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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3873/2023

ATA/212/2024 du 13.02.2024 sur JTAPI/1412/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3873/2023-PE ATA/212/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 février 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Roxane SHEYBANI, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2023 (JTAPI/1412/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ___ 2003, est ressortissant de Tunisie.

b. Il est détenu à la prison de Champ-Dollon.

c. Par décision du 9 novembre 2023, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a prononcé son renvoi.

d. Par acte du 16 novembre 2023, rédigé en italien, le précité a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre cette décision.

e. Le 22 novembre 2023, il a sollicité l’assistance juridique. Le formulaire de demande était pré-rempli par son avocate.

f. Par pli recommandé du 23 novembre 2023, envoyé à la prison de Champ-Dollon, le TAPI a imparti à l’intéressé un délai au 7 décembre 2023 pour traduire et compléter son acte de recours, sous peine d’irrecevabilité.

Ce pli a été remis par le greffe de la prison le 24 novembre 2023 à A______, qui en a accusé réception.

g. Par jugement du 19 décembre 2023, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, aucune traduction de l’acte de recours ne lui étant parvenu dans le délai imparti.

B. a. Par acte expédié le 22 janvier 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______, représenté par une avocate, a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu, principalement, à ce qu’un délai lui soit imparti, « dans une langue qu’il comprend », pour qu’il puisse compléter son recours et qu’un interprète soit mis à sa disposition pour la traduction de son recours ou que le complément de son recours rédigé en langue arabe soit reçu.

Il ne parlait et lisait que l’arabe. Il n’avait pas compris la communication du TAPI du 23 novembre 2023. Étant allophone, il aurait dû bénéficier d’une traduction, ordonnée par le TAPI, du courrier précité dans une langue qu’il comprenait. Cette démarche ayant été omise, le jugement devait être annulé et un délai devait lui être imparti, dans une langue qu’il comprenait, pour qu’il puisse motiver son recours. Il devait bénéficier de l’aide d’un interprète qui lui traduise son recours ou, alternativement, ses actes devaient être reçus dans une autre langue que celle de la procédure.

Le principe de l’égalité de traitement avait été violé, dès lors que les détenus francophones étaient mieux traités que les détenus allophones, qui ne comprenaient pas les communications du TAPI. Cette assimilation traitait de manière identique des situations non comparables, violant le principe de l’interdiction de discrimination.

b. L’OCPM n’a pas été invité à se déterminer.

c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieuse l’irrecevabilité, faute de traduction dans le délai imparti, du recours formé en langue italienne devant le TAPI.

2.1 La langue officielle du canton de Genève est le français (art. 5 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 – Cst‑GE - A 2 00). Les parties doivent agir devant les tribunaux dans cette langue (ATA/1299/2022 du 20 décembre 2022 consid. 5a ; ATA/596/2018 du 12 juin 2018 consid. 2 ; ATA/1332/2017 du 26 septembre 2017).

2.2 Le justiciable n’a en principe aucun droit de communiquer avec les autorités d’un canton dans une autre langue que la langue officielle de ce canton (ATF 136 I 149 consid. 4.3 ; 127 V 219 consid. 2b/aa). Toutefois, pour éviter tout formalisme excessif, l’autorité judiciaire qui reçoit un acte rédigé dans une autre langue que la langue officielle de la procédure doit, si elle n’entend pas se contenter de ce document ou le traduire elle-même ou donner l’occasion à son auteur d’en produire la traduction (ATF 143 IV 117 consid. 2.1 ; 106 Ia 299 consid. 2b/cc ; 102 Ia 35 consid. 1).

2.3 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1).

2.4 En l’espèce, l'acte de recours adressé au TAPI était rédigé en langue italienne.

Dans son courrier recommandé du 23 novembre 2023 au recourant, le TAPI lui a indiqué son obligation de procéder en langue française, en précisant qu’à défaut d’une traduction, le recours serait déclaré irrecevable. Un délai suffisant lui a été imparti pour ce faire. L’intéressé n’a cependant pas produit la traduction demandée dans ce délai.

Contrairement à ce que fait valoir le recourant, la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) ne s’applique pas au présent contentieux, mais à celui concernant les décisions des autorités administratives fédérales (art. 1 al. 1 PA). L’art. 33a al. 4 PA n’impose, au demeurant, pas une obligation à l’autorité d’ordonner la traduction de pièces produites dans une autre langue que celle de la procédure.

L’exigence d’utiliser la langue française pour procéder devant les tribunaux genevois s’applique à tous les justiciables, quelle que soit leur situation personnelle, financière ou leur statut, de détenu en particulier. Ce principe vise précisément à garantir l’égalité de traitement entre les justiciables.

Au surplus, le recourant avait, le 22 novembre 2023 déjà, consulté l’avocate qui a rédigé le présent recours, comme cela ressort de sa demande d’assistance juridique. Il n’explique pas pour quel motif celle-ci aurait été empêchée de requérir une prolongation du délai qui lui avait été imparti pour fournir la traduction en langue française de son recours. Il ne fait pas non plus valoir qu’il aurait été empêché de s’adresser aux services sociaux de la prison pour l’aider à comprendre la communication du TAPI et procéder à la traduction demandée par celui-ci.

Au vu de ce qui précède, le TAPI, qui a dûment interpellé le recourant afin qu’il produise la traduction en français de son acte de recours, en attirant son attention sur la conséquence de l’irrecevabilité de celui-ci, était fondé à le déclarer irrecevable, faute d’avoir reçu la traduction dans le délai imparti.

Le recours devant la chambre administrative étant manifestement mal fondé, il sera statué sans instruction préalable (art. 72 LPA).

3.             Malgré l’issue du litige, il sera exceptionnellement renoncé à la perception d’un émolument. L’issue du litige s’oppose à l’allocation d’une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 janvier 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n'est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Roxane SHEYBANI, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.