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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1399/2021

ATA/180/2022 du 22.02.2022 ( DIV ) , REJETE

Descripteurs : CADAVRE;TOMBE;POLICE DES CIMETIÈRES;CONCESSION;GARANTIE DE LA DIGNITÉ HUMAINE;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : Cst.29.al2; Cst.7; Cst.10.al2; LCim.1.al1; LCim.2; LCim.4.al1; LCim.4.al4; LCim.4.al6; LCim.8.al4; RCim.6; LPMNS.36.al1; LPMNS.35; LPMNS.36.al2.leta; RCVA.1; RCVA.16; Cst.9; Cst.8
Résumé : Les dispositions légales applicables, notamment le règlement des cimetières de la Ville de Genève du 1er janvier 2013, ne permettent pas de répondre au souhait de la recourante de conserver la tombe de son père à son emplacement actuel, dès lors que la tombe litigieuse doit être désaffectée à son échéance. Comme la recourante en a été informée, elle bénéficie toutefois de la possibilité de conclure une concession, moyennant la prise en charge des coûts y afférents, afin de permettre le maintien de la sépulture de son père au cimetière Saint-Georges. L’octroi d’une telle concession est toutefois obligatoirement conditionnée au déplacement de la tombe de son père dans un quartier de concessions. Une dérogation aux dispositions applicables – étant précisé que la tombe litigieuse a déjà bénéficié d’une telle dérogation ─ ne se justifie pas, notamment au regard des principes de la légalité et de l’égalité de traitement. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1399/2021-DIV ATA/180/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 février 2022

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) La Ville de Genève (ci-après : la ville) est propriétaire de quatre cimetières, dont le cimetière de Saint-Georges, lesquels sont gérés par le service des pompes funèbres, cimetières et crématoire de la ville (ci-après : SPF ou le service).

2) À la suite de son décès survenu le ______ 1987, Monsieur B______ a été inhumé le ______ 1987 dans la tombe « à la ligne » n° 1______, quartier 2______, du cimetière Saint-Georges.

3) Le 1er janvier 2003 est entré en vigueur le règlement des cimetières, du crématoire et du columbarium de la ville, adopté par le Conseil administratif de la ville (ci-après : CA) le 11 septembre 2002 (LC 21 351 9 ; ci-après : le règlement de 2003).

4) Par courrier du 20 juin 2005, Madame A______, fille de feu M. B______, a formé une requête auprès de la ville tendant à ce qu’il soit constaté que le délai d’inhumation de la tombe de son père viendrait à échéance le ______ 2020. Malgré la lettre claire du règlement applicable prévoyant que la durée des inhumations était de trente-trois ans, il existait une pratique de la ville tendant à raccourcir ce délai à vingt ans pour les personnes mises en terre avant le 1er janvier 2003.

5) Le 4 juillet 2005, la ville a répondu à Mme A______ qu’après vérification auprès du SPF, il apparaissait que la sépulture de son père arriverait à échéance le 31 décembre 2007. Il serait repris contact avec elle pour évoquer la situation.

6) Le 14 novembre 2005, la ville a informé Mme A______ que le règlement de 2003 était en cours de révision et qu’elle serait informée de la suite à donner à son dossier.

7) Le 10 mai 2006, le CA a modifié le règlement de 2003, avec l’approbation du Conseil d’État le 26 septembre 2006, en intégrant notamment un art. 80 intitulé « droit transitoire », prévoyant que pour les tombes « à la ligne » antérieures au
1er janvier 2003, la durée d'inhumation restait fixée à vingt ans.

8) Par courrier du 12 décembre 2006, la ville a informé la veuve de feu
M. B______ que, par gain de paix et à titre exceptionnel, elle acceptait de maintenir la tombe à la ligne de son époux au-delà du délai légal d’inhumation de vingt ans, soit jusqu’au ______ 2020.

La ville prenait note qu’en contrepartie, elle s’engageait à retirer immédiatement avec désistement d’action le recours formé contre la modification du règlement de 2003.

9) Par courrier du 12 novembre 2020, le SPF a informé Mme A______ de l’arrivée à échéance et de la désaffection de la tombe de feu son père au
31 décembre 2020.

10) Par courrier du 18 novembre 2020, ce délai a été porté au 31 mars 2021.

11) Par courriel du 25 novembre 2020, Mme A______ a sollicité auprès de la ville la prolongation de la validité de la sépulture de feu son père pour une durée supplémentaire de trente-trois ans contre le paiement d’une taxe équivalente à une concession de CHF 4'455.-.

Si son père avait été inhumé dans une tombe « à la ligne », c’était en raison de sa disparition soudaine qui avait pris sa famille au dépourvu. Le conseiller funéraire n’avait pas non plus évoqué la possibilité d’une concession. Leur souhait était que feu M. B______ puisse continuer à reposer dans sa sépulture actuelle, ce qui aurait été le cas s’ils avaient été conscients de l’existence de concessions au moment de son décès.

Dans le carré voisin, au n° 27, il y avait également une double tombe, dont le premier ensevelissement datait de 1963, ainsi qu’une autre tombe datant de 1897.

12) Par courrier du 2 décembre 2020, le SPF a répondu à Mme A______ qu’il n’était pas possible de prolonger le maintien de la tombe de son père à l’emplacement actuel, lequel avait déjà été exceptionnellement prolongé.

Ledit emplacement était une tombe dite « à la ligne », laquelle devait, à teneur de la règlementation applicable, être désaffectée à l’échéance du délai légal d’inhumation.

Le quartier n° 2______ du cimetière Saint-Georges devait par ailleurs être prochainement remis en exploitation et la présence d’une tombe empêcherait le bon déroulement des creuses et des inhumations. Il en découlerait des risques d’affaissement voire d’endommagement du monument existant.

Un déplacement de la tombe dans le quartier des concessions était en revanche possible. Elle était invitée à prendre contact avec l’adjoint administratif en charge des cimetières pour évoquer la nature des travaux à entreprendre et les coûts liés à ce déplacement et à l’octroi d’une concession.

13) Le 10 décembre 2020, s’est tenue une entrevue dans le cimetière entre
Mme A______ et l’adjoint administratif en charge des cimetières.

14) Le même jour, le SPF a établi un devis à l’attention de Mme A______ à hauteur de CHF 5'036.39 en lien avec le déplacement et l’octroi d’une concession pour feu son père.

15) Par courriel du 5 janvier 2021 adressé à la ville, Mme A______ a indiqué que la proposition qui lui avait été faite par le SPF était entachée d’arbitraire et violait le principe de l’égalité de traitement. Elle sollicitait à nouveau la prolongation exceptionnelle sur le même emplacement de la sépulture de son père pour une durée de vingt ans au prix de CHF 2'700.-. Si sa demande ne devait pas être acceptée, elle sollicitait la notification d’une décision formelle.

L’inhumation de son père dans une tombe dite « à la ligne » tirait son origine d’une erreur du conseiller funéraire qui n’avait pas évoqué la possibilité de la concession. Selon l’ordre des quartiers exploités, la logique voulait que ce soit le quartier n° 32 qui doive suivre en ligne droite. Il était contesté que la présence de la tombe de son père empêche le bon déroulement des creuses et inhumations visant la remise en exploitation de la ligne n° 2______. Cette affirmation était démentie par les carrés « à la ligne » nos 27 et 32 ou le quartier de concessions n° 26, dans lesquels les tombes anciennes et fraichement creusées coexistaient parfaitement.

Les explications qui lui avaient été données au sujet du maintien de trois autres tombes dans le quartier n° 27 soit qu’une d’entre elle était celle de Monsieur Émile YUNG, dont une rue portait son nom à Genève, que la seconde était celle de la veuve de Monsieur James FAZY, et que la troisième était celle des époux MAGNIN, dont les cercueils étaient arrivés scellés depuis l’étranger – violaient le principe de l’égalité de traitement. Aucune explication n’avait été apportée au sujet du maintien des tombes de Monsieur Arnold YUNG, dans le quartier n° 27, ou celles de Madame Césarine ROULIN et de Monsieur Eugène CHOQUART, dans le quartier n° 32, alors qu’il ne s’agissait pas de personnalités notoires.

Le pourcentage d’incinération, qui atteignait environ 80 % dans le canton de Genève, laissait suffisamment de place aux inhumations futures dans le cimetière Saint-Georges.

Le coût réel du déplacement dans le quartier de concessions était de
CHF 8'159.30, dès lors qu’il convenait d’ajouter CHF 3'123.- pour la facture du marbrier, au devis de CHF 5'036.50 du SPF.

Outre la dureté de l’exhumation et le coût exorbitant y relatif, le monument ne pourrait pas être posé avant les mois de mai ou juin 2022, ce qui amènerait des aménagements provisoires pendant quinze mois.

En ajoutant aux CHF 8'159.30 le montant de CHF 1'700.- qui avait été acquitté dans le cadre de la prolongation de treize ans obtenue, on aboutissait à un total de CHF 9'859.30, équivalant à septante-trois ans de concession, tout en subissant les affres d’une exhumation et d’un état provisoire de plus d’une année, ce qui était inacceptable.

16) Par courrier du 19 janvier 2021, le SPF a répondu à l’intéressée qu’il ne pouvait pas entrer en matière sur sa demande, les termes de son courrier du 2 décembre 2020 restant pleinement valables.

L’acceptation de sa demande reviendrait à consacrer une exception personnalisée, laquelle n’était pas envisageable dans le cadre de la gestion du domaine public et d’une situation ordinaire. Les tombes qu’elle citait dans son courriel étaient conservées « à la ligne » pour d’autres motifs, tels que des raisons patrimoniales, et dûment autorisées par le CA.

Les frais encourus et pratiqués relevaient des tarifs fixés par le CA.

17) Le 1er février 2021, Mme A______ a renouvelé auprès du maire de la ville sa demande tendant à la prise d’une décision formelle quant à sa demande formulée dans son courriel du 5 janvier 2021.

Elle demandait notamment à ce que lui soient communiqués des détails concernant les autres motifs, tels que des raisons patrimoniales, dont avaient bénéficié les tombes citées dans son échange de correspondances avec le SPF, ainsi que d’autres tombes présentes dans les carrés nos 41 (concernant feu Monsieur Eugène RONCO), 52 (feu Messieurs Pierre CHAPPAZ, Albert BERGER, André BERR et Armand BOTALLO) et 63 (feu Madame Louisa FABRE ainsi que feu Messieurs Jean CANONICA et Louis ROCHAT).

18) Par décision du 17 mars 2021, le CA a informé Mme A______ qu’aucune dérogation n’était possible au délai d’inhumation de vingt ans dans les cimetières municipaux pour la tombe de feu son père, relevant qu’elle avait déjà bénéficié d’une prolongation de treize ans sur décision du CA du 12 décembre 2006.

Elle disposait de la possibilité d’obtenir une concession pour nonante-neuf ans pour son père, en prenant en charge les frais y afférents, comme tout citoyen et toute citoyenne qui bénéficiaient du droit d’accès au cimetière de Saint-Georges.

19) Par courrier du 23 mars 2021, Mme A______ a informé le CA de son intention de recourir contre la décision précitée, indiquant qu’elle souhaitait au préalable proposer une « offre de conciliation ».

Elle proposait de s’acquitter, outre du prix de la concession de CHF 2'700.-, du montant de CHF 2'336.30 qu’aurait reçu le SPF pour exhumer la tombe de son père et de l’inhumer quelques mètres plus loin, ainsi que de signer une clause de confidentialité.

20) Le 31 mars 2021, la ville a décliné la proposition d’arrangement.

21) Par acte du 23 avril 2021, Mme A______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée en concluant, au fond, à son annulation, à ce que soit octroyée l’autorisation de maintenir la tombe de son père au quartier n° 2______, tombe n° 1______, du cimetière Saint-Georges, à ce qu’il soit ordonné au CA et au SPF de maintenir la tombe de son père sur l’emplacement susmentionné, à ce qu’il lui soit donné acte de son engagement d’acquitter le montant équivalant à la taxe de concession pour une durée minimum de vingt ans, et à l'octroi d'une indemnité de procédure. Préalablement, elle concluait à ce qu’il soit procédé à une tentative de conciliation et à ce qu’un transport sur place soit ordonné.

De nombreuses tombes étant maintenues « à la ligne ». C’était de manière opaque que la ville se prévalait « d’autres motifs, tels que des raisons patrimoniales et dûment autorisées par le [CA] ». Les motifs avancés par la ville, à savoir l’existence d’une rue portant le nom du défunt à Genève, « être la veuve de », et arriver de l’étranger dans un cercueil scellé, ne pouvaient fonder une discrimination par rapport à son père qui, sans être célèbre, était décédé en étant domicilié et contribuable de la ville.

La ville se prévalait abusivement de la prolongation de treize ans obtenue fin 2006, laquelle avait été accordée contre le retrait d’un recours au Tribunal fédéral contre une disposition transitoire du règlement privant les défunts inhumés avant le 1er janvier 2003 d’un délai d’inhumation plus long. La ville avait ainsi atteint son but de continuer d’exhumer des tombes sans aucuns frais.

La possibilité d’obtenir, trente-quatre ans après le décès de son père, une concession payante ne pouvait pallier l’absence de dérogation, dans la mesure où elle entraînait nécessairement une exhumation, laquelle portait atteinte au repos du défunt.

Tout en se prévalant du principe de l’égalité de traitement et du fait que la désaffectation de la seule tombe de son père était commandée par une bonne gestion, la ville maintenait des tombes « à la ligne » au-delà de la durée maximale de nonante-neuf ans, soit celle de feu Madame Henriette SPRENGER (124 ans), et celles de feu Messieurs YUNG et ROCHAT (respectivement 103 et 104 ans). Elle maintenait également des tombes « à la ligne » dans un état de délabrement avancé, soit notamment celle de feu M. BOTALLO (dans le carré n° 52). Elle maintenait enfin des tombes « à la ligne » anciennes et des tombes « à la ligne » nouvelles dans le carré n° 38 remis en exploitation, sans que la présence de ces tombes empêche le bon déroulement des creuses et inhumations. Il s’agissait notamment des tombes de feu Mesdames Marie-Thérèse MONTANDON, Caroline DOMENJOZ, Ida TERCIER et Anne DALLA LIBERA dans le carré n° 38. La décision querellée était donc arbitraire.

22) Dans son mémoire réponse du 4 juin 2021, la ville a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Une tentative de conciliation n’apparaissait guère opportune dès lors que la recourante persistait à demander le maintien de la tombe de son père à son emplacement actuel, à l’exclusion de toute solution alternative.

Il convenait de préciser les éléments suivants s’agissant des tombes mentionnées par la recourante. Les tombes de feu Messieurs CHAPPAZ, BERGER, BERR et BOTALLO, présentes dans le quartier n °52, arrivées à échéance fin 2019, seraient désaffectées courant 2021, puisqu’il n’avait pas été possible de le faire en 2020 à cause de la pandémie.

Le quartier n° 63 accueillait des concessions et non des tombes « à la ligne ». La tombe de feu Mme FABRE aurait dû être désaffectée en 2003, mais ne l’avait été que le 3 mars 2021, sans doute à cause d’un oubli de saisie dans le système informatique. Il en allait de même pour la tombe de feu M. CANONICA. La tombe de M. ROCHAT, également présente dans le quartier n° 63 accueillant des concessions, avait été maintenue par décision du CA du 9 novembre 2016 pour des raisons patrimoniales, ce dernier étant le fondateur de la Croix-bleue et dont le nom avait été donné à une rue. Une demande d’exhumation et de déplacement de sa tombe au cimetière des Rois avait été refusée en raison de la présence d’un cèdre à proximité, empêchant tout creusement selon la directive de la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) intitulée « mesures à prendre lors de travaux à proximité des arbres » de décembre 2003, mise à jour la dernière fois en novembre 2011 (ci-après : la directive de la DGNP).

La tombe « à la ligne » de feu M. RONCO, dans le quartier n° 41, avait semble-t-il été prolongée en 1943 pour la limite maximale possible à l’époque de nonante-neuf ans. Cette tombe n’était par ailleurs ni déplaçable ni désaffectable du fait qu’elle se situait dans le domaine vital d’un arbre au sens de la directive DGNP.

Les tombes de feu M. YUNG et de feu Madame Henriette FAZY, veuve de
M. FAZY, présentes dans le quartier n° 27, avaient été conservées par décision du CA du 4 septembre 1996 pour des raisons patrimoniales. M. YUNG était un personnage historique ayant notamment donné son nom à une rue. De surcroît, la tombe n’était pas déplaçable dès lors qu’elle était située au pied d’un if, et ne posait pas de problème de cohabitation avec d’autres sépultures puisqu’aucune inhumation n’était possible à proximité d’un arbre. La Bibliothèque de Genève possédait de nombreux fonds d’archives de la famille FAZY.

La tombe de feu M. MAGNIN (quartier n° 27) n’avait pas été déplacée à son échéance dès lors que les racines d’un cèdre s’étaient développées à proximité, si bien qu’elle se trouvait maintenant dans le domaine vital de l’arbre. Elle ne posait pas de problème de cohabitation avec d’autres sépultures puisqu’aucune inhumation n’était possible à proximité de l’arbre.

La tombe de feu M. CHOQUART, dans le quartier n° 32, n’avait pas pu être exhumée à son échéance en 1986 compte tenu de sa présence au pied d’un arbre. L’entourage de la tombe avait été démoli et seule demeurait la plaque.

La tombe de Mme ROULIN (quartier n° 32) avait été renouvelée pour nonante-neuf ans, et arrivait donc à échéance en 2064. Elle n’était de toute manière pas déplaçable à cause de la présence d’arbres à proximité.

La tombe de feu Mesdames MONTADON, TERCIER et DALLA LIBERA ainsi que celle de feu M. DOMENJOZ avaient été exhumées de leur précédent emplacement entre 1994 et 1995, alors située dans un quartier de tombes « à la ligne » pour être déplacées dans un quartier de concessions (n° 38). Leurs renouvellements ultérieurs avaient été effectués sur place, conformément aux règles applicables aux concessions.

Le quartier n° 2______ du cimetière Saint-Georges serait le prochain quartier appelé à accueillir des tombes « à la ligne » à partir de la fin de l’année 2022 selon les estimations du SPF, soit lorsque le quartier n° 47 actuellement exploité serait complet. Si la tombe du père de la recourante devait être maintenue lors de l’ouverture de l’exploitation du quartier n° 2______, le SPF se verrait contraint de choisir entre entreprendre des travaux lourds et dangereux pour le personnel à proximité de la tombe en raison des risques accrus d’affaissement de cette dernière ou laisser un espace entre ladite sépulture et les nouvelles tombes qui seraient creusées, provoquant alors la perte de plusieurs emplacements exploitables.

La tombe litigieuse était arrivée formellement à échéance le 15 février 2020, ce délai ayant été prolongé au 31 décembre 2020 compte tenu de la pratique du SPF, puis au 31 mars 2021 pour savoir quelles dispositions la famille souhaitait prendre. Il n’y avait pas lieu d’accorder une dérogation pour prolonger le maintien de la tombe à son emplacement actuel, ce d’autant plus que la sépulture avait déjà fait l’objet d’une prolongation exceptionnelle de treize ans. Aucune autre tombe « à la ligne » antérieure au 1er janvier 2003 n’avait été soumise à un tel régime d’exception. Si une prolongation était accordée, la famille de la recourante serait privilégiée à une seconde reprise, ce qui ne serait guère admissible pour les autres familles de défunts inhumés qui pourraient alors évoquer le principe d’égalité de traitement pour obtenir également des prolongations.

Le SPF devait assurer la disponibilité suffisante de lieux d’ensevelissement, alors qu’aucune tombe « à la ligne » n’arriverait à échéance entre 2023 et 2033, compte tenu du régime légal différent en vigueur entre les années 2003 et 2012, au cours desquelles le délai d’inhumation des nouvelles tombes était fixé à trente-trois ans. Dans ce contexte, il n’était pas admissible que la ville développe une pratique dérogatoire. La recourante ne pouvait se prévaloir d’un droit au maintien de la tombe à l’emplacement de la première inhumation au nom du droit au repos d’un défunt. La majorité des tombes citées par la recourante avaient été déplacées avant d’être inhumées dans leur emplacement actuel. La recourante pouvait également choisir de déplacer le monument dans un quartier de concessions, ce qui permettrait de ne pas exhumer le corps de son père, de limiter les frais et de respecter le repos de son père.

Aucune des tombes mentionnées par la recourante n’avait fait l’objet d’un maintien au-delà de son délai d’inhumation propre à justifier le prolongement de la sépulture de son père, à l’exception de celles de M. CANONICA et de Mme FABRE, dont l’erreur avait été corrigée par le SPF dès qu’il en avait eu connaissance. S’agissant des autres tombes mentionnées, six ne pouvaient être déplacées en raison de leur emplacement à l’intérieur du domaine vital d’un ou plusieurs arbres, trois avaient été maintenues par décisions du CA au vu de l’intérêt historique de leurs occupants, sept se trouvaient dans des quartiers de concessions soumis à un régime juridique différent, quatre seraient désaffectées prochainement et quatre autres avaient précisément été déplacées à l’échéance du délai d’inhumation vers de nouveaux emplacements situés dans des quartiers de concessions.

23) Le 29 octobre 2021, la chambre administrative a procédé à un transport sur place, en présence des parties, et notamment de la cheffe du SPF. Divers clichés ont été pris et ajoutés au dossier.

a. Il a notamment été constaté par le juge délégué que le carré n° 2______ était dépourvu de tombes, à l’exception de celle litigieuse. Les tombes dont le sort était discuté dans les écritures des parties se situaient dans les carrés voisins ou adjacents. Le carré n° 31 était réservé aux concessions tandis que le carré n° 32 l’était aux tombes « à la ligne ».

b. La recourante a indiqué qu’elle s’était rendu compte que des personnes avaient été récemment encore enterrées au carré n° 27. Dans certains carrés, soit notamment au n° 25, des tombes récentes avaient été placées sous la couronne des arbres.

c. L’un des représentants de la ville a relevé que si le carré n° 27 devait être utilisé pour des tombes « à la ligne », la tombe de feu Mme FAZY, dans la mesure du possible compte tenu de la proximité avec un arbre, et celle des époux MAGNIN, seraient déplacées et les corps exhumés. Le quartier n° 2______ ne contenait qu’un seul arbre, ce qui permettrait une utilisation plus efficace.

24) Dans ses observations finales du 26 novembre 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions sur le fond.

Il était contesté qu’au moment du décès de son père, sa famille avait été informée des différentes modalités d’inhumations existantes, et avait choisi une tombe « à la ligne ». Le formulaire des pompes funèbres signée par sa mère et produit par l’autorité intimée ne mentionnait d’ailleurs aucune tombe « à la ligne ».

L’argument selon lequel le carré n° 2______ devait être remis en exploitation parce qu’un seul arbre s’y trouvait, ce qui permettrait une utilisation plus efficace, était un prétexte. L’arbre en question se trouvait au milieu du quartier, ce qui, selon la directive de la DGNP, rendait la majeure partie du quartier inutilisable. Si le quartier n° 32 comportait plusieurs arbres, ils étaient situés aux extrémités, ce qui dégageait une surface utile d’inhumation plus grande.

Le quartier de concessions n° 25 comportait dix-sept arbres et de nombreuses autres récentes tombes que celles mentionnées dans le procès-verbal de transport sur place avaient été placées sous la couronne des arbres.

Le transport sur place avait confirmé que des tombes « à la ligne » avaient été prolongées dans d’autres quartier, ainsi que l’inhumation récente, en 2018 et 2021, des enfants des époux MAGNIN dans la tombe double de leurs parents.

Selon les indications de la ville lors du transport sur place, douze quartiers seraient disponibles pour des inhumations futures, mais entravées par la présence d’arbres.

Compte tenu du nombre des tombes « à la ligne » prolongées sur place en l’absence de toute base légale, le règlement applicable ne permettant pas d’exceptions pour des « motifs d’ordre patrimonial », de l’absence du besoin du service à la désaffectation de cette tombe précisément et/ou de la mise en service prioritaire du quartier n° 2______, il apparaissait justifié de faire droit à sa demande.

L’effet « de précédent » n’était pas à craindre, la ville affirmant avoir pu exhumer tous les autres défunts malgré la prolongation antérieure de treize ans et les arbres devant céder le pas à l’inhumation dans les douze quartiers disponibles.

25) Dans ses observations finales du 26 novembre 2021 également, la ville a persisté dans ses conclusions.

Avant le 1er septembre 2011, le SPF ne connaissait pas l’existence de la directive DGNP. Depuis qu’il en avait connaissance, il avait cessé de mettre à disposition des emplacements de concessions situés dans le domaine vital d’un arbre. Il lui appartenait toutefois d’honorer les concessions déjà en vigueur, raison pour laquelle certaines sépultures se trouvaient à proximité des arbres.

Dans les deux derniers règlements en vigueur, une disposition légale permettait au CA de trancher les cas non prévus par lesdits règlements.

Les inhumations récentes dans la tombe des époux MAGNIN concernaient exclusivement des urnes contenant des cendres, lesquelles avaient été placées dans le monument lui-même, à 80 cm de profondeur au maximum.

La désaffectation ou le déplacement de la tombe litigieuse était non seulement possible sous l’angle des règles légales applicables, à savoir l’échéance du délai légal d’inhumation et l’absence d’arbre à proximité, mais également souhaité dans les meilleurs délais afin de pouvoir remettre en exploitation le quartier concerné.

Il n’était pas possible de conclure une concession à l’emplacement actuel, lequel n’était pas situé dans un quartier de concessions. L’instruction avait permis de démontrer que le SPF n’avait pas pour pratique de maintenir des tombes « à la ligne » dont la situation serait comparable à la tombe litigieuse. Les tombes de feu Mme FAZY et des époux MAGNIN seraient également déplacées dans un souci d’optimisation des places disponibles.

Aucune des tombes évoquées par la recourante ne pouvait lui permettre d’obtenir, sous l’angle du principe de l’égalité de traitement, une prolongation de la tombe de son père à son emplacement actuel.

26) Sur quoi la cause a été gardée à juger.

27) Le contenu des pièces produites par les parties sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige concerne le maintien de la tombe du père de la recourante (sise au n° 45 au quartier n° 2______) à son emplacement actuel.

3) À titre préalable, la recourante a sollicité la tenue d’un transport sur place et d’une tentative de conciliation au sens de l’art. 65A LPA.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. Aux termes de l'art. 65A LPA, les juridictions administratives peuvent en tout temps procéder à une tentative de conciliation (al. 1) et déléguer un de leurs magistrats à cet effet (al. 2). S'agissant d'une disposition potestative, l'autorité saisie n'est pas tenue de donner suite à une requête en conciliation présentée par l'une des parties (ATA/1844/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3 ; ATA/386/2016 du 3 mai 2016 consid. 2a ; ATA/570/2015 du 2 juin 2015 consid. 2).

c. En l'espèce, il a effectivement été fait droit la première demande de la recourante, dès lors qu’un transport sur place a eu lieu le 29 octobre 2021. S’agissant de la tentative de conciliation, celle-ci n’apparaît avoir aucune chance d’aboutir dès lors que les alternatives proposées par l’autorité intimée ont toutes pour préalable le déplacement de la tombe du père de la recourante, ce que cette dernière refuse catégoriquement. La ville a par ailleurs déjà refusé la proposition d’arrangement formulée par la recourante le 23 mars 2021. Dans ces circonstances, il ne se justifie pas de procéder à une audience de tentative de conciliation.

4) a. Chaque personne a, dans les limites de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs, le droit de disposer de son propre cadavre (ATF 129 I 173 consid. 4 ; 127 I 115 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_906/2016 du 28 avril 2017 consid. 3.3.1). Ce droit permet ainsi à une personne de déterminer la forme des funérailles ainsi que le mode et le lieu d'inhumation, l'être humain ayant, quel que soit le rang qu'il a occupé dans la société, un droit constitutionnel à un enterrement et à une sépulture décents (ATF 123 I 112 consid. 4b ; 127 I 115 consid. 4a). Ce droit découle directement de la protection de la dignité humaine (ATF 45 I 119 consid. 6 ; 98 Ia 508 consid. 8c et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_906/2016 précité consid. 3.3.1). Toute personne décédée en Suisse est au bénéfice du droit constitutionnel à une sépulture décente, en application de l'art. 7 Cst.

b. En l'absence d'une décision du défunt, ses proches peuvent prétendre, dans certaines limites, à disposer du sort de son cadavre. Du point de vue du droit privé, le droit de ceux-ci est une émanation des droits généraux de la personnalité (art. 28 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). La garantie de la liberté personnelle protège aussi, au sens de l'art. 10 al. 2 Cst., les liens émotionnels qui lient les proches parents à une personne décédée. En vertu de cette étroite relation, les proches ont le droit de décider du sort du corps du défunt, de déterminer la façon et le lieu de l'ensevelissement, et de se défendre contre les atteintes injustifiées portées à la dépouille (ATF 129 I 173 consid. 2.1 et les arrêts cités). Ce droit subsidiaire des proches trouve cependant sa limite dans les droits de la personnalité, dont jouit le défunt lui-même, de déterminer le sort de son cadavre et les modalités de ses funérailles (cf. consid. 2.1.1 ci-dessus ; ATF 123 I 112 consid. 4c ; 101 II 177 consid. 5a). Il en découle que le droit des proches n'intervient que si le défunt n'a pas pris de décision, écrite ou orale, sur le sort de son cadavre. Ce pouvoir subsidiaire de décision doit être exercé, en première ligne, par celui qui était le plus étroitement lié au défunt et qui a été de ce chef le plus affecté par sa disparition (ATF 123 I 112 consid. 4c ; 111 Ia 231 consid. 3b).

5) Selon l’art. 1 al. 1 et 2 de la loi sur les cimetières du 20 septembre 1876
(LCim - K 1 65), les cimetières sont des propriétés communales et sont soumis à l’autorité, la police et la surveillance des administrations municipales.

Tous les lieux de sépulture sont par ailleurs soumis à la surveillance du département de la sécurité, de la population et de la santé pour tout ce qui concerne la police des inhumations (art. 2 LCim).

Dans la règle, chaque commune doit avoir un ou plusieurs cimetières afin de pourvoir à la sépulture décente de toute personne décédée sur son territoire, de ses ressortissants et des personnes nées, domiciliées ou propriétaires sur son territoire (art. 4 al. 1 LCim). L’ouverture des fosses en vue de nouvelles inhumations ne peut avoir lieu que tous les vingt ans au moins (art. 4 al. 4 LCim), les communes pouvant accorder, dans le terrain réservé aux tombes, des concessions plus longues n’excédant pas nonante-neuf ans, sous réserve de celles du cimetière de Plainpalais (art. 4 al. 6 et 8 al. 4 LCim).

Selon les art. 8 LCim et 6 du règlement d’exécution de la LCim du 16 juin 1956 (K 1 65.01 - RCim), les inhumations doivent avoir lieu dans des fosses établies à la suite les unes des autres, dans un ordre régulier et déterminé d’avance, sans aucune distinction de culte ou autre (al. 1). Ne sont notamment pas compris dans cette règle : les systèmes de sépulture, tels que caveaux, monuments ou tombeaux, qui peuvent être autorisés par le Conseil d’État (al. 2 let. b) ; les systèmes de sépulture nécessitant une orientation ou un aménagement des fosses différent, qui peuvent être autorisés par le Conseil d’État, à l’initiative de la commune concernée, dans un ou plusieurs quartiers réservés aux concessions (al. 2 let. c).

6) a. Selon le règlement des cimetières de la ville du 1er janvier 2013 (RCimVdG - LC 21 351.1) lequel a abrogé le règlement de 2003 la ville compte quatre cimetières, dont celui de de Saint-Georges, soumis à l'autorité, la police et la surveillance de l'administration municipale, soit pour elle le SPF, sous réserve des compétences dévolues aux autorités cantonales (art. 1 et 4 RCimVdG).

Le SPF traite avec la personne que la famille a désignée pour la représenter. La famille est responsable des choix opérés en matière d’obsèques et de l’entretien de l’emplacement mis à disposition (art. 7 al. 1 RCimVdG).

b. La durée du délai d’inhumation dans les cimetières de la ville est de vingt ans (art. 22 RCimVdG), exception faite pour les tombes à la ligne mises à disposition entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2012, pour lesquelles le délai est de trente-trois ans (art. 70 al. 2 RCimVdG). L’art. 70 al. 1 RCimVdG précise encore que la durée d'inhumation reste fixée à vingt ans pour les tombes à la ligne mises à disposition avant le 1er janvier 2003.

L’art. 24 al. 1 RCimVdG prévoit également que les inhumations de corps ou de cendres doivent avoir lieu à la ligne, dans des fosses établies à la suite les unes des autres, dans un ordre régulier et déterminé d’avance, sans aucune distinction de culte ou autre. Les tombes de corps et de cendres occupent des secteurs différents.

L’art. 24 al. 2 RCimVdG précise que ne sont notamment pas compris dans cette règle : les dispositions adoptées pour respecter les concessions accordées par l’autorité municipale (let. b) ; les systèmes de sépulture tels que caveaux, monuments et tombeaux (let. c) ; les systèmes de sépulture nécessitant une orientation ou un aménagement des fosses différent dans les quartiers réservés aux concessions et prévus à cet effet (let. d).

Au terme de l’art. 29 RCimVdG, l’inhumation d’ossements, au terme du délai légal d’inhumation, est possible exclusivement dans une concession existante ou acquise à cette fin, pour autant que celle-ci ne soit pas située dans un secteur réservé aux cendres (al. 1). L’inhumation ultérieure d’ossements ne modifie pas la date d’échéance de la tombe concernée (al. 3).

c. Selon l’art. 32 al. 1 RCimVdG, le SPF peut octroyer des concessions d’inhumation de corps ou de cendres dans les cas suivants exclusivement : lorsqu’une personne vivante désire qu’une place déterminée soit réservée pour sa sépulture (let. a) ; lorsqu’au décès d’une personne, la famille désire que son corps ou ses cendres soient enterrés dans une place déterminée autre que celle qu’elle devrait occuper dans l’ordre régulier et déterminé d’avance (let. b) ; lorsqu’une famille désire que le terrain occupé par la tombe de la personne décédée puisse être, à l’échéance du délai légal d’inhumation, réservé pour de nouvelles périodes, jusqu’à concurrence de nonante-neuf ans et sous réserve des conditions prévues par l’art. 46 du présent règlement (let. c).

Dans tous ces cas, la place ne peut être choisie que dans les quartiers réservés aux concessions et l’octroi d’une concession ou d’une réservation au sens de
l’art. 38 est soumis au versement d’une taxe (art. 32 al. 2 et 3 RCimVdG).

d. Selon l’art. 43 RCimVdG, à l'échéance du délai légal d'inhumation, les tombes à la ligne sont désaffectées (al. 1). À l’échéance de la période d’inhumation convenue, la ville n’est pas tenue de prolonger une concession (al. 2).

Les familles sont informées de l’échéance du délai légal d’inhumation par l’insertion d’un avis dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève et un délai d'un mois leur est imparti, à dater de la dernière publication, pour communiquer leur décision au SPF (art. 44 al. 1 et 2 RCimVdG).

À la demande de la famille, la dépouille est exhumée pour être inhumée à nouveau ou incinérée (art. 45 al. 1 RCimVdG). La nouvelle inhumation d’ossements a lieu aux conditions prévues à l’art. 29 (art. 45 al. 2 RCimVdG). Selon le vœu de la famille, ou en l’absence de toute décision connue de la famille, la dépouille ou les cendres sont laissées en terre et l’emplacement réutilisé conformément au plan de gestion des espaces disponibles (art. 45 al. 3 RCimVdG).

e. Selon l’art. 66 RCimVdG, tous les cas non prévus par le présent règlement sont tranchés par le CA.

7) a. À teneur de l'art. 36 al. 1 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), le Conseil d'État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l'aménagement des sites visés à l'art. 35 LPMNS. Le Conseil d'État peut n'autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l'élagage ou la destruction de certaines essences d'arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

b. En application de cette disposition, le Conseil d'État a adopté le règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04), qui a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement, de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA).

L’art. 16 RCVA prévoit que le département du territoire édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l’exécution correcte des mesures compensatoires.

c. C’est dans ce cadre qu’a été élaborée la directive de la DGNP, laquelle a pour objectif de définir la notion d'espace vital d'un arbre et de préciser les mesures qui doivent être prises lors de travaux pour respecter la végétation conservée (art. 1).

Le domaine vital correspond à la zone d'extension des racines vitales de l'arbre. Par principe, aucune construction ne sera tolérée dans ce domaine. Il correspond à l'espace aérien et souterrain à protéger défini par la projection au sol de la couronne plus 1 m. Pour les arbres fastigiés cet espace protégé est défini par la projection au sol d'un tiers de la hauteur de l'arbre plus 1 m selon le même principe (art. 2).

En principe, aucune intervention ne sera autorisée à l'intérieur du domaine vital. Une dérogation à ce principe n'est accordée qu'en cas d'impératif majeur, en fonction de l'arbre et du type de construction projetée, et elle est toujours accompagnée de mesures propres à limiter l'impact de l'intervention (art. 2).

Le non-respect des présentes dispositions entraîne les mesures administratives et les sanctions prévues dans le RCVA. Il incombe aux propriétaires, mandataires, requérants, constructeurs ou autre usager de traiter les platanes en se conformant à la directive (art. 9).

8) a. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_897/2017 du
31 janvier 2018 consid. 2.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2017 du 16 mai 2018 consid. 6.1).

b. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_310/2017 du 14 mai 2018 consid. 6.2). Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l'État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais dénie ceux-ci à une autre personne qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1).

Il n'y a en principe pas d'égalité dans l'illégalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_107/2019 du 4 juin 2019 consid. 4.3 ; ATA/1395/2021 du 21 décembre 2021 consid. 5c ; ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 6c).

9) a. En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties, et en particulier par la recourante, que le délai d’inhumation de la tombe de son père est arrivé à échéance le 15 février 2020, soit trente-trois ans après son inhumation dans une tombe « à la ligne ». Il sied de relever que ce délai aurait initialement dû être de vingt ans (conformément aux art. 70 al. 1 RCimVdG ou 80 du règlement de 2003), et arriver donc à échéance le 15 février 2007. Il a toutefois été exceptionnellement porté à trente-trois par la ville, dans le cadre de ce qui pourrait être considéré comme un accord avec la famille de la recourante, qui s’est alors engagée à retirer le recours formé contre une nouvelle disposition du règlement de 2003 (visant à préciser que les défunts inhumés avant le 1er janvier 2003 bénéficiaient d’un délai d’inhumation de seulement vingt ans).

Ce délai a par ailleurs été prolongé au 31 mars 2021 à bien plaire afin, selon les explications fournies par la ville, de permettre à la famille du défunt de réfléchir et communiquer les dispositions qu’elle souhaitait prendre.

Au vu des dispositions légales et règlementaires précitées, la tombe litigieuse devait dès lors être désaffectée à son échéance (43 al. 1 RCimVdG). Comme la recourante en a été informée, elle bénéficie toutefois de la possibilité de conclure une concession, moyennant la prise en charge des coûts y afférents, afin de permettre le maintien de la sépulture de son père au cimetière Saint-Georges. L’octroi d’une telle concession est toutefois obligatoirement conditionnée au déplacement de la tombe de son père dans un quartier de concessions (art. 32 RCimVdG).

L’argumentation selon laquelle le choix de placer la sépulture de son père dans une tombe « à la ligne » résulterait du défaut d’information du conseiller funéraire, lequel n’aurait pas évoqué la possibilité de la concession, ne peut être confirmée à teneur du dossier. Si, comme le relève la recourante, le formulaire rempli au moment du décès de son père n’évoque pas spécifiquement le choix d’une tombe « à la ligne » choix dont elle ne conteste toutefois pas qu’il ait été fait , il liste les concessions au titre des différentes prestations pouvant être incluses. Il n’est pas contesté qu’aucune concession n’a cependant été requise par le biais de ce formulaire en 1987.

b. La recourante considère que la décision litigieuse serait entachée d’arbitraire et violerait le principe de l’égalité de traitement. Elle relève notamment que d’autres tombes auraient été maintenues « à la ligne » postérieurement au délai légal et que le SPF n’aurait pas besoin de désaffecter la tombe de son père pour les besoins du service ni de remettre prioritairement en service le quartier n° 2______.

À titre préalable, il convient de relever que plusieurs des tombes mentionnées par la recourante se situent dans des quartiers réservés aux concessions, lesquelles ne répondent pas au même système légal que les tombes dites « à la ligne ». Le principe d’égalité de traitement ne saurait dès lors trouver application en lien avec celles-ci. De plus, certaines inhumations ou sépultures auxquelles se réfère la recourante l’ont été sous l’égide d’anciens règlements, dont les dispositions ont été modifiées depuis lors.

La recourante relève que des tombes « à la ligne » anciennes et nouvelles coexistaient dans le quartier n° 38, tout comme dans le quartier de concessions
n° 26, sans que les nouvelles sépultures empêchent le bon déroulement des creuses et inhumations. Or, il ressort du dossier que le quartier n° 38 est dévolu aux concessions et non aux tombes « à la ligne ». L’autorité intimée a notamment exposé, sans être critiquée par la recourante, que l’espacement entre ce genre de tombes est plus important que pour les tombes « à la ligne » et que les creusements et inhumations sont plus espacés dans le temps, de sorte que les risques d’affaissements sont limités. Par ailleurs, le régime juridique lié aux concessions étant différent de celui des tombes « à la ligne », aucune analogie ne saurait être faite avec la tombe litigieuse.

S’agissant des tombes « à la ligne » situées dans le quartier n° 52, l’autorité intimée a précisé qu’arrivées à échéance fin 2019, ces tombes auraient dû être désaffectées en 2020, mais n’avaient pas pu l’être à cause du retard causé par la pandémie de la Covid-19. Il a ainsi été confirmé que, comme cela doit être le cas pour la tombe litigieuse, l’échéance de leur délai d’inhumation ne permettait pas leur maintien à leur emplacement actuel.

Au sujet des tombes de feu Mme FABRE et M. CANONICA, situées dans un quartier de concessions, l’autorité intimée a admis que celles-ci n’avaient pas été désaffectées en 2021, alors qu’elles auraient dû l’être bien avant, précisant toutefois que cela relevait d’une erreur ou d’un oubli de saisie dans le système informatique. La recourante ne saurait dès lors se prévaloir de ces deux erreurs pour obtenir le maintien et le prolongement de la tombe de son père sur son emplacement actuel.

En outre, il ressort du dossier que plusieurs des tombes mentionnées par la recourante ne peuvent, à l’heure actuelle, pas être déplacées dès lors qu’elles se situent dans le périmètre du domaine vital d’arbres. Il en va notamment ainsi des tombes de feu M. CHOQUART, M. YUNG, Mme et M. MAGNIN, Mme ROULIN, M. RONCO ainsi que d’autres tombes sises dans le quartier de concession n° 25. À cet égard, il sera relevé que la tombe litigieuse ne se situe pas à proximité immédiate d’un arbre, et n’est donc pas soumise au même régime que les tombes précitées se situant à l’intérieur du domaine vital d’un arbre, rendant leur déplacement, en principe, impossible compte tenu de la directive de la DGNP. Elle ne saurait dès lors se prévaloir d’une inégalité de traitement, les situations n’étant pas semblables.

S’agissant enfin des tombes de feu Mme FAZY, M. YUNG et M. ROCHAT, il apparaît qu’elles ont effectivement toutes été conservées sur le même emplacement au-delà du délai légal prévu. Il apparaît toutefois qu’elles ont toutes fait l’objet d’une décision de conservation de la part du CA pour des motifs patrimoniaux, étant précisé que les deux dernières sont par ailleurs situées dans le périmètre du domaine vital d’arbres du cimetière. En l’occurrence, la question de savoir si les décisions du CA y relatives reposent sur une base légale suffisante, comme le soulève la recourante, est sans incidence dans le présent litige, dès lors que même à admettre que tel ne serait pas le cas, cela ne permettrait pas à la recourante de bénéficier d’une décision similaire concernant la tombe de son père. Celle-ci n’allègue d’ailleurs pas que la tombe litigieuse devrait être conservée pour des motifs d’ordre patrimoniaux. La tombe litigieuse n’étant pas au bénéfice d’une décision de conservation de la part du CA, la recourante ne saurait pas non plus se prévaloir d’une violation du principe de l’égalité de traitement, les situations n’étant pas similaires.

Force est dès lors de constater que parmi toutes les tombes citées par la recourante, il ne s’en trouve aucune qui se trouverait dans la même configuration que la tombe litigieuse et qui aurait bénéficié d’une prolongation de l’inhumation sur le même emplacement.

Comme relevé par l’autorité intimée, même si sous l’égide des dispositions du règlement des cimetières et du crématoire de la ville du 6 août 1969, en vigueur lors du décès du père de la recourante (mais remplacé successivement par le règlement de 2003 et le RCimVdG), il aurait été possible de conclure une concession en conservant la sépulture dans le même quartier, celle-ci aurait toutefois due être exhumée pour être inhumée en « tête de ligne ». C’est ce qui a effectivement été fait pour la tombe de feu Mme RONCO (quartier n° 41), mais n’a pas été nécessaire pour celle de feu Mme ROULIN (quartier n° 32) dont la tombe se situait déjà en tête de ligne toutes deux soumises alors à l’ancien règlement précité de 1969.

Lorsque la recourante allègue encore que le quartier n° 32 comportait plusieurs arbres, mais situés aux extrémités, ce qui dégagerait une surface utile d’inhumation plus grande que la quartier n° 2______, elle ne fait qu’exposer sa propre appréciation de la situation, selon laquelle d’autres quartiers du cimetière seraient plus appropriés à une remise en exploitation. Or, cette décision relève de l’opportunité du SPF, chargé de l'autorité, la police et la surveillance par la ville, sous réserve des compétences dévolues aux autorités cantonales (art. 1 al. 2 RCimVdG). En outre, l’argumentation de l’autorité intimée selon laquelle la remise en exploitation du quartier n° 2______, puis l’utilisation optimale dudit quartier, seraient rendues plus difficiles par le maintien de la tombe litigieuse à son emplacement actuel apparaît véridique, étant relevant que seule ladite tombe demeure dans ce quartier. De manière tout aussi plausible, l’autorité intimée a exposé qu’elle devait assurer la disponibilité suffisante de lieux d’ensevelissement pour les années à venir, dès lors qu’aucune tombe « à la ligne » n’arriverait à échéance entre 2023 et 2033, compte tenu du régime légal différent qui était en vigueur entre les années 2003 et 2012, au cours desquelles le délai d’inhumation des nouvelles tombes était fixé à trente-trois ans. Ainsi, il ne saurait être considéré que la décision querellée, en tant qu’elle retient que le déplacement de la tombe litigieuse serait également justifié par les besoins du SPF, serait entachée d’arbitraire.

Pour le surplus, il convient de relever que c’est bien au contraire en admettant la demande de la recourante que l’autorité intimée contreviendrait au principe d’égalité de traitement, offrant à la recourante un privilège qui n’est pas offert aux autres familles de défunts inhumés au cimetière Saint-Georges.

c. Dès lors, sans nier le caractère pénible de la situation pour la recourante sur le plan affectif, il apparaît que les dispositions légales applicables ne permettent pas de répondre à son souhait de conserver la tombe de son père à son emplacement actuel. Une dérogation à celles-ci – étant précisé que la tombe litigieuse a déjà bénéficié d’une telle dérogation ne se justifie pas, notamment au regard des principes de la légalité et de l’égalité de traitement. Ainsi, la décision litigieuse, laquelle ne viole aucun des principes susmentionnés, est conforme au droit.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l'autorité intimée, qui dispose d'un service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 10 ; ATA/383/2020 du 23 avril 2020
consid. 10).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 avril 2021 par Madame A______ contre la décision de la Ville de Genève du 17 mars 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :