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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1798/2024

ATA/1116/2024 du 24.09.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1798/2024-AIDSO ATA/1116/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 septembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1976, est de nationalité slovaque et titulaire d’un permis d’établissement.

b. Elle est la mère de B______, né en 1996, et de C______, née en 2005, dont elle a la charge.

c. A______ a été mise au bénéfice de prestations d’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er décembre 2016 au 30 juin 2017, puis à compter du 1er mai 2022.

d. En avril 2022, A______ a signé le document « mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » (ci-après : « Mon engagement »), qui rappelait la subsidiarité desdites prestations à toute autre ressource provenant notamment du travail. Elle s’engageait en outre à fournir à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, de même qu’à informer l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification de son droit aux prestations. Son engagement portait sur la situation personnelle et économique de tous les membres du groupe familial, dont les enfants à charge.

B. a. En juin 2022, lors d’un entretien au centre d’action sociale (ci-après : CAS) d’Onex, A______ a indiqué à l’assistante sociale en charge de son dossier que sa fille allait travailler durant deux semaines pour la ville d’Onex. L’assistante sociale lui a expliqué que, puisque sa fille était mineure, son salaire serait comptabilisé à hauteur de 50% dans les ressources du groupe familial.

b. Le 27 juillet 2022, A______ a perçu les prestations financières de l’hospice pour le mois d’août 2022, dont le décompte n’indiquait aucun revenu perçu par le groupe familial.

c. Le 29 juillet 2022, A______ a remis au CAS un extrait du compte bancaire de sa fille, qui indiquait un crédit de CHF 1'687.- à titre de salaire versé par la ville d’Onex, ainsi qu’un débit en faveur de B______ d’un montant de CHF 1'415.30 à titre de remboursement pour un ordinateur et des accessoires. Elle a par la suite également remis au CAS la fiche de salaire de sa fille pour le mois de juillet 2022 établie par la ville d’Onex pour un salaire net de CHF 1'687.-.

d. Lors d’un entretien du 9 août 2022, l’assistante sociale a indiqué à A______ que la moitié du salaire perçu par sa fille constituait une ressource devant être prise en compte à hauteur de 50% dans le calcul des prestations. Ladite ressource n’ayant pas pu être comptabilisée en temps utile, dans la mesure où les prestations pour le mois d’août avaient été versées le 27 juillet 2022, elle ferait l’objet d’une demande de restitution.

e. Lors d’un entretien du 9 septembre 2022, l’assistante sociale a informé A______ qu’elle recevrait prochainement une demande de remboursement. A______ a alors évoqué la nécessité pour sa fille d’avoir une chaise de bureau.

f. Par décision du 23 septembre 2022, le CAS a réclamé à A______ la restitution du montant de CHF 854.95 à titre de prestation indûment perçue.

Sa fille avait travaillé durant un mois et perçu un salaire net de CHF 1'687.-. La correction rétroactive de son dossier laissait ainsi apparaître un montant de CHF 854.95 perçu indûment.

g. Le 17 octobre 2022, A______ a demandé à la direction générale de l’hospice (ci-après : la direction) la remise du montant de CHF 854.95. Elle demandait en outre le remboursement des frais d’achat d’un ordinateur, que sa fille avait déjà acquis au moyen de son salaire, et d’une chaise de bureau, également pour sa fille, ainsi que le remboursement du camp scolaire que celle-ci avait dû effectuer pendant ses études.

h. Le 18 octobre 2022, l’hospice a pris en charge les frais liés au camp scolaire de C______, puis, le 16 décembre 2022, les frais liés à l’achat d’une chaise de bureau.

i. Par décision du 15 avril 2024, la direction a rejeté la demande de remise de A______ et confirmé la décision de restitution du montant de CHF 854.95.

Lorsqu’elle avait perçu les prestations pour le mois d’août 2022, elle n’ignorait pas que le salaire de sa fille lui serait réclamé pour partie, dès lors qu’elle en avait été informée en juin 2022 déjà et que le document « mon engagement » mentionnait la subsidiarité de l’aide sociale à toute source de revenu. Elle ne pouvait pas se prévaloir de sa bonne foi, de sorte qu’elle ne pouvait pas prétendre à l’octroi d’une remise. Ses autres demandes étaient exorbitantes au litige, étant précisé que la prise en charge de l’achat d’un ordinateur n’entrait pas dans le catalogue des prestations et que les frais du camp scolaire ainsi que ceux en lien avec l’acquisition d’une chaise de bureau avaient été pris en charge.

C. a. Par courrier du 13 mai 2024 adressé à l’hospice mais transmis par ce dernier à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence, A______ a recouru contre cette décision.

L’assistante sociale en charge de son dossier avait procédé à une mauvaise gestion de ce dernier et n’avait pas fait preuve de bonne foi. Elle avait pourtant mis à sa disposition tous les justificatifs et les documents concernant le versement des allocations familiales dès leur obtention. Ses explications au sujet de sa bonne foi avaient été ignorées.

b. Le 27 juin 2024, l’hospice a conclu au rejet du recours.

La seule question à trancher était de savoir si c’était à bon droit que la remise de CHF 854.95 avait été refusée à A______, de sorte que les griefs qu’elle formulait dans son recours étaient exorbitants au litige.

Lorsque A______ avait perçu les prestations pour le mois d’août 2022, elle savait que, dans la mesure où elles ne tenaient pas compte de la moitié du salaire de sa fille pour le mois de juillet, elles lui seraient réclamées pour partie, étant rappelé qu’elle en avait été informée en juin 2022 déjà et qu’elle avait signé le document « mon engagement ». Elle ne pouvait ainsi ignorer que si le salaire de sa fille n’était pas comptabilisé dans le calcul des prestations, elle serait tenue de rembourser une partie de ces dernières.

c. Dans sa réplique du 2 juillet 2024, A______ a fait état de problèmes de communication ainsi que d’erreurs, en particulier dans le traitement des allocations familiales, dont elle avait été privée pour une raison qu’elle ignorait. Son dossier n’avait pas été correctement géré par l’assistante sociale.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’intimé refusant d’accorder une remise de CHF 854.95 à la recourante, la question des allocations familiales étant exorbitante à l’objet du litige.

2.1 Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

2.2 La loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Elle vise à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2, 2e phr. LIASI).

2.3 Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).

2.4 Conformément à l’art. 9 LIASI, les prestations d’aide financière versées en vertu de la LIASI sont subsidiaires à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004, ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles (al. 1). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (al. 2).

La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/971/2024 du 20 août 2024 consid. 2.4 et les références citées).

2.5 L’art. 13 LIASI prévoit que les prestations d’aide financière sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie (al. 1). Le groupe familial est composé du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire enregistré vivant en ménage commun avec lui, et de leurs enfants à charge (al. 2). Les enfants à charge sont les enfants mineurs ainsi que les enfants majeurs jusqu’à l’âge de 25 ans révolus pour autant qu’ils soient en formation ou suivent des études régulières et qu’ils fassent ménage commun avec le demandeur (al. 3).

Les prestations d’aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État (art. 21 al. 1 LIASI).

Selon l’art. 22 LIASI, sont pris en compte les revenus et les déductions sur le revenu prévus aux art. 4 et 5 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), sous réserve des exceptions figurant aux al. 2 et 3 ci-dessous (al. 1), étant précisé les ressources des membres du groupe familial sont assimilées à celles de l’intéressé (al. 6). Ne font ainsi notamment pas partie du revenu pris en compte le 50% du produit de l’exercice d’une activité lucrative du mineur, membre du groupe familial (al. 2 let. e).

2.6 La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/663/2023 du 20 juin 2023 consid. 3.7).

Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau, de nature à entraîner une modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou à les supprimer (art. 33 al. 1 LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement » concrétise l’obligation de collaborer et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (ATA/595/2024 du 14 mai 2024 consid. 3.3). Il atteste notamment du fait que le bénéficiaire a été informé du caractère subsidiaire des prestations d’aide financière exceptionnelle et du fait que des prestations sociales ou d’assurances sociales ne peuvent se cumuler avec les prestations d’aide financière dont elles doivent être déduites (ATA/971/2024 précité consid. 2.7 et les références citées).

2.7 Toute prestation perçue indûment, soit touchée sans droit, peut faire l’objet d’une demande de remboursement (art. 36 al. 1 LIASI). Le remboursement peut être exigé du bénéficiaire d’aides financières s’il a agi par négligence ou fautivement, ou encore s’il n’est pas de bonne foi (art. 36 al. 2 et 3 LIASI).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/694/2024 du 10 juin 2024 consid. 2.5 et les références citées).

Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3c et les références citées).

2.8 Conformément à l’art. 42 al. 1 LIASI, le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile. De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/595/2024 précité consid. 4.1).

La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où le bénéficiaire concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un bénéficiaire qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/694/2024 précité consid. 2.8). La bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 ; ATA/1054/2024 du 3 septembre 2024 consid. 4.2 et les références citées).

2.9 En l’espèce, il ressort du dossier que C______ a perçu un salaire de CHF 1'687.- en juillet 2022. La fille de la recourante faisant partie de son groupe familial, ledit salaire aurait dû être pris en compte à hauteur de 50% dans ses ressources, conformément à l’art. 22 al. 2 let. e a contrario LIASI, ce qui n’a pas été le cas. L’intimé était ainsi fondé à demander le remboursement du montant de CHF 854.95 correspondant aux prestations perçues indûment, ce qui n’est au demeurant pas contesté.

La recourante invoque sa bonne foi pour demander la remise du montant susmentionné. Il ressort toutefois du dossier que la recourante n’ignorait pas, dès le mois de juin 2022, que le salaire perçu par sa fille serait pris en compte à hauteur de 50% à titre de revenu du groupe familial. En signant le document « mon engagement », elle savait également que l’aide sociale était subsidiaire à toute autre source de revenu. Ainsi, puisque les prestations perçues par la recourante au mois d’août 2022 ne tenaient pas compte du revenu susmentionné, elle n’ignorait pas que leur remboursement lui serait réclamé en partie, comme le lui a indiqué à plusieurs reprise l’assistante sociale en charge de son dossier. Le fait que la fille de la recourante ait dépensé une grande partie du salaire perçu pour l’acquisition d’un ordinateur n’y change rien et est exorbitant au litige.

Par conséquent, c’est à juste titre que l’intimé a considéré que la condition de la bonne foi n’était pas réalisée, de sorte que la recourante ne pouvait solliciter la remise du montant de CHF 854.95 réclamé à titre de prestation perçue indûment. La première condition cumulative faisant défaut, la remise sollicitée ne peut ainsi être accordée à la recourante.

Mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

3.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et, vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mai 2024 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 15 avril 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’à l’Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :