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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2868/2023

ATA/41/2024 du 12.01.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.02.2024, rendu le 27.02.2024, IRRECEVABLE, 2C_109/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2868/2023-EXPLOI ATA/41/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante

contre


DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION intimée

représentée par Me Stephan FRATINI, avocat



EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : la société) a pour but, à teneur de l’extrait du registre du commerce du canton de Genève, « l’organisation et/ou la mise à disposition d’espaces, notamment pour de l’évènementiel, des réunions, des expositions, la production d’activités culturelles, l’encouragement aux manifestations artistiques et artisanales locales, pour son propre compte ou pour le compte de tiers ».

Ses administrateurs sont B______, président, et C______.

b. Par formulaire ad hoc rempli en ligne le 4 février 2021, la société a sollicité une aide financière pour cas de rigueur dans le cadre de la pandémie de Covid-19 auprès de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation du département du développement économique, devenu le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département ou DEE). Elle a joint à cette demande la convention d’octroi de contribution à fonds perdu, signée par son administrateur président. Son loyer annuel s’élevait à CHF 144'936.-.

c. Par décision du 16 mars 2021, le département a octroyé à la société une aide financière complémentaire de CHF 76'711.20, tenant compte, pour 2020, d’un chiffre d’affaires de CHF 60'751.-, de coûts totaux de CHF 185'217.- et de coûts fixes de CHF 166'741.30, ainsi que du montant déjà perçu dans le cadre de l’ancien dispositif « cas de rigueur », de CHF 29'183.90.

d. Par décision du 23 décembre 2021, le département a octroyé à la société une aide financière complémentaire de CHF 52’947,60 pour le premier semestre 2021.

e. Par décision du 24 mars 2022, la société a perçu une aide complémentaire « cas de rigueur » de CHF 29'493.60.

B. a. Par décision du 17 janvier 2023, le département a requis de la société la restitution du montant de CHF 33'714.60, à la suite d’un contrôle a posteriori. Les vérifications complémentaires démontraient, sur la base des états financiers définitifs remis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), que ses coûts totaux pour 2020 s’élevaient à CHF 151'502.78, alors que ceux retenus dans la décision du 16 mars 2021 s’élevaient à CHF 185'217.-. Par conséquent, une partie de l’aide avait été perçue à tort. Ce montant correspondait à la différence existant entre le montant de l’aide octroyée en sa faveur à ce jour (CHF 188'336.-) et le montant auquel elle avait droit après contrôle a posteriori (CHF 154'621.70).

b. Dans sa réclamation du 13 février 2023, la société, représentée par son administrateur, a sollicité du département l’annulation de cette demande de rétrocession, qui n’était pas justifiée. Une erreur était intervenue dans les comptes transmis à l’AFC-GE, qui ne faisaient pas état des charges de loyers. Les comptes corrigés comprenant les bons montants de charges de loyers avaient été renvoyés pour approbation à l’AFC-GE, qui avait donc procédé à la correction et notifié la taxation définitive.

c. Le 23 mars 2023, le département s’est adressé à l’AFC-GE s’agissant de la question du report de loyers. Cette dernière lui a répondu qu’il n’y avait pas eu de réclamation/opposition à la taxation définitive 2021.

d. Entre le 23 mars et le 12 avril 2023, l’administrateur de la société et le département ont échangé par courriel sur la question du report des loyers.

e. Par décision sur réclamation du 18 juillet 2023, le département a confirmé sa décision de restitution du 17 janvier 2023. Il confirmait avoir pris bonne note de la demande de la société de correction liée aux charges de loyer pour les exercices comptables 2020 et 2021. Cela étant, l’AFC-GE l’avait informé qu’aucune demande de correction n’avait été formulée, de sorte que la taxation était entrée en force.

En outre, les corrections des charges relatives au loyer de l’exercice comptable 2020 n’apparaissaient pas dans les états financiers 2020. Il n’existait donc aucune preuve d’une démarche visant à corriger ou faire valoir les modifications pour la période querellée telles que soulevées dans la réclamation.

Son contrôle ne portait, conformément au principe de déterminance, que sur les comptes établis et remis à l’AFC-GE. C’était donc à bon droit qu’il avait retenu les coûts totaux 2020 tels qu’ils apparaissaient dans les comptes de la société pour déterminer le montant de l’aide financière.

C. a. Par courrier du 11 septembre 2023, expédié le 12 septembre 2023, la société, sous la plume de ses deux administrateurs, a demandé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administratives) de résoudre « ce malentendu ».

À la suite d’un contrôle du département, la société faisait l’objet d’une demande de restitution, concernant les montants de loyers des années 2020 et 2021. L’AFC-GE avait fait une demande de clarification concernant la même problématique.

En 2020, en raison de l’arrêt total de ses activités événementielles, elle n’avait pas pu payer ses loyers. La régie avait accepté de ne pas résilier ses baux, pour autant que leur paiement soit différé. Dans la déclaration fiscale, elle n’avait pas provisionné ces frais, se contentant d’inscrire uniquement les loyers versés. La régie avait souhaité résilier les baux fin 2021, mais les administrateurs, avec l’aide de leur famille, avaient pu réunir le solde manquant. Le solde de CHF 40'000.- avait été versé début 2022, ce qui figurait dans la dernière déclaration fiscale.

Le département ne s’était fondé que sur les déclarations fiscales 2020-2021 pour déterminer l’aide octroyée, et avait considéré que la société avait perçu trop d’aides, car les loyers n’étaient plus de CHF 170'000.- mais de seulement CHF 110'000.-. Malgré ses explications, le département persistait à réclamer les « éléments comptables corrigés auprès de l’AFC ».

Si le département pouvait prendre en considération la déclaration 2022, il constaterait que les frais de loyers supplémentaires avaient été versés, et que la moyenne des trois dernières années correspondait bien aux frais « normaux » de CHF 170'000.-. Les administrateurs étaient conscients que le recours aurait dû être rédigé par un spécialiste mais n’en avaient pas les moyens, en raison de la pandémie et de leur situations personnelle et familiale. Tout avait été fait dans l’urgence. Ils étaient conscients qu’ils auraient dû transmettre les pièces à l’AFC-GE. Ils se « retrouvaient broyés par ces processus administratifs, comme indépendants touchés de plein fouet par une catastrophe sanitaire mondiale ».

À la lecture des éléments et après analyse des déclarations fiscales 2021-2022, la chambre de céans ne pouvait que constater que les charges de loyers dues étaient d’un montant de CHF 170'000.- et payées, pour partie, en différé. Subsidiairement, elle devait leur accorder un délai pour remettre à jour la comptabilité de la société des quatre dernières années, afin qu’ils puissent les transmettre à l’AFC-GE, et que celle-ci puisse procéder à de nouvelles taxations, dans lesquelles les pertes seraient correctement inscrites, à leur avantage.

b. Dans sa réponse du 13 octobre 2023, le département a conclu au rejet du recours.

La recourante ne contestait pas concrètement les calculs établis par le département, mais indiquait qu’en raison de la crise sanitaire, sa régie avait accepté de différer le paiement d’une partie de ses loyers. La société avait renoncé à déposer une demande de correction de ses états financiers 2020 auprès de l’AFC-GE, de sorte que sa taxation 2020 était entrée en force. À plusieurs reprises, il lui avait demandé de lui transmettre les comptes corrigés de l’exercice 2020, afin de pouvoir en tenir compte dans le cadre de l’instruction de la réclamation formée par la recourante. La recourante n’avait en effet pas communiqué les pièces requises, ni même des documents attestant d’éventuelles démarches auprès de l’AFC-GE visant à corriger les comptes et sa taxation 2020.

En vertu de la loi et de la jurisprudence en matière d’aides pour cas de rigueur, le département se fondait sur les états financiers définitifs de l’entreprise, tels que déclarés à l’AFC-GE et ne pouvait s’en écarter à moins que des corrections n’aient été soumises aux autorités fiscales, et approuvées par ces dernières. Cette manière de procéder permettait de garantir que les requêtes d’aides soient traitées selon des critères uniformes. Il ne pouvait donc s’écarter des comptes définitifs de la recourante et c’était à bon droit qu’il s’était fondé sur ses états financiers définitifs.

c. Par courrier du 31 octobre 2023, les administrateurs de la société ont répliqué. Leur comptable avait fait un mauvais travail en omettant de provisionner le loyer dû mais non acquitté, en raison d’un accord de report conclu avec la régie. Le montant de CHF 60'000.- restant à verser avait été acquitté en plusieurs fois en 2021, ce qui expliquait que cette année-là, selon les comptes, la somme allouée aux loyers s’élevait à CHF 221'000.- au lieu de CHF 170'000.-, la différence provenant des arriérés de 2020.

Une fois l’erreur détectée, ils auraient dû la signaler à l’AFC-GE, ce qu’ils ignoraient. Les manquements reprochés étaient imputables « au stress, à [leur] inexpérience, à [leur] ignorance ». Ils réitéraient donc leur demande d’annulation de la décision.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision sur réclamation de l’intimée confirmant l’ordre adressé à la recourante de restituer un montant de CHF 33'714.60 dévolu au titre d’aide financière extraordinaire dans le contexte de la crise du Covid-19.

2.1 Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de
Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102). Celle-ci prévoit que la Confédération peut, à la demande d’un ou de plusieurs cantons, soutenir les mesures de ces cantons pour les cas de rigueur destinées aux entreprises (art. 12).

L’art. 12 al. 4 de la loi Covid-19 prévoit que le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance.

2.2 Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (ordonnance Covid-19 cas de rigueur 2020 ; ci-après : ordonnance Covid-19 - RS 951.262), modifiée à plusieurs reprises, qui prévoyait que la Confédération participait aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnaient à un canton (art. 1 al. 1). L’entreprise devait remplir un certain nombre d’exigences pour bénéficier du soutien financier (art. 2 à 6 ordonnance Covid-19).

2.3 Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil genevois a adopté la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : aLAFE‑2021).

La loi avait pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021 (art. 1 al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de chiffre d’affaires insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (art. 1 al. 3).

Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1).

La participation financière indûment perçue devait être restituée sur décision du département (16 al. 1 aLAFE-2021). Est indûment perçue la participation financière utilisée à d’autres fins que la couverture des coûts fixes tels que précisés à l’art. 5 aLAFE-2021.

2.4 Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 (aRAFE‑2021).

Selon l’art. 17 aRAFE-2021, l’entreprise demanderesse et le département signent une convention qui permet notamment au DEE d’obtenir des données sur l’entreprise nécessaires à l’étude des dossiers et à la gestion des aides auprès d’autres services fédéraux, cantonaux ou communaux. L’entreprise demanderesse collabore à l’instruction du dossier et renseigne régulièrement le DEE, afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 20 aRAFE-2021). Les entreprises ayant bénéficié de l’octroi d’une aide s’engagent à faire parvenir au DEE, sur sa demande, durant les trois années qui suivent le versement de l’aide, la documentation permettant de vérifier que les conditions d’octroi ont été respectées (art. 23 aRAFE-2021).

Les montants indûment perçus, conformément à l’art. 16 aLAFE-2021, doivent être restitués (art. 24 al. 1 aRAFE-2021).

2.5 Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel. Elle prévoit que la participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du département (art. 17 al. 1 LAFE-2021).

2.6 Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 (ci-après : RAFE-2021), qui a abrogé l’aRAFE-2021 (art. 31), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel, et a été modifié le 7 juillet 2021.

Le montant de l’indemnité correspond aux coûts fixes 2020 admis au sens de l’art. 7, dont la teneur correspond à celle de l’art. 5 aRAFE-2021, calculé à compter du 1er janvier 2021 au prorata du nombre de jours pendant lesquels l’activité est totalement ou partiellement interdite (art. 9 al. 1 RAFE-2021).

L’entreprise demanderesse et le département signent une convention qui permet à ce dernier de se procurer des données sur l’entreprise concernée auprès d’autres offices de la Confédération et des cantons ou de communiquer à ces offices des données sur l’entreprise, dans la mesure où celles-ci sont nécessaires à l’examen des demandes, à la gestion des aides et à la lutte contre les abus (art. 22 RAFE‑2021).

L’entreprise demanderesse collabore à l’instruction du dossier et renseigne régulièrement le département, afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 25 RAFE-2021). En cas d’octroi d’une aide financière et versement d’un acompte, une décision rappelant les conditions et modalités d’octroi et de versement ainsi que les obligations du bénéficiaire est adressée aux entreprises (art. 27 al. 1 RAFE-2021). Les entreprises ayant bénéficié de l’octroi d’une aide s’engagent à faire parvenir au département, à sa demande, durant l’exercice au cours duquel le versement de l’aide a été effectué et durant les trois années qui suivent, la documentation permettant de vérifier que les conditions d’octroi ont été respectées (art. 28 RAFE-2021). Les montants indûment perçus, conformément à l’art. 17 LAFE-2021 doivent être restitués (art. 29 al. 3 RAFE-2021).

2.7 Selon l'art. 957 al. 1 ch. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), les personnes morales ont l'obligation de tenir une comptabilité et présenter des comptes conformément au chapitre I du Titre trente-deuxième du CO.

La comptabilité constitue la base de l’établissement des comptes. Elle enregistre les transactions et les autres faits nécessaires à la présentation du patrimoine, de la situation financière et des résultats de l’entreprise (situation économique). Elle est tenue conformément au principe de régularité, qui comprend notamment l’enregistrement intégral, fidèle et systématique des transactions et des autres faits nécessaires au sens de l’al. 1, la justification de chaque enregistrement par une pièce comptable, la clarté (art. 957a al. 1 et 2 CO).

Les comptes doivent présenter la situation économique de l’entreprise de façon qu’un tiers puisse s’en faire une opinion fondée (art. 958 al. 1 CO).

Il ressort de l'art. 958b CO que les charges et les produits sont présentés conformément aux principes de la délimitation périodique et du rattachement des charges aux produits (al. 1). Si les produits nets des ventes des biens et des prestations de services ou les produits financiers ne dépassent pas CHF 100'000.-, il est possible de déroger au principe de la délimitation périodique et d’établir une comptabilité de dépenses et de recettes (al. 2).

Selon l'art. 958c al. 1 CO, l’établissement régulier des comptes est régi en particulier par les principes de : 1. la clarté et l’intelligibilité ; 2. l’intégralité ; 3. la fiabilité ; 4. l’importance relative ; 5. la prudence ; 6. la permanence de la présentation et des méthodes d’évaluation ; 7. l’interdiction de la compensation entre les actifs et les passifs et entre les charges et les produits.

2.8 Selon un principe général de droit intertemporel, rappelé dans l’arrêt 2C_339/2021 du Tribunal fédéral du 4 mai 2022 (consid. 4.1), les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; 140 V 41 consid. 6.3.1). L’interdiction de la rétroactivité (proprement dite) des lois fait obstacle à l’application d’une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1).

De manière générale, une révocation est possible aux conditions prévues dans la loi (ATF 134 II 1 consid. 4.1) ou, en l’absence de base légale, également lorsqu’un intérêt public particulièrement important l’impose (ATF 139 II 185 consid. 10.2.3 ; 137 I 69 consid. 2.3 ; 135 V 215 consid. 5.2 ; 127 II 306 consid. 7a). La révocation d’une décision pour inexécution d’une obligation ne requiert pas de base légale, si cette obligation est l’une des conditions objectives que la loi pose à l’octroi d’une prestation : il s’agit là de « rétablir » l’ordre légal (ATA/1042/2022 du 17 octobre 2022 consid. 2f).

2.9 Un canton est tenu, lorsqu’il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43 consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2).

Le principe de la bonne foi entre administration et administré exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101) exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7).

2.10 En l’espèce, le principe du remboursement des montants perçus indûment est expressément prévu par l’aLAFE-2021 (art. 16), par la LAFE-2021 (art. 17), ainsi que par la décision d’octroi et la convention signée par la recourante avec le département.

L’aide a été octroyée à la recourante sur la base de coûts fixes erronés et il est apparu a posteriori, sur la base de coûts fixes définitifs inférieurs, portés à la connaissance du département, que la société a en réalité perçu une aide supérieure au montant auquel elle avait droit. Le chiffre retenu par l’intimée au titre des coûts fixes 2020, à savoir de loyer annuel, pris en compte initialement (CHF 144'936.‑) ressort du formulaire et a été inscrit comme tel par la recourante. Or, ce montant ne correspond pas à celui de CHF 110'016.24, retenu dans les états financiers définitifs 2020, déclaré auprès de l’AFC-GE et objet de la taxation fiscale, non contestée par la société. Ce dernier montant représente les loyers effectivement payés en 2020 par la recourante, conformément à l’accord trouvé avec sa régie. La société n’a pas provisionné en 2020 le solde encore dû, dont elle s’est acquittée ultérieurement. Ses états financiers 2021 présentent ainsi un loyer annuel supérieur de CHF 221'569.- au montant contractuel de quelque CHF 170'000.-.

Le traitement des demandes par le département s’est fait sur la base des chiffres figurant dans le formulaire, afin de privilégier une aide financière rapidement. La convention et la décision d’octroi insistaient cependant sur la nécessité de présenter les faits de manière exacte dans le formulaire en ligne, et la recourante ne peut donc opposer sa propre erreur au département, et soutenir que celui-ci aurait dû le constater immédiatement.

Pour ces raisons, le principe du remboursement des montants perçus indûment est fondé. La recourante ne saurait reprocher à l’intimée d’avoir été de mauvaise foi, l’erreur résultant du formulaire qu’elle avait elle-même rempli. Que celle‑ci soit involontaire et provienne d’une erreur de son ancienne comptable, n’est en soi pas déterminant, puisque l’erreur de l’auxiliaire est imputable à la société, étant rappelé que le formulaire consiste principalement en une douzaine de cases à compléter.

Elle ne peut ainsi faire grief à l’intimée de s’être fié dans un premier temps aux informations fournies pour lui octroyer l’aide financière querellée puis d’avoir dans un second temps réexaminé le dossier et réformé sa décision.

Elle ne peut pas non plus se prévaloir de sa bonne foi. En particulier, elle ne peut prétendre s’être fiée de bonne foi à une décision de l’administration prise sur la base d’informations erronées, qui lui sont imputables, ni soutenir en avoir inféré des assurances, étant rappelé que le réexamen des demandes était expressément réservé dans les contrats et dans la décision d’octroi.

Sans nier les nombreuses difficultés invoquées par les administrateurs de la société, ces circonstances ne sont pas de nature à modifier ce qui précède, étant rappelé que celle-ci ne démontre pas, contrairement à ce qu’elle a précédemment soutenu, être intervenue auprès de l’AFC-GE pour corriger les comptes. L’intimée ne pouvait en conséquence pas s’écarter des comptes définitifs de la recourante alors même que l’AFC-GE avait procédé à sa taxation 2020 sur la base des mêmes documents et que cette taxation était entrée en force à défaut d’opposition de l’intéressée.

Le grief sera donc écarté.

Le calcul n’étant pour le surplus pas contesté, le recours est mal fondé et doit être rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 septembre 2023 par A______ SA contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 18 juillet 2023 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA ainsi qu’à Me Stephan FRATINI, avocat de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation. .

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :