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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3940/2023

ATA/1378/2023 du 21.12.2023 sur JTAPI/1375/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3940/2023-MC ATA/1378/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 décembre 2023

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Kaveh MIRFAKHRAEI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 décembre 2023 (JTAPI/1375/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1972 et originaire de B______, a déposé une demande d'asile en Suisse le 18 avril 2022.

b. Par décision du 26 septembre 2022, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté sa demande d'asile et prononcé son renvoi, lui octroyant un délai au jour suivant l'entrée en force de la décision pour quitter la Suisse, faute de quoi le renvoi pourrait être exécuté sous la contrainte. Le SEM a chargé le canton de Genève de procéder à l'exécution de cette décision.

c. Par arrêt du 10 mars 2023, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté le recours formé contre cette décision.

d. Le 20 mars 2023, le SEM a fixé à A______ un nouveau délai au 3 avril 2023 pour quitter la Suisse.

e. Au cours d'un entretien avec l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 17 mai 2023, il lui a été rappelé qu'il était tenu de quitter immédiatement la Suisse et qu’en cas de non-collaboration à l'organisation de son départ, une détention administrative pourrait être ordonnée.

f. Par décision du 21 septembre 2023, l’OCPM a chargé les services de police de procéder à l'exécution du renvoi à destination de la B______.

g. Le 28 septembre 2023, le SEM a informé les services de police genevois qu'un document d'identité était disponible pour A______ et qu'un vol pouvait être réservé en sa faveur.

h. Les services de police ont immédiatement procédé à la réservation d'un vol, qui a été confirmé pour le 12 octobre 2023 au départ de Genève.

i. Par ordonnance du 6 octobre 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a autorisé les services de police à perquisitionner le logement de A______ au centre d'hébergement collectif C______.

j. Le 12 octobre 2023, à 7h40, après que la perquisition a eu lieu, un ordre de placement pris en vertu des art. 9 et 19 de la loi sur l'usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération du 20 mars 2008 (LUsC - RS 364), a été rendu par le commissaire de police, en vue de prendre le vol de ligne réservé pour le même jour à 10h40, au départ de Genève. Cet ordre était valable jusqu'au décollage de l'avion.

k. A______ ayant refusé d'embarquer à bord du vol, il a été remis en mains des services de police, qui ont procédé à son arrestation le 12 octobre 2023 et l’ont prévenu d'empêchement d'accomplir un acte officiel au sens de l'art. 286 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et de séjour illégal au sens de l'art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Il ressort du rapport d'arrestation qu’il avait catégoriquement refusé de sortir de sa cellule à l’aéroport en expliquant qu'il était en danger de mort dans son pays d'origine.

l. Le 13 octobre 2023, A______ a été condamné par ordonnance pénale pour séjour illégal puis remis entre les mains des services de police.

m. Le même jour à 11h35, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de deux mois.

Au commissaire de police, il a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi.

n. Entendu le 16 octobre 2023 par le TAPI, A______ a déclaré qu'il souhaitait faire témoigner différentes personnes mais qu'il n'avait leurs numéros de téléphone que sur son téléphone portable qu'il n'avait pas sur lui. Ces personnes pourraient témoigner du fait qu'il travaillait comme directeur puis directeur-adjoint chez D______ qui correspondait au mouvement E______. Les bureaux avaient été fermés et le matériel séquestré par le gouvernement turc en 2015 déjà. Il avait donné les mêmes explications lorsqu'il avait déposé sa demande d'asile en 2022. Le SEM ne lui avait pas demandé s'il avait des témoins à faire entendre. Il ne les avait pas évoqués dans la procédure devant le TAF mais avait donné à son avocat dans cette procédure un certificat de D______ relatif à son appartenance à ce mouvement. Certains de ces témoins vivaient à Genève. Il a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à sa mise en libération immédiate. Il a produit des extraits WIKIPEDIA concernant le mouvement E______ et la tentative de coup d'État en 2016 en B______.

La représentante du commissaire de police a produit une proposition de réservation de vol pour le 2 novembre 2023. D'après le registre SYMIC, qu'elle avait pu consulter avant l'audience mais dont elle n'avait pas pu imprimer d'extrait, cette proposition avait été confirmée.

o. Par jugement du 16 octobre 2023, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 12 décembre 2023 inclus.

Il faisait l'objet d'une décision de renvoi et avait refusé de prendre l'avion le 12 octobre 2023. Il avait confirmé son refus lors de son audition, de sorte que le principe de sa détention, qui était le seul moyen d'assurer le renvoi, devait être confirmé.

Le TAPI ne pouvait instruire et évaluer lui-même le lien éventuel entre A______ et le mouvement D______ ainsi que le risque concret que ce lien, s'il était avéré, ferait peser sur sa vie ou son intégrité.

p. Par décision du 31 octobre 2023, le SEM a rejeté la demande de réexamen formée par A______ contre sa décision de renvoi du 26 septembre 2022.

Son parcours au F______ et ses activités professionnelles et associatives en B______ ainsi que sa qualité de sympathisant du mouvement E______/D______ étaient des éléments connus qui avaient fait l'objet d'une analyse approfondie par le SEM et le TAF. Les deux autorités étaient toutefois arrivées à la conclusion que ces faits n'étaient pas suffisants pour établir le bien-fondé d'une crainte de persécution future en cas de retour en B______. Cette analyse ne pouvait être modifiée par la production d'anciens documents de preuve, déposés tardivement au sujet d'éléments connus, ou par des documents de portée générale, même nombreux. Dès lors, l'intéressé n'avait pas démontré l'existence d'indices concrets et sérieux permettant d'admettre qu'il risquait d'être l'objet d'une mesure de persécution déterminante pour la reconnaissance de la qualité de réfugié en raison de ses liens passés avec le mouvement E______/D______. En l'état, l'exécution de son renvoi s'avérait licite, raisonnablement exigible et possible.

q. Par arrêt du 1er novembre 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours formé par A______ contre le jugement du TAPI du 16 octobre 2023.

En faisant valoir que l'exécution du renvoi l’exposerait à des risques pour son intégrité physique et sa vie, il ne s'en prenait pas à la détention, mais uniquement à son renvoi. Or, ce dernier ne faisait pas l'objet de l'examen des juges de la détention administrative, à moins que la décision de renvoi apparaisse manifestement inadmissible, à savoir arbitraire ou nulle. Tel n’était pas le cas en l’espèce, le SEM, puis le TAF ayant procédé à un examen circonstancié de la situation et constaté que l'exécution du renvoi était licite, notamment parce qu'il ne démontrait pas qu'il existait pour lui un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Certes, il avait déposé auprès du SEM une demande de réexamen de la décision de rejet de sa demande d’asile, mais cette demande ne permettait pas de surseoir à son renvoi.

r. Le 2 novembre 2023, A______ s'est opposé à un vol DEPA à destination de la B______.

s. Par requête du 27 novembre 2023, l’OCPM a demandé la prolongation de la détention administrative pour une durée de trois mois, faisant valoir qu'il était inscrit sur le prochain vol spécial à destination de la B______.

t. Le 5 décembre 2023, le TAPI a reçu un chargé de pièces de A______ comprenant l'accusé de réception du recours formé au TAF le 21 novembre 2023 contre la décision du SEM du 31 octobre 2023 et divers documents en lien avec l'organisation terroriste E______/G______.

u. Le 5 décembre 2023, A______ a déclaré au TAPI, toujours s'opposer à son retour en B______ dangereux pour lui, au vu de la conjoncture. Comme déjà expliqué, il était déclaré par les politiques de son pays comme terroriste. En réalité, il n'en était pas un, il ne souhaitait porter préjudice à personne et au contraire leur faire du bien.

Son conseil a exposé que les pièces produites étaient nouvelles et qu'il les avait également produites dans le cadre de son recours au TAF.

Le représentant de l'OCPM a relevé qu'il n'y avait pas de date pour le vol spécial mais qu'ils étaient confiants qu'il aurait lieu dans le délai de prolongation de la détention, soit d'ici au 12 mars 2024. Ils n'avaient pas connaissance d'une ordonnance du TAF qui suspendrait le renvoi.

v. Par jugement du 7 décembre 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de A______ pour une durée de trois mois, jusqu’au 12 mars 2024 inclus.

Le principe et la légalité de la détention avaient déjà été examinés et admis par le TAPI et la chambre administrative. L'assurance d’un départ effectif répondait toujours à un intérêt public certain. Vu son refus maintes fois allégué et démontré de retourner en Tuquie, aucune autre mesure moins incisive ne pouvait être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à l'exécution de son refoulement. Il était inscrit sur le prochain vol DEPA à destination de la B______, après qu’il se fût opposé pour la seconde fois à son refoulement. La décision de renvoi ne faisait pas l'objet de l'examen des juges de la détention administrative. Elle n’était pas manifestement inadmissible, à savoir arbitraire ou nulle. Le SEM, puis le TAF, et de nouveau tout dernièrement le SEM, avaient procédé à un examen circonstancié de sa situation et constaté que l'exécution de son renvoi était licite, notamment parce qu'il ne démontrait pas qu'il existait pour lui un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Le recours formé auprès du TAF contre la décision du SEM du 31 octobre 2023 ne permettait pas de surseoir à son renvoi et le TAF n'avait pas rendu de décision à cet égard. Il était détenu administrativement depuis le 13 octobre 2023, de sorte que la durée de la détention administrative admissible en vertu de l'art. 79 LEI n'était de loin pas atteinte.

B. a. Par acte remis à la poste le 14 décembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation, au rejet de la demande de prolongation et à sa mise en liberté immédiate. Subsidiairement, la durée de la prolongation de la détention administrative devait être réduite. Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué à son recours.

Pour les autorités turques, le simple téléchargement de la messagerie cryptée H______ ou la mention de son nom dans un message de H______ était une preuve de l’appartenance au mouvement E______ et entraînait des poursuites pour appartenance à une organisation terroriste, passible d’une peine privative de liberté de cinq à dix ans. Il produisait un avis de droit dans ce sens. La Cour européenne des droits de l’homme retenait que les autorités turques considéraient H______ comme une messagerie à l’usage exclusif du mouvement E______. Deux personnes ayant travaillé sous sa direction dans une institution affiliée à E______/D______ avaient été condamnées à respectivement sept ans et six mois et six ans et trois mois de prison ferme. Il produisait les pièces de la procédure pénale. Son nom était mentionné à de nombreuses reprises dans la messagerie de l’un des condamnés. Le fils du propriétaire de son appartement à Istanbul témoignait que la police avait perquisitionné celui-ci à trois reprises quelques semaines après son départ à la suite du coup d’État du 15 juillet 2016. L’avis de droit indiquait que s’il rentrait en B______, il serait arrêté et condamné à une peine entre sept ans et demi et quinze ans de prison.

L’exécution de son renvoi était impossible. Il avait démontré qu’il risquait la prison.

Le principe de proportionnalité avait été violé. La détention avait été prolongée pour trois mois alors que les autorités pouvaient organiser un vol à brève échéance.

b. Le 19 décembre 2023, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Le recours formé par A______ auprès du TAF contre le refus du SEM d’entrer en matière sur sa demande de réexamen avait été rejeté par arrêt E‑6421/2023 du 11 décembre 2023.

c. A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti.

d. Le 20 décembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr – F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 15 décembre 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Le recourant fait valoir que son renvoi serait contraire au droit.

3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

3.2 L'art. 76 al. 1 let. b LEI prévoit que lorsqu'une décision de renvoi a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre qu'elle entende se soustraire au renvoi, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (ch. 3) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1).

3.3 En l’espèce, le recourant a fait l’objet d’une décision de renvoi le 26 septembre 2022. Depuis lors, il n’a pas quitté la Suisse, a refusé par deux fois de monter dans l’avion qui devait le ramener en B______ et a confirmé son opposition à son renvoi lors de son audition par le TAPI, puis dans ses écritures devant la chambre de céans. Les conditions de l’art. 76 LEI sont ainsi remplies, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas.

4.             Le recourant soutient que son renvoi serait impossible.

4.1 La détention doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, elle ne peut, en effet, plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; de plus, elle est contraire à l'art. 5 § 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; 122 II 148 consid. 3).

Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible, soit lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1). Il s'agit d'évaluer si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI ainsi que le principe de proportionnalité lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 et les arrêts cités).

4.2 L’art. 3 CEDH proscrit la torture ainsi que tout traitement inhumain ou dégradant. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1et les références citées).

4.3 Le juge de la détention administrative n'a pas à revoir le bien-fondé de la décision de renvoi de Suisse, à moins que celle-ci soit manifestement contraire au droit ou clairement insoutenable au point d'apparaître nulle (ATF 130 II 56 consid. 2 ; 128 II 193 consid. 2.2.2 ; 125 II 217 consid. 2 ; 121 II 59 consid. 2c).

4.4 En l’espèce, en faisant valoir que l'exécution du renvoi l’exposerait à des risques pour son intégrité physique et sa vie, le recourant ne s'en prend pas à la détention, mais uniquement à son renvoi. Or, ce dernier ne fait pas l'objet de l'examen des juges de la détention administrative comme la chambre administrative l’a déjà exposé dans son précédent arrêt. Ces derniers ne peuvent revoir la décision de renvoi que si elle apparaît manifestement inadmissible, à savoir arbitraire ou nulle. Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

Le SEM, puis le TAF ont procédé à un examen circonstancié de la situation du recourant et constaté que l'exécution de son renvoi était licite. Dans le récent arrêt E‑6421/2023 précité, très fouillé, le TAF a jugé que le recourant n’établissait pas de faits nouveaux. Il a notamment examiné les pièces récemment produites concernant la messagerie H______. Il a observé que le recourant n’avait pas indiqué à quelle date il avait eu connaissance des éléments invoqués ni pour quel motif il ne s’en prévalait qu’à présent, et qu’il ne précisait pas quelles pièces étaient nouvelles. Quoi qu’il en soit, ces pièces n’étaient pas de nature à remettre en cause le précédent arrêt du TAF ni la décision du SEM du 26 septembre 2022. Ses déclarations quant à ses activités n’étaient pas mises en doute, mais elles ne l’avaient pas particulièrement exposé au sein du mouvement E______. Il avait quitté la B______ de façon légale après le coup d’État, n’avait jamais été en contact avec les autorités et n’avait fait l’objet d’aucune procédure. Il avait déjà mentionné qu’un collègue poursuivi avait cité son nom. Le fait que son nom apparaissait dans la messagerie H______ ne remettait pas en question le précédent arrêt. L’avocat qui avait établi l’avis de droit affirmait qu’il ne faisait aucun doute qu’une procédure avait été ouverte contre lui, mais il s’agissait d’une simple hypothèse qui n’avait pas été vérifiée par ce dernier, qui en avait pourtant la possibilité.

La situation n’a ainsi pas évolué depuis le précédent arrêt de la chambre de céans, du 1er novembre 2023, qui constatait que l'exécution du renvoi était licite, le recourant ne démontrant pas qu'il existait pour lui un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays et ne soutenant par ailleurs pas que les décisions rendues par le SEM et le TAF seraient arbitraires ou nulles.

Les autorités chargées de l’exécution du renvoi ont agi avec célérité puisqu’elles ont rapidement, après la mise en détention administrative du recourant, organisé un vol de retour, puis un vol avec accompagnement, et organisent depuis peu un vol spécial.

La durée de la prolongation de la détention de trois mois respecte le principe de la proportionnalité. Elle permet de procéder, en période de fêtes, à l’organisation, plus compliquée, d’un nouveau vol, cette fois spécial, et de requérir au besoin une prolongation de la détention. Il n’y a pas lieu de la réduire, comme le demande le recourant.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

Le présent arrêt rend sans objet la demande de restitution de l’effet suspensif.

5.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 décembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Kaveh MIRFAKHRAEI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement I______, pour information.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :