Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1817/2013

ATA/904/2014 du 18.11.2014 sur JTAPI/1157/2013 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.12.2014, rendu le 05.01.2015, IRRECEVABLE, 2C_1169/2014
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1817/2013-PE ATA/904/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 novembre 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Mme A______ et M. B______, agissant pour eux-mêmes et en qualité de représentants de leurs enfants mineures, C______ et D______ B______

représentés par Me Monica Kohler, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
24 octobre 2013 (JTAPI/1157/2013)

 


EN FAIT

1) M. B______, né le ______ 1969, est ressortissant du Sénégal. Il est aussi au bénéfice de la nationalité guinéenne.

2) En date du 25 septembre 1995, il a épousé, à Dakar au Sénégal, Mme E______, ressortissante suisse, née le ______ 1951, domiciliée à Genève.

3) M. B______ est arrivé à Genève le 7 novembre 1995 et a été mis au bénéfice par l'office cantonal de la population, devenu entretemps l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), d'une autorisation de séjour pour regroupement familial, puis d'une autorisation d'établissement à partir du 15 mai 2001, valable jusqu'au 6 novembre 2014.

4) Le 22 octobre 2004, M. B______ a reconnu être le père de C______ B______, née le ______ 2004, dont Mme A______, née le ______ 1973, ressortissante de Guinée, est la mère.

5) Par ordonnance du 2 septembre 2005, le ministère public du canton de Genève a condamné M. B______ à six mois d'emprisonnement avec sursis durant quatre ans, pour faux dans les titres, escroquerie et induction de la justice en erreur.

6) Par jugement du 15 septembre 2005, le Tribunal de première instance a dissous par le divorce le mariage de M. B______ et Mme E______.

7) Le 29 octobre 2005, suite à une intervention de la police genevoise pour des violences conjugales, M. B______ a été arrêté. Lors de son interrogatoire, il a été établi que M. B______ s'était marié religieusement le 9 février 2001 avec
Mme A______ alors qu'il était séparé et non divorcé de Mme E______. Il avait, ensuite, fait entrer Mme A______ en Suisse, démunie de papiers d'identité et de visa. Selon les dires de Mme A______, celle-ci avait été régulièrement battue par son époux et enfermée à leur domicile.

8) Le 5 juin 2007, M. B______ a épousé à Thônex Mme A______.

9) Suite au mariage, l'OCPM a délivré à Mme A______ une autorisation de séjour, valable jusqu'au 5 juin 2012.

10) Leur fille, C______ B______ est devenue titulaire d'une autorisation d'établissement le 12 septembre 2007.

11) Le ______ 2009, Mme A______ a, aux États-Unis d'Amérique, donné naissance à la seconde fille du couple, D______ B______. Celle-ci est arrivée en Suisse le 3 décembre 2009 et a obtenu de l'OCPM une autorisation d'établissement.

12) Par ordonnance pénale du 31 janvier 2011, le ministère public a reconnu
M. B______ coupable de lésions corporelles simples sur la personne de
Mme A______ et l'a condamné à une peine pécuniaire de trente jours-amende avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à une amande de CHF 500.-.

13) Le 19 septembre 2011, l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) a ouvert une enquête à l'encontre de M. B______ suite à une dénonciation de l'hospice général (ci-après : l'hospice) et a établi un rapport le concernant le
19 décembre 2011. Aux termes de celui-ci, M. B______ était domicilié à Juvigny en France depuis le 1er décembre 2008.

Dans sa déclaration du 29 novembre 2011 à l'OCE, M. F______, le comptable de M. B______, a indiqué croire que son client vivait en France voisine et que ce dernier avait loué son appartement à Versoix.

Le même jour, M. G______, concierge en charge de l'immeuble sis route H______ ______ à Versoix, a confirmé par téléphone que
M. B______ n'avait jamais habité dans l'appartement qu'il louait, mais qu'il le sous-louait à des tiers depuis le début du bail.

Dans sa déclaration du 15 décembre 2011, M. B______ a indiqué avoir signé un bail à loyer d'un « F4 » situé route des I______ ______ à Juvigny, avec effet au 1er décembre 2008 qui était devenu son domicile, car l'appartement de Versoix de trois pièces occupé jusqu'à lors était devenu trop petit pour lui et sa famille. Selon ce contrat de bail, signé le 1er décembre 2008 et produit en première instance, ce logement comprenait notamment un « séjour », une cuisine, un salon ainsi que deux chambres, pour un montant de EUR 1'400.- par mois.

De plus, M. B______ était répertorié dans l'annuaire téléphonique français sous l'adresse route des I______ ______à Juvigny.

14) Selon le rapport d'enquête établi par l'OCPM le 21 décembre 2011 pour déterminer si Mme A______ vivait toujours avec son époux, le voisinage de l'appartement du couple sis à Versoix avait indiqué n'avoir aperçu M. B______ dans l'immeuble que rarement, et toujours seul, son épouse et ses deux filles n'y ayant jamais été vues.

15) Par ordonnance pénale du 2 avril 2012, le ministère public a condamné
M. B______ à une peine pécuniaire de soixante jours-amende pour tentative d'escroquerie et faux dans les titres. M. B______ avait remis sa voiture à des tiers, lesquels l'avaient incendiée, puis avait déclaré à la compagnie d'assurance que son véhicule avait été volé, afin que M. B______ bénéficie de la couverture prévue par l'assurance.

16) Par courrier du 10 octobre 2012, adressé à M. B______ à Juvigny, en France, l'OCPM a informé celui-ci de son intention de prononcer la caducité de son autorisation d'établissement dans la mesure où il avait quitté la Suisse, lui impartissant un délai au 10 novembre 2012 pour se déterminer.

17) Dans sa réponse du 9 novembre 2012, M. B______ a indiqué n'avoir pas quitté la Suisse, mais avoir pris un appartement en location en France voisine en tant que résidence secondaire pour ses deux fils majeurs.

18) Par lettre non datée, reçue par l'OCPM le 13 novembre 2012, Mme A______ a sollicité un entretien, exposant son désarroi. Elle vivait au quotidien avec ses filles à Juvigny, à la campagne, dans l'isolement quasi-total.

19) Par ordonnance pénale du 12 décembre 2012, le ministère public a condamné M. B______ à une peine pécuniaire de cent quatre-vingt jours-amende pour escroquerie et instigation à la falsification ou la contrefaçon de plaques de contrôle. Il lui était reproché, alors qu'il percevait les prestations de l'assurance-chômage, de n'avoir déclaré ni l'exercice d'une activité indépendante entre 2004 et 2006, ni son domicile en France entre le 1er janvier 2010 et le 31 juillet 2011.

20) Le 4 février 2013, Mme A______ a été entendue par l'OCPM. Lors de cet entretien, elle a déclaré que sa famille n'avait pas trouvé d'appartement à Genève, de sorte qu'elle avait été obligée de trouver un endroit pour habiter en France. À partir de 2008, la famille faisait la navette entre Juvigny et Versoix, vivant la semaine à Juvigny et le week-end à Versoix, et vivant à plein temps en France depuis le mois d'avril 2012.

21) Le 8 février 2013, l’office des poursuites de Genève a informé l’OCPM que M. B______ faisait l’objet de poursuites pour un montant de CHF 190'396.60. Le montant des actes de défaut de biens s'élevait à CHF 112'687.65.

22) Par décision du 6 mai 2013, l'OCPM a enregistré le départ de la famille de Suisse et a, en conséquence, prononcé la caducité des autorisations d'établissement de M. B______ et de ses enfants mineures, C______ et D______ B______, et a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de Mme A______, considérant qu'ils avaient quitté le canton de Genève pour élire domicile à l'étranger depuis plus de six mois et que le centre de leurs intérêts s'était ainsi déplacé à l'étranger.

23) Par acte du 6 juin 2013, M. B______ et Mme A______, agissant pour eux-mêmes et pour leurs enfants mineures C______ et D______ B______, ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) concluant, à son annulation et à ce qu'il soit constaté que leur situation n'autorisait pas la révocation de l'autorisation d'établissement de
M. B______ et de ses filles, ni de l'autorisation de séjour de Mme A______.

Le 1er décembre 2008, M. B______ avait pris en location un appartement à Juvigny, tout en conservant celui de Versoix, devenu trop exigu pour y loger toute la famille, répartissant ainsi ses membres entre les deux logements. Il était victime de la pénurie de logement qui sévissait à Genève, M. B______ étant, au surplus, selon la coutume de son pays, responsable de toute sa famille se trouvant à Genève, notamment de sa femme, de ses deux filles mineures, de ses deux fils majeurs et de sa mère ainsi que sa famille résidant au Sénégal, soit de quatorze proches.

La décision de prendre un appartement en location à Juvigny résultait d'une erreur, M. B______ ayant cru être en droit d'agir de la sorte, dès lors qu'il était au bénéfice d'une autorisation d'établissement et que tant lui-même que sa famille occupaient toujours le logement de Versoix. C______ et D______ avaient poursuivi leur scolarité à Genève et lui-même s'y rendait quotidiennement pour exercer son activité professionnelle. N'ayant pris conscience de se trouver en infraction qu'à réception du préavis de l'OCPM, la famille était immédiatement retournée vivre à Genève en se logeant dans le local commercial de M. B______. Par ailleurs, les assurances-maladies de toute la famille avaient toujours été payées en Suisse.

M. B______ vivait à Genève depuis dix-huit ans et était parfaitement intégré. Ses deux filles avaient toujours vécu à Genève et n'avaient aucune attache avec le pays d'origine de leur père.

24) Le 6 juin 2013, M. B______ a été entendu par la police judiciaire, suite à une plainte pénale pour escroquerie déposée par l'hospice. Il avait signé un contrat de bail à loyer pour un appartement situé à Juvigny. Sa famille avait commencé à faire la navette entre cet appartement et celui de Versoix. Ses deux fils aînés avaient continué à vivre à Versoix, tandis que lui-même, sa mère, sa femme et leurs deux filles vivaient plutôt en France.

25) Dans ses observations du 8 août 2013, l’OCPM a conclu au rejet du recours de M. B______, de Mme A______ et de leurs enfants. Les arguments invoqués par ceux-ci n'étaient pas de nature à modifier sa position.

Les enquêtes menées par l'OCE et par l'OCPM en 2011, les faits retenus par le Ministère public dans son ordonnance du 12 décembre 2012, les déclarations de Mme A______ des 14 juin 2012 et 4 février 2013 ainsi que celles de M. B______ lors de son audition par la police du 6 juin 2013 confirmaient sans équivoque que les intéressés avaient déplacé le centre de leurs intérêts en France, où ils avaient résidé pendant plusieurs années, tout en gardant une adresse postale à Versoix. Conformément à la jurisprudence, le fait que les enfants aient poursuivi leur scolarité dans le canton de Genève n'était pas pertinent, pas plus que les déplacements professionnels effectués fréquemment par M. B______ en Suisse.

26) Par ordonnance pénale du 8 août 2013, le ministère public a condamné
M. B______ à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende pour escroquerie à l'encontre de l'hospice. M. B______ avait fourni une adresse de domiciliation à Genève et cité trois comptes bancaires dont il était titulaire, alors que son lieu de résidence effectif se trouvait en France et qu'à lui seul, il disposait de six comptes bancaires.

27) Par ordonnance pénale du même jour, le ministère public a condamné
Mme A______ à une peine pécuniaire de nonante jours-amende avec sursis pour escroqueries à l'encontre de l'hospice pour les mêmes faits.

28) Le 9 octobre 2013, le TAPI a entendu les parties lors d'une comparution personnelle.

a. Selon M. B______, lui et sa famille avaient quitté l'appartement qu'ils occupaient en France le 11 mars 2013 pour s'installer dans ses locaux professionnels au ______ rue J______à Genève, qu'ils avaient quitté le 6 octobre 2013 en raison de leur affectation pour s'installer chez des amis à Eysins dans le canton de Vaud. Il était en train de faire des démarches pour prendre en sous-location un appartement aux Acacias.

Il avait pris à bail l'appartement situé à Versoix en juin 2008, qu'il avait intégré avec cinq membres de sa famille. Il s'agissait d'un appartement de trois pièces, trop exigu. Il avait donc cherché immédiatement une solution de logement, qu'il n'avait pas trouvée à Genève, mais finalement en France voisine. Il avait contacté l'OCPM à l'époque pour lui demander s'il lui fallait entreprendre des démarches particulières pour occuper une résidence secondaire en France en tant que titulaire d'un permis d'établissement. Il avait reçu une réponse négative de la part de l'office.

Après deux mois d'échange des appartements les week-ends, ses deux fils étaient restés définitivement à Versoix, tandis que lui-même et le reste de sa famille habitaient à Juvigny, dormant néanmoins de temps à autre à Versoix. Cette situation avait perduré jusqu'en 2012. Pendant ce temps, sa fille aînée était scolarisée à Thônex et sa cadette gardée par son épouse, qui ne travaillait pas. Actuellement, D______ était scolarisée à Versoix et C______ à l'école des Eaux-Vives.

À l'automne 2011, un collaborateur de l'hospice avait effectué une visite à Versoix et avait constaté que certaines des affaires de la famille s'y trouvaient toujours.

Il regrettait également les infractions pénales commises.

b. Mme A______ n'avait pas travaillé depuis 2008. Le couple et les enfants avaient pris un appartement en France car celui de Versoix était trop petit. Son mari faisait l'objet de poursuites, de sorte qu'il était impossible de trouver un autre logement à Genève, malgré les nombreuses recherches effectuées. La famille avait vécu pendant quatre ans dans l'appartement de Juvigny tout en continuant à effectuer des recherches pour trouver un logement à Genève, parvenant à la conclusion que seule une sous-location était possible.

c. Le représentant de l'OCPM a précisé qu'à sa connaissance, l'office n'avait pas encore statué sur une demande tendant à un établissement en France voisine pour des motifs de pénurie de logement. Cependant, si le requérant avait l'intention de revenir en Suisse, vraisemblablement l'OCPM donnerait une suite favorable à une telle demande, étant toutefois précisé que les personnes titulaires d'un permis C s'établissant en France ne pouvaient pas travailler en Suisse, dans la mesure où elles ne pouvaient obtenir un permis G (frontalier).

29) Par jugement du 24 octobre 2013, le TAPI a rejeté le recours de
M. B______, de Mme A______ et de leurs enfants.

Il ressortait du dossier que M. B______ s'était concrètement installé en France avec son épouse et leurs filles entre le 1er décembre 2008 et le mois d'octobre 2012, sans solliciter de l'OCPM l'octroi d'une autorisation, qui aurait éventuellement pu leur permettre de quitter le territoire suisse pour un temps compris entre six mois et quatre ans. Le fait d'être régulièrement revenu en Suisse et d'y avoir formellement conservé le bail d'un appartement ne remettait pas en cause l'effectivité de ce changement de lieu de résidence. Admettre qu'un étranger titulaire d'une autorisation d'établissement puisse durablement vivre en France revenait à faire abstraction d'un élément essentiel conditionnant l'octroi d'une telle autorisation, soit la présence effective de l'étranger en Suisse. Les recourants s'étaient eux-mêmes arrogés les prérogatives – incompatibles avec les permis C et B qui leur avaient été délivrés – conférées au titulaire d'un permis G, cette manière illicite de procéder ne pouvant pas être justifiée par la crise du logement sévissant à Genève. Au demeurant, la véritable raison pour laquelle la famille ne parvenait pas à trouver un appartement dans le canton résidait bien plus dans le fait que M. B______ faisait l'objet de poursuites, et non du nombre insuffisant de logements disponibles.

30) Le 14 novembre 2013, le foyer pour femme « K______» a attesté que Mme A______ et ses deux filles y étaient hébergées depuis le
14 octobre 2013.

31) Par acte du 27 novembre 2013, M. B______ et Mme A______ agissant pour eux-mêmes et pour leurs enfants mineures, C______ et D______ B______, ont recouru contre le jugement précité du TAPI auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) concluant, avec « suite de frais et dépens », à son annulation et à ce qu'il soit constaté que leur situation n'autorisait pas la révocation de l'autorisation d'établissement de M. B______ et de ses filles, ni de l'autorisation de séjour de Mme A______. Subsidiairement, ils ont conclu à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de leur délivrer des permis de séjour.

Ils reprenaient en substance les arguments développés dans leur précédent recours, précisant qu'après un bref passage à Eysins chez un couple d'amis, ils avaient trouvé à louer une chambre dans un appartement de 90 m2 qu'ils occupaient actuellement.

M. B______ remplissait les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour en vertu de la législation relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative dans la mesure où son précédent séjour en Suisse avait duré plus de cinq ans et son départ ne remontait pas à plus de deux ans. Quant aux autorisations de séjour de Mme A______ et ses filles, elles pouvaient être renouvelées pour motif de regroupement familial lié au permis de séjour de
M. B______.

32) Le 4 décembre 2013, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

33) Le 9 décembre 2013, l'hospice a attesté que Mme A______ et ses deux filles bénéficiaient des prestations d'aide financière.

34) Par décision du 10 décembre 2013, M. B______ a été mis au bénéfice de l'assistance juridique.

35) Le 15 janvier 2014, l'OCPM a répondu au recours, concluant à son rejet et à la confirmation du jugement du TAPI du 24 octobre 2013.

Il a, en substance, repris l'argumentation développée précédemment, précisant que dans la mesure où le départ de M. B______ et de sa famille remontait à décembre 2008, les intéressés ne remplissaient plus les conditions cumulatives relatives à la réadmission en Suisse, selon lesquelles leur départ ne devait pas remonter à plus de deux ans.

36) Dans leur réplique du 28 février 2014, M. B______ et Mme A______ ont persisté dans leurs conclusions et leur argumentation, précisant s'être séparés le
15 janvier 2014 en raison du stress généré par l'incertitude dans laquelle ils vivaient depuis le début de la procédure et de l'exiguïté de leur nouveau logement. Les époux se voyaient toutefois toujours et étaient en pourparlers pour reprendre la vie commune.

Les infractions que M. B______ avait commises par le passé étaient la conséquence de son ignorance de ce qu'il ne pouvait bénéficier d'allocations de chômage et d'aide sociale en étant partiellement domicilié en France, alors qu'il se considérait toujours domicilié en Suisse.

37) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant conteste le bien-fondé de la décision de l’OCPM du 6 mai 2013, prononçant la caducité de son autorisation d’établissement ainsi que celles de ses enfants mineures.

a. Tout étranger désireux de s'établir en Suisse doit obtenir une autorisation de séjour pour ce faire (art. 10 et 11 de la loi fédérale sur les étrangers du
16 décembre 2005 - LEtr - RS 142.20; arrêt du Tribunal fédéral
2D_154/2008 du 8 janvier 2009 consid 2.3.2). Lorsqu'il en remplit les conditions, il reçoit un titre de séjour qui fixe l'autorisation dont il est titulaire (art. 41 LEtr).

b. L'autorisation d'établissement est octroyée pour une durée indéterminée
(art. 34 al 1 LEtr). Celle d’un étranger quittant la Suisse sans déclarer son départ prend automatiquement fin après six mois. Sur demande, elle peut être maintenue pendant quatre ans (art. 61 al. 2 LEtr).

Les délais prévus à l’art. 61 al. 2 LEtr ne sont pas interrompus en cas de séjour temporaire en Suisse à des fins de visite, de tourisme ou d’affaires (art. 79 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative - OASA - RS 142.201). La demande de maintien de l’autorisation d’établissement doit être déposée avant l’échéance du délai de six mois prévu par l'art. 61 al. 2 LEtr (art. 79 al. 2 OASA).

Selon la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_853/2010 du 22 mars 2011 consid. 5.1 et 2C_43/2011 du 4 février 2011 consid. 2), confirmant celle, constante, rendue à propos de l’art. 9 al. 3 let. c de l’ancienne loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE - RS 142.20) abrogée par la loi sur les étrangers mais qui reste applicable au regard de l'art. 61 al. 2 LEtr (arrêt du Tribunal fédéral 2C_408/2010 du 15 décembre 2010
consid. 3.3), l'autorisation d'établissement prend fin lorsque l'étranger séjourne à l'étranger de manière ininterrompue pendant six mois consécutifs, quelles que soient les causes de cet éloignement et les motifs de l'intéressé (ATF 120 Ib 369 consid. 2c et d p. 372 s.; 112 Ib 1 consid. 2a p. 2 et ss).

Il se peut, cependant, que l'étranger passe l'essentiel de son temps hors de Suisse, voire y transfère son domicile ou le centre de ses intérêts, sans jamais y rester plus de six mois consécutivement, revenant régulièrement en Suisse pour une période relativement brève. On voit mal, dans ce cas, qu'une autorisation d'établissement puisse subsister, même si l'étranger garde un appartement en Suisse (ATF 120 Ib 369 consid. 2c p. 372).

Selon des principes développés dans d'autres domaines du droit et appliqués par analogie, pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de cette personne qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire une semblable intention (ATF 133 V 309 consid. 3.1 p. 312 ; 119 II 64 consid. 2b/bb p. 65; 113 II 5 consid. 2 p. 7 ss. ; 97 II 1 consid. 3 p. 3 ; ATA/535/2010 du 4 août 2010 consid. 6).

Lorsque l'étranger passe plusieurs années dans son pays d'origine, tout en interrompant régulièrement le délai de six mois de l'art. 61 al. 2 LEtr par un séjour en Suisse, l'extinction de l'autorisation d'établissement doit dépendre de son centre d'intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 2C_408/2010 du 15 décembre 2010
consid. 4.2). La jurisprudence admet notamment, dans certaines limites, qu'un enfant qui retourne dans sa patrie pour y acquérir une formation puisse rester au bénéfice d'une autorisation d'établissement, s'il revient en Suisse dans le délai de six mois pour passer toutes les vacances scolaires auprès de ses parents (arrêt du Tribunal fédéral 2A.377/1998 du 1er mars 1999 consid. 3). Cependant une telle situation ne doit pas durer trop longtemps ; sinon il y a lieu de considérer que le centre d'intérêts de l'enfant se trouve dans son pays d'origine et que son autorisation d'établissement a pris fin (arrêts du Tribunal fédéral 2C_853/2010 consid. 5.1 et 2A.311/1999 du 26 novembre 1999 consid. 2).

3) En l'espèce, il est établi que le recourant a pris un bail dès le 1er décembre 2008 pour lui-même et sa famille à Juvigny, en France voisine. Les recourants prétendent qu'à partir de cette date et jusqu'au mois d'avril 2012, ils faisaient la navette entre Juvigny - leur « résidence secondaire » - et Versoix, vivant la semaine à Juvigny et le week-end à Versoix. Cette allégation, contredite par les propres déclarations du recourant formulées lors de l'audience devant le TAPI, par les renseignements de M. G______, concierge en charge de l'immeuble sis route H______ ______ à Versoix, et les ordonnances pénales, n'est démontrée par aucun élément probant. Sont, au surplus, à relever les divergences du recourant dans ses explications à l'intention des autorités, notamment le fait d'avoir, le 9 novembre 2012, indiqué avoir pris un appartement en location en France voisine en tant que résidence secondaire pour ses deux fils majeurs, avant d'admettre, à la suite de la condamnation pénale du 12 décembre 2012, que lui-même, son épouse et leurs deux filles vivaient en France voisine. Au demeurant, il n'est pas vraisemblable que les recourants aient passé des week-ends entiers dans l'appartement de Versoix, alors qu'ils se sont plaints de son exiguïté. D'éventuelles visites aux deux fils majeurs du recourant logeant dans cet appartement ne signifierait pas encore la domiciliation dans le canton de Genève.

Le fait que les enfants aient poursuivi leur scolarité dans le canton de Genève ainsi que les séjours ponctuels, notamment des week-ends ou pour des besoins professionnels, que les recourants auraient passés sur le territoire helvétique, ne sont pas pertinents, pas plus que le fait que les primes d'assurance-maladie de la famille ont été versées pendant toute la période d'absence de Suisse. C'est à leur domicile à Juvigny que les recourants se retrouvaient, mangeaient et dormaient, tous ensemble. C'est donc en France voisine qu'ils ont, dès le
1er décembre 2008, séjourné au sens de la loi.

Les recourants n'ont à aucun moment formé une demande en vue de maintien de leur autorisation d'établissement pour une durée comprise entre six mois et quatre ans.

Comme l'a retenu le TAPI, ils n'étaient pas fondés, sans l'autorisation de l'autorité intimée, à se mettre de facto au bénéfice d'une situation de frontaliers.

Effectivement parti pour l'étranger, depuis le 1er décembre 2008 jusqu'au
11 mars 2013 - et non jusqu'au mois d'octobre 2012, comme retenu par le TAPI, compte tenu des déclarations du recourant à l'audience du 9 octobre 2013 - soit pendant plus de quatre ans, le recourant n'est donc revenu en Suisse que pour des séjours d'affaires relativement courts, qui, au regard de la jurisprudence susmentionnée, n'ont pas interrompu dans ces conditions le délai de six mois.

Sur la base des éléments susmentionnés, le TAPI a confirmé à juste titre que le recourant et ses enfants ont déplacé le centre de leurs intérêts en France voisine, de sorte que leur autorisation d'établissement avait pris fin automatiquement, en précisant que le délai d'extinction n'avait pas été interrompu par les séjours temporaires que le recourant avait effectués en Suisse.

4) Le recourant sollicite à titre subsidiaire l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur la réadmission des étrangers en Suisse.

a. Il est possible de déroger aux conditions d’admission prévues par les art. 18 à 29 LEtr notamment pour faciliter la réadmission en Suisse d’étrangers qui ont été titulaires d’une autorisation de séjour ou d’établissement (art. 30 al. 1 let. k LEtr).

Les étrangers qui ont déjà été en possession d’une autorisation de séjour ou d’établissement peuvent obtenir une autorisation de séjour ou de courte durée : si leur précédent séjour en Suisse a duré cinq ans au moins et n’était pas seulement de nature temporaire au sens de l'art. 34 al. 5 LEtr (art. 49 al. 1 let. a. OASA), et si leur libre départ de Suisse ne remonte pas à plus de deux ans (art. 49 al. 1 let b. OASA).

b. En l'espèce, il est établi que le départ de Suisse des recourants ainsi que leurs enfants remonte au mois de décembre 2008. Ils y sont revenus seulement le 11 mars 2013 pour s'installer dans les locaux professionnels de M. B______ au ______ rue J______à Genève. Dès lors, ils ont résidé hors de Suisse pendant plus de quatre ans, de sorte que l'une des conditions cumulatives de
l’art. 49 al. 1 OASA n'est, en tout état de cause, pas remplie.

Par conséquent, le recourant ne peut recevoir un permis de séjour fondé sur cette disposition.

5) La recourante sollicite le renouvellement de son autorisation de séjour.

a. Aux termes de l'art. 43 al. 1 LEtr, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation d'établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, à condition de vivre en ménage commun avec lui. Les conditions sont plus restrictives pour le conjoint et les enfants étrangers du titulaire d'une autorisation de séjour, selon l'art. 44 LEtr.

Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective (ATF 131 II 265 consid. 5 p. 269 ; 129 II 193 consid. 5.3.1 p. 211) avec une personne de sa famille résidant durablement en Suisse (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 p. 145 ss ; 130 II 281 consid. 3.1 p. 285 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_345/2009 du
22 octobre 2009 consid 2.2.2).

b. En l'espèce, Mme A______ s'est mariée à M. B______ le 5 juin 2007. De ce fait, elle a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour valable jusqu'au 5 juin 2012. Toutefois, dans la mesure où M. B______ ne dispose plus d'autorisation d'établissement et ne peut pas prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour, elle a aussi perdu le droit à la prolongation de son autorisation de séjour au titre du regroupement familial.

6) Mal fondé, le recours sera rejeté.

Aucun émolument ne sera perçu, dans la mesure où les recourants plaident au bénéfice de l'assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 novembre 2013 par M. B______ et Mme A______ agissant pour eux-mêmes et en qualité de représentants de leurs enfants mineures, C______ et D______ B______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 octobre 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Monica Kohler, avocate des recourants, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.