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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2472/2018

ATA/624/2023 du 13.06.2023 sur JTAPI/953/2020 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2472/2018-PE ATA/624/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 novembre 2020 (JTAPI/953/2020)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1964 à Genève, est ressortissant italien.

b. Célibataire et sans enfant, il est au bénéfice d’un permis d’établissement, dont le délai de contrôle est arrivé à échéance le 31 août 2019.

c. Selon la base de données informatique Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) :

- A______ a vécu chemin du B______ 62 à Vernier jusqu’à son départ de Suisse pour l’étranger le 1er avril 2001 ;

son père, C______, a séjourné rue E______ 20 jusqu’à son départ de Suisse pour l’Italie le 31 mai 2003 ;

sa mère, D______, a vécu chemin du B______ 62 jusqu’à son décès le 28 juin 2011.

B. a. Par jugement du 23 mai 2007, le Tribunal de police a condamné A______ à une peine privative de liberté de huit mois avec sursis de trois ans pour abus de confiance.

b. Entendu par la police le 21 juin 2010 en qualité de prévenu d’atteinte à l’intégrité corporelle et de menaces à l’encontre de sa compagne de l’époque, F______, A______ a indiqué qu’il était exploitant de salons de massages érotiques à Genève. Il vivait avec sa mère, chemin du B______ 62. Sans revenu depuis mai 2010, il avait perçu jusqu’à cette date un montant mensuel de CHF 1'000.- au titre d’aide sociale. Il était débiteur d’environ CHF 100'000.- d’impôts et créances diverses. Sur question de la police, il a indiqué qu’il logeait à Meyrin. La « maison à Yvoire » était une « résidence secondaire » dans laquelle certaines affaires étaient encore entreposées. À la question « A quel nom est le bail de cette villa à Yvoire », il a indiqué avoir « appris » que le bail était au nom F______ et au sien.

c. Par arrêt du 8 juillet 2010 (9C_60/2010), le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par A______ contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales du 30 novembre 2009 qui confirmait la décision de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) du 17 août 2007, laquelle rejetait la demande de prestations formée par le précité, motif pris de l’absence d’atteinte à la santé invalidante.

d. Lors de son audition par la police le 4 octobre 2010, A______, entendu en qualité d’auteur présumé d’une escroquerie, a indiqué souffrir, depuis un grave accident de la route survenu le 15 novembre 1992, de fortes douleurs au niveau des vertèbres cervicales et lombaires, qui l’empêchaient de travailler. Il avait déposé une demande de prestation invalidité et avait dû attendre une dizaine d’années avant de recevoir, deux mois plus tôt, une décision négative. Il avait perçu de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) un montant de CHF 136'153.50 au titre d’aide sociale, pour la période allant du 1er octobre 2000 au 7 juin 2010. Il faisait l’objet de poursuites à hauteur d’environ CHF 126'000.-. Il avait vécu, d’avril 1996 à avril 2010, en alternance chez sa mère et chez son ex-compagne en France, à raison de trois à quatre jours par semaine. Il vivait chez sa mère. Malgré les dires de son ex-compagne, il n’avait jamais vécu de manière permanente chez elle. Après avoir effectué sa scolarité obligatoire à Genève, il avait suivi une formation d’employé de commerce, sans toutefois obtenir de diplôme, puis avait travaillé en qualité de conseiller à la vente dans le domaine des assurances.

e. Par arrêt du 11 septembre 2012 (AARP/1______/2012), la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : chambre pénale d’appel et de révision) a condamné A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende pour escroquerie à l’encontre de l’hospice et lésions corporelles simples envers sa compagne.

Selon cet arrêt, le domicile du précité en Suisse était fictif. Il avait indûment perçu l’aide sociale pour un montant total d’environ CHF 136'000.- entre 2000 et 2010, alors qu’il vivait en concubinage en France voisine et disposait d’un élément de fortune, soit une maison en copropriété et des revenus réguliers provenant de la sous-location de studios à des prostituées, faits constitutifs d’une escroquerie. S’agissant de cette infraction, A______ avait, dans un premier temps, reconnu partiellement les faits et s’en était rapporté à justice devant le Tribunal de police. Il avait finalement accepté le verdict de culpabilité, dès lors que son appel ne portait pas sur ce chef d’accusation. L’escroquerie avait été réalisée sur une large échelle et durant près de dix ans, ce qui démontrait que l’intéressé était prêt à agir sur une longue période sans se soucier du bien commun. Sa persévérance à tromper une institution sociale et sa situation matérielle actuelle obérée ne le mettaient pas à l’abri d’un risque de délinquance sur le plan financier.

Sans revenu, il bénéficiait d’avances de la part d’un cousin, qu’il rembourserait grâce au produit de la vente de la maison de sa mère, estimée à CHF 1'300'000.-, dont il avait hérité pour moitié. Il était sans revenu et dépourvu d’aide sociale, en raison du fait qu’il devait à terme bénéficier de la succession de sa mère.

f. À teneur de l’extrait établi le 13 octobre 2014, A______ faisait l’objet de poursuites à hauteur de plus de CHF 319'903.-.

g. Faisant suite à une demande de renseignements de l’OCPM, A______ a indiqué, par pli du 4 novembre 2014, que le dépôt par ses soins d’une demande de prestations AI le 16 mars 2000 démontrait qu’il avait vécu à Genève sans interruption entre 2000 et 2010. Sans emploi, il vivait chez ses parents depuis le 1er février 1987 et ne bénéficiait d’aucune indemnité chômage ni prestations sociales.

h. À teneur du certificat médical établi le 4 juin 2015, le Docteur G______ voyait occasionnellement A______, depuis 2006, en raison d’un problème touchant le système locomoteur, en aggravation et nécessitant de nouvelles investigations ainsi qu’un traitement constitué de Tramal, Voltaren et Sirdalud.

i. Par attestation du 12 juin 2015, le père de A______ a confirmé que ce dernier résidait à titre gratuit depuis 1987 dans le logement sis chemin du B______ 62, dont il était propriétaire. Il versait à son fils un montant mensuel d’environ CHF 800.- pour ses dépenses personnelles.

j. Par ordonnance pénale du 3 mai 2019, le recourant a été condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende pour violation grave des règles de la circulation routière le 31 décembre 2016.

k. Entendu par la police le 2 juin 2019 en qualité de prévenu d’injures et de menaces envers une prostituée, le recourant a indiqué exercer la profession de consultant et résider chemin H______ 5 à Genève. Il a admis les faits qui lui étaient reprochés.

l. À nouveau entendu par la police le 15 octobre 2019 en qualité de prévenu, en lien avec des menaces de mort proférées à l’encontre d’une personne en s’adressant à des tiers, A______ a indiqué qu’il avait vécu toute sa vie à Genève.

C. a. Par courrier du 20 juin 2017 envoyé à l’adresse chemin du B______ 62, l’OCPM a informé A______ de son intention de prononcer la caducité de son autorisation d’établissement et d’enregistrer son départ de Suisse dès le 1er avril 2001, soit six mois après son départ en France voisine. Ce dernier n’avait pas démontré vivre de manière effective en Suisse. De plus, contrairement aux déclarations de son père, il n’était pas propriétaire du logement sis chemin du B______ 62 et n’était pas domicilié en Suisse. Un délai lui a été imparti pour faire usage de son droit d’être entendu.

b. Aucune suite n’a été donnée à ce courrier.

c. Par décision du 2 novembre 2017, l’OCPM a prononcé la caducité de l’autorisation d’établissement de A______ et a enregistré son départ de Suisse au 1er avril 2001, motif pris du fait qu’il ne semblait pas résider de manière effective en Suisse.

Cet envoi a été reçu en retour par l’OCPM le 28 novembre 2017. L’enveloppe y relative portait les mentions : « pli avisé et non retiré », « réexpédition internationale » ainsi qu’un tampon de la poste de Saint-Julien-en-Genevois indiquant la date du 22 novembre 2017.

d. Par acte du 13 juillet 2018, A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l’encontre de cette décision.

En raison de sa détention, il n’avait pas pu faire usage de son droit d’être entendu suite au courrier d’intention de l’OCPM du 20 juin 2016 et n’avait pas reçu la décision querellée, dont, il avait pris connaissance lors de la consultation du dossier par son conseil le 13 juin 2018.

Il avait toujours vécu à Genève, chemin du B______ 62, depuis sa naissance jusqu’en juillet 2015, date à laquelle il avait été incarcéré en France jusqu’en décembre 2017. Dès sa remise en liberté, il était revenu s’installer à Genève et séjournait chemin H______ 5. Par conséquent, son autorisation d’établissement était toujours valable. La poursuite de son séjour en Suisse s’imposait par ailleurs pour raisons personnelles majeures, dès lors qu’il était intégré dans ce pays et que son renvoi en Italie constituerait un déracinement.

e. Par correspondance du 30 juillet 2018, il a notamment versé au dossier une copie de son billet de sortie du centre pénitentiaire de J______ en date du 1er décembre 2017, lequel mentionnait comme date d’écrou initial le 3 juillet 2015.

f. Dans ses observations du 13 septembre 2018, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Le 1er avril 2001 devait être retenue comme date d’extinction de l’autorisation d’établissement, dès lors qu’il avait « déplacé son domicile à l’étranger au plus tard le 1er octobre 2000 », comme cela ressortait du procès-verbal d’audition à la police du 4 octobre 2010. Il lui appartenait de déposer une demande d’autorisation de séjour.

g. Par arrêt du 12 novembre 2019 (2C_523/2019), le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par M. A______ contre l’arrêt de la chambre administrative du 30 avril 2019 (ATA/850/2019) qui avait confirmé le jugement du 16 novembre 2018 (JTAPI/1126/2018) du TAPI, selon lequel le recours était tardif, et a renvoyé la cause au TAPI et à la chambre administrative pour qu’elle statue à nouveau sur les dépens de la procédure antérieure, ce qui fut fait par arrêt du 3 décembre 2019 (ATA/1744/2019).

h. Par réplique du 31 janvier 2020, A______ a précisé qu’entre 2000 et 2010, il arrivait régulièrement, soit en moyenne trois fois par semaine, que son amie intime de l’époque, qui était domiciliée en France, vienne le chercher le soir chez sa mère et le ramène à Genève le lendemain en fin de matinée. Cependant, il se trouvait la plupart du temps au domicile familial, dans la mesure où il devait s’occuper de sa mère malade.

i. À teneur du procès-verbal relatif à l’audience de comparution personnelle qui s’est déroulée le 10 juin 2020 devant le TAPI, A______ a indiqué avoir vécu au 62, chemin du B______ jusqu'en 2015, dans le logement appartenant à ses parents, qui avait été vendu en 2016. Il avait été incarcéré en France du 3 juillet 2015 à décembre 2017. Lors de son retour à Genève, il avait signé le contrat de bail relatif au logement sis chemin H______ 5. Après le départ de son père pour l'Italie en janvier 2000, il était resté avec sa mère dans la maison jusqu’au décès de cette dernière, le 28 juin 2011, puis seul. Il avait assuré tous les déplacements médicaux de sa mère. Il n’était plus retourné à Yvoire depuis avril 2010, étant précisé qu’il s’y rendait précédemment deux à trois fois par semaine. Il n’avait aucune information concernant le maintien ou non du contrat de bail à Yvoire ni de ce qui pouvait être arrivé s’agissant de sa position de garant. En formation pour devenir courtier en assurances, il percevait une rémunération. Il avait été condamné en France pour trafic de véhicules et bénéficiait d’un suivi médical depuis 1992 aux HUG. Il ne pouvait pas produire le contrat de bail du logement à Yvoire, dès lors qu’il était uniquement garant.

Entendu en qualité de témoin, K______ a déclaré connaître A______ depuis une trentaine d'années. Il habitait la maison dont le jardin jouxtait l’ancienne maison de la famille A______. Il ignorait quand le recourant avait quitté la maison et si ce dernier avait continué à y loger après le départ de son père. D______ n’avait jamais dit que son fils ne s'occupait pas d'elle.

Lors de cette audience, A______ a produit le contrat de bail de son logement conclu le 27 février 2018. Le TAPI lui a imparti un délai au 30 juin 2020 pour produire une copie du jugement du Tribunal de police du 23 mars 2012, la copie des procès-verbaux d'audition établis dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de police ainsi qu'une copie du jugement français ayant conduit à son incarcération entre 2015 et 2017, ce qu’il n’a pas fait dans le délai imparti.

j. Par jugement du 5 novembre 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Dans l’arrêt rendu par la chambre pénale d’appel et de révision du 11 septembre 2012, il avait été retenu, sur la base des éléments de faits récoltés dans le cadre de l’instruction de cette procédure pénale versés au dossier, que le domicile du recourant en Suisse était fictif, à tout le moins durant la période pendant laquelle il avait perçu l’aide sociale, soit du 1er octobre 2000 au 7 juin 2010, faits constitutifs d’une escroquerie sur le plan pénal. En ne faisant pas porter son recours au Tribunal fédéral sur le chef d’accusation d’escroquerie, le recourant avait accepté sa condamnation relative à l’infraction d’escroquerie, ainsi que les éléments de faits qui l’avaient fondée, notamment son domicile fictif à Genève du 1er octobre 2000 au 7 juin 2010.

S’il avait indiqué dans la procédure administrative qu’il avait toujours vécu à Genève, il avait précisé à la police en octobre 2010, qu’il avait vécu en alternance chez sa mère et son ex-compagne en France, à raison de 3-4 jours par semaine entre 2000 et 2010, et que le bail du logement en France voisine était également à son nom. Il n’avait pas pu produire à l’OCPM en 2014 d’éléments démontrant que son lieu de résidence se trouvait en Suisse après octobre 2000. Les déclarations de son père quant à une telle résidence auprès de lui au chemin du B______ n’emportaient pas conviction, puisque lui-même ne séjournait plus à Genève depuis juin 2003 et n’était pas propriétaire dudit logement. Ce n’était que dans sa réplique que le recourant avait soutenu avoir séjourné à Genève durant cette période pour prodiguer de ses soins à sa mère, ce qui ne reposait sur aucun élément concret. Le témoin entendu n’avait pas non plus confirmé un séjour en Suisse jusqu’au décès de sa mère. Au vu de ses déclarations contradictoires, la préférence était accordée aux premières et il était considéré comme établi qu’il avait quitté la Suisse pendant une période supérieure à six mois, sans le déclarer aux autorités compétentes, et n’avait jamais déposé une demande de maintien d’autorisation d’établissement.

La décision attaquée ne portant pas sur la question de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, le grief n’avait pas à être examiné.

D. a. Par acte remis à la poste le 7 décembre 2020, A______ a recouru à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et au constat de la validité de son autorisation d’établissement, subsidiairement à son annulation et le renvoi de la cause au TAPI, plus subsidiairement à l’OCPM, pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il était né à Genève et y avait vécu de manière interrompue jusqu’en juillet 2015, avait été incarcéré en France jusqu’en décembre 2017 et était revenu en Suisse ensuite. Entre 2000 et 2010, il se rendait 2-3 fois par semaine chez son amie intime en France. Il avait donc vécu de façon ininterrompue en Suisse jusqu’au mois de juillet 2015 et sa détention en France de juillet 2015 à décembre 2017 n’était pas volontaire. Les conditions de l’art. 61 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n’étaient donc pas réalisées.

b. Le 6 janvier 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments avancés n’étaient pas de nature à modifier sa position et le recourant ne faisait valoir aucun élément ou moyen de preuve nouveau.

c. Par courrier du 8 mars 2021, le recourant, persistant dans les conclusions de son recours, a sollicité l’audition d’un témoin, qui pouvait corroborer ses explications quant à son lieu de séjour de 2000 à 2010.

d. Une avance de frais a été requise du recourant, dont le versement a été suspendu en raison de la demande d’assistance juridique sollicitée, laquelle a été définitivement refusée.

e. Par arrêt du 6 septembre 2021, la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours interjeté le 7 décembre 2020, au motif que l’avance de frais, versée le 18 août 2021, n’avait donc pas été versée dans le délai prolongé au 15 août 2021.

f. Par arrêt 2C_797/2021 du 23 juin 2022, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A______, annulé l’arrêt susmentionné et renvoyé la cause à la chambre administrative pour nouvelle décision, après réexamen de la recevabilité du recours au regard des circonstances dans lesquelles l’avance de frais avait été effectuée et des règles applicables pour constater l’inobservation du délai, éventuellement de traiter le fond.

g. Par courrier du 24 juillet 2022, le recourant, persistant dans les conclusions de son recours, a fait parvenir à la chambre administrative copie du récépissé postal du paiement de l’avance de frais, portant le timbre de la poste du 13 août 2021.

h. Le 9 août 2022, l’OCPM a persisté dans ses conclusions en rejet du recours.

i. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le présent arrêt fait suite à celui du Tribunal fédéral du 23 juin 2022 (2C_297/2021).

2.1 En application du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l’autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées devant lui ou l’ont été sans succès. La motivation de l’arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (arrêt du Tribunal 6B_904/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.1 et les références citées).

2.2 À la suite de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, est litigieuse la recevabilité du recours au regard des circonstances dans lesquelles l’avance de frais avait été effectuée.

Contrairement à ce qui a été retenu à tort dans l’arrêt annulé par le TF, l’avance de frais requise du recourant (art. 86 LPA) a bien été acquittée dans le délai supplémentaire imparti par la chambre administrative au 15 août 2021, au vu du timbre de la poste apposé sur le récépissé du bulletin de versement le 13 août 2021, produit par le recourant.

Le fond du litige doit partant être examiné.

3.             Le recourant sollicite l’audition d’un témoin.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, le recourant a eu la possibilité de produire toute argumentation et toute pièce utile devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans.  Il n’explique pas en quoi l'audition du témoin cité dans son acte de recours pourrait être déterminante. Un seul témoignage d’un proche ne saurait suffire pour démontrer un séjour durant la période de 2000 à 2010. Alternativement, il aurait pu produire une attestation dans ce sens. La chambre de céans dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

Il ne sera donc pas donné suite à cette demande d'audition.

4.             Le litige porte sur la conformité au droit du prononcé, le 2 novembre 2017, de la caducité de l’autorisation d’établissement du recourant à compter du 1er avril 2001, faute de résidence effective en Suisse.

5.             Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

6.              

6.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Les faits pertinents pour le constat de la caducité respectivement la révocation des autorisations s’étant entièrement déroulés avant le 1er janvier 2019, l’ancien droit est applicable, étant précisé que la plupart des dispositions, notamment les art. 61 et 62 LEI, sont demeurées identiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

6.2 La LEI ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 2 al. 2 LEtr). Comme l'ALCP ne réglemente pas la caducité de l'autorisation d'établissement UE/AELE, c'est l'art. 61 LEI qui est applicable (art. 23 al. 2 de l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses États membres, ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 [OLCP - RS 142.203] ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_607/2015 du 7 décembre 2015 consid. 4.1 et 2C_473/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2.1).

6.3 Selon l’art. 61 al. 2 LEI, si un étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ, l’autorisation de courte durée prend automatiquement fin après trois mois, l’autorisation de séjour ou d’établissement après six mois. Sur demande, l’autorisation d’établissement peut être maintenue pendant quatre ans. La demande de maintien de l’autorisation d’établissement doit être déposée avant l’échéance du délai de six mois (art. 79 al. 2 OASA). Elle sera adressée, dûment motivée, à l’autorité cantonale compétente en matière d’étrangers, qui statue librement dans les limites de sa compétence (directives et commentaires du secrétariat d’État au migrations [ci-après : SEM], domaine des étrangers, état au 1er novembre 2019, ch. 3.5.3.2.3).

6.4 Selon la jurisprudence, l'autorisation d'établissement au sens de l'art. 34 LEI s'inscrit dans la durée, et confère à l'étranger le statut le plus favorable en lui garantissant un droit de résidence stable. Le maintien d'une autorisation de résidence de droit des étrangers présuppose néanmoins une présence physique minimale sur le territoire suisse, pour la définition de laquelle le législateur a sciemment renoncé au renvoi à des notions telles que le centre des intérêts vitaux ou même le domicile (ATF 145 II 322 consid. 2.2).

L’extinction de l’article prévue à l’art. 61 al. 2 LEI s’opère de iure (arrêt du Tribunal administratif fédéral 139/2016 consid. 5.1 et les références citées). Les délais prévus à l’art. 61 al. 2 LEI ne sont pas interrompus en cas de séjour temporaire en Suisse à des fins de visite, de tourisme ou d’affaires (art. 79 al. 1 OASA). La demande de maintien de l’autorisation d’établissement doit être déposée avant l’échéance du délai de six mois prévu par l'art. 61 al. 2 LEI (art. 79 al. 2 OASA). L’art. 6 § 5 Annexe I ALCP prévoit également que les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs n'affectent pas la validité du titre de séjour.

Lorsqu’un étranger passe plusieurs années dans son pays d'origine, tout en interrompant régulièrement le délai de six mois de l'art. 61 al. 2 LEI par un séjour en Suisse, l'extinction de l'autorisation d'établissement doit dépendre du centre de ses intérêts (arrêts du Tribunal fédéral 2C_853/2010 du 22 mars 2011 consid. 5.1 ; 2C_408/2010 du 15 décembre 2010 consid. 4.2).

Si l'étranger se constitue un domicile à l'étranger et y rentre les week-ends, mais qu'il séjourne en Suisse toute la semaine pour y exercer une activité indépendante, il y maintient la présence physique nécessaire au maintien de son autorisation d'établissement (ATF145 II 322 consid. 2.5).

Une autorisation ne peut subsister lorsque l'étranger passe l'essentiel de son temps hors de Suisse, voire y transfère son domicile ou le centre de ses intérêts, sans jamais toutefois y rester consécutivement plus du délai légal, revenant régulièrement en Suisse pour une période relativement brève, même s'il garde un appartement en Suisse. Dans ces conditions, il faut considérer que le délai légal n'est pas interrompu lorsque l'étranger revient en Suisse avant l'échéance de ce délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d'affaires ou de visite (ATF 120 Ib 369 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_853/2010 du 22 mars 2011 et 2C_581/2008 du 6 novembre 2008 consid. 4.1).

Un étranger titulaire d'une autorisation d'établissement perd cette dernière s'il s'établit en France voisine et y vit comme un frontalier (ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 2a ; ATA/904/2014 du 18 novembre 2014).

6.5 En l’espèce, le raisonnement de l’OCPM, tel que confirmé par le TAPI, doit être approuvé.

Le recourant ne conteste pas le constat retenu par la chambre pénale d’appel et de révision dans son arrêt du 11 septembre 2012, eux-mêmes basés sur l’enquête effectuée par l’hospice, selon lequel il avait indûment perçu l’aide sociale entre 2000 et 2020 alors qu’il vivait en concubinage en France voisine, pas plus qu’il n’a formé appel à l’encontre de sa condamnation de ce chef à l’époque. La chambre administrative peut donc considérer comme établi que le recourant ne résidait pas en Suisse entre 2000 et 2010.

Au surplus, le recourant avait lui-même admis, dans le cadre de la procédure pénale, qu’il vivait en concubinage la moitié du temps avec sa compagne à cette période, domiciliée en France voisine, et qu’il était également titulaire du bail de leur logement.

Il n’a apporté aucun élément au cours de la procédure devant l’OCPM, le TAPI ou la chambre administrative, susceptible d’infirmer ces constats.

Dès lors qu’il est établi que le recourant a quitté la Suisse dès 2000, l’OCPM devait constater la caducité, par l’effet de la loi, de son autorisation d’établissement six mois après son départ, étant rappelé que le recourant ne conteste pas que ce départ n’a jamais été annoncé.

La caducité de l’autorisation d’établissement est une conséquence stricte et automatique prévue par la loi, qui ne souffre pas d’exception.

6.6 Le recourant n’a pas demandé sa réintégration et n’y aurait pas eu droit. L’art. 49 al. 1 OASA prévoit en effet que les étrangers qui ont déjà été en possession d’une autorisation de séjour ou d’établissement peuvent obtenir une autorisation de séjour ou de courte durée (a) si leur précédent séjour en Suisse a duré cinq ans au moins et n’était pas seulement de nature temporaire au sens de l’art. 34 al. 5 LEI, et (b) si leur libre départ de Suisse ne remonte pas à plus de deux ans. Or, la seconde de ces conditions n’ést pas remplie en l’espèce.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge d’A______;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Samir DJAZIRI, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Valérie LAUBER, Présidente, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.