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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2507/2021

ATA/1008/2021 du 28.09.2021 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2507/2021-FORMA ATA/1008/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 septembre 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) Par décision du 2 juillet 2021, la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) a informé Monsieur A______ du fait qu’aucune place de stage ne lui avait été attribuée. Seules huit personnes pouvaient accéder à cette formation dans la discipline en question, à savoir la biologie. Son dossier avait été évalué par les services des ressources humaines de la DGES II (ci-après : RH). Il avait ensuite fait l’objet d’une évaluation lors d’un entretien avec une direction d’établissement secondaire. À la suite de l’ensemble de cette sélection, son dossier avait été classé à la 15ème place. Ces informations étaient également communiquées à l’institut universitaire de formation des enseignants (ci-après : IUFE).

Il était précisé qu’à sa demande, une décision formelle pouvait être rendue.

2) M. A______ ayant formé une telle demande, la DGES a exposé, par courrier du 19 juillet 2021, que la présélection avait été effectuée au regard de l’expérience professionnelle pertinente, de la formation, de la présentation générale du dossier et de la maîtrise du français. À cela s’était ajoutée l’analyse des directions d’établissement lors de l’entretien individuel, qui évaluait la motivation et la posture du candidat envers l’enseignement. Il avait totalisé un ensemble de 240 points, ce qui le classait à la 15ème place. Pour sa discipline de formation, l’attribution était particulièrement sélective. Sur 33 candidats, seuls huit auraient accès à la formation. Le dossier classé en 1ère place avait totalisé 352 points et celui classé en 8ème position 299 points. Afin d’étoffer ses chances d’obtenir une place de stage, il était encouragé à effectuer régulièrement des remplacements dans le canton.

3) Par acte expédié le 24 juillet 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cette décision, concluant, à titre provisionnel et principal, à l’attribution d’une place de stage.

En 2018 et 2019, il avait été classé 26ème et en 2020 10ème. Il s’était inscrit au service des remplacements du canton de Genève de 2018 à 2021. À la suite de la réception de la décision querellée, il avait requis une décision formelle comportant une motivation. Toutefois, la décision du 19 juillet 2021 n’en comportait pas. Le DIP n’expliquait pas comment étaient attribués les points. Il ignorait ainsi comment il pouvait progresser, étant relevé qu’il effectuait régulièrement des remplacements depuis le 26 janvier 2018, dont un à plein temps pendant une année au collège, et produisait des recommandations de professeurs et des « mots » d’élèves appréciant ses qualités pédagogiques.

Il dénonçait également une inégalité de traitement et « la violation de l’égalité entre concurrents » résultant du fait que les entretiens étaient conduits par des directeurs d’écoles différents pour les mêmes places. Il y avait ainsi autant d’appréciations possibles que de directeurs. Ces derniers étaient exposés à un conflit d’intérêts dès lors qu’ils pouvaient connaître les postulants ayant effectué des remplacements dans leur établissement. Le service RH évaluait ainsi les rapports des directeurs, qui pouvaient être viciés.

4) Le DIP a conclu au rejet du recours et de la requête de mesures provisionnelles.

Il a exposé que le processus de sélection des candidats se faisait en trois temps. D’abord, l’admissibilité formelle de la candidature était déterminée et, dans un deuxième temps, elle était examinée par le service RH, qui évaluait l’expérience professionnelle, la formation, la présentation général du dossier et la maîtrise écrite du français. Lors de la troisième étape, consistant en un entretien individuel avec un directeur et un membre de la direction d’un établissement, étaient évalués la maîtrise orale du français, la posture, le potentiel de développement, la motivation du candidat et sa perception du métier, sa conscience des enjeux, son intérêt et sa sensibilité au monde éducatif. Le classement des candidats leur était ensuite transmis.

Cette procédure avait été rigoureusement suivie pour M. A______. En tant que la décision exposait comment et selon quels critères l’évaluation de son dossier avait été établie, elle était suffisamment motivée. Le fait qu’il soit moins bien classé que l’an précédent résultait du fait que sa candidature était appréciée face à d’autres candidatures.

Le principe de l’égalité de traitement était respecté, dès lors que le cadre de l’entretien était le même pour tous les candidats. Le recourant n’avait pas sollicité la récusation d’une des personnes l’ayant reçu pour l’entretien individuel, et aucun élément ne permettait de retenir que le processus de sélection consacrait une inégalité susceptible de porter atteinte à la liberté économique du recourant.

5) Dans sa réplique sur mesures provisionnelles, M. A______ a, en sus des conclusions déjà prises, sollicité la suspension de la procédure dans l’attente de celle qu’il venait d’introduire auprès du préposé cantonal à la protection des données en vue d’obtenir l’accès à ses données d’examen.

6) Par décision du 30 août 2021, la requête de mesures provisionnelles a été rejetée.

7) Dans sa réplique au fond, le recourant a insisté sur le fait que les indications données par l’autorité intimée ne lui permettaient pas de comprendre comment les points avaient été attribués. Par ailleurs, l’entretien individuel qui était conduit par la directrice d’un établissement et l’un de ses subordonnés ne garantissait pas l’impartialité requise, un subordonné ne souhaitant pas « s’attirer d’ennuis ». Cela étant, il lui était impossible de démontrer que le rapport le concernant était vicié, dès lors qu’il n’y avait pas eu accès.

8) Se déterminant sur la demande de suspension de la présente procédure, le DIP a indiqué qu’il n’y était pas opposé.

9) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, y compris sur la question de la suspension.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans un premier grief, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu, dès lors que, malgré ses demandes expresses, l’intimé n’avait pas indiqué comment les différents critères retenus dans l’appréciation de son dossier et de son entretien individuel avaient été évalués.

a. Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l’autorité motive sa décision, afin que l’administré puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF  139 IV 179 consid. 2.2 ; 134 I 83 consid. 4.1; 133 III 439 consid. 3.3.).

En matière d'examens, la jurisprudence admet que la non-remise de documents internes, comme les grilles de corrections, l'échelle des notes ou les notes personnelles des examinateurs lors des examens oraux, ne viole pas le droit d'être entendu des candidats, à condition qu'ils aient été en mesure de comprendre l'évaluation faite de leur travail (arrêts du Tribunal fédéral 2D_25/2012 du 6 novembre 2012 consid. 3.4 ; 2D_71/2011 du 11 juin 2012 consid. 2.1). L'autorité doit exposer brièvement, même oralement, quelles étaient les attentes et dans quelle mesure les réponses du candidat ne les satisfaisaient pas pour remplir son obligation de motivation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_632/2013 du 8 juillet 2014 consid. 4.2 et 2D_65/2011 du 2 avril 2012 consid. 5.1).

Les griefs relatifs à un défaut de motivation doivent être examinés en premier lieu dès lors qu'ils sont de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours au fond (ATF 141 V 557 consid. 3).

b. En l’espèce, l’autorité intimée a informé le recourant de son classement en 15ème position dans les candidatures examinées. À la demande de l’intéressé d’obtenir une décision motivée, elle a exposé que la présélection du dossier avait été effectuée au regard de l’expérience professionnelle pertinente, de la formation, de la présentation générale du dossier et de la maîtrise écrite du français. À cela s’était ajoutée l’analyse des directions d’établissement lors de l’entretien individuel, qui évaluait la motivation et la posture du candidat envers l’enseignement. Le recourant avait totalisé 240 points, ce qui le classait à la 15ème place. Pour sa discipline de formation, l’attribution était particulièrement sélective. Sur 33 candidats, seuls huit auraient accès à la formation. Le dossier classé en 1ère place avait totalisé 352 points et celui classé en 8ème position 299 points. Afin d’étoffer ses chances d’obtenir une place de stage, il était encouragé à effectuer régulièrement des remplacements dans le canton.

Cette motivation demeure très générale. Elle ne porte, notamment, pas sur des points particuliers, tels l’appréciation de l’expérience professionnelle pertinente, de la formation, de la présentation générale du dossier ou de la maîtrise écrite du français du recourant. Elle ne renseigne pas non plus sur la répartition des points accordés aux critères retenus lors de l’entretien individuel. L’autorité intimée n’a pas non plus renseigné à ce sujet dans sa détermination au recours, dont l’un des griefs principaux porte précisément sur le défaut de motivation de la notation. Le recourant n’était ainsi pas en mesure de critiquer la distribution des points ni la chambre de céans d’examiner le bienfondé de la décision.

Dans ces circonstances, il convient d’admettre partiellement le recours, d’annuler la décision de non-attribution d’une place de stage et de renvoyer le dossier à l’intimé afin qu’il rende une nouvelle décision dûment motivée.

Au vu de cette issue, il n’y a pas lieu de suspendre la présente procédure dans l’attente de celle introduite par le recourant auprès du préposé à la protection des données, étant de surcroît relevé que cette procédure ne saurait suppléer à l’absence de motivation suffisante de la décision querellée.

Il n’y a, pour le surplus, pas lieu d’examiner les autres griefs soulevés, dès lors que la nouvelle décision motivée à rendre est susceptible d’apporter des éléments pertinents à cet égard.

3) Compte tenu de l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant. Plaidant en personne et n’ayant pas allégué qu’il aurait exposés des frais, il ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 juillet 2021 par Monsieur  A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 2 juillet 2021 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision précitée et renvoie la cause au département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :