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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/719/2023

ATA/459/2024 du 09.04.2024 sur JTAPI/1191/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.05.2024, 9C_286/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/719/2023-ICCIFD ATA/459/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 avril 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par BOITELLE TAX Sàrl, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 octobre 2023 (JTAPI/1191/2023)


EN FAIT

A. a. A______ et B______ se sont mariés en 2013 en C______. Ils sont parents de deux enfants nés respectivement les ______ 2001 et ______ 2013.

Après son arrivée à Genève le 1er mars 2019, le couple s'est séparé officiellement le 1er janvier 2021 selon une « convention de séparation » établie le même jour à C______. Selon celle-ci, les enfants devaient résider principalement avec leur mère, le mari étant tenu de verser un montant mensuel de EUR 6'500.- à titre de contribution pour l’entretien de l’épouse et des enfants.

Depuis la séparation, l'épouse s'est installée à D______ avec les enfants tandis que l'époux a continué à vivre à Genève.

b. Mis au bénéfice d'une autorisation de séjour depuis son arrivée à Genève le 1er mars 2019, A______ est soumis à l'impôt à la source (ci-après : IS).

c. Dans sa déclaration fiscale 2021, remise à l’administration fiscale cantonale (ci‑après : AFC-GE), il a fait valoir le statut de « quasi-résident ». Indiquant qu'il était séparé de son épouse, il a sollicité une déduction de CHF 84'324.- à titre de contributions d’entretien versées à son épouse.

d. Le 21 novembre 2022, le contribuable a expliqué, en réponse à une demande de renseignements de l'AFC-GE, qu'à la suite du déménagement de son épouse à D______, le couple avait ouvert un compte commun en leurs deux noms, car elle ne pouvait ouvrir seule un compte bancaire en raison de son statut administratif.

Il a notamment joint la convention de séparation précitée ainsi que les relevés de son compte bancaire auprès d'une banque suisse attestant des virements réguliers vers le compte commun espagnol.

e. Par bordereaux de taxation 2021 du 7 décembre 2022, l'AFC-GE a refusé la déduction requise, au motif que le contribuable avait versé la contribution sur un compte joint dont les époux étaient titulaires.

f. L'AFC-GE a rejeté la réclamation élevée par le contribuable et maintenu ses bordereaux.

B. a. Par acte du 27 février 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions de réclamation, concluant à leur annulation.

Le compte joint avait été ouvert à son nom dans un premier temps pour des questions purement administratives dans la mesure où son épouse, étant de nationalité extra-européenne, avait rencontré des difficultés pour ouvrir un compte bancaire destiné à recevoir les pensions alimentaires. Dans un second temps, il avait ajouté le nom de son épouse au compte afin qu'elle puisse bénéficier des montants versés. Il avait démontré que ceux-ci avaient uniquement servi à l'entretien de sa famille. Il lui était matériellement impossible de se reverser les montants ainsi transférés, ceux-ci ayant été dépensés par son épouse pour couvrir ses dépenses courantes et celles des enfants, soit un loyer mensuel de EUR 1'650.-, des frais de scolarité et des activités sportives d’environ EUR 1'730.- par mois et des frais de nourriture, d’habillement, de voiture et de soins médicaux d’environ EUR 3’500.- par mois. Son épouse ne travaillait pas.

Cet état de fait était différent de celui à la base de la jurisprudence invoquée par l'AFC-GE pour justifier le rejet de sa réclamation. Ainsi, la position de l'AFC-GE était arbitraire et aboutissait à un résultat discriminatoire et contraire au principe de l'imposition selon la capacité contributive.

b. Par jugement du 30 octobre 2023, le TAPI a partiellement admis le recours.

Dès lors que le contribuable avait versé la somme de CHF 84'324.- dont la déduction était demandée sur un compte commun, sur lequel il avait libre disposition, l'AFC-GE était fondée à ne pas la déduire du revenu imposable au titre de contributions d'entretien. À cet égard, le recours a été rejeté.

Compte tenu de la participation du contribuable à l'entretien de ses enfants, il avait cependant droit à deux demi-charges de famille, de sorte que le recours était admis sur ce point, par substitution de motifs.

C. a. Par acte expédié le 30 novembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Il a conclu, principalement, à ce que celui-ci soit annulé et la cause renvoyée l'AFC-GE pour rectification des bordereaux de taxation 2021 en ce sens que la déduction de CHF 84'324.- soit admise, subsidiairement, à l'octroi d'une déduction sociale de deux charges de famille.

Le recourant reproche au TAPI d'avoir violé son droit d'être entendu pour avoir omis de se prononcer sur certains griefs. Il s'était ainsi contenté de s'appuyer, comme l'AFC-GE, sur l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2020 du 19 novembre 2020 pour motiver son jugement, sans discuter les arguments soulevés dans son recours et sa réplique. Il avait également omis de se prononcer sur sa demande de comparution personnelle.

Dans l'arrêt précité, les parents séparés avaient la garde alternée et l'autorité parentale conjointe. De plus, le contribuable qui avait la garde alternée avait fait valoir des déductions afférentes aux frais de garde effectifs, aux frais médicaux, ainsi qu'aux primes d'assurance et charges de famille concernant les enfants. Il demandait que lui soit appliqué un barème d'imposition réduit et que la moitié des déductions pour les frais d'entretien des enfants soit prise en compte. Or, en l'espèce, la garde exclusive des enfants était octroyée à la mère et il ne demandait pas la déduction des charges et frais mais uniquement celle des contributions d'entretien versées selon les termes de la convention de séparation, de sorte que l'application de la jurisprudence précitée était arbitraire.

En raison du fait qu'il assurait seul l'entretien de ses deux enfants dont l'un était mineur et que son épouse n'exerçait pas d'activité lucrative suffisante pour subvenir aux besoins de leurs enfants en 2021, il pouvait prétendre à la déduction sociale de deux charges entières de famille.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Compte tenu du devoir de justification particulièrement qualifié dans un contexte international, on pouvait s'interroger sur la force probante de la convention de séparation établie à C______, laquelle, sans être ratifiée, fixait des obligations d'entretien substantielles à la charge du recourant.

Le système de concordance mis en place par le législateur en matière de traitement fiscal des contributions d'entretien excluait la possibilité de déduire des versements effectués sur un compte commun sur lequel chacun des époux disposait d'un libre accès. Une application différenciée en fonction du cas de figure de la séparation des époux ne se justifiait pas.

Le recourant avait tenu des propos contradictoires : il avait procédé aux démarches administratives en Suisse et en Espagne, aux fins de résider et exercer une activité lucrative dans le canton de Genève respectivement d'obtenir des titres de séjour pour lui-même – bien qu'il n'y résidât pas et n'y travaillât pas – et son épouse, afin de permettre à celle-ci, ressortissante d'un pays extra-communautaire, de s'installer à D______. Il prétendait devant les autorités suisses être séparé de son épouse, en vue de solliciter la déduction des contributions d'entretien, et devant les autorités espagnoles faire ménage commun avec son épouse, vu que ce seul cas de figure permettait à son épouse d'obtenir un permis de séjour en Espagne.

Face aux problématiques fiscales rencontrées, il avait finalement demandé à son épouse d'ouvrir son propre compte bancaire aux fins de recevoir les contributions d'entretien.

c. Le recourant a répliqué en relevant que les réserves de l'AFC-GE au sujet de la la valeur probante de la convention de séparation n'avaient aucun fondement. Il résidait et travaillait dans le canton de Genève depuis six ans, de sorte que l'AFC‑GE ne saurait sous-entendre sans l'étayer que les retraits et débits quotidiens du compte espagnol puissent être effectués par lui-même. Le refus de déduction des contributions d'entretien le plaçait dans une situation financière extrêmement difficile. Pour le surplus, il reprenait en développant son argumentation précédente.

Étaient joints un extrait du registre des poursuites ainsi qu'un relevé de comptes d'impôts 2021 et 2022.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 -LPA - E 5 10).

2.             Le recourant invoque la violation de son droit d'être entendu en ce sens que le TAPI a omis d'examiner, d'une part, sa requête de comparution personnelle et, d'autre part, ses arguments appuyant son recours.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 La jurisprudence déduit également du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

2.3 En l'espèce, le recourant reproche au TAPI de ne pas s'être prononcé sur sa requête de comparution personnelle. Certes, bien qu’il mentionne cette requête, le TAPI n’expose pas pour quel motif il n’y a pas donné suite. L’on comprend toutefois implicitement du jugement que les premiers juges ont renoncé à l’audition du recourant, estimant qu’ils disposaient des d'éléments pertinents pour trancher le litige et que ladite audition n'était pas de nature à apporter au dossier des éléments autres que ceux déjà allégués par le recourant. Le TAPI était ainsi fondé à ne pas procéder à l’audition du recourant.

Il en va de même devant la chambre de céans. En effet, le recourant a pu exposer son point de vue dans ses écritures et produire toute pièce qu’il estimait utile tant devant le TAPI que devant elle. Il n’explique pas quels éléments supplémentaires son audition apporterait. Par ailleurs, le dossier est complet, de sorte que la chambre de céans peut trancher le litige en connaissance de cause. Il ne sera donc pas procédé à l’audition du recourant.

Le recourant se plaint également d'un défaut de motivation, le TAPI n’ayant pas discuté ses arguments. Il est, certes, exact que les premiers juges, à la suite de l'autorité intimée, ont considéré, se référant à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2020 du 19 novembre 2020, que le paiement des contributions d'entretien sur un compte joint excluait la déduction des montants versés de l'impôt sur le revenu. La référence à cet arrêt dont les considérants pertinents ont été exposés par le TAPI était cependant suffisante pour que le recourant, assisté d'une fiduciaire, comprenne le jugement, se rende compte de sa portée et puisse le contester en toute connaissance de cause. Que celui-ci soit fondé sur le même motif juridique que l'autorité intimée n'enlève rien au fait que le jugement attaqué satisfait l'exigence de motivation qui n'obligeait pas le TAPI à se prononcer sur chacun des griefs du recourant.

Ainsi, le grief de violation du droit d'être entendu sera rejeté.

3.             Le litige porte sur la déduction des contributions d'entretien ainsi que les charges de famille.

3.1 Selon l’art. 33 al. 1 let. c LIFD et l’art. 33 LIPP, sont déduites du revenu les contributions d’entretien versées à l’un des parents pour les enfants sur lesquels il a l’autorité parentale, à l’exclusion toutefois des prestations versées en exécution d’une obligation d’entretien ou d’assistance fondée sur le droit de la famille.

Pour qu’un versement de l’un des parents à l’autre puisse être considéré comme une contribution d’entretien au sens des dispositions légales précitées, il doit être effectué en mains de cet autre parent pour les enfants. Ce versement donne au parent qui l'effectue la possibilité de déduire le montant correspondant de son revenu. Il a en outre pour conséquence une taxation au titre du revenu auprès du parent qui en est bénéficiaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2020 du 19 novembre 2020 consid. 4.5). Un tel système, dit de concordance, exclut que le versement soit effectué sur un compte sur lequel la personne qui demande la déduction pour contributions d'entretien bénéficie d'un libre pouvoir de disposition. Cela permettrait au contribuable de verser un montant, de bénéficier d'une déduction fiscale, puis de reprendre ce montant et d'en disposer librement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2020 du 19 novembre 2020 consid. 4.5).

Le versement de la pension alimentaire constitue un déplacement de ressources : celui qui reçoit la pension alimentaire l'utilise pour les besoins de l'enfant en sus de ses propres ressources auxquelles cette pension est assimilée et sur laquelle il est imposé. Par conséquent, c'est lui qui, sur le plan fiscal, assure l'entretien de l'enfant (ATF 133 II 305 consid. 6.5).

La question se pose de savoir si seuls sont imposables (respectivement déductibles) les aliments fixés dans un jugement ou dans une convention ratifiée par le juge ou par l’autorité de protection de l’enfant. La LIFD ne pose pas de condition expresse quant à la forme qu’ils doivent revêtir pour être reconnus fiscalement (Christine JAQUES in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd]., Impôt fédéral direct, Commentaire romand, 2017, p. 578 n. 40-41).

3.2 L'art. 35 al. 1 let. a LIFD prévoit que sont déduits du revenu CHF 6'500.- pour chaque enfant mineur ou faisant un apprentissage ou des études, dont le contribuable assure l'entretien ; lorsque les parents sont imposés séparément, cette déduction est répartie par moitié s'ils exercent l'autorité parentale en commun et ne demandent pas la déduction d'une contribution d'entretien pour l'enfant selon l'art. 33 al. 1 let. c LIFD.

Selon le commentaire de la LIFD, compte tenu des termes de la seconde phrase de l’art. 35 al. 1 let. a LIFD (« cette déduction » ) et du texte de la première phrase de cette disposition qui subordonne l’octroi de la pleine déduction pour enfant à l’exigence que le contribuable assure l’entretien de l’enfant, l’exercice en commun de l’autorité parentale, qui est une condition nécessaire du partage de la déduction, ne saurait écarter l’exigence d’une participation des deux parents titulaires de cette autorité à l’entretien de l’enfant (Christine JAQUES, Commentaire de la LIFD, 2017, n. 11 ad art. 35 LIFD). L’art. 35 al. 1 let. a 1re phrase LIFD ne subordonne pas l’octroi de la déduction à la condition que les parents assurent cet entretien en totalité ou pour une part au moins prépondérante : il suffit qu’ils en assurent l’entretien (ATF 94 I 231 ; Christine JAQUES, op. cit., n. 15 ad art. 35 LIFD).

Dans tous les cas, un seul parent, celui qui a l'autorité parentale (complète ou conjointe) et assure le principal de l'entretien de l'enfant par ses propres moyens ou ceux qui lui sont imputés fiscalement, soit la pension alimentaire, a droit aux abattements sociaux, sauf exception de l'art. 35 al. 1 let. a LIFD, qui permet de répartir la déduction pour enfant par moitié lorsque les parents sont imposés séparément, qu’ils exercent l'autorité parentale en commun et qu’ils ne demandent pas la déduction d'une contribution d'entretien pour l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2020 précité consid. 4.3.3).

3.3 Les déductions sociales sont fixées en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale ou de l’assujettissement (art. 35 al. 2 LIFD et 65 al. 1 LIPP).

3.4 Conformément à l'art. 9 al. 2 let. c de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), l'art. 33 LIPP prévoit que « [s]ont déduites du revenu la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, à l'exclusion toutefois des prestations versées en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille ».

3.5 À teneur de l'art. 39 al. 2 let. a LIPP, constitue une charge de famille chaque enfant mineur sans activité lucrative ou dont le gain annuel ne dépasse pas CHF 15'333.- (charge entière) ou CHF 23'000.- (demi-charge), pour celui des parents qui en assure l'entretien.

3.6 Le système de déduction et d'imposition des contributions d'entretien est identique en matière d'impôt fédéral direct et en matière d'impôts cantonal et communal (arrêts du Tribunal fédéral 2C_544/2019 du 21 avril 2020 consid. 8 ; 2C_200/2011 du 14 novembre 2011 consid. 6).

Selon l’information fiscale n° 2/2011 du 16 février 2011 de l’AFC-GE (ci-après : l’information n° 2/2011), la notion d'assurer l'entretien d'un enfant doit être comprise de la manière suivante en matière de charge de famille :

-          en cas de versement d'une pension alimentaire, le parent qui assure l'entretien de l'enfant est celui qui bénéficie du versement de la pension alimentaire ;

-          lorsqu'il n'y a pas de versement d'une pension alimentaire et qu'un seul des parents assure l'entretien de l'enfant, c'est lui qui bénéficiera de la déduction pour charge de famille ;

-          lorsqu'il n'y a pas de versement de pension alimentaire et que les deux parents assurent l'entretien de l'enfant, la déduction pour charge de famille est partagée entre eux de manière paritaire.

3.7 Afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliquer l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; ATA/1288/2021 du 23 novembre 2021 consid. 4).

3.8 Le 21 décembre 2010, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a émis à l'intention des administrations cantonales de l’IFD la circulaire n° 30 relative à l'imposition des époux et de la famille selon la LIFD (ci-après : la circulaire n° 30).

Selon le chiffre 10.1 3e phrase, seule une pleine déduction est accordée par enfant. Outre le lien de filiation, l’octroi de la déduction suppose que la personne qui la demande pourvoie à l’entretien de l’enfant. Ce peut être aussi bien l’entretien effectif pour le bien corporel de l’enfant qu’un soutien financier.

3.9 En matière fiscale, les règles générales relatives à la répartition du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, impliquent que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; 144 II 427 consid. 8.3.1 ; 140 II 248 consid. 3.5). S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa).

4.             En l'espèce, le recourant se prévaut de la déduction de CHF 84'324.- à titre de contributions d'entretien pour l'année fiscale 2021, subsidiairement des charges de famille pour les deux enfants.

4.1 La somme de CHF 84'324.- correspond au total des montants transférés sur un compte joint dont le recourant était titulaire avec son épouse auprès d'une banque espagnole en date du 31 décembre 2021 depuis leur séparation le 1er janvier 2021. Il prétend s'être acquitté, par ces versements sur leur compte joint, des contributions d'entretien fixées dans la convention de séparation.

Selon la jurisprudence précitée, les contributions d'entretien imposables respectivement déductibles doivent être effectuées en mains de l'autre parent pour être qualifiées comme telles, peu importe qu'elles soient fixées dans un jugement ou une convention. Leur versement suppose un déplacement ou un dessaisissement des ressources au profit du créancier de l'entretien, de sorte que les contributions d'entretien s'assimilent à ses propres ressources et augmentent en conséquence sa capacité contributive. Le compte joint étant un compte bancaire ayant deux ou plusieurs titulaires, chacun des titulaires peut exercer seul tous les droits, sans le concours du co-titulaire ou des co-titulaires sur les valeurs qui y sont déposées. Il n'y a en principe pas de déplacement des ressources, dès lors que chaque titulaire peut librement disposer des avoirs en compte joint.

Or, il ressort des relevés du compte bancaire suisse du recourant qu'il a effectué tout au long de l'année 2021 des virements de sommes créditées en sa faveur, et dès 2022 en faveur de son épouse, sur un compte bancaire en Espagne. Ceux du compte bancaire présenté comme le compte joint des époux ouvert auprès de CaixaBankNow en Espagne font état de son approvisionnement régulier en 2021 par le recourant. Dès lors que le recourant, en tant que co-titulaire du compte bénéficiaire de ses versements, conservait la possession des avoirs, ses versements ne sauraient, d’un point de vue fiscal, être considérés comme des contributions d'entretien déductibles de son revenu imposable.

Partant, le jugement du TAPI ne prête pas de flanc à la critique sur ce point.

4.2 Faisant suite à la non-déductibilité des prétendues contributions d'entretien, le TAPI a jugé que le recourant avait participé à l'entretien de sa famille de sorte qu'il avait droit à deux demi-charges de famille.

Contrairement à ce qu'affirme le recourant, l'octroi des deux demi-charges ne se justifie pas par un cas de garde alternée. Il est uniquement fonction de la participation à l'entretien de l'enfant qui ne se limite pas au soutien financier, mais consiste également en une contribution en nature de la part du parent fournissant les soins et l'éducation. Dans le cas de l’instauration d’une garde exclusive tel qu'en l'espèce, en raison de l'équivalence de l'entretien en nature et en argent, le père ou la mère qui n’a pas la garde de l'enfant doit, en principe, assumer la totalité de l’entretien pécuniaire (ATF 147 III 265 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.5).

Dès lors que, selon la convention de séparation, la garde exclusive des enfants avait été instaurée au profit de la mère alors que le recourant jouissait d'un simple droit de visite, le TAPI pouvait considérer qu'il y avait une contribution équivalente des époux à l'entretien des enfants, justifiant l'octroi de demi-charges au recourant.

Mal fondée, la critique du recourant à l'égard du jugement attaqué sera également écartée sur ce point.

Entièrement infondé, le recours sera par conséquent rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à BOITELLE TAX Sàrl, mandataire du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :