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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/69/2024

ATA/457/2024 du 09.04.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/69/2024-FORMA ATA/457/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 avril 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES intimé



EN FAIT

A. a. A______, inscrit auprès de B______ depuis septembre 2023, a sollicité une bourse ou un prêt auprès du service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) en février 2023.

b. Par décision du 25 octobre 2023, sa demande a été rejetée, au motif que la contribution financière de sa mère C______ couvrait son découvert de CHF 33'716.- par année.

c. Statuant sur réclamation le 21 décembre 2023, le SBPE a modifié ses calculs, en tenant compte de l’impôt anticipé payé par la mère de l’intéressé, bien que cette charge soit appelée à changer. Toutefois, même en tenant compte de cet impôt, le disponible de la mère permettait de couvrir les charges de l’étudiant.

Il ressort du nouveau procès-verbal de calcul que la fortune immobilière brute de la mère se montait à CHF 410'000.-, sa fortune mobilière à CHF 8'455.- et elle avait une dette de CHF 176'505.-. Sa fortune nette était donc de CHF 241'950.- (CHF 410'000.- + CHF 8'455.- - CHF 176'505.-). Conformément à la loi, seul le 1/15 de la fortune nette, soit CHF 16'130.-, avait été pris en compte. Ses charges de CHF 42'170.- (impôt anticipé compris) lui laissaient un excédent de CHF 48'360.- lui permettant de couvrir les charges non couvertes de son fils de CHF 33'716.-.

B. a. Par acte expédié le 8 janvier 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision.

Les calculs effectués par le SBPE étaient erronés. Il convenait de se fonder sur le revenu net de sa mère. La maison de celle-ci, sise en France, était grevée d’un crédit en cours de remboursement, encore pendant onze ans. Le capital représenté par la maison ne pouvait donc être pris en considération. Le nouveau procès-verbal n’intégrait pas l’impôt à la source dans les calculs. Il ressortait du tableau qu’il annexait que les ressources de sa mère et ses propres charges devaient conduire à ce qu’il puisse bénéficier d’une bourse.

b. Le SBPE a conclu au rejet du recours.

Il avait adressé le nouveau procès-verbal de calcul au recourant, dans un courrier séparé.

c. Le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai imparti pour répliquer.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieuse la question de savoir si les revenus de la mère du recourant ont été correctement établis par le SBPE.

2.1 Aux termes de l’art. 1 de la loi genevoise sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20), la loi règle l'octroi d'aides financières aux personnes en formation (al. 1). Le financement de la formation incombe a) aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus et b) aux personnes en formation elles-mêmes (al. 2). Les aides financières sont accordées à titre subsidiaire (al. 3). L'octroi d'aides financières à la formation doit notamment soutenir les personnes en formation en les aidant à faire face à leurs besoins (art. 2 let. e LPBE).

2.2 L’art. 18 LBPE prévoit que si les revenus de la personne en formation, de ses parents (père et mère), de son conjoint ou partenaire enregistré et des autres personnes qui sont tenus légalement au financement de la formation ainsi que les prestations fournies par des tiers ne suffisent pas à couvrir les frais de formation, le canton finance, sur demande, les besoins reconnus par le biais de bourses ou de prêts (al. 1). Le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06) (al. 2).

2.3 Le calcul du RDU est individuel. Les éléments énoncés aux art. 4 à 7 LRDU se définissent conformément à la législation fiscale genevoise, en particulier la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Le socle du RDU est égal au revenu calculé en application des art. 4 et 5, augmenté d’un quinzième de la fortune calculée en application des art. 6 et 7 (art. 8 al. 2 LRDU). Le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive (art. 9 al. 1 LRDU). L’art. 5 LRDU énumère les déductions admises sur le revenu brut, à savoir notamment les cotisations sociales obligatoires. La charge fiscale n’est pas prévue dans les déductions du revenu brut.

2.4 Selon l’art. 19 LBPE, les frais reconnus engendrés par la formation et l'entretien de la personne en formation servent de base de calcul pour les aides financières. Le règlement peut prévoir des exceptions, notamment pour la formation professionnelle non universitaire (al. 1). Une aide financière est versée s'il existe un découvert entre les frais reconnus engendrés par la formation et l'entretien de la personne en formation et les revenus qui peuvent être pris en compte selon l'art. 18 al. 1 et 2. Le découvert représente la différence négative entre les revenus de la personne en formation et des personnes légalement tenues de financer les frais de formation et les coûts d'entretien et de formation de ces mêmes personnes (al. 2). Le calcul du découvert est établi à partir du budget des parents ou des personnes légalement tenues au financement de la personne en formation. Ce budget tient compte des revenus et des charges minimales pour couvrir les besoins essentiels (al. 3). Pour le calcul du budget de la personne en formation, il est pris en compte le revenu réalisé durant la formation après déduction d'une franchise dont le montant est fixé par le règlement, la pension alimentaire et les rentes versées par les assurances sociales et la fortune déclarée (al. 4).

2.5 Selon l’art. 20 al. 1 LBPE, sont considérés comme frais résultant de l'entretien : (a) un montant de base défini par le règlement ; (b) les frais de logement sur la base des forfaits par nombre de personnes définis dans le règlement ; (c) les primes d'assurance-maladie obligatoire dans les limites des forfaits définis par le règlement ; (d) le supplément d'intégration par personne suivant une formation dans les limites des forfaits définis par le règlement ; (e) les impôts cantonaux tels qu'ils figurent dans les bordereaux établis par l'administration fiscale cantonale et (f) les frais de déplacement et de repas sur la base des forfaits définis dans le règlement. Selon l’art. 20 al. 2 LBPE, sont considérés comme frais résultant de la formation les forfaits fixés par le règlement.

2.6 Le montant de base défini à l'art. 20 al. 1 let. a LBPE, de la loi couvre notamment les besoins de base en nourriture, vêtements et loisirs. Il correspond au montant de base mensuel des normes d'insaisissabilité en vigueur dans le canton de Genève (art. 12 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les bourses et prêts d'études du 2 mai 2012 - RBPE - C 1 20.01). En 2023, il était de CHF 1'200.- par mois pour un adulte vivant seul (Normes d'insaisissabilité en 2023 - E 3 04). Les forfaits d'assurance-maladie sont basés sur les primes faisant référence à Genève selon la législation sur l’aide sociale (art. 12 al. 3 RBPE). Pour les adultes et les jeunes adultes âgés entre 18 et 25 ans révolus, la prime d’assurance-maladie obligatoire des soins est prise en charge à concurrence de la prime cantonale de référence (art. 21A al. 1 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04). La prime cantonale de référence est fixée chaque année par arrêté du Conseil d’Etat (art. 21A al. 2 LIASI). Selon l’arrêté du Conseil d’État du 22 octobre 2022, la prime de référence pour 2023 a été fixée à CHF 517.- pour les adultes et à CHF 358.- pour les jeunes adultes.

Le supplément d'intégration s'élève à CHF 1'260.-. Il est octroyé dans le budget de la famille pour chaque personne en formation (art. 12 al. 4 RBPE). Les frais de déplacement pris en compte dans le budget de la personne en formation correspondent au coût de l’abonnement annuel des transports publics genevois (art. 12 al. 5 let. a RBPE). Les frais annuels de formation sont fixés à CHF 2'100.- pour le degré secondaire II, classes préparatoires qui lui sont rattachées comprises, et à CHF 3'140.- pour le degré tertiaire, classes préparatoires qui lui sont rattachées comprises, quel que soit le lieu de formation (art. 13 al. 1 RBPE). Les taxes d'immatriculation sont incluses dans le forfait de formation (art. 13 al. 2 RBPE). Les forfaits pour les frais annuels de logement sont de CHF 17'800.- pour la mère (art. 12 al. 2 let. b RBPE) et de CHF 12'000.- pour le recourant (art. 12 al. 2 let. a RBPE). Un forfait de CHF 3'200.- pour les repas liés à la formation est pris en compte dans le budget de la personne en formation (art. 12 al. 6 RBPE).

2.1 En l’espèce, il ressort du bordereau de taxation 2022 de la mère du recourant qu’elle a réalisé un revenu net de CHF 72'506.95, après déduction des charges sociales (CHF 85'518.15 [revenu brut] - CHF 7'041.80 – CHF 5'969.40 [charges sociales]).

Sa fortune nette se monte à CHF 241'950.- (CHF 410'000.- [fortune immobilière] + CHF 8'455.- [fortune mobilière] - CHF 176'505.- [dette]). Conformément à l’art. 8 al. 2 LRDU, il convient de rajouter 1/15ème de la fortune nette aux revenus de la mère du recourant, à savoir la somme de CHF 16'130.- (CHF 241'950.- : 15).

Le RDU de la mère du recourant était donc de CHF 88'636.95, soit CHF 72'506.95 (revenu net) + CHF 16'130.- (1/15ème de la fortune nette).

Les charges du recourant de CHF 38'696.- ont été correctement établies. Elles comportent son entretien de base de CHF 14'400.-, le forfait de primes d’assurance-maladie de CHF 4'296.- (12 x CHF 358.-), le supplément d’intégration de CHF 1'260.-, les forfaits de logement de CHF 12'000.-, de frais de déplacement de CHF 400.-, de repas liés à la formation de CHF 3'200.- et de frais de formation de CHF 3'140.-. Il ne conteste pas le montant de CHF 4'980.- retenu à titre de revenu. Son découvert s’élevait ainsi à CHF 33'716.- (CHF 4'980.- - CHF 38'696.-).

Les charges de la mère du recourant comportent son entretien de base de CHF 14'400.-, sa prime d’assurance-maladie de CHF 6'204.- (12 x CHF 517.-), le forfait pour les frais de logement de CHF 17'800.-. Au vu de ces montants, auxquels le SBPE a accepté d’ajouter l’impôt à la source de CHF 3'766.-, les charges de la mère du recourant totalisent CHF 42'170.-, de sorte que son excédent de revenu se montait à CHF 46'466,95 (CHF 88'636,95 – CHF 42'170.-). Cet excédent lui permettait de couvrir le découvert de charges du recourant de CHF 33'716.-.

Ainsi, si, certes, l’autorité intimée a, à tort, tenu compte du salaire brut de la mère au lieu de son salaire net, il n’en demeure pas moins que l’excédent de revenu permet à celle-ci de prendre intégralement en charge le découvert de son fils.

Partant, la décision querellée est, dans son résultat, conforme à la loi et ne consacre pas d’abus du pouvoir d’appréciation du SBPE. Le recours sera ainsi rejeté.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. L’issue du litige s’oppose à l’allocation d’une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 2024 par A______ contre la décision du service des bourses et prêts d’études du 21 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :