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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/834/2023

ATA/17/2024 du 09.01.2024 sur JTAPI/1092/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/834/2023-PE ATA/17/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Ivan HUGUET, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 octobre 2023 (JTAPI/1092/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1976, ressortissant du Kosovo, a déposé une demande d’asile le 16 juin 1997. Elle a été rejetée le 7 avril 1998 et le renvoi de l’intéressé prononcé. Il a sollicité son admission provisoire le 2 juin 1999, l’admission collective provisoire des personnes kosovares étant toutefois supprimée par le Conseil fédéral le 16 août 1999. Le départ de A______ a été constaté le 22 octobre 1999.

b. A______ a été condamné le 3 mai 2013 par le Ministère public du canton de Genève (ci-après : MP) pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation du 1er mars 2012 au 31 décembre 2012.

c. Il est père de trois enfants : B______, né le ______ 2001, C______, né le ______ 2004, et D______, née le ______ 2010. Il s’est marié le ______ 2019 à Viti au Kosovo avec E______, née le ______ 1980, d’origine kosovare. Sa famille vit au Kosovo.

d. Le 15 avril 2019, A______ a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour valable jusqu’au 28 mars 2021 dans le cadre de l’« opération Papyrus ».

B. a. Le 11 mars 2021, A______ a déposé une demande de renouvellement de son autorisation de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM). Il travaillait en qualité de peintre en bâtiment pour un salaire mensuel brut de CHF 5'733.-.

b. Le 2 novembre 2021, l’OCPM a dénoncé A______ au MP ayant des soupçons sur l’authenticité de certains documents transmis à l’appui de sa demande d’autorisation de séjour, dont notamment 50 fiches de salaire d’avril 2002 à janvier 2006 dont l’en-tête et le nom de l’entreprise étaient manquants, des fiches de salaire émises par F______ en 2008 et par G______ SA, ainsi qu’un certificat d’H______ Sàrl, antidaté.

c. A______ a été condamné par ordonnance pénale du MP du 22 avril 2022, entrée en force, à une peine pécuniaire de 180 jours‑amende à CHF 60.-, avec sursis et un délai d’épreuve de trois ans, pour faux dans les titres (art. 251 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), faux dans les certificats (art. 252 CP) et infractions aux art. 115 al. 1 let. b et c et 118 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Il avait produit, à l’appui de sa demande d’autorisation de séjour, différents documents falsifiés ou contrefaits, avait indiqué faussement, pièces à l’appui, avoir séjourné et travaillé en Suisse entre 2007 et 2017 et avait séjourné et travaillé illégalement en Suisse, entre le 1er juin 2015, date de la prescription pénale, et le 21 avril 2022.

Auditionné par la police la veille, il avait reconnu avoir falsifié des fiches de salaire entre 2008 et 2011 et en avoir réalisé lui-même, notamment celle de février 2008, de G______ SA, d’H______ Sàrl et lorsqu’il avait travaillé « au noir ». Il avait également mélangé les fiches de salaire entre 2002 et 2006 avec celles de son frère.

d. Par courrier du 27 octobre 2022, l’OCPM a fait part à A______ de son intention de refuser le renouvellement de son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

e. Lors de l’exercice de son droit d’être entendu, A______ a sollicité son audition et celles d’I______, J______ et K______, aux fins notamment de prouver son séjour en Suisse et de s’expliquer sur les fiches de salaire litigieuses.

f. Par décision du 2 février 2023, l’OCPM a refusé de prolonger l’autorisation de séjour en faveur de A______, a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 2 avril 2023 pour quitter le territoire helvétique.

Il remplissait les conditions objectives de révocation dans la mesure où il avait obtenu son autorisation sur présentation de faux documents et avait fait de fausses déclarations ou dissimulé des faits essentiels durant la procédure d’autorisation. Il ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée au point qu’il ne puisse quitter la Suisse sans être confronté à des obstacles insurmontables. Il n’avait pas créé des attaches à ce point profondes et durables avec la Suisse pour qu’il ne puisse plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d’origine où résidait l’ensemble de sa famille. Il était d’ailleurs rentré régulièrement au Kosovo pour voir son épouse et ses enfants, ayant obtenu neuf visas de retour au Kosovo pour raisons familiales durant les cinq dernières années. Son intégration ne revêtait aucun caractère exceptionnel. Enfin, son renvoi apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible.

C. a. Par acte du 6 mars 2023, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation et à ce que son autorisation de séjour soit renouvelée, subsidiairement, à ce que le dossier soit retourné à l’OCPM afin qu’il délivre l’autorisation de séjour demandée. Préalablement, il a sollicité son audition ainsi que celles d’I______, J______ et K______.

b. Par jugement du 6 octobre 2023, le TAPI a rejeté le recours. Les conditions de la révocation de l’autorisation d’établissement du recourant au sens de l’art. 63 al. 1 let. a LEI étaient réalisées au vu de la condamnation de l’intéressé par ordonnance pénale du 22 avril 2022.

Le principe de proportionnalité n’avait pas été violé. La durée du séjour de l’intéressé sur sol helvétique devait être relativisée dès lors que sa présence en Suisse n’avait été rendue possible que par de fausses déclarations effectuées durant la procédure d’autorisation. Bien que A______ soit intégré professionnellement, on ne pouvait considérer qu’il ait réalisé une ascension professionnelle telle qu’un retour dans son pays d’origine ne pourrait plus être exigé. Le fait qu’il n’ait pas de dettes et parle correctement le français ne dépassait pas ce qui pouvait être raisonnablement attendu de n’importe quel étranger. Il n’avait ni allégué ni démontré qu’il aurait noué des relations étroites avec son environnement social.

Quand bien même il relativisait la gravité de l’infraction commise en 2022, sa condamnation pour faux dans les titres, faux dans les certificats et infractions à l’art. 115 LEI, ne plaidait pas en faveur d’une intégration que l’on pourrait qualifier de généralement réussie, et en aucun cas d’« excellente ». Il en allait de même s’agissant de sa condamnation du 3 mai 2013.

Il avait gardé de forts liens avec son pays d’origine. L’intéressé, relativement jeune (47 ans) et qui ne prétendait pas avoir de problèmes de santé, pourrait par ailleurs mettre à profit ses qualifications professionnelles acquises en Suisse, de nature à favoriser sa réintégration dans son pays d’origine.

D. a. Par acte du 10 novembre 2023, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation et à ce qu’il soit « donné droit » à sa demande de renouvellement d’autorisation de séjour. Subsidiairement, son dossier devait être renvoyé à l’OCPM pour que celui-ci délivre ladite autorisation.

Il avait fui son pays d’origine, alors en guerre, en 1997 pour trouver asile en Suisse. Il résidait depuis le début de l’année 2000 à Genève, soit depuis près de 24 ans. Il était très bien intégré, ce dont attestaient son voisin et une de ses connaissances. Lors de son audition à la police, il avait spontanément admis les faits qui lui avaient été reprochés tout en expliquant avoir agi par nécessité et « dans une stricte optique probatoire ». Il séjournait et travaillait effectivement en Suisse depuis dix ans mais, faute d’être déclaré, ne disposait pas de preuves. Il avait été mis au bénéfice d’un sursis par le MP et n’avait plus commis d’infractions depuis cette date. Les faits reprochés ne dénotaient en conséquence pas une « intégration extrêmement mauvaise et un mépris certain des autorités migratoires », mais mettaient tout au plus en lumière les difficultés d’apporter des preuves d’un séjour réel en Suisse dans le cadre de l’« opération Papyrus », malgré son but louable.

Il n’avait pas eu pour but de tromper les autorités sur le fait dont il entendait se prévaloir, à savoir un séjour effectif en Suisse depuis plus de dix années. Si les moyens utilisés n’étaient pas justes, il n’avait ni menti ni trompé l’OCPM sur le fait qu’il résidait effectivement en Suisse. Le MP avait d’ailleurs parfaitement compris que ses motivations relevaient « d’un regrettable mépris de la législation en vigueur » et non d’une réelle motivation criminelle, respectivement d’une réelle volonté de tromper. Ainsi, si les documents litigieux étaient erronés, ils attestaient d’un fait réel. Les autorités amenées à traiter son cas s’étaient méprises, au détriment du droit, tant sur la portée de l’infraction que sur le sens à donner à ces documents. Il avait ainsi été pénalisé par la légèreté administrative de ses anciens employeurs, respectivement par la volonté de ces derniers de ne pas le déclarer.

Tant l’OCPM que le TAPI avaient abusé de leur pouvoir d’appréciation en se limitant à la lecture de l’ordonnance pénale. Le résultat était choquant puisqu’il sanctionnait une nouvelle fois le recourant pour des faits pour lesquels il avait déjà été condamné.

Enfin, son renvoi n’était pas proportionné. Il était en Suisse depuis 26 ans, avait cotisé aux assurances sociales depuis 1998, sa présence était connue des autorités et son intégration excellente. Il occupait un poste à responsabilité, maîtrisait la langue et n’avait pas de dettes. Il remplissait les conditions pour un renouvellement de son autorisation de séjour.

Il a joint à son recours une lettre d’un voisin ‑ attestant qu’il était une « très bonne personne et bon voisin », qu’il pratiquait depuis très longtemps le métier de peintre en bâtiment, était très polyvalent, serviable et disponible – et d’un collègue évoquant de ses qualités humaines.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments de l’intéressé étant semblables à ceux présentés devant le TAPI.

c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant n’a pas repris ses conclusions en audition de témoins devant la chambre de céans. En tous les cas, il n’a pas précisé ni sur quels faits les trois personnes auraient dû être entendues, ni son lien avec chacune d’entre elles, étant rappelé qu’elles ont le même nom de famille que l’intéressé et n’auraient probablement pu être entendues qu’à titre de renseignement (art. 31 LPA).

3.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Selon l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de ladite loi sont régies par l’ancien droit.

En l’espèce, l’OCPM ayant annoncé son intention de révoquer l’autorisation de séjour du recourant le 17 septembre 2020, le nouveau droit s’applique, étant précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques.

4.             L’« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d’une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L’« opération Papyrus » n’emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu’à celles relatives à la reconnaissance d’un cas individuel d’extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l’examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

L’« opération Papyrus » s’est terminée le 31 décembre 2018.

5.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

5.1 L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

5.2 L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration de la personne requérante sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

L’art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l’intégration, l’autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (Directives et commentaires, Domaine des étrangers [ci-après : Directive LEI], état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.10).

5.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II, loi sur les étrangers, 2017, p. 269). Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). L’autorité compétente dispose d’un très large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’examen des conditions de l’art. 31 al. 1 OASA.

6.             L’art. 62 al. 1 let. a LEI dispose que l’autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l’exception de l’autorisation d’établissement, ou une autre décision, lorsque l’étranger ou son représentant légal a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d’autorisation.

6.1 Ce motif de révocation repose sur l’obligation de collaborer prévue par la LEI pour les personnes étrangères ainsi que les autres personnes intéressées par l’autorisation (art. 90 LEI ; ATF 124 II 361 consid. 4c). L’étranger est tenu de collaborer à la constatation des faits et en particulier de fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (art. 90 al. 1 let. a LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_161/2013 du 3 septembre 2013 consid. 2.2.1).

6.2 Sont essentiels au sens de l’art. 62 al. 1 let. a LEI, non seulement les faits au sujet desquels l’autorité administrative pose expressément des questions à l’étranger durant la procédure, mais encore ceux dont l’intéressé doit savoir qu’ils sont déterminants pour l’octroi de l’autorisation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2015 du 21 août 2015 consid. 5.1 ; 2C_15/2011 du 31 mai 2011 consid. 4.2.1). Le silence – ou l’information erronée – doit avoir été utilisé de manière intentionnelle, à savoir dans l’optique d’obtenir une autorisation de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_656/2011 du 8 mai 2012 consid. 2.1 ; 2C_595/2011 du 24 janvier 2012 consid. 3.3). L’étranger est tenu d’informer l’autorité compétente de manière complète et conforme à la vérité sur tous les faits déterminants pour l’octroi de l’autorisation ; il doit en particulier indiquer si la communauté conjugale n’est plus effectivement vécue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_15/2011 précité consid. 4.2.1). Il importe peu que ladite autorité eût pu découvrir de tels faits par elle-même, si elle avait fait preuve de diligence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1036/2012 du 20 mars 2013 consid. 3).

L’obligation de renseigner fidèlement à la vérité porte sur tous les faits et circonstances qui peuvent être déterminants pour la décision d’autorisation et l’influencer. Cette obligation s’applique même lorsque les autorités compétentes ne demandent pas explicitement un renseignement sur des faits qu’elles auraient de toute façon pu déterminer seules avec le soin nécessaire. Une révocation est possible, même lorsque les fausses déclarations ou la dissimulation de faits essentiels n’ont pas été déterminantes pour l’octroi de l’autorisation. Font partie des faits dont la personne étrangère doit savoir qu’ils sont importants pour la décision d’autorisation les « faits internes » comme, par exemple, l’intention de mettre un terme à un mariage existant ou d’en conclure un nouveau, ainsi que l’existence d’enfants issus d’une relation extraconjugale. Pour révoquer une autorisation, il n’est pas nécessaire que l’autorisation eût forcément été refusée si les indications fournies avaient été exactes et complètes. A contrario, l’existence d’un motif de révocation ne conduit pas forcément à la révocation de l’autorisation. Lors de la prise de décision, il faut tenir compte des circonstances du cas particulier (secrétariat d’État aux migration [ci-après : SEM], Directives LEI). Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 Cst, se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

7.             En l’espèce, le recourant a reconnu avoir produit, à l’appui de sa demande d’autorisation de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus », différents documents falsifiés ou contrefaits, avoir indiqué faussement, pièces à l’appui, qu’il avait séjourné et travaillé en Suisse entre 2007 et 2017 et avoir séjourné et travaillé illégalement en Suisse entre le 1er juin 2015, date de la prescription de l’action pénale et le 21 avril 2022. Cette seule condamnation pénale n’est pas compatible avec la délivrance d’une autorisation de séjour au titre de l’« opération Papyrus ».

Par ailleurs, dès lors que l’intéressé a fourni des indications inexactes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour, il remplit les conditions de l’art. 62 al. 1 let. a LEI d’une révocation de son autorisation de séjour. Au vu de la gravité de l’infraction commise et de la teneur de la disposition légale qui laisse peu de place à un pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée, cette dernière a correctement appliqué le droit et n’a pas abusé dudit pouvoir. La décision respecte par ailleurs le principe de la proportionnalité. Elle est apte à atteindre le but d’intérêt public poursuivi, notamment le respect par la population qui y demeure de la législation en vigueur, nécessaire pour ce faire au vu de la gravité de l’infraction commise et proportionnée au sens étroit, étant encore rappelé que si le séjour de l’intéressé s’est déroulé sur plusieurs années, il est régulièrement retourné dans son pays d’origine, où il a grandi, dont il parle la langue, et où séjourne son épouse et ses trois enfants.

Le recourant se prévaut de la véracité des faits sur lesquels portaient les documents falsifiés. Il ne peut être suivi. D’une part, cet élément n’est pas pertinent en application de l’art. 62 al. 1 let. a LEI et de la condamnation, définitive et exécutoire, de l’intéressé. D’autre part, contrairement à ce que soutient le recourant, de nombreux autres moyens auraient permis d’établir la réalité de son séjour allégué en Suisse. En effet, la documentation sur l’« opération Papyrus » détaillait pas moins de 19 exemples de « preuves de catégorie A (un document par année de séjour) et plusieurs documents pouvant servir de « preuves de catégorie B » (trois à cinq documents par année de séjour). Ainsi, la production par le recourant de quelques 50 fiches de salaire falsifiées, couvrant plus de quatre années, concernant plusieurs employeurs, relèvent d’un mépris certain de l’ordre juridique suisse et témoignent d’une mauvaise intégration.

L’analyse de la situation sous l’angle du cas de rigueur aboutit au même résultat, étant rappelé que l’« opération Papyrus » n’emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse de l’art. 30 al. 1 let. b LEI. Son séjour en Suisse, même à devoir le considérer comme long a été effectué dans l’illégalité et, dès l’obtention d’un document de séjour, sur la base de fausses indications. Il n’est de surcroît pas démontré que l’intéressé ait effectivement séjourné de façon continue en Suisse. Ainsi, pour l’année 2006, il n’a cotisé qu’au mois de janvier, à l’instar du seul mois de juillet pour l’année 2007. Aucun versement n’a été effectué de 2008 à 2011. Il n’a certes pas recouru à l’aide sociale et justifie d’un niveau A2 de langue française. Cela étant, son épouse et ses trois enfants ne vivent pas en Suisse, de sorte que ses liens affectifs et familiaux ne s’y trouvent pas. Il ne fait pas non plus valoir qu’il s’investirait d’une quelconque manière dans la vie associative, sportive ou culturelle à Genève, ni qu’il y aurait noué des liens amicaux d’une intensité telle qu’il ne pourrait les poursuivre par le biais de moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Ses activités, dans le domaine de la peinture en bâtiment, ne sont pas constitutives d’une ascension professionnelle remarquable et ne l’ont pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu’il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d’origine. L’activité professionnelle exercée par l’intéressé en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d’une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée. Enfin, il n’a pas respecté l’ordre juridique suisse et les valeurs de la Constitution, et ne peut se prévaloir d’une bonne intégration.

Le recourant ne peut être suivi lorsqu’il affirme que le non renouvellement de son permis de séjour le sanctionnerait une nouvelle fois pour des faits pour lesquels il a déjà été condamné. Le Tribunal fédéral a en effet jugé que la décision de révoquer un permis de séjour à la suite d’une infraction pénale qui a valu à l’intéressé une condamnation pénale ne constitue pas une double peine. Le principe ne bis in idem n’empêche en effet pas de prendre des mesures administratives telles que les renvois prononcés par les autorités de police des étrangers, en se fondant sur les mêmes faits délictueux qui ont déjà été jugés par le juge pénal (arrêts du Tribunal fédéral 2C_459/2013 du 21 octobre 2013 consid. 4 ; 2C_282/2012 du 31 juillet 2012 consid. 2.6).

8.             Reste à examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM était fondé.

8.1 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d’une demande d’autorisation. Le renvoi d’une personne étrangère ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

8.2 En l’espèce, dès lors qu’il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l’intimé devait prononcer son renvoi. Le recourant n’invoque aucun élément permettant de retenir que son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

9.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art 87 al. 1 LPA) et il n’est pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 novembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Ivan HUGUET, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.