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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/464/2023

ATA/652/2023 du 20.06.2023 sur JTAPI/186/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/464/2023-PE ATA/652/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______, B______ et C______, enfants mineurs agissant par leur mère D______

représentés par Me Luisa BOTTARELLI, avocate

et

D______ recourants
représentée par Me Luisa BOTTARELLI, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 février 2023 (JTAPI/186/2023)


EN FAIT

A. a. E______, né le ______ 1980, et sa compagne D______, née le ______ 1982, ont trois enfants, soit A______, né le ______ 2005, B______, né le ______ 2008, et C______, née le _______ 2012. Toute la famille est d’origine kosovare.

b. E______ indique être arrivé, seul, en Suisse, dans le canton de Vaud, en 2007, sa compagne et leurs trois enfants le rejoignant à Genève le 26 août 2021.

c. La demande de régularisation de E______ pour cas individuel d'extrême gravité a été rejetée et son renvoi prononcé par le service de la population du canton de Vaud (ci-après : SPOP) par décision du 13 août 2018, laquelle n’a pas fait l’objet d’un recours.

d. Sa demande d'autorisation de séjour à Genève pour ressortissant étranger avec activité lucrative, déposée auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 1er octobre 2018 dans le cadre de l’« opération Papyrus » a été rejetée par décision du 3 janvier 2020, décision remplacée par celle du 15 juillet 2020, refusant, à l’instar de la décision précédente, d’entrer en matière au motif qu'une demande identique avait été déposée auprès des autorités vaudoises. Le procédé de ne pas attendre le prononcé de la décision dans le canton de Vaud avant de venir à Genève a été considéré comme abusif.

Le recours interjeté contre la décision du 15 juillet 2020 a été rejeté par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) le 29 mars 2021, lequel est entré en matière, mais a retenu que l’intéressé n'avait pas démontré que son séjour se serait déroulé de manière ininterrompue depuis 2007, apparaissant avoir une activité saisonnière en Suisse.

B. a. Le 4 octobre 2022, E______, D______ et leurs trois enfants ont sollicité auprès de l’OCPM une autorisation de séjour pour cas d’extrême gravité. Le séjour en Suisse de E______ datait de plus de quinze ans. Il était autonome financièrement, travaillant depuis le mois de juillet 2022 en tant que cuisinier à Rolle. Il avait auparavant été employé comme jardinier et agent d'entretien. Son intégration sociale, ainsi que celle de sa compagne et de leurs enfants, tous trois scolarisés dans le canton de Genève, était très bonne.

b. Par décision exécutoire nonobstant recours du 24 octobre 2022, l'OCPM a considéré cette demande comme une demande de reconsidération de la part de E______ et a refusé d'entrer en matière. L’unique fait nouveau invoqué consistait dans l'arrivée, sans autorisation et malgré les décisions de renvoi le concernant, de sa famille. Il ne s'agissait ainsi pas d'un élément nouveau et important au sens des dispositions régissant la reconsidération.

E______ a recouru contre la décision le concernant auprès du TAPI. L'OCPM avait dissocié sa situation de celle de sa famille, de manière contraire à l'art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) en lien avec l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Ce fait constituait dès lors un déni de justice. Il développait les raisons pour lesquelles il remplissait les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

Par jugement du 16 février 2023, le TAPI a rejeté le recours de E______. L'objet de la procédure ne concernait pas la question de savoir si, sur le fond, les conditions d'un cas individuel d'extrême gravité étaient réalisées, ce qui n’était au demeurant pas le cas, mais uniquement si c'était à raison que l'autorité intimée avait refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération.

Le recours interjeté par E______ contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a été rejeté par arrêt de ce jour.

c. Par décision du 9 janvier 2023, l’OCPM a rejeté la requête de la compagne et des trois enfants et prononcé leur renvoi. Leur intégration socioculturelle ne pouvait pas être qualifiée de remarquable, malgré la promesse d’emploi de D______ pour un poste à mi-temps auprès de l’entreprise F_______ et le suivi des cours de français niveau A1+. Leur réintégration dans leur pays d’origine ne devrait pas avoir de graves conséquences sur leur situation personnelle au vu de leur très court séjour en Suisse, bien inférieur à cinq ans. Deux des enfants étaient en pleine adolescence. Tous avaient fréquenté les classes d’accueil, étaient en bonne santé et n’avaient séjourné que brièvement sur le territoire suisse. Leur réintégration ne devrait pas leur poser des problèmes insurmontables, leur intégration en Suisse n’étant pas encore déterminante.

C. a. D______ a recouru contre cette décision, pour elle-même et les trois enfants, auprès du TAPI, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et principalement, à l'admission du recours et à la réformation de la décision de l'OCPM du 24 octobre 2022, en ce sens qu'une autorisation de séjour leur soit octroyée. La cause a été ouverte sous la référence A/464/2023.

Son compagnon était arrivé en Suisse en février 2007 et avait vécu de manière continue sur le territoire vaudois jusqu'en 2018, avant de s'installer dans le canton de Genève. Ses enfants maîtrisaient le français. Elle suivait des cours de langue française. La famille pouvait se prévaloir d'un important cercle social. Les enfants avaient intégré l'école obligatoire et faisaient preuve d'une grande assiduité et détermination. E______ percevait un revenu suffisant et elle-même avait des perspectives de travail, de manière à ce que la famille soit totalement indépendante. Le renvoi de la famille dans son pays d'origine serait particulièrement préjudiciable, avec un risque pour le bon développement des enfants qui se verraient déscolarisés.

La décision litigieuse violait leur droit au respect de la vie familiale, puisqu'elle traitait séparément les différents membres de la famille en prenant ainsi le risque de les séparer. Elle ne tenait compte ni de l'intégration professionnelle et sociale dont les membres de la famille avaient fait preuve en Suisse, ni des conséquences particulièrement préjudiciables qu'entraînerait leur renvoi dans leur pays d'origine.

b. Par jugement du 16 février 2023, le TAPI a rejeté le recours. Il a fait application de l’art. 72 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA-GE - E 5 10), selon lequel l’autorité de recours peut, sans instruction préalable, par une décision sommairement motivée, rejeter un recours manifestement mal fondé. L’argumentation de l’intéressée fondée sur
l’art. 8 CEDH tombait à faux, puisque le fait que l'autorité intimée ait statué par deux décisions séparées au sujet des différents membres de la famille n'avait pas pour conséquence de les empêcher de vivre ensemble, dès lors qu'elles obligeaient l'ensemble de la famille à quitter la Suisse. Ce n’était qu'en accordant le droit de séjourner en Suisse à certains membres de la famille, mais pas à d'autres, que ces deux décisions auraient pu constituer une violation de l'art. 8 CEDH.

D______ et ses trois enfants étaient arrivés en Suisse en août 2021, soit environ un an et demi auparavant.

Même à supposer qu’elle et ses enfants maîtrisaient correctement le français, ne faisaient l'objet d'aucune poursuite, n'avaient pas bénéficié de l'aide sociale et enfin disposaient d'un casier judiciaire vierge, il s'agissait là d'un ensemble d'éléments qui témoignait d'une intégration correcte, mais qui ne dépassait pas en intensité celle que l'on était en droit d'attendre de n'importe quel étranger séjournant en Suisse de manière prolongée. Quant aux enfants, ils avaient passé l'essentiel de leur existence dans leur pays d'origine, de sorte que l'on était loin de pouvoir considérer qu'ils s’étaient profondément intégrés à la société suisse.

Le dossier ne révélait aucune circonstance particulière permettant de considérer que le retour de D______ et de ses enfants dans leur pays d'origine entraînerait pour eux des conséquences dramatiques. La reprise du cursus scolaire au Kosova ne saurait en aucun cas être assimilé à une telle situation, leurs parents n'ayant pas craint de leur faire interrompre ce cursus lorsqu'ils les avaient emmené en Suisse en 2021 et les avaient ainsi contraints à intégrer un système scolaire différent, dans une langue qu'ils ne connaissaient pas. Quant aux difficultés professionnelles ou économiques que rencontreraient les intéressés à leur retour dans leur pays, ceux-ci les énonçaient de manière toute générale, de sorte qu'elles ne paraissaient pas devoir se distinguer des difficultés qui touchaient la population dans son ensemble.

D. a. Par acte du 22 mars 2023, D______ a recouru pour elle-même et ses trois enfants devant la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce que leur dossier soit soumis, avec un préavis favorable, au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM). Préalablement, ils devaient être autorisés à poursuivre leur séjour en Suisse jusqu’à droit connu dans la présente procédure et la jonction avec le recours interjeté par E______ devait être ordonnée.

b. L’OCPM ne s’est pas opposé à ce que les recourants puissent demeurer en Suisse le temps de la procédure de recours. La décision querellée n’ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours, elle entraînait l’effet suspensif ex lege. Il a conclu au rejet du recours, le fait de fonder leur demande de séjour sur la présence de E______ confinait à la témérité, voire à l’abus de droit. Aucun des membres de la famille ne disposant d’un titre de séjour en Suisse, ils ne pouvaient pas invoquer l’art. 8 CEDH.

c. Dans le cadre de leur réplique, les recourants ont persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Les recourants concluent préalablement à la jonction de la présente cause (A/464/2023) avec celle de leur compagnon et père (A/4031/2022).

2.1 L’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (art. 70 al. 1 LPA).

2.2 En l’espèce, la situation des recourants et celle de E______ n’ont pas la même cause juridique, le deuxième cas concernant une demande de reconsidération alors que le premier porte sur l’examen du cas de rigueur pour la recourante et ses enfants. La situation n’est pas non plus identique, E______ ayant fait l’objet de plusieurs décisions définitives et exécutoires de renvoi alors que tel n’est pas le cas des autres membres de la famille. Les conditions de la jonction de leurs causes n’étant pas remplies, la demande sera rejetée

3.             Les recourants ne développent aucun grief précis à l’encontre du jugement du TAPI, lequel ne prête pas flanc à la critique, ni dans les dispositions légales et la jurisprudence rappelés, ni dans l’analyse de la situation conformément aux considérants qui suivent.

3.1 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.2 L'art. 31 al. 1 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse [SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 état au 1er janvier 2021 [ci-après : directives LEI] ch. 5.6).

Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (Directives du SEM, domaine des étrangers, octobre 2013, actualisées le 1er janvier 2021 [ci-après : Directives LEI] ch. 5.6.12)

3.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200
consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; Directives LEI, op. cit., ch. 5.6).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

3.4 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/90/2021 du 26 janvier 2021 consid. 3e).

La question est donc de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/90/2021 précité consid. 3e ; ATA/1162/2020 du 17 novembre 2020
consid. 6b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015
consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.5 Dans un arrêt de principe (ATF 123 II 125), le Tribunal fédéral a mentionné plusieurs exemples de cas de rigueur en lien avec des adolescents. Ainsi, le cas de rigueur n'a pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille qui comptait notamment deux adolescents de 16 et 14 ans arrivés en Suisse à, respectivement, 13 et 10 ans, et qui fréquentaient des classes d'accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du 17 juillet 1995 consid. 5). Le Tribunal fédéral a précisé dans ce cas qu'il fallait que la scolarité ait revêtu une certaine durée, ait atteint un certain niveau et se soit soldée par un résultat positif (ATF 123 II 125 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a admis l'exemption des mesures de limitation d'une famille dont les parents étaient remarquablement bien intégrés ; venu en Suisse à 12 ans, le fils aîné de 16 ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les obstacles linguistiques, s'était bien adapté au système scolaire suisse et avait achevé la neuvième primaire ; arrivée en Suisse à 8 ans, la fille cadette de 12 ans s'était ajustée pour le mieux au système scolaire suisse et n'aurait pu se réadapter que difficilement à la vie quotidienne scolaire de son pays d'origine (arrêt non publié Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal fédéral a admis que se trouvait dans un cas d'extrême gravité, compte tenu notamment des efforts d'intégration réalisés, une famille comprenant des adolescents de 17, 16 et 14 ans arrivés en Suisse cinq ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés (arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 5b ; arrêt non publié Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une jeune femme de près de 21 ans, entrée en Suisse à 15 ans).

3.6 En l’espèce, la recourante et ses enfants sont arrivés en Suisse en août 2021, sans autorisation et y ont séjourné illégalement pendant plus d’une année avant de solliciter une autorisation de séjour, laquelle leur a été refusée les jours qui ont suivi. Leur durée de séjour en Suisse est donc extrêmement courte et doit de surcroît être relativisée au vu de son caractère non autorisé.

L’intégration professionnelle de la recourante n’est en l’état qu’hypothétique, celle-ci n’ayant qu’une promesse de travail, à temps partiel, dans le domaine du nettoyage pour une entreprise de jardinage. S’agissant des possibilités de réintégration, la recourante a suivi sa scolarité au Kosovo et y a vécu l'intégralité de son adolescence, soit les années jugées cruciales et déterminantes pour la formation de sa personnalité. Elle y a toujours vécu, y a rencontré le père de ses enfants, y a construit sa famille et éduqué ses enfants jusqu’en 2021. Aucun obstacle ne s’oppose à son retour.

Si les résultats scolaires des enfants semblent bons, il n’est pas fait mention d’une intégration socioprofessionnelle, culturelle, sportive notamment particulière. Ils sont âgés de presque 18 ans, 15 et 10 ans. Ils sont arrivés en Suisse respectivement à 16, 13 et 8 ans. Ils auront effectué au maximum deux ans de scolarité à Genève, auront appris le français, compétences qu’ils pourront faire ultérieurement valoir au Kosovo. Dans ces conditions, leur intégration au milieu socioculturel suisse n’est pas si profonde et irréversible qu’un retour dans leur patrie constituerait un déracinement complet. Le critère jurisprudentiel de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse permet de considérer que si, certes, les enfants ont réussi à s’intégrer au niveau scolaire, le renvoi décidé par l’OCPM dans le cadre d’une analyse globale de la famille, comme l’impose la loi, n’est pas incompatible et inexigible de la part des enfants qui pourront poursuivre leur cursus scolaire au Kosovo.

Enfin, les quatre recourants sont en bonne santé.

Ainsi, au vu de tous les critères pertinents, pour chacun des quatre recourants, c’est sans violer le droit, ni abuser de son large pouvoir d’appréciation, que l’autorité intimée a refusé de délivrer une autorisation de séjour aux recourants et à leurs trois enfants.

Le grief de violation de l’art. 30 al. 1 let. e LEI sera rejeté, étant précisé que les recourants ne peuvent se prévaloir de l’art. 8 CEDH, aucun membre de la famille, notamment pas leur compagnon et père au vu du rejet de son recours par arrêt de ce jour dans la cause parallèle A/4031/2022, n’ayant de droit de séjour en Suisse.

4.             Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée
(let. c) en assortissant ce renvoi d'un délai de départ raisonnable (al. 2). Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI

En l'espèce, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi des recourants ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible.

Dans ces circonstances, la décision querellée est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

5.             Vu l’issue, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 mars 2023 par D______ pour elle-même et A______, B______ et C______, enfants mineurs, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de D______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Luisa BOTTARELLI, avocate des recourants, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF et Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.