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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/671/2023

ATA/614/2024 du 21.05.2024 sur JTAPI/774/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/671/2023-PE ATA/614/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Martin AHLSTRÖM, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juillet 2023 (JTAPI/774/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le requérant), né le ______1986, est ressortissant du Kosovo. Il est marié et père de trois enfants, nés au Kosovo entre 2010 et 2016. Son épouse et ses enfants vivent au Kosovo.

b. Il déclare être arrivé en Suisse en 2007.

c. Le 17 juillet 2012, il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse
(ci-après : IES) valable jusqu’au 16 juillet 2015.

d. Le 15 avril 2017, il a été arrêté par le Corps des gardes-frontière à Founex.

Lors de son interrogatoire, il a indiqué être entré en Suisse deux mois auparavant, en provenance de la Croatie. Il était un simple touriste. Il n’avait jamais travaillé en Suisse, étant mécanicien au Kosovo où résidaient sa femme et ses trois enfants. Il n’avait aucun moyen financier.

Une carte de sortie pour quitter la Suisse lui a été remise.

e. Le 10 mai 2017, il a fait l’objet d’une seconde IES valable jusqu’au 9 mai 2020.

B. a. Le 12 avril 2022, le requérant a déposé une demande de régularisation de ses conditions de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Depuis son arrivée en Suisse, il travaillait comme jardinier-paysagiste et était au bénéfice d’un contrat de travail de durée indéterminée. Il n’avait jamais bénéficié de l’aide de l’Hospice général, n’avait pas de dettes, était très bien intégré et parlait parfaitement le français. Il avait fait l’objet de condamnations pénales pour séjour illégal.

À l’appui de sa requête, il a notamment produit des lettres de recommandation et d’attestation de présence en Suisse, une attestation de B______ indiquant avoir été membre actif de 2013 à 2015, un certificat de travail daté du 9 juillet 2021 de C______ Jardinier-Paysagiste relevant qu’il avait travaillé comme
aide-jardiner du 1er juin 2008 au 31 juin 2021, date de la cessation de l’activité de l’entreprise, un extrait vierge de casier judiciaire, une attestation de l’office des poursuites, un formulaire M et des fiches de salaire 2021/2022 de l’entreprise Jardinier-Paysagiste D______. Il a également produit des documents médicaux relatifs à des soins reçus en 2016 et 2019.

b. Suite à une demande de renseignements de l’OCPM, le requérant a transmis des pièces complémentaires le 22 août 2022, notamment un extrait de son compte individuel AVS indiquant des cotisations d’octobre 2019 à décembre 2021.

c. Le 13 août 2022, le requérant s’est soustrait à un contrôle de la circulation en prenant la fuite à E______.

Lors de son interrogatoire le lendemain, il a notamment indiqué être venu en Suisse à l’âge de 20 ans et y avoir travaillé comme paysagiste : en général, il travaillait deux ans et repartait au Kosovo un mois. Il travaillait pour l’entreprise
Jardinier-Paysagiste D______.

Il souhaitait travailler en Suisse pour avoir une vie meilleure et faire venir sa famille.

C. a. Par courrier du 5 septembre 2022, l’OCPM a informé le requérant de son intention de refuser sa requête et donc de soumettre son dossier au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) avec un préavis positif, et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de 30 jours lui était octroyé pour faire valoir ses observations et objections éventuelles.

b. Le 3 octobre 2022, le requérant a transmis des pièces complémentaires, soit un contrat de bail non daté, et des extraits de son compte Facebook.

Il a également produit copie d’un courriel adressé à son conseil le 26 septembre 2022 décrivant son parcours en Suisse.

c. Par décision du 26 janvier 2023, l’OCPM a refusé d’accéder à sa requête et, par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM, et a prononcé ainsi son renvoi, avec un délai de départ au 26 mars 2023.

À la lecture du dossier, il constatait que les documents fournis par le requérant dans le but de prouver sa présence en Suisse depuis 2008 n’étaient pas probants et ne permettaient pas de valider son séjour de dix ans sur le sol helvétique. Le fait de ne pas se conformer à une injonction claire de quitter la Suisse démontrait un
non-respect de l’ordre juridique suisse. Partant, son intégration socio-culturelle ne pouvait être qualifiée de particulièrement remarquable. Le fait de travailler pour ne pas dépendre de l’aide sociale, d’éviter de commettre des actes répréhensibles et de s’efforcer d’apprendre au moins une langue nationale constituait un comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu’il ne put envisager un retour au Kosovo. Il n’avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu’il ne pourrait pas les mettre en pratique dans son pays d’origine.

Une réintégration au Kosovo ne devrait pas avoir de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Le fait d’avoir conservé des attaches importantes dans son pays d’origine, à savoir la présence de sa femme et de ses trois enfants devait faciliter son retour au Kosovo.

D. a. Par acte du 24 février 2023, le requérant a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour. Il a produit un chargé de pièces.

Il était arrivé en 2007 et ses employeurs et clients avaient attesté de son activité lucrative et de sa présence en Suisse depuis cette date. Il était parfaitement intégré et parlait couramment le français : tous ses amis et son réseau social se trouvaient à Genève. Il avait un casier judiciaire vide à l’exception d’une condamnation pour activité lucrative sans autorisation. Il n’avait pas de dettes et ne bénéficiait pas de l’assistance publique. Ses situations financière et professionnelle étaient réussies.

Le renvoyer au Kosovo l’exposerait à des graves difficultés personnelles et financières, car il ne trouverait pas d’emploi et ne pourrait pas se réintégrer dans ce pays où il n’avait gardé aucun ami ni attache.

b. Par jugement du 6 juillet 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Le requérant indiquait séjourner en Suisse depuis 2007. Toutefois, les attestations et lettres de soutien de proches sur lesquelles il se fondait ne pouvaient à elles seules prouver sa présence continue en Suisse, de même que les documents médicaux qui ne concernaient que deux épisodes en 2016 et 2019. L’attestation datée du 9 juillet 2021 signée par C______ indiquant que l’intéressé avait travaillé pour lui depuis le 1er juin 2006 devait être fortement relativisée puisque l’entreprise C______ Jardinier-Paysagiste n’avait été inscrite au registre du commerce vaudois la première fois que le 1er mai 2012, qu’aucune cotisation sociale n’avait été versée avant octobre 2019 et que, enfin, le requérant avait reconnu lors de son audition par la police le 14 août 2022 être retourné tous les deux ans au Kosovo durant un mois. Du reste, père de trois enfants nés au Kosovo entre 2010 et 2016, il avait quitté la Suisse à plusieurs reprises pour se rendre au Kosovo. Lors de son interpellation par la police en avril 2017, il avait, enfin, indiqué être arrivé en Suisse deux mois auparavant. Il ne pouvait ainsi être retenu qu’il séjournait de manière continue en Suisse depuis de nombreuses années.

Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne pouvait être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle. Même s'il n’avait pas de dettes, parvenait à subvenir à ses besoins, n’avait jamais émargé à l’aide sociale et maîtrisait le français, ces éléments n’étaient pas constitutifs d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Il avait fait l’objet de deux IES couvrant les périodes du 17 juillet 2012 au 16 juillet 2015 et du 10 mai 2017 au 9 mai 2020 auxquelles il ne s’était aucunement conformé, ce qui démontrait un mépris manifeste de l’ordre juridique suisse. Il n’apparaissait en outre pas qu’il s’était investi d'une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour. Par ailleurs, actif dans le domaine du paysagisme, il ne pouvait se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu'il ne pouvait les utiliser dans son pays. Il n’avait pas non plus fait preuve d'une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse.

Il avait vécu la majeure partie de son existence dans son pays d’origine, notamment son enfance et son adolescence, périodes essentielles pour la formation de la personnalité, et partant pour l’intégration sociale et culturelle, ainsi que le début de sa vie d’adulte. Il en maîtrisait la langue et la culture, y était régulièrement retourné et y avait conservé des attaches puisque sa femme et ses trois enfants – dont l’aîné n’avait que 13 ans –, y vivaient. Il pouvait ainsi compter sur leur soutien, à tout le moins logistique. Sa réintégration au Kosovo n’était dès lors pas fortement compromise.

E. a. Par acte du 30 août 2023, le requérant a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l’OCPM en vue de la soumission de son dossier avec un préavis positif.

À la date de sa demande de régularisation, il séjournait en Suisse depuis quinze ans. Il ne s’était rendu au Kosovo que de manière ponctuelle pour des vacances de courte durée. Il présentait un parcours professionnel respectable et participait activement à la vie économique de la Suisse. Tous ses amis et son réseau social se situaient à Genève. Il était autonome financièrement et n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale. Il parlait le français et présentait un casier judiciaire vierge, à l’exception d’une condamnation pour activité lucrative sans autorisation. Il n’avait gardé aucun contact ni attache au Kosovo depuis qu’il était arrivé en Suisse. Il courrait donc le risque de se retrouver dans une situation financière précaire.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, si bien que la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la décision de refus d’octroi de l’autorisation de séjour en faveur du recourant et prononçant son renvoi de Suisse.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

S'agissant de l'intégration, le Tribunal fédéral administratif a considéré que, d'une manière générale, lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du TAF F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

2.3 À teneur de l'art. 77e OASA, une personne participe à la vie économique lorsque son revenu, sa fortune ou des prestations de tiers auxquelles elle a droit lui permettent de couvrir le coût de la vie et de s'acquitter de son obligation d'entretien. Selon la jurisprudence, une intégration réussie n'implique pas nécessairement la réalisation d'une trajectoire professionnelle particulièrement brillante au travers d'une activité exercée sans discontinuité. L'essentiel en la matière est que l'étranger subvienne à ses besoins, n'émarge pas à l'aide sociale et ne s'endette pas de manière disproportionnée (arrêts du Tribunal fédéral 2D_25/2023 du 12 janvier 2024 consid. 5.4 ; 2C_353/2023 du 22 novembre 2023 consid. 4.3.1 ; 2C_797/2022 du 22 mars 2023 consid. 3.3.3 ; 2C_145/2022 du 6 avril 2022 consid. 6.3 ; 2C_935/2021 du 28 février 2022 consid. 5.1.2 ; 2C_822/2019 du 9 juin 2020 consid. 3.3 et les arrêts cités). L'impact de l'endettement dans l'appréciation de l'intégration d'une personne dépend du montant des dettes, de leurs causes et du point de savoir si la personne les a remboursées ou s'y emploie de manière constante et efficace (arrêts du Tribunal fédéral 2C_145/2022 précité consid. 6.3 ; 2C_935/2021 précité consid. 5.1.2 ; 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 7.2 et les arrêts cités).  

2.4 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.5 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

2.6 En l’occurrence, le recourant fait valoir qu’il réside à Genève depuis 2007. Or, comme l’a relevé le TAPI, les lettres de soutien de proches et attestations d’employeurs sur lesquelles il se fonde ne sauraient à elles seules prouver sa présence continue en Suisse depuis 2007. La juridiction précédente a en particulier relevé, sans être contredite sur ce point par le recourant, que l’entreprise C______ Jardinier-Paysagiste, qui indiquait avoir engagé le recourant depuis le 1er juin 2008, n’avait été inscrite au registre du commerce vaudois que depuis le 1er mai 2012. Aucune cotisation sociale n’avait du reste été versée avant octobre 2019. Ainsi, en l’absence de pièces probantes permettant d’attester d’un séjour concret, il n’est pas possible de retenir que le recourant réside en Suisse depuis 2007. Sur la base de l’extrait de compte individuel AVS du recourant, il apparaît que ce dernier séjourne en Suisse depuis, en tout cas, 2019. On trouve certes au dossier des indices d’une présence plus longue – en particulier l’attestation de B______ indiquant que le recourant avait été un membre actif de juin 2013 à décembre 2015, un rapport d’analyses de laboratoire datant de 2016, ses factures de cotisations d’F______ pour 2017, un décompte d’affiliation à F______ pour 2018 et une attestation d’anciens clients selon laquelle il avait effectué des travaux de rénovation de leur maison en 2013-2014 – sans qu’il ne soit toutefois possible de déterminer le caractère continu et ininterrompu du séjour. S’ajoute à cela qu’entendu par la police en avril 2017, le recourant a lui-même indiqué n’être arrivé en Suisse que deux mois auparavant.

Quoi qu’il en soit, même à retenir un séjour depuis 2013 – ce qui n’est pas établi à satisfaction de droit – force est de relever que l’intégralité de ce séjour s’est déroulée dans l’illégalité, voire, depuis sa demande de régularisation du 12 avril 2022, au bénéfice d’une simple tolérance. Or, conformément à la jurisprudence précitée, la durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération, ou seulement dans une mesure très restreinte.

Pour le reste, le recourant, qui a exercé l’activité de paysagiste, n’établit pas qu’il aurait réalisé une intégration professionnelle exceptionnelle. Il a certes travaillé, n’a pas recouru à l’aide sociale, n’a pas fait l’objet de dettes et parle le français. Il ne soutient toutefois pas avoir acquis en Suisse des connaissances si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre ailleurs. Au contraire, en cas de retour dans son pays, il pourra mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances de la langue française acquises durant son séjour en Suisse. Enfin, il n’établit pas s’être investi dans la vie associative, culturelle ou sportive de la Suisse, ni avoir créé des attaches particulièrement étroites avec ce pays. Il a par ailleurs fait l’objet d’une condamnation pénale pour infractions à la loi sur les étrangers et de deux IES, auxquelles il ne s’est pas conformé.

Né au Kosovo, il y a passé son enfance, son adolescence, soit la période essentielle pour la formation de sa personnalité, ainsi qu’une bonne partie de sa vie d’adulte. Il maîtrise la langue et les codes culturels du pays. Quoi qu’il en dise, il apparaît avoir gardé des liens étroits avec le Kosovo, où résident son épouse et ses trois enfants mineurs. Il a d’ailleurs admis, lors de son audition devant la police vaudoise du 14 août 2022, qu’il rendait visite à sa famille pendant un mois tous les deux ans. S’il se heurtera sans doute à des difficultés, il ne soutient pas que sa réintégration sera impossible et il pourra compter sur l’appui de sa famille et tirer profit des connaissances professionnelles et linguistiques acquises lors de son séjour en Suisse.

C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour n’étaient pas remplies.

3.             La décision querellée prononce le renvoi du recourant.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation.

3.2 Le recourant ne fait pas valoir que son renvoi serait impossible, illicite ou ne pourrait être exigé. Il ne ressort par ailleurs pas de la procédure que tel serait le cas, de sorte que le prononcé du renvoi apparaît conforme au droit.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 août 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Martin AHLSTRÖM, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.