010 et en repartir en 2011 et enfin y revenir à une date indéterminée ; les fiches de salaire du recourant, dont la force probante devait être relativisée ; le fait que rien ne démontrait qu’il n’avait pas quitté la Suisse en 2015 lors du remboursement de ses cotisations AVS.

Le recourant expose qu’il aurait produit pour les dix années des preuves de catégorie A. Cependant, pour les années 2008 à 2013, il n’a fait valoir que des extraits de compte AVS, qui n’attestent pas – ce qui n’est pas contesté – d’une activité ininterrompue. Contrairement à ce que le recourant prétend, le décompte AVS est précisément apte à établir l’activité salariée pour chacun des mois de l’année.

Le recourant fait valoir que la police n’avait pas pour objectif de vérifier s’il répondait aux critères de l’« opération Papyrus ». Cette circonstance n’atténue en rien la crédibilité de ses déclarations lors de son audition du 24 février 2022, selon lesquelles il avait quitté la Suisse en 2009 et était revenu en 2010, puis reparti en 2011, et que malgré son interdiction d’entrée il avait fait des aller-retours entre la Suisse et le Kosovo.

Le recourant fait grief au TAPI d’avoir mis en doute la véracité des attestations de salaire qu’il a produites, se prévalant de son acquittement par le Tribunal de police. Il y a lieu de relever à ce propos que le jugement pénal n’est pas motivé, de sorte qu’on ignore pour quel motif l’acquittement a été prononcé, le recourant n’ayant fourni aucune précision à ce sujet. Il reste que lors de son audition à la police, il a expliqué avoir réclamé après coup à ses employeurs les documents aptes à prouver son emploi et ignorer qui les avait établis, et a été confronté au fait que leur auteur n’était pas encore administrateur de la société lors de la période d’emploi attestée et que les taux appliqués aux retenues AVS et maternité étaient erronés, le second en vigueur depuis 2018. Ces éléments ne permettent pas d’écarter la possibilité que les pièces justificatives auraient pu être établies après coup, ce qui affaiblirait considérablement leur valeur probante s’agissant de prouver une activité salariée remontant à de nombreuses années.

Le recourant reproche à l’OCPM de ne jamais l’avoir interrogé sur la durée de ses séjours. Ses déclarations à la police et ses relevés AVS établissent cependant que son séjour n’a pas été continu, ce qui suffit à exclure la réalisation de la condition du séjour ininterrompu de dix ans devant être remplie pour bénéficier de l’« opération Papyrus », ainsi que l’ont à bon droit retenu l’OCPM et le TAPI, sans qu’il soit nécessaire d’interroger plus avant le recourant – lequel n’a d’ailleurs guère fourni à ce jour de précisions sur les dates de ses absences de Suisse.

Sous l’angle du cas individuel d’extrême gravité également, il doit être tenu compte de ce que le séjour du recourant n’a pas été continu. Sa durée doit en outre être relativisée par le fait qu’il s’est déroulé dans l’illégalité.

Si le recourant a, comme il le soutient, retiré ses cotisations en 2015 uniquement pour pouvoir verser à son ex-épouse un dédommagement coutumier et non en vue de son départ définitif de Suisse, il aurait alors menti aux autorités sur son départ de Suisse, ce qui dénoterait un manque de respect des institutions et des règles pouvant être attendu de tout candidat à la régularisation de son statut et ferait en soi obstacle à la délivrance d’une autorisation de séjour. La nécessité invoquée par le recourant ne convainc pas, une somme de CHF 15’000.- pouvant être empruntée à des proches sans devoir tromper les autorités.

Le recourant fait enfin valoir que ses antécédents pénaux n’excluraient pas le bénéfice de l’« opération Papyrus ». Il perd de vue que le fait de n’avoir pas respecté l’interdiction d’entrée prononcée à son encontre et valable entre 2008 et 2011, en continuant de se rendre en Suisse pour y travailler, même si elle n’a pas été sanctionnée pénalement, dénote un certain mépris des institutions et ne permet pas de retenir une bonne intégration. Il a en outre été condamné pour ne pas s’être affilié à une caisse-maladie.

Le recourant ne conteste pas que son intégration socio-professionnelle ne peut être qualifiée d’exceptionnelle. Il ne soutient pas qu’il se serait investi en Suisse dans la vie associative, culturelle ou sportive. Il ne fait pas valoir qu’il aurait en Suisse des liens d’une telle intensité que son départ ne saurait être exigé de lui. Il a un fils au Kosovo, de sorte que le centre de ses intérêts se trouve plus vraisemblablement dans ce pays.

Le recourant ne soutient pas que les difficultés pour se réintégrer au Kosovo seraient supérieures à celles rencontrées par des compatriotes placés dans une situation similaire. Il ne conteste pas qu’il pourra y compter sur son expérience professionnelle, le soutien de sa famille et qu’il y retrouvera son fils.

C’est ainsi de manière conforme à la loi que l’OCPM et le TAPI ont considéré que le recourant ne remplissait ni les conditions de l’« opération Papyrus » ni celles du cas individuel d’extrême gravité.

3.9 Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, il devait prononcer son renvoi. En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Le recourant ne le soutient pas.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 avril 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 mars 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend ELMAZI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.