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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3046/2021

ATA/296/2022 du 22.03.2022 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3046/2021-MARPU ATA/296/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 mars 2022

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Christophe Claude Maillard, avocat

contre


COMMUNE B______
FONDATION C______
représentées par Me Flavien Valloggia

et

D______ SUISSE SA
représentée par Me Laurent Strawson, avocat



EN FAIT

1) Le 10 juin 2021, la commune B______ (ci-après : la commune) a publié sur le site Internet simap.ch un appel d'offres pour un marché public de travaux de constructions en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux.

Le marché avait pour titre « Rue du E______ – Assainissement et aménagement de surface » et portait sur des « Travaux de génie civil comprenant le réaménagement de la chaussée et des espaces piétonniers et le renouvellement du réseau d’assainissement, nécessitant la reconstruction de réseaux EU et EC ainsi que la construction d’une station de pompage ». Le marché n'était pas divisé en lots et sa durée était fixée du 11 octobre 2021 au 15 mars 2023.

Selon le dossier d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur était la commune et la Fondation C______ (ci-après : la C______) qui s'étaient adjoint l'appui du bureau d'ingénieurs F______ SA. Le comité d'évaluation était composé de deux représentants de la C______, d'un représentant de la commune et d'un représentant de F______ SA, sans droit de vote.

2) Selon le document figurant dans l'appel d'offres, les critères et sous-critères d'adjudication ainsi que leur pondération étaient :

1.      Prix (35 %)

1.1 Selon méthode T2

2.   Planning, phasage et méthodologie d'exécution (25 %)

2.1 Planning intentionnel (R6)

2.2 Phasage des travaux (R7)

2.3 Méthodologie d'exécution (R7)

3. Qualité des références (20 %)

3.1 Trois références en rapport avec le marché (Q9)

4. Répartition des tâches, responsabilités pour l'exécution du marché (15 %)

4.1 Organisation de l'entreprise pour l'exécution du marché (R8)

4.2 Qualité des personnes-clés (contremaître et conducteur de travaux), y compris CV (R9)

4.3 Sensibilité et organisation de l'entreprise sur l'aspect environnemental lors de l'exécution des travaux (R10)

5. Formation des apprentis (5 %)

5.1 Selon annexe T6.

3) Sept entreprises, dont A______ SA (ci-après : G______) et D______ SA (ci-après : D______), ont déposé des offres recevables.

Ces deux sociétés ont été invitées, par courriel du 9 août 2021, à clarifier et confirmer certains prix pour le 11 août 2021. D______ a donné suite à cette demande de confirmation de vingt-six prix et d'analyse détaillée de huit prix, alors que G______ n’a pas répondu à la demande portant sur cinquante-neuf confirmations de prix et dix-huit analyses détaillées ainsi que sur deux questions complémentaires.

4) a. Le 25 août 2021, la C______ a informé G______ que les travaux de renouvellement du réseau d’assainissement et de raccordements privés avaient été adjugés à D______ pour un montant de CHF 1'948'950.25 et qu'elle avait été classée en deuxième position sur sept offres évaluées.

b. Le 2 septembre 2021, la commune a informé G______ que le marché avait été adjugé à D______ pour le montant de CHF 1'893'323.40, à la charge de la commune et pour CHF 1'948'950.25, à la charge de C______. L’offre de D______ remplissait les conditions d’adjudication et avait été jugée la plus avantageuse, conformément à la grille d’évaluation annexée. G______ avait été classée deuxième sur sept offres évaluées et au terme du processus d’évaluation, D______ avait obtenu 392.84 points, alors que G______ en avait obtenu 385.65.

5) Le 10 septembre 2021 G______ a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre les décisions des 25 août et 2 septembre 2021 de la C______ et de la commune, contestant l’évaluation de trois critères. La chambre administrative a enregistré le recours sous deux numéros de causes (A/3046/2021 et A/3110/2021) concernant les deux parties du marché public litigieux.

Selon les explications orales qui lui avaient été données le 7 septembre 2021, elle avait obtenu pour le sous critère « méthodologie » la note de 2.5, justifiée par l’absence d’indications spécifiques concernant le raccordement sur la route du H______ et les travaux de la station de pompage (ci-après : STAP). Or, ces travaux ne concernaient que 7 ou 8 % de la valeur totale du marché public et ne présentaient pas de difficultés. Si elle avait obtenu une note de plus sur ce sous-critère, elle aurait pris la première place.

Pour le critère « référence », il lui avait été expliqué que celles relatives à des chantiers d’un montant inférieur à CHF 4'000'000.- étaient écartées, ce qui ne ressortait toutefois pas de l’appel d’offres. Il en allait de même des références écartées au motif qu’elles concernaient le groupe G______ et non la succursale. Or, une amélioration de seulement 0.4 point lui aurait fait prendre la première place.

La note relative à la formation d’apprentis résultait d’un calcul incompréhensible. Dès lors que son ratio était de 17 %, elle aurait dû obtenir 5 points pour ce critère, la plaçant derechef en première position.

Elle demandait à avoir accès aux annexes R7 (méthodologie), Q9 (références) et Q4/T6 (formation professionnelle) de D______ se rapportant aux critères précités.

6) Le 17 septembre 2021, G______ a précisé que sous réserve de sa pièce 7 (extrait de la série de prix), elle levait la confidentialité sur les autres pièces, sous réserve de réciprocité.

7) Le 24 septembre 2021, se déterminant sur la requête d’effet suspensif, D______ a relevé que les travaux présentaient une certaine urgence, dès lors que le planning initial avait déjà été retardé par la pandémie. Les travaux s’inscrivaient dans le prolongement de la mise en conformité de la zone industrielle du H______. Elle prévoyait d’affecter en moyenne 14,5 personnes au chantier pendant onze mois, ne sous-traitant que moins de 5 % des travaux. Faute de pouvoir planifier le début des travaux, initialement prévus le 18 octobre 2021, elle avait affecté les équipes concernées à d’autres chantiers. Le report de trois mois du début du chantier aurait un coût de CHF 137'873.40 par mois.

8) Le 24 septembre 2021, la commune et la C______, s’exprimant dans une seule et même écriture, ont conclu au rejet de la requête d’effet suspensif. Préalablement, elles ont requis la jonction des deux procédures et conclu au refus de l’accès aux pièces désignées confidentielles par leurs soins.

Le marché public portait sur une emprise d'environ 5'500 m2 et comportait la mise en conformité des réseaux d'assainissement sur environ 650 m, le réaménagement de l'espace public de la rue du E______ ainsi que la réalisation d'une nouvelle STAP. Il portait sur un premier objet, soit la mise en conformité des canalisations du réseau secondaire par la construction de nouveaux collecteurs d’eaux, la réhabilitation par robotique d’un tronçon de canalisation et la construction d’une nouvelle station de pompage des eaux usées – projet porté et financé par la C______. Le marché public portait sur un second objet, soit les aménagements de requalification des espaces publics, y compris paysagers – projet porté et financé par la commune. Ces deux objets étaient liés, raison pour laquelle un seul appel d’offres avait été formulé mais la commune avait agi comme organisatrice de la procédure d’adjudication.

En raison d’une erreur de coordination, une première décision d’adjudication avait été rendue le 25 août 2021. Toutefois, seule la décision du 2 septembre 2021 était complète et constituait la décision formelle relative à la procédure d’adjudication, la première était caduque.

Elles exposaient en détail les critères d’évaluation retenus et leur pondération pour l’adjudicataire et la recourante. Pour le critère « méthodologie », tant D______ que la recourante avaient obtenu la note 2.5, soit une note jugée insuffisante, du fait que leur dossier respectif était lacunaire.

Pour le critère « références », la recourante avait obtenu la note 2.67. Pour sa première référence, le maître de l’ouvrage et la direction des travaux avaient indiqué que la gestion des riverains n’avait pas été satisfaisante au regard des multiples séances de coordination qui avaient été nécessaires afin d’atténuer et de prévenir les tensions survenues durant la réalisation des travaux. Le montant des travaux avait été inférieur à CHF 4'000'000.- et n'était donc pas en adéquation avec le marché concerné. Les travaux n’avaient pas comporté la réalisation d’une station de pompage et n’avaient pas nécessité de coordination avec des entreprises extérieures. Pour les deuxième et troisième références, les travaux concernés n'avaient pas non plus nécessité de coordination avec des entreprises extérieures et ne comportaient pas de travaux de raccordement avec des parcelles privées ni de pompage. Elles avaient fait preuve de mansuétude en acceptant les références 2 et 3, qui concernaient des chantiers qui n’avaient pas été réalisés par la succursale qui avait soumissionné.

S'agissant du critère « formation », la note généreuse obtenue par la recourante, était due au fait que le nombre d'apprentis formés était celui du groupe (172) et non celui, inconnu, de la succursale B______ qui avait déposé l'offre. Le ratio était fondé sur les chiffres de 77.15 équivalents plein temps (EPT). Les 1'030.65 EPT du groupe n'avaient pas pu être pris en considération car les attestations relatives au groupe n'avaient pas été présentées au dépôt de l'offre. Le calcul du ratio était donc en faveur de la recourante. Par ailleurs, le comité d’évaluation avait demandé des précisions sur des éléments peu cohérents du prix auxquels la recourante n’avait pas répondu.

Les autorisations de construire étaient en force et le planning initial avait pris beaucoup de retard en raison de la pandémie. La réalisation des travaux était d’un intérêt public évident tant au regard de la préservation de l’environnement (réparation de tout le réseau d’eaux pluviales et usées, changement de la STAP afin de supprimer les déversements d’eaux polluées dans le Rhône) et de la sécurité et du bien-être des usagers de la zone (création de trottoirs, d’espaces publics, de zones végétalisées, réfection de l’éclairage public etc.). En cas d’octroi de l’effet suspensif, les maîtres de l’ouvrage se trouveraient face à des incertitudes de planification, d’organisation et de respect des budgets votés et des retards conséquents pour tout le réaménagement.

9) Dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a relevé que le sous-critère visant à ce que les références produites concernent un marché public comparable dont le coût s’était élevé à CHF 4'000'000.- n’avait pas été publié. En rajoutant 0.5 point ôté au motif que la référence ne se rapportait pas à la valeur seuil, elle aurait remporté le marché. Les informations relatives aux travaux de collecteurs figuraient sur le rapport technique, de sorte que les autorités intimées ne pouvaient la pénaliser sous l’angle de la méthodologie. Il n’y avait aucune urgence, les travaux concernaient la réfection d’une route se raccordant à un nouveau tronçon réalisé par elle-même et il n’y avait aucune réorganisation ou redirection importante du trafic.

10) Le 20 octobre 2021, la chambre administrative a restitué l'effet suspensif au recours après avoir joint les causes sous le numéro de cause A/3046/2021.

11) Le 4 novembre 2021, la commune et la C______ ont répondu au recours, concluant à son rejet ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

Le réaménagement de la zone industrielle et artisanale du H______ était actuellement en cours. Le premier des trois objets principaux, soit la réalisation d'une nouvelle desserte entre la route du H______ et la rue du E______ était terminée (phase 1) et avait fait l'objet d'une adjudication de travaux à G______. Ces travaux portaient sur une emprise d'environ 3’500 m2 et comportaient la réalisation d'environ 370 m linéaires d'un réseau ainsi que la création des aménagements de bord de route, d'un montant s'approchant de CHF 4'000'000.-, compte tenu des plus-values nécessaires, par rapport à un montant initial de l'adjudication à CHF 2'800'000.-.

La seconde phase des travaux de réaménagement, objet de la procédure, avait été exposée en détail lors d'une séance d'information le 14 avril 2021. Un représentant de G______ était présent et avait dès lors été informé en primeur des éléments traités en plus des éléments contenus dans l'appel d'offres ultérieur. Cette phase, composée de deux objets, chacun financé par un maître d'ouvrage différent, avait donné lieu à un appel d'offres commun, en raison des contraintes constructives et des impératifs de coordination.

L'analyse approfondie et les réponses spécifiques qui étaient attendues des candidats, au regard des contraintes exposées dans les conditions particulières de l'offre, devaient permettre d'éviter que des prix « cassés » soient proposés, fondés sur une offre standardisée et générale.

Le détail de la notation de l'offre de la recourante était exposé. Ces développements seront repris dans la mesure utile dans la partie en droit du présent arrêt.

12) Le 22 décembre 2021, la recourante a répliqué.

Les trois références présentées étaient « en rapport avec le marché », contrairement à ce que soutenaient les autorités intimées, relevant qu'elles n'atteignaient pas le seuil de CHF 4'000'000.-, lequel avait été déterminé à titre interne. Ce raisonnement violait le principe de la transparence et celui de la confiance, ce seuil ne pouvant être estimé et évalué par simple calcul. Il s'agissait d'un sous-critère non publié et partant non admissible.

Si les offres trop basses devaient être pénalisées pour privilégier les soumissions s'approchant d'un certain prix de référence, les intimées auraient dû choisir une règle différente et la communiquer dans les documents d'appel d'offres ou diminuer la pondération du critère relatif au prix. À cela s'ajoutait que les trois références de D______ portaient sur des marchés de CHF 8'000'000.- à 9'000'000.- et de CHF 34'500'000.-. Ces montants n'étaient pas non plus proches des CHF 4'000'000.- de référence. En s'appuyant sur une valeur seuil de CHF 4'000'000.-, les intimées l'avaient gravement pénalisée de 0,5 points pour chacune des trois références, soit 0,5 point sur la note du critère, donc 10 points sur le score final après pondération à 20 %. Cela suffisait à modifier le résultat de l'évaluation. Les intimées avaient abusé de leur pouvoir d'appréciation en retirant systématiquement des points pour « inadéquation des références présentées », en comparaison des travaux prévus par le marché litigieux.

Pour le critère 2, il lui était reproché de n'avoir pas respecté le format du planning d'intention et d'avoir présenté un grand format A0. Or, c'était pour garantir une meilleure lisibilité, le document comptant cent vingt lignes d'étapes et de tâches à exécuter. Le reproche tombait à faux.

Il lui était reproché de n'avoir pas indiqué les mesures de coordination qu'elle comptait entreprendre. Or, cette exigence ne résultait nullement des conditions particulières de l'appel d'offres. Elle avait été doublement pénalisée pour le même motif. 0,5 point avait été enlevé dans l'évaluation du critère 2 et 0,5 point pour chaque référence au motif que « les travaux réalisés présentés dans la référence n'avaient pas nécessité de coordination particulière avec des entreprises extérieures, par exemple des paysagistes ».

La notation pour le sous-critère « phasage des travaux » était maximale à l'exception de celle du sous-sous-critère « description ou représentation d'une sous-étape type » pour lequel elle avait perdu 0,5 point. Pourtant les griefs formulés dans la réponse au recours n'étaient pas cohérents avec la notation des autres sous-sous-critères.

Pour la notation du sous-critère « méthodologie d'exécution », elle avait obtenu 2,5 points, à l'instar de D______. Pourtant par rapport à cette dernière, sa « présentation de la gestion administrative du chantier » avait été jugée meilleure que celle de D______ (+ 0,5 point) alors que dans la réponse au recours cette présentation avait été jugée « très lacunaire ». S'agissant de la « description de la méthodologie des travaux de la station » elle avait perdu 0,5 point par rapport à D______ et aurait fait « l'impasse » sur la nouvelle STAP. Or, elle avait obtenu le maximum de points pour le sous-sous-critère « travaux station de pompage représentés » s'agissant du sous-critère « planning intentionnel ». Elle avait rempli la condition particulière en indiquant les sept étapes du chantier. On ne voyait pas en quoi la demande du pouvoir adjudicateur d'indiquer les étapes du chantier en référence au point 361.120 des conditions particulières ne serait pas entièrement satisfaite (question 1).

À la question 2, en plus de décrire précisément, pour chaque étape, les travaux qui seraient réalisés, elle renvoyait expressément à son planning qui avait été jugé excellent (avec le maximum de points sous l'angle de cinq sous-critères). L'on ne pouvait donc retenir, de manière contradictoire, que son dossier était à ce point lacunaire qu'il démontrait qu'aucune réflexion de fond n'avait été faite, comme on le lui reprochait.

13) Le 31 janvier 2022, D______ s'est déterminée, concluant au rejet du recours ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

La recourante avait émis une offre très largement inférieure à celles des autres entreprises, ce qui posait question. De plus, ce critère n'était pas déterminant. Sa propre offre avait été largement mieux notée pour les quatre autres critères.

Elle détaillait ensuite les différents critères et leur évaluation en comparaison de celle de la recourante. Son argumentation sera reprise en tant que de besoin ci-dessous.

14) Le 24 février 2022, les autorités intimées ont déposé des observations.

La grille d'évaluation utilisée pour guider la notation des offres par le comité d'évaluation ne constituait pas des sous-critères non publiés.

Les références présentées par la recourante avaient été évaluées comme les moins adéquates de celles présentées par tous les soumissionnaires, par rapport à l'ampleur des travaux prévus et à leur complexité. À l'inverse, celles de D______ avaient obtenu la meilleure note.

Pour le critère 2, la compréhension des travaux, la recourante remettait en question l'évaluation faite et les attentes du maitre d'ouvrage en interprétant l'appel d'offres et le cahier des charges, substituant son appréciation à celle de l'autorité adjudicatrice.

15) Le 1er mars 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. f et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2) La recourante invoque la violation du principe de la transparence en lien avec l'évaluation de trois critères.

La transparence des procédures de passation des marchés n'est pas un objectif, mais un moyen contribuant à atteindre le but central du droit des marchés publics qui est le fonctionnement d'une concurrence efficace, garanti par l'ouverture des marchés et en vue d'une utilisation rationnelle des deniers publics (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et les références citées). Le principe de la transparence est garanti par les art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP et exige du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions, en spécifiant clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. Ceux-ci doivent être objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/1350/2018 du 17 décembre 2018 consid. 4a).

Le principe de la transparence n'exige pas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié (ATF 143 II 553 consid. 7.7). Une publication n'est nécessaire que lorsque les sous-critères sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié (ATF 130 I 240 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_1/2021 du 8 mars 2021 consid. 5.3).

De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d’appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/368/2015 du 21 avril 2015 ; ATA/972/2014 du 9 décembre 2014).

3) a. En l’espèce, les autorités intimées ont énuméré par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seraient pris en considération lors de l'évaluation des soumissions, en spécifiant clairement l'importance qu’elles entendaient en accorder à chacun d'eux, conformément aux art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP.

L'évaluation de la qualité des références produites, critère pondéré à 20 %, est critiquée par la recourante. Le fait que les références devaient concerner des chantiers d'une valeur de CHF 4'000'000.- ou plus, ne ressortait pas de l'appel d'offres. La prise en compte de cet élément entraînait l'existence d'un seuil, sous-critère non publié, qui ne pouvait pas être estimé ou évalué par simple calcul.

En l'espèce, le document d'appel d'offres demande la production de trois références « en rapport avec le marché ». L'annexe Q9 indique que ces références doivent répondre à plusieurs exigences, soit notamment celle d'être en rapport avec le marché à exécuter en termes de complexité et d'importance, démontrer la capacité, les compétences et l'expérience nécessaires pour le marché à exécuter et correspondre à la nature des travaux tels que demandés dans l'appel d'offre. Le prix des travaux doit être indiqué dans l'annexe Q9 des références de travaux de construction.

S'agissant d'un marché public, le montant total des travaux constitue sans conteste l'un des éléments déterminants d'une offre, et, comme en l'espèce également le critère avec la plus forte pondération. De ce fait, en produisant une offre qui porte sur un montant total d'environ CHF 4'000'000.-, la recourante devait s'attendre à ce que les références demandées, jugées comme étant « en rapport avec le marché », soient également des références portant sur des travaux d'une ampleur similaire, s'agissant aussi de leur prix, lequel reflète notamment l'importance des différents chantiers dans le domaine de construction concerné par le marché.

De plus, en l'espèce, la recourante s'est vu adjuger la phase 1 du réaménagement du secteur pour un montant de près de CHF 2'800'000.-. Le marché portait sur 3'500 m2 et une simple extrapolation lui permettait de calculer le prix du marché litigieux portant sur 5'500 m2, soit environ CHF 4'400'000.-.

En tenant compte dans leur évaluation du prix des travaux offerts en référence, les intimées n'ont donc pas violé le principe de transparence et le grief de la recourante doit être écarté.

b. Dans un autre grief concernant l'évaluation du critère « références », la recourante se plaint que les intimées auraient écarté deux références au motif qu'elles concernaient le groupe G______ et non sa succursale B______.

Or, il appert que ces références ont été prises en compte dans l'évaluation. Le grief tombe donc à faux.

4) La recourante reproche aux autorités intimées la note de 2,5 obtenue pour le sous-critère « méthodologie » du critère 2. Ces travaux ne concernaient que 7 ou 8 % de la valeur totale du marché et ne présentaient pas de difficulté. Elle fait ainsi valoir un abus du pouvoir d'appréciation dans la notation des critères d'adjudication.

a. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/927/2020 précité consid. 4b).

En matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s'agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). Le juge doit veiller à ne pas s'immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l'autorité chargée de l'adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). L'appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999, p. 136, consid. 3a ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).

b. En l'espèce, s'agissant du sous-critère « méthodologie », l'intimée justifie sa notation de l'offre de la recourante par l'absence de descriptions spécifiques des méthodologies qui étaient proposées pour les travaux prévus, par rapport au cahier des charges et par rapport aux conditions particulières de l'appel d'offres. Ces travaux n'étaient pas standard, notamment en raison des particularités qui étaient décrites dans les conditions particulières de l'appel d'offres, soit le maintien de la station de pompage existante en activité lors des travaux, la construction d'une nouvelle station et la gestion de la bascule entre les deux systèmes, le raccordement au réseau EU/EC à prévoir pour les différents propriétaires/superficiaires de la zone, le maintien durant tout le chantier de la circulation, avec la présence de nombreux poids lourds et le maintien de tous les accès privés et des cheminements piétonniers. Ces particularités appelaient des techniques constructives spécifiques et des propositions de méthodes étaient attendues au lieu d'une simple description, parfaitement usuelle, de moyens de génie civil telle celle présentée par la recourante dans l'annexe R7. Aucune réponse concrète aux problèmes soulevés par les particularités du marché n'y figurait. À titre d'exemple, s'agissant de l'élément clé du réaménagement, soit la réalisation de la nouvelle STAP, le dossier de la recourante ne contenait aucun élément spécifique sur cet aspect du projet. L'annexe R7 indiquait pourtant clairement dans les deux questions posées : « quelle serait votre méthodologie et organisation, de manière globale et détaillée, pour l'exécution de l'ensemble des travaux prévus dans l'appel d'offres ? ». Notamment, aucun contact n'avait été pris avec d'autres intervenants, comme les SIG, afin d'obtenir des données sur la STAP existante dans le but d'identifier les besoins et de définir un modus operandi pour les futurs travaux.

La recourante estime qu'en obtenant le maximum de points au sous-sous-critère « travaux station pompage représentés » dans le sous-critère « planning intentionnel » elle avait prouvé que la critique des intimées tombait à faux. En outre, elle avait certifié, comme requis, avoir pris connaissance des conditions particulières demandées et obtenu tous les renseignements jugés utiles. Elle était présumée avoir dûment tenu compte de toutes les spécificités et contraintes techniques, s'agissant en particulier des travaux relatifs à la STAP sans qu'il ne soit encore nécessaire de les reprendre dans l'annexe R7. Finalement, elle renvoyait expressément à son planning qui avait été jugé excellent.

Cette argumentation ne saurait convaincre dans la mesure où l'annexe R7 porte le titre : « méthodes de travail pour atteindre les objectifs fixés en matière d'exécution du marché » et qu'elle précise expressément que les différentes questions posées ont pour but de porter à la connaissance de l'adjudicateur les mesures, les directives, les procédures et/ou les méthodes principales de travail du soumissionnaire pour exécuter de manière optimale les prestations décrites dans le cahier des charges. Il appert ainsi qu'un renvoi à un planning n'est pas équivalent à un descriptif des méthodes de travail, comme requis dans ce sous-critère. De plus, l'absence de description du modus operandi en lien avec les spécificités de la STAP et celle des contacts qu'il aurait été nécessaire de prendre doivent être considérée comme établie, la recourante n'en ayant pas fait état.

En conséquence, rien ne permet de retenir que les intimées auraient abusé ou excédé leur pouvoir d'appréciation en évaluant le sous-critère litigieux.

5) Finalement, la recourante fait grief aux autorités intimées d'avoir noté le critère 5 « Formation d'apprentis » de façon incompréhensible. Sur les quatre dernières années, 172 apprentis avaient été formés et le groupe comprenait 1'030,65 EPT, alors que la succursale B______ en comportait 77,15. Le ratio était donc de 17 % (1721/1'030,65). Elle aurait dû obtenir la note de 5, soit 25 points après pondération, 10 de plus que ceux retenus. Elle avait été discriminée par rapport à la notation des offres concurrentes.

Dans son offre, la recourante n'a pas indiqué dans les cases préétablies le nombre d'apprentis formé par la succursale B______ mais a indiqué le nombre d'EPT de la succursale (77,15) et le nombre d'apprentis formés par le groupe (172). Entre parenthèses et en dehors des cases, elle a indiqué le nombre d'EPT du groupe (1'030,65).

Ainsi, il ne peut être reproché aux autorités intimées d'avoir tenu compte des chiffres présentés dans les cases préétablies pour attribuer leur note. Elles estiment également que l'offre aurait pu être écartée d'emblée faute d'être complète ou également qu'en tenant compte de données inexactes corrigées, soit un apprenti – chiffre qui ressortirait d'autres données fournies dans l'annexe P2 –, la note aurait été plus basse, creusant encore l'écart avec l'adjudicataire.

Le grief de la recourante tombe donc à faux, dans la mesure où il lui appartenait d'indiquer dans son offre et dans les cases du formulaire préétabli mis à disposition, les chiffres d'EPT et le nombre d'apprentis formés par la même entité et non pas les EPT de la succursale et les apprentis formés par le groupe, comme cela ressort de l'offre de la recourante, faussant d'elle-même l'appréciation qui pouvait être faite de ce critère.

En conséquence, entièrement infondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'300.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Dès lors que le recours a entraîné pour la commune B______ - qui a moins de dix-mille habitants - et la C______, des frais d'avocat, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de la recourante, leur sera allouée solidairement et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à D______, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 septembre 2021 par A______ SA contre la décision de la fondation C______ du 25 août 2021 et la décision de la commune B______ du 2 septembre 2021 ;

 

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'300.- à la charge de A______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la commune B______ et à la Fondation C______ solidairement, à la charge de A______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à D______ Suisse SA, à la charge de A______ SA ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christophe Claude Maillard, avocat de la recourante, à Me Laurent Strawson, avocat de D______ Suisse SA, à Me Flavien Valloggia, avocat de la commune B______ et de la Fondation C______, ainsi qu’à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber, Michon Rieben, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :