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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2768/2023

ATA/74/2024 du 23.01.2024 sur JTAPI/1204/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 28.02.2024, 2C_135/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2768/2023-PE ATA/74/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Sarah HALPERIN GOLDSTEIN, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er novembre 2023 (JTAPI/1204/2023)


EN FAIT

A. a. Par jugement du 1er novembre 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable le recours formé le 4 septembre 2023 par A______, pour elle-même et son fils B______, contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) du 2 août 2023.

L’avance de frais de CHF 500.- n’avait pas été effectuée dans le délai imparti au 11 octobre 2023.

b. Par acte expédié le 17 novembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a recouru contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation.

Le montant avait été versé le 27 septembre 2023 par l’étude de son mandataire, sur le compte indiqué par le TAPI.

Dans les informations additionnelles pour le destinataire du paiement, l’avocat avait précisé : « facture n° 200-1______-2768971 ; avance de frais (LPA), procédure A/2768/23-TRA-2-OCPM ; B______ et A______ ».

Le numéro de facture indiqué par le conseil était erroné. Le paiement était toutefois identifiable au vu des autres indications. Vérification faite avec l’établissement bancaire, le montant de CHF 500.- avait été versé et n’était pas venu en retour. Il était en conséquence en mains des services financiers du pouvoir judiciaire. L’avance de frais avait été valablement effectuée le 27 septembre 2023.

c. L’OCPM s’en est rapporté à justice, en relevant que les pièces tendaient à démontrer que le paiement avait été effectué en temps utile.

d. La juge déléguée a interpellé les services financiers du pouvoir judiciaire (ci‑après : les services financiers) pour savoir ce qu’il était advenu des CHF 500.- versés par l’avocate pour le compte de sa mandante le 27 septembre 2023. Elle attirait leur attention sur le fait que les informations additionnelles étaient correctes, mais que la « référence » était erronée.

e. Les services financiers ont précisé que la référence saisie (000127) correspondait à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC), laquelle avait accepté le transfert des fonds vers le pouvoir judiciaire le 12 décembre 2023. Le bénéficiaire percevait le paiement via la référence, les informations additionnelles n’étant pas lues par le système informatique.

f. La recourante s’est étonnée qu’aucune vérification ne soit effectuée par l’AFC à réception d’un montant inattendu. Les informations additionnelles permettaient une identification facile du paiement. Contrairement à ce qu’avaient soutenu les services financiers, la référence saisie n’était précisément pas celle débutant par « 000127 » mais une référence commençant par « 000128 ».

g. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

h. La facture du TAPI comprend les références commençant par « 000127 ». Le versement du 27 septembre a été effectué avec une référence débutant par « 000128 ».

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.              Le litige porte sur le bien-fondé du jugement d’irrecevabilité prononcé par le TAPI pour non-paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

2.1 En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

2.2 La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel, qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3eéd., 2011, p. 261 n. 2.2.4.6 et les références citées).

2.3 Le but de l'avance de frais est de garantir le paiement des frais de justice présumés ; il est donc arbitraire de ne pas tenir compte d'un versement fait à temps, mais à une autre autorité judiciaire que celle prévue par la loi, si cette autorité devait rectifier d'office cette erreur ou s'il était d'usage qu'elle le fît (ATF 101 Ia 112 consid. 5a ; 96 I 318 ; ATA/486/2022 du 10 mai 2022 consid. 6a).

Il appartient au débiteur de l'avance de frais de s'assurer que la somme correcte a bien été créditée sur le compte de l'autorité précédente, en l'occurrence du Tribunal administratif fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 9C_719/2014 du 26 novembre 2014 consid. 4.2 et les références citées).

Les principes de la légalité et de l'égalité de traitement ancrés aux art. 5 al. 1 et 8 al. 1 Cst. s'opposent à ce que soit prise en compte la gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation de la partie recourante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_107/2019 précité consid. 6.3 ; 1C_816/2013 consid. 3 et 1C_706/2013 consid. 3).

2.4 La chambre de céans a retenu que le versement de l’avance de frais à l’AFC, imputable au justiciable, ne remplit pas les conditions d’un cas de force majeure (ATA/1247/2020 du 8 décembre 2020).

La confusion entre deux factures, aux montants distincts, indiquant clairement l’expéditeur (respectivement le TAPI et l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail) ainsi que la cause du paiement sollicité (le recours du 14 juin 2021, respectivement la taxe administrative pour l’instruction du dossier d’autorisation), ne remplit pas les conditions très strictes du cas de force majeure dès lors qu’elle est imputable au justiciable. Le recourant ne peut non plus tirer argument du fait que, dans les deux cas, l’État de Genève serait créancier, dès lors qu’il appartient au débiteur de l'avance de frais de s'assurer que la somme correcte a bien été créditée sur le compte de l'autorité concernée (ATA/1273/2021 du 23 novembre 2021 et les références citées).

Dans un arrêt du 4 octobre 2022, le chambre de céans a retenu que l’introduction des factures avec code QR, notamment pour le paiement de l’avance de frais, était relativement récente. La question de savoir si l’erreur s’était produite « automatiquement », au moment du scannage du code QR, souffrait de rester indécise. Compte tenu du fait que cette manière de procéder aux paiements était récente et qu’in casu la quasi totalité de l’avance de frais avait été versée dans le délai imparti à cet effet, le prononcé de l’irrecevabilité du recours, sans même impartir au recourant un bref délai, pour se déterminer à cet égard ou lui permettre de s’acquitter du montant restant, relevait d’un formalisme excessif (ATA/1006/2022).

Dans un arrêt récent, la chambre administrative a retenu que le montant de l’avance de frais avait été crédité sur le compte IBAN du pouvoir judiciaire avant l’échéance du délai imparti pour acquitter l’avance de frais. Compte tenu de l’erreur de référence QR, il n’avait toutefois pas pu être attribué à la cause. Certes, il était regrettable que le recourant se soit trompé dans l’indication de la référence QR du paiement. Cela étant, le paiement était accompagné de l’indication du numéro de la cause et du domaine concerné (« ICCIFD »), de la date du recours ainsi que de la mention « avance de frais », le nom du recourant ressortant au surplus clairement de l’avis de crédit. Il était ainsi aisé d’identifier la procédure à laquelle ce paiement se rapportait, le nom du justiciable, le type de contentieux, la date du recours et la cause du paiement (« avance de frais ») étant suffisants pour permettre, sans déployer de grands efforts, d’attribuer cette avance à la cause correspondante (ATA/1261/2023 du 21 novembre 2023).

3.             En l'espèce, le montant de l’avance de frais a été débité du compte du conseil de la recourante avant l’échéance du délai de paiement fixé par le TAPI. Il a toutefois été crédité sur le compte de l’AFC, commençant par « 000128 » et non au pouvoir judiciaire concerné par les coordonnées « 000127 ».

La correspondance des services financiers contient à ce titre une imprécision, la référence « 000127 » étant précisément celle du pouvoir judiciaire et non de l’AFC. La recourante a d’ailleurs relevé, à juste titre, dans sa réplique, que la référence qu’elle avait utilisée commençait par « 000128 », soit celle de l’AFC.

L’erreur d’acheminement du montant de l’avance de frais provient en conséquence du numéro de « référence » saisi par le mandataire de la recourante. En effet, celui mentionné sur le bulletin de versement du TAPI consiste en « 0001272 0001______01001566 » alors que celui utilisé pour le paiement est « 00012______ 0010135 ».

Le montant a en conséquence été versé à une autre autorité, visiblement pour une autre cause, quand bien même les indications complémentaires ajoutées par l’intéressée étaient correctes, à l’instar notamment du numéro de facture.

Or, la recourante n’a procédé à aucune vérification de l'ordre de débit alors même, selon la jurisprudence précitée, qu’il appartient au débiteur de l'avance de frais de s'assurer que la somme correcte a bien été créditée sur le compte de l'autorité concernée.

Les circonstances du cas d'espèce ne répondent pas aux conditions, strictes, d'un cas de force majeure dès lors qu'il ne s'agit pas d'un événement extraordinaire et imprévisible survenu en dehors de la sphère d'activité de la recourante et qui se serait imposée à elle de façon irrésistible.

C'est ainsi à bon droit que le TAPI a retenu que l'avance de frais n'avait pas été effectuée dans le délai et que le recours formé par-devant lui était irrecevable.

Il découle de ce qui précède que le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 novembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d’A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sarah HALPERIN GOLDSTEIN, avocate de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Corinne CHAPPUIS BUGNON, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.