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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3134/2020

ATA/123/2021 du 02.02.2021 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.03.2021, rendu le 08.07.2021, ADMIS, 2C_244/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3134/2020-EXPLOI ATA/123/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 février 2021

2ème section

 

dans la cause

 

 

Madame A______

et

B______ SA
représentées par Me C______, avocat

 

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) B______ SA (ci-après : B______ ou la société), inscrite au registre du commerce genevois, a pour but l'achat, la vente, la gérance, la création et l'exploitation de café-restaurants, de bars, de discothèques et tous établissements publics, ainsi que la prise de participations dans tous commerces ou sociétés poursuivant des buts similaires.

Monsieur C______, par ailleurs avocat, en est l'administrateur unique avec signature individuelle. Madame A______ en est, depuis le mois de novembre 2019, la directrice avec signature collective à deux.

2) B______ est propriétaire d'une discothèque à l'enseigne « D______ », sise rue E______à Genève. Cet établissement est géré par Mme A______, titulaire de l'autorisation d'exploiter délivrée par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) le 8 juin 2020.

3) Le 15 mars 2019, Monsieur F______, précédent directeur de B______ et exploitant de « D______ », a déposé auprès du service de l'espace public (ci-après : le service) de la Ville de Genève (ci-après : la ville) une requête visant à obtenir une autorisation d'exploiter une terrasse sur le domaine public, devant l'établissement.

Au formulaire rempli et signé intitulé « REQUÊTE : TERRASSES CAFÉ/RESTAURANT », étaient joints les documents requis, ainsi que notamment un courrier de la régie du bailleur de l'établissement déclarant ne pas s'opposer à l'installation d'une terrasse, sous réserve d'une heure de fermeture de celle-ci fixée à 23h30, afin de permettre le départ des clients pour minuit.

4) Le 28 mai 2020, sans réponse s'agissant de cette requête, M. C______ a adressé au service un courrier de quatre pages exposant de manière détaillée les motifs qui, selon lui, justifiaient un accueil favorable à la demande d'installation d'une terrasse devant l'établissement « D______ ». Était annexée à ce courrier une nouvelle demande d'autorisation d'installer une terrasse, au nom de Mme A______ qui l'avait signée le 25 mai 2020, ainsi que les pièces requises.

5) Le 19 juin 2020, le service a accusé réception de ce courrier ainsi que du dossier qui l'accompagnait, qui était en cours de traitement.

6) Par décision du 3 septembre 2020 adressée à Mme A______, le service a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une terrasse devant l'établissement « D______ ». De pratique constante, il écartait toute requête visant l'exploitation d'une terrasse liée à un établissement de la catégorie « dancing ». À teneur de la réglementation applicable, l'exploitation d'un dancing devait avoir lieu dans des locaux fermés, ce qui rendait incompatible sa requête avec le texte clair de ladite réglementation.

M. F______, en sa qualité de requérant originaire, était également informé de la décision rendue.

7) Au mois de septembre 2020, en raison des difficultés économiques engendrées par la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, le PCTN a autorisé les dancings et discothèques genevois à être exploités provisoirement selon les modalités prescrites pour les cafés-restaurants et bars.

8) Dans ce contexte, M. C______ a déposé le 17 septembre 2020 une demande, signée par Mme A______, visant l'obtention d'une permission temporaire d'exploiter une terrasse devant l'établissement « D______ ».

9) Le 18 septembre 2020, le service a constaté que des travaux d'aménagement d'une terrasse avaient déjà commencé devant l'établissement.

10) Par un courrier du même jour accusant réception de la demande pour une terrasse provisoire pendant la durée de la dérogation, respectivement du changement d'affectation autorisé par le PCTN, le service a relevé la précipitation avec laquelle les travaux avaient été entrepris, sans son autorisation ni celle du PCTN, et invité M. C______ à se conformer aux procédures.

11) Dans sa réponse du même jour, M. C______ a confirmé sa demande et expliqué les raisons pour lesquelles il avait fait rapidement commencer l'installation de la terrasse.

12) Par courrier daté du 14 septembre 2020, mais reçu par le service le 21 septembre 2020, M. C______ a confirmé avoir reçu diverses autorisations permettant à l'établissement « D______ » d'être exploité sous forme de bar eu égard à la situation sanitaire, notamment celle autorisant l'installation provisoire d'une terrasse. Il prenait acte du refus de principe d'une terrasse pour le dancing et mentionnait l'éventualité d'un recours. Vu l'adaptation momentanée de la réglementation et les difficultés économiques rencontrées depuis le printemps, il était urgent d'adapter la situation par une exploitation plus favorable, en particulier par l'installation durable d'une terrasse pour laquelle il sollicitait à nouveau une autorisation.

Était notamment joint à ce courrier un nouveau formulaire de demande d'autorisation de terrasse signé le 7 septembre 2020 par Mme A______.

13) Par acte du 5 octobre 2020, Mme A______ et B______, représentées par leur avocat M. C______, ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du service du 3 septembre 2020 refusant de délivrer au dancing « D______ » l'autorisation d'aménager une terrasse. Les recourantes concluaient principalement à l'annulation de cette décision et à la délivrance de l'autorisation sollicitée le 28 mai 2020, conformément aux plans, documents et descriptifs annexés à la requête. Elles demandaient préalablement la comparution personnelle des parties, ainsi qu'un transport sur place en présence du service de l'air, du bruit et des rayons non ionisants (ci-après : SABRA).

Outre ses activités réputées dans la vie nocturne genevoise, l'établissement disposait d'une cinquantaine de places assises avec des tables et proposait un service de petite restauration, à savoir des tapas élaborés à base de produits de qualité provenant d'artisans genevois, ainsi qu'une grande variété de vins et bières locaux et des cocktails expérimentaux.

Les démarches en vue de l'aménagement d'une terrasse avaient été initiées en 2019 et un projet architectural avait été réalisé. Des échanges avaient eu lieu avec des collaborateurs du service ayant indiqué que le projet de terrasse était en règle, mais qu'une pratique administrative interne consistait à refuser systématiquement toute requête d'installation d'une terrasse pour les dancings. La seule solution était de demander au magistrat en charge du service la modification de cette pratique, ce qu'avait envisagé de faire B______ avant d'y renoncer en raison de la crise sanitaire. La nouvelle requête et le courrier de mai 2020 se justifiaient par l'urgence à obtenir l'autorisation sollicitée au retour des beaux jours, pour tenter de pallier la perte de chiffre d'affaires de l'établissement.

La décision attaquée constatait les faits de manière incomplète, portait atteinte à la liberté économique des recourantes en l'absence de base légale, de pesée des intérêts publics et privés en présence et d'examen de la proportionnalité de la mesure imposée, et violait le principe de l'égalité de traitement.

En refusant d'emblée l'aménagement d'une terrasse au motif que la requête émanait d'un dancing, sans solliciter un préavis du SABRA et sans tenir compte des particularités du cas d'espèce, la ville avait fait abstraction des faits pertinents et abusé de son pouvoir d'appréciation. Or, il y avait lieu de considérer que la terrasse litigieuse ne serait ouverte que de 17h à 23h30, que l'établissement proposait un débit varié de boissons et un service de petite restauration, qu'il se situait dans une rue animée, essentiellement commerçante, sur laquelle se trouvaient d'autres terrasses ouvertes jusqu'à 4h le week-end et qu'aucune activité de danse ni de musique n'aurait lieu à l'extérieur.

La disposition réglementaire invoquée par le service à l'appui de sa décision et de sa pratique ne constituait à elle seule pas une base légale suffisante pour écarter une demande de terrasse émanant d'un dancing, car elle n'était pas contenue dans une loi au sens formel. Par ailleurs, l'interprétation des dispositions applicables, dont l'intimée faisait une lecture erronée pour justifier sa pratique, ne permettait pas de déduire une volonté d'interdire purement et simplement l'installation d'une terrasse devant un dancing, sans tenir compte que l'activité d'un établissement sur une terrasse (restauration) pouvait ne pas être la même que celle devant avoir lieu dans des locaux fermés (musique, danse).

Enfin, la différenciation opérée par l'intimée entre les dancings et les bars et restaurants s'agissant de l'octroi d'autorisations pour des terrasses constituait une inégalité de traitement, dans la mesure où les établissements de chacune de ces catégories pouvaient obtenir diverses autorisations et dérogations en vue d'exercer en leur sein des activités relevant de l'autre catégorie. En l'occurrence, rien n'empêchait un dancing, qui avait le droit d'ouvrir dès 15h et de proposer un service de restauration, d'exploiter une terrasse tout en respectant les dispositions en matière de lutte contre le bruit, de sécurité et de tranquillité du voisinage, puisqu'il était possible de lui fixer les mêmes conditions d'exploitation qu'aux bars et restaurants, notamment les horaires, et en tenant compte de la configuration des lieux, de la proximité et du type de voisinage ou de tout autre élément pertinent.

14) Interpellé par le service, le SABRA a indiqué le 15 octobre 2020 ne pas être compétent pour préaviser, à la demande de la commune, l'installation d'une terrasse devant l'établissement « D______ ». Le SABRA pouvait être consulté par l'office des autorisations de construire pour les aménagements extérieurs sur le domaine privé faisant l'objet d'une requête en autorisation de construire et, dans ce cadre, pouvait être amené à préaviser pour une terrasse. La question des nuisances sonores d'une terrasse sur le domaine public relevait toutefois de la notion du bruit de comportement, thématique pour laquelle la police cantonale et/ou municipale était compétente par le biais d'une réglementation sur la tranquillité publique et la législation cantonale régissant les divers types d'établissements publics.

15) Le 6 novembre 2020, la ville a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 3 septembre 2020.

Un collaborateur du service avait rencontré M. F______ en mars 2019 dans le contexte du projet d'installation de la terrasse litigieuse. À cette occasion, le premier avait remis au second un formulaire ad hoc à remplir. Ce n'était qu'une fois revenu à son bureau que le collaborateur s'était rendu compte que l'établissement en question était un dancing et non un bar ou restaurant et que le libellé du formulaire prêtait à confusion. Il avait dès lors contacté informellement M. F______ pour lui indiquer que sa demande n'aurait que très peu de chances d'aboutir, vu la pratique constante du service en la matière. À la suite de cette discussion, M. C______ avait pris contact avec un coordinateur technique du service et lui avait adressé son courrier du 28 mai 2020.

Le SABRA, qui avait été interpellé sur sa faculté de rendre un préavis d'évaluation de la situation, avait indiqué ne pas être en mesure de donner suite à cette requête.

La loi applicable constituait une base légale suffisante pour octroyer à la commune la compétence de restreindre la liberté économique des recourantes, sous réserve du respect des conditions du droit fédéral.

Dès lors que l'exploitation d'un dancing devait avoir lieu dans des locaux fermés, cette modalité expressément prescrite dans la réglementation applicable ne permettait pas d'envisager une exploitation à ciel ouvert. Par ailleurs, la réglementation municipale prévoyait une interdiction formelle de cloisonner intégralement une zone terrasse.

Pour fonder sa décision, l'intimée, usant de la latitude dont elle disposait dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, avait pris en considération des facteurs externes aux principes précités. Il y avait lieu de rappeler que l'abolition de la clause du besoin dans le domaine des établissements publics avait eu notamment pour conséquence d'augmenter par endroits leur nombre, ce qui avait conduit à une densification des établissements causant des nuisances et donc des problématiques y relatives. De même, l'interdiction de fumer à l'intérieur des établissements avait eu pour effet de déplacer sur le domaine public des nuisances auparavant contenues à l'intérieur. Dans ce contexte, il était contraire à l'intérêt public d'élargir le nombre d'établissements susceptibles de disposer d'une terrasse sur le domaine public, alors même que le texte réglementaire clair en interdisait le principe. En l'occurrence, deux cafés-restaurants exploitaient déjà des terrasses dans l'espace restreint où les recourantes souhaitaient aménager la leur.

La position de principe de l'intimée était toutefois valable pour la « situation légale ordinaire » et il était acquis que l'établissement « D______ » serait traité comme un établissement de la catégorie « cafés-restaurants et bars » aussi longtemps que durerait le régime d'exception décrété par le PCTN durant la crise sanitaire, et donc bénéficierait d'une autorisation lui permettant d'aménager une terrasse.

16) B______ et Mme A______ ont répliqué le 26 novembre 2020, persistant dans leurs précédentes conclusions.

La seule clause réglementaire proscrivant l'exploitation permanente d'un dancing dans des locaux non fermés n'empêchait pas l'octroi de l'autorisation litigieuse, car elle n'interdisait pas l'exploitation d'une terrasse pour des activités de boissons et restauration. Il n'était en l'occurrence pas question de danse ni de musique sur la terrasse. Pour assurer une égalité de traitement entre les discothèques et les autres établissements de catégorie « cafés-restaurants et bars », l'intimée ne pouvait pas refuser uniquement par principe l'autorisation d'exploiter une terrasse à tous les dancings genevois, mais devait rendre une décision proportionnée pour chaque cas d'espèce. Or, les distinctions opérées étaient insoutenables, dès lors que de nombreux bars disposant d'une terrasse recevaient des autorisations d'animation musicale et de danse.

Le fait que le service n'ait sollicité le préavis du SABRA qu'après le dépôt du recours démontrait que la décision attaquée ne prenait pas en considération toutes les circonstances du cas d'espèce. Vu l'incompétence du SABRA pour préaviser, il appartenait au service de motiver sa décision en expliquant en quoi une interdiction pure et simple de la terrasse se justifiait davantage qu'une restriction moins incisive pour limiter les nuisances sonores, par exemple une diminution de la taille de la terrasse, une limitation de l'horaire à 21h00 ou l'interdiction de haut-parleurs. L'intimée ne pouvait ainsi pas se prévaloir de l'incompétence du SABRA pour renoncer à instruire sur les potentielles nuisances engendrées par la terrasse litigieuse.

Enfin, la seule présence de deux autres terrasses à proximité de l'établissement « D______ » ne suffisait pas à démontrer que l'exploitation d'une troisième terrasse dans la même rue, dont le degré de sensibilité du bruit était élevé, conduirait à des nuisances excessives pour le voisinage. L'argumentation de l'intimée, qui se contentait de produire un plan de la rue, sans aucun courrier de plainte des habitants du quartier, n'était pas étayée.

17) Le 30 novembre 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, y compris sur les mesures d'instruction sollicitées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'intimée de refuser l'aménagement d'une terrasse devant l'établissement dont les recourantes sont propriétaire, respectivement gérante, ceci de manière pérenne en dehors de la situation dérogatoire liée à la Covid-19.

3) Les recourantes concluent préalablement à un transport sur place en présence des parties ainsi que du SABRA.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, les parties ont produit dans la présente procédure de nombreuses pièces, plans et photographies permettant de comprendre tant l'activité et la situation de l'établissement que le projet de terrasse envisagé. Par ailleurs, les recourantes n'indiquent pas dans quelle mesure un transport sur place serait susceptible d'apporter d'autres éléments pertinents pour l'issue du litige. En outre, dès lors que le SABRA s'est déclaré incompétent pour préaviser l'installation de la terrasse litigieuse sur le domaine public et en a expliqué les motifs dans un courrier du 15 octobre 2020, son intervention n'apparaît pas non plus de nature à influer sur l'issue du litige.

La chambre administrative dispose dès lors d'un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause, de sorte qu'elle renoncera à ordonner les mesures d'instruction sollicitées.

4) À teneur de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

5) Les recourantes se plaignent d'une constatation inexacte des faits pertinents.

a. Est considérée comme une entreprise, toute forme d'exploitation d'une activité vouée à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement ou encore au divertissement public, exercée contre rémunération ou à titre professionnel (art. 3 let. a de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 -
LRDBHD - I 2 22). Au sens de cette loi, un établissement est une entreprise, dont l'activité s'exerce dans un local fermé ou dans un lieu circonscrit (art. 3
let. b LRDBHD). Les dancings et cabarets-dancings sont des établissements aménagés pour la danse et/ou les attractions destinées aux adultes, où l'on débite des boissons et/ou où l'on assure un service de restauration (art. 3
let. g LRDBHD). Une terrasse est un espace en plein air, couvert ou fermé, permettant la consommation de boissons ou d'aliments, qui est accessoire à une entreprise et qui se situe sur domaine public ou privé ; elle peut être saisonnière ou permanente (art. 3 let. r LRDBHD).

b. Une entreprise de catégorie « dancing » dispose d'un espace et d'installations destinés à cette activité (piste de danse, podium, etc.). L'exploitation a lieu dans des locaux fermés, qui doivent être équipés d'un limiteur-enregistreur de sons (art. 11 al. 2 du règlement d'exécution de la LRDBHD du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01). Elle propose principalement un service de boissons avec ou sans alcool. Elle peut également proposer un service de restauration restreint, auquel cas elle doit disposer d'une cuisine adaptée à l'offre de restauration proposée (art. 11 al. 3 RRDBH).

c. La commune du lieu de situation de l'entreprise est compétente pour autoriser l'exploitation des terrasses (art. 4 al. 2 phr. 1 LRDBHD). Elle fixe les conditions d'exploitation propres à chaque terrasse, notamment les horaires, en tenant compte de la configuration des lieux, de la proximité et du type de voisinage, ainsi que de tout autre élément pertinent (art. 15 al. 1 phr. 1 LRDBHD). Elle reçoit, instruit et délivre les autorisations d'exploiter les terrasses (art. 4
al. 2 RRDBHD).

d. Le projet de loi PL 11282 du 12 septembre 2013 sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement [ci-après : PL 11282], proposait cette compétence de la commune du lieu de situation, que la terrasse soit située sur le domaine public communal ou sur le domaine privé. De par leur relation de proximité et leur compétence pour autoriser l'usage accru du domaine public, les communes sont les plus à même d'examiner si une terrasse accessoire à une entreprise stable est ou non conforme aux prescriptions locales. Ainsi, s'il appartient au département d'examiner les conditions d'octroi de l'autorisation d'exploiter une entreprise stable, la compétence d'autoriser l'exploitation d'une terrasse accessoire à une entreprise doit être attribuée exclusivement à la commune concernée (PL 11282, p. 55 et 56).

e. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'établissement concerné est au bénéfice d'une autorisation d'exploiter un dancing assurant en outre, comme le lui permet la loi, un débit de boissons et un service de petite restauration. Le fait que le dancing, qui se trouve dans une rue comptant d'autres établissements publics, souhaite exploiter une terrasse de 17h00 à 23h30, sans diffuser de musique à l'extérieur, ressort également des pièces et explications fournies dans le cadre de la procédure.

Or, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'intimée n'aurait pas pris en considération l'ensemble des circonstances, en particulier les éléments qui précèdent, avant de rendre la décision querellée, étant précisé que, dans son courrier du 28 mai 2020, l'administrateur de la société ne fait qu'opposer son propre point de vue et son interprétation à ceux de l'intimée, sans apporter de motifs susceptibles de contraindre cette dernière à revenir sur sa position.

Ce premier grief est ainsi infondé.

6) Les recourantes se plaignent d'une violation de leur liberté économique.

a. Telle qu'elle est garantie par l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c.aa ; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss, p. 176). Le libre exercice d'une profession implique de pouvoir choisir le moment, le lieu, les moyens de production, la forme juridique, les partenaires, les clients, les conditions de travail, les prix, les coûts, soit tous les éléments qui organisent et structurent le processus social conduisant à la production d'un gain (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3ème éd., 2013, n. 952). Tant les personnes physiques que les personnes morales sont titulaires de la liberté économique ainsi définie (ATF 131 I 223 consid. 4.1 ; Message précité,
FF 1997 I 1 ss, p. 179).

b. Comme tout droit fondamental, la liberté économique peut être restreinte, pour autant qu'une telle restriction soit fondée sur une base légale, repose sur un intérêt public ou sur la protection d'un droit fondamental d'autrui et soit proportionnée au but visé (art. 36 Cst. ; ATF 131 I 223 consid. 4.1 et 4.3).

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public
(ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

d. En l'espèce, l'intimée a indiqué dans la décision attaquée que son refus d'autoriser l'installation de la terrasse sollicitée était fondé sur sa pratique constante visant à ne pas délivrer de telles autorisations aux dancings.

La chambre administrative a retenu, dans un arrêt rendu sous l'ancienne LRDBH, que si l'intimée avait la compétence de refuser à un dancing l'installation d'une terrasse, aucune disposition ne lui donnait en revanche la compétence de la refuser en se fondant sur sa seule pratique, sans respecter l'ensemble des principes valant en procédure administrative, notamment sans procéder à une pesée des intérêts ni examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle entendait prendre (ATA/646/2014 du 19 août 2014 consid. 12).

Il ressort toutefois de l'examen du dossier relatif au cas d'espèce, en particulier des explications données par l'intimée tant dans son écriture responsive que dans la décision attaquée, que la pratique dont découle cette dernière n'a pas été établie uniquement par principe, mais se fonde sur la législation et la réglementation applicables et respecte les principes précités.

En effet, la décision querellée, ayant pour conséquence de restreindre la liberté économique des recourantes, repose sur une base légale, soit l'art. 11
al. 2 RRDBH, à teneur duquel l'exploitation d'un dancing doit avoir lieu dans des locaux fermés. Le texte clair de cette disposition, contrairement à ce qu'allèguent les recourantes, s'oppose à l'exploitation d'une terrasse extérieure, y compris pendant des horaires restreints, dès lors qu'il n'opère pas de distinction entre les différentes activités relevant de l'exploitation d'un dancing (danse et musique ainsi que débit de boissons et petite restauration).

De plus, pour fonder sa pratique et, par conséquent, son refus d'autoriser les recourantes à installer une terrasse, l'autorité intimée a, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation qui lui est conféré, procédé à une pesée des intérêts en présence. Sans nier les intérêts privés des recourantes, en particulier leur intérêt économique à pouvoir recevoir la clientèle en terrasse durant la belle saison, la ville a rappelé que l'interdiction de fumer à l'intérieur des établissements ainsi que l'abolition de la clause du besoin, notamment, avaient engendré au cours des dernières années de nouvelles nuisances dans les rues genevoises, lesquelles devaient être contenues. Le refus d'installer des terrasses devant les dancings constituant une mesure susceptible de contribuer à l'atteinte de ce but qui relève de l'intérêt public, la décision querellée respecte par ailleurs le principe de la proportionnalité.

Partant, la restriction de la liberté économique des recourantes était justifiée, de sorte que ce grief sera également rejeté.

7) Les recourantes se plaignent, par ailleurs, d'une violation de l'égalité de traitement.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances
(ATF 138 V 176 consid. 8.2 et les références citées). Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 138 I 225 consid. 3.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_582/2013 du 2 mai 2014 consid. 6.2.1).

b. En l'espèce, les recourantes ne peuvent pas se prévaloir d'une inégalité de traitement dès lors qu'elles n'allèguent pas que d'autres établissements de la catégorie des dancings et discothèques seraient au bénéfice d'une autorisation de l'intimée pour l'aménagement d'une terrasse et qu'elles auraient ainsi été traitées différemment de ceux-ci, qui étaient pourtant dans la même situation qu'elles.

Également infondé, ce grief sera écarté.

Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est conforme au droit et que l'autorité intimée n'a pas excédé ni abusé de son pouvoir d'appréciation. Le recours sera par conséquent rejeté.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourantes, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2020 par B______ SA et Madame A______ contre la décision de la Ville de Genève du 3 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de B______ SA et Madame A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me C______, avocat des recourantes, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mmes Krauskopf, présidente, M. Verniory et Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :