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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3781/2020

ATA/1368/2020 du 29.12.2020 ( MARPU ) , REFUSE

Recours TF déposé le 06.01.2021, rendu le 16.03.2021, REJETE, 2D_1/2021
Parties : BHAASHA SÀRL / HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE, CROIX-ROUGE GENEVOISE, CONNEXXION SARL
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3781/2020-MARPU ATA/1368/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 29 décembre 2020

sur effet suspensif

 

dans la cause

BHAASHA SÀRL
représentée par Me Olivier Rodondi, avocat

contre

CONNEXXION SÀRL

représentée par Me Enis Daci, avocat

et

CROIX-ROUGE GENEVOISE

représentée par Mes Raphaël Jakob et Soile Santamaria, avocats

et

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Tobias Zellweger, avocat



Attendu, en fait, que :

1) Le 20 juillet 2020, la centrale d'achats et d'ingénierie biomédicale des hôpitaux universitaires Vaud-Genève (ci-après : la centrale), agissant pour les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a publié sur le site Internet www.simap.ch un appel d'offres en procédure ouverte pour un marché de services soumis aux accords internationaux, en vue d'obtenir des « prestations d'interprétariat en présentielle (sic) au personnel médical-soignant et PPS (pluri-prof-santé) délivrées aux HUG ».

Le marché était divisé en lots (sans spécification). Les critères d'adjudication étaient le prix (critère 1 : 40 %), la capacité à réaliser le marché selon le cahier des charges (critère 2 : 40 %), la gestion administrative (critère 3 : 15 %) et la qualité du dossier (critère 4 : 5 %). Le délai de remise des offres était fixé au 15 septembre 2020 à 16h00.

Le cahier des charges administratif précisait que le marché était divisé en deux lots, le premier correspondant aux prestations d'interprétariat pour les départements de médecine de premier recours (ci-après : DMPR), de psychiatrie (ci-après : DPSY) et de médecine (ci-après : DMED), et le second correspondant aux prestations d'interprétariat pour le compte des autres départements des HUG ; le lot 1 serait attribué au soumissionnaire arrivant en première place, le lot 2 à celui arrivant en deuxième place. Aucune audition des candidats n'était envisagée. Les prestations demandées devaient correspondre aux exigences du cahier des charges technique. Le comité d'évaluation était composé de Mesdames Patricia HUDELSON et Pascale THÉODET et de Messieurs Steve CANDOLFI, Frank CALCAVECCHIA et Gilles RIOTTON.

2) Dans le délai susmentionné, trois entités ont soumis une offre, à savoir :

- La Croix-Rouge genevoise (ci-après : CRG), qui est une association membre du mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-rouge. Elle est inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève, et a pour but statutaire d'« accomplir, en tout temps, des tâches humanitaires selon les principes fondamentaux de la Croix-Rouge ». Elle dispose d'un service d'interprétariat fondé en 1993, et qui est actif pour le compte des HUG depuis 2000 ;

- Connexxion Sàrl (ci-après : Connexxion), qui est une société à responsabilité limitée fondée en 2015, et dont le siège est à Lausanne. Elle est inscrite au RC vaudois et a pour but statutaire de « fournir un service de traduction et d'interprétation à ses clients ; la société peut exercer toute autre activité de service ou autre activité commerciale en rapport direct ou indirect avec son but et en accord avec la loi ». Elle est active pour le compte des HUG depuis 2016 ; et

- Bhaasha Sàrl (ci-après : Bhaasha), qui est une société à responsabilité limitée dont le siège est à Yverdon-les-Bains. Elle est inscrite au RC vaudois et a pour but statutaire « toutes activités dans le domaine de l'interprétation et des technologies de l'information et [de la] communication ainsi que la vente et le commerce de ces services et technologies incluant les prestations d'interprétariat et les produits et services informatiques ».

3) La CRG et Connexxion étaient les seuls soumissionnaires lors de l'appel d'offres précédent, lancé en mai 2016. Elles s'étaient vu attribuer chacune un lot du marché. Les contrats, conclus, pour deux ans, étaient renouvelables une fois et expirent au 31 décembre 2020.

4) Par décision du 3 novembre 2020, les HUG ont adjugé le lot n° 1 à Connexxion et le lot n° 2 à la CRG, et ont informé Bhaasha que son offre, classée en troisième position, n'avait pas été retenue.

5) Sur demande de Bhaasha, les HUG ont fourni le tableau d'évaluation des offres.

Selon ce dernier, les notes de Bhaasha étaient respectivement de 5.00 au critère 1, 3.00 au critère 2, 2.60 au critère 3 et 3.00 au critère 4 (soit un total de points de 374.00). Les notes de Connexxion étaient de 4.88, 3.40, 3.80 et 4.00 (soit un total de points de 403.25), et celles de la CRG de 4.42, 3.80, 3.00 et 3.00 (soit un total de points de 388.88).

6) Le 11 novembre 2020 a eu lieu une rencontre entre les représentants de Bhaasha et ceux des HUG, qui ont répondu aux questions de la première citée. Le critère 1 avait été évalué en utilisant la méthode T2 ; les critères 2 et 3 avaient fait l'objet de cinq sous-critères chacun.

7) Par acte posté le 16 novembre 2020, Bhaasha a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision d'adjudication et à l'attribution du lot n° 1 ou n° 2 du marché en cause, « avec suite de frais et dépens ».

S'agissant de l'effet suspensif, en dehors des griefs formels qui revêtaient un poids certain, une appréciation objective et non arbitraire d'un seul critère, et donc la correction d'une seule note, conduirait à l'admission du recours, tant il était improbable que les HUG pussent justifier la note de 3 pour le critère 2 et celle de 2.6 pour le critère 4 (recte : pour le critère 3). Le pouvoir adjudicateur ne pouvait invoquer l'urgence à conclure les contrats, d'une part car il avait pêché dans la planification en ne prévoyant que six mois entre le lancement de l'appel d'offres et le début des contrats, et d'autre part car les adjudicataires étaient déjà en place.

Sur le fond, Mme HUDELSON, qui était la répondante des HUG pour l'interprétariat, devait se voir récusée, sa participation au comité d'évaluation étant inenvisageable en raison des contacts déjà noués avec les deux soumissionnaires déjà en place.

Le principe de transparence avait été violé, car les sous-critères d'adjudication n'avaient pas été arrêtés avant le dépôt des offres. Lors de la séance du 11 novembre 2020, les HUG avaient expressément laissé entendre (sic) que la méthodologie de notation avait été adaptée en fonction des offres reçues. Les spécifications et exigences fixées étaient clairement et précisément indiquées dans le cahier des charges administratif (ci-après : CCA) et le cahier des charges technique (ci-après : CCT), et ne constituaient pas des attentes minimales mais correspondaient point pour point à ce qui était attendu.

S'agissant de la notation, elle avait reçu la note de 3 au critère 3, sous-critère « nombre d'interprètes », alors qu'elle disposait de plus d'interprètes que la CRG. Pour le sous-critère « formation des interprètes », les HUG s'étaient fondés sur le nombre d'interprètes certifiés, alors même que cet élément avait été expressément exclu par les HUG dans la réponse à une question ; quoi qu'il en fût, c'était Bhaasha qui disposait du plus grand nombre d'interprètes certifiés, soit 53, contre 41 pour la CRG et 6 pour Connexxion. Les HUG ne semblaient pas avoir pris en compte la qualité de son équipe de formation, ni son offre de formation innovante avec le Canada, ni même le respect de la norme ISO 13611, qui proposait des critères et recommandations pour l'interprétation en milieu médical.

Elle avait été moins bien notée que ses concurrentes sur le sous-critère « développement durable » ; or il était donné trop de poids à ce dernier, s'agissant d'un marché portant sur des prestations d'interprétariat, et l'on ne voyait de plus pas le lien avec l'objet du critère 2, à savoir « capacité à réaliser le marché ». Pour sa part, elle avait insisté sur la dématérialisation de la validation des prestations pour diminuer la consommation de papier.

Elle avait aussi présenté d'excellentes références dans le domaine médical, mais les HUG avaient adapté ses critères d'évaluation en retenant comme pertinent le nombre d'heures dans le domaine médical, ce qui revenait à avantager les prestataires des HUG déjà en place puisque ceux-ci étaient le plus grand pourvoyeur à Genève.

Si les notes étaient dûment adaptées pour le seul critère 2, elle obtenait 16 points de plus et se voyait adjuger le lot n° 2.


 

Pour le critère 3, elle avait reçu une mauvaise note au sous-critère « réservation directe des interprètes » au motif qu'elle n'aurait pas offert la possibilité d'une réservation directe de l'interprète sur Internet par le biais d'un système informatisé ne nécessitant pas de confirmation supplémentaire de la part du commanditaire. Elle offrait pourtant un tel service, si bien que la note procédait d'une constatation inexacte des faits. Pour le sous-critère « saisie des données patient sécurisées », elle avait reçu la note de 2, alors que sa plateforme informatique était utilisée par plusieurs grands hôpitaux suisses, et que les technologies qu'on lui reprochait de ne pas avoir intégrées pouvaient facilement l'être, ce qu'elle avait expressément indiqué dans son offre. Pour le sous-critère « validation des interventions interprètes », elle avait reçu la note de 3 (suffisant), mais un point de plus avait été alloué à une concurrente car celle-ci aurait proposé une option supplémentaire de validation sur le téléphone de l'interprète, alors même qu'elle fournissait aussi cette option. Pour le sous-critère « statistiques », ses concurrentes étaient avantagées par leur connaissance des HUG ; elle-même avait répondu aux exigences posées par les documents d'appel d'offres, sans savoir qu'il convenait d'aller plus loin. Ainsi, elle aurait dû recevoir un point de plus à quatre des cinq sous-critères du critère 3, sans aucunement chercher à substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité adjudicatrice.

8) Le 10 décembre 2020, la CRG a conclu au rejet de la demande d'octroi de l'effet suspensif au recours.

Elle ne pouvait se déterminer sur l'urgence qu'avaient les HUG de disposer des services d'interprétariat dès le 1er janvier 2021, mais quoi qu'il en soit le recours n'apparaissait prima facie pas suffisamment fondé.

Les critiques contenues dans le recours portaient sur l'exercice par l'autorité adjudicatrice de son pouvoir d'appréciation, invoquant in fine un abus de ce dernier. Seule une appréciation arbitraire pouvait aboutir à une admission du recours, or Bhaasha tentait de substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité adjudicatrice, ce qui était insuffisant.

9) Le 10 décembre 2020, Connexxion a conclu au rejet de la demande d'octroi de l'effet suspensif au recours.

Une analyse succincte des griefs soulevés dans le recours permettait de se convaincre que ce dernier était dépourvu de chances de succès.

La participation au comité d'évaluation de Mme HUDELSON était connue dès la procédure d'appel d'offres, si bien qu'une éventuelle récusation aurait pu être demandée à tout le moins au moment du dépôt de l'offre.

S'agissant du principe de la transparence, il était clair à la lecture des documents d'appel d'offres que les exigences du CCA et du CCT correspondaient à une offre de base, et non exactement à ce qui était attendu. Il n'y avait donc pas de violation de ce principe.

Quant aux griefs matériels, ils relevaient du pouvoir d'appréciation de l'autorité adjudicatrice.

10) Le 10 décembre 2020, les HUG ont conclu au rejet de la demande d'octroi de l'effet suspensif au recours.

En matière de marchés publics, l'octroi de l'effet suspensif ne devait être admis que de manière restrictive. En l'espèce, le recours était infondé, et l'intérêt public s'opposait à l'octroi de l'effet suspensif.

La demande de récusation de Mme HUDELSON était tardive, la prétendument récente connaissance de formations données par cette dernière n'étant pas explicitée et étant des plus opportunes. Les motifs de récusation restaient très vagues ; les retenir mènerait de plus une interdiction généralisée de faire participer aux comités d'évaluation les personnes les plus à même d'évaluer les offres.

Le principe de transparence n'exigeait pas, sauf exception, de publier au moment de l'appel d'offres les sous-critères tendant à concrétiser le critère publié. Une grande liberté d'appréciation était reconnue au pouvoir adjudicateur. Bhaasha avait pu prendre connaissance des critères, et n'avait posé aucune question à leur sujet ou au sujet d'éventuels sous-critères. Les sous-critères employés se rattachaient aux critères principaux, et il n'y avait eu aucune modification en cours de procédure des exigences du marché. En affirmant en outre que les spécifications exigées dans les documents d'appel d'offres correspondaient exactement au niveau attendu, Bhaasha substituait sa propre appréciation à celle de l'autorité adjudicatrice. Enfin, les notes attribuées lui avaient été expliquées, et ces éclaircissements lui avaient donc été apportés ; qu'ils lui aient déplu n'y changeait rien.

Pour le nombre d'interprètes, il était suffisant pour chacun des soumissionnaires, sans apporter d'avantages particuliers aux HUG, si bien que chacun d'eux avait reçu la note de 3. De plus, 15 des interprètes de Bhaasha n'étaient disponibles à Genève que sur demande, si bien qu'il y avait lieu de les retrancher du total des interprètes disponibles.

À propos de la formation interne de base, d'éventuelles formations qu'auraient pu suivre les interprètes des adjudicataires actuels avec le concours des HUG n'avaient pas été prises en compte, et du reste aucune des deux intéressées ne s'en était prévalu. Le comité d'évaluation avait mis en évidence qu'aucun des soumissionnaires ne proposait à leurs interprètes de formation spécifique au domaine de la santé ou de la médecine. La formation avec le Canada de Bhaasha n'était pas axée sur le milieu médical ; malgré une durée importante, elle ne s'accompagnait que d'un faible quota d'heures de présence physique, qui plus est facultatives, et seuls 8 % des interprètes de Bhaasha avait achevé cette formation au moment du dépôt de l'offre. La norme ISO dont se prévalait Bhaasha ne constituait pas un type de certification du programme de formation de cette société, pas plus qu'elle n'était spécifique au domaine médical ou de la santé. À l'inverse, l'une des adjudicataires avait fait état d'une certification plus solide de son programme de formation, ainsi que d'une formation dont la part en « présentiel » était plus importante, justifiant une note de 4 au lieu de 3. Quant au pourcentage d'interprètes certifiés, il s'agissait d'un critère dont le comité d'évaluation n'avait pas tenu compte ; c'était en raison d'une erreur de communication interne que l'annotation y relative avait été ajoutée sur le tableau d'évaluation pour la CRG, et cette erreur matérielle avait été rectifiée.

S'agissant du développement durable, Bhaasha cherchait à imposer sa propre définition des notions de mobilité ou de conditions sociales, et perdait de surcroît de vue que le CCA évoquait une « approche développement durable » (sic), citant la mobilité ou les conditions sociales à titre exemplatif vu l'usage de l'adverbe « notamment ». S'étant montrée rigide dans son approche, elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, les deux adjudicataires ayant présenté des offres bien plus étoffées en la matière. Le poids du sous-critère relevait du large pouvoir d'appréciation de l'autorité adjudicatrice.

Pour le niveau de langue des interprètes, Bhaasha et l'un des adjudicataires, qui exigeaient un niveau C1 pour le français et C2 dans la langue à traduire, sans indiquer comment ils mesuraient ce niveau, avaient eu la note de 4, et l'autre adjudicataire une note plus basse.

Pour les références médicales, les HUG ne s'étaient pas basés simplement sur le nombre d'heures effectuées en milieu médical. Bhaasha avait présenté de bonnes références, mais sans préciser le contexte ni les bénéficiaires des séances mensuelles d'interprétariat, ni indiquer la part de séances à distance, tandis que les deux adjudicataires avaient annoncé des quotas nettement supérieurs, notamment dans le domaine médical. L'attention de Bhaasha avait du reste été attirée, en réponse à l'une de ses questions, sur le fait que l'appel d'offres ne concernait que l'interprétariat « en présentiel ».

S'agissant de la réservation des interprètes, l'offre de Bhaasha semblait distinguer enregistrement et confirmation de la demande, et en faire un processus en deux temps. On ne comprenait ainsi pas que la validation était directe ou immédiate. D'autres maladresses rédactionnelles faisaient en sorte que les HUG pouvaient comprendre de bonne foi que le service proposé nécessitait une validation intermédiaire et non directe.


 

S'agissant de la saisie sécurisée des données des patients, le pouvoir adjudicateur n'avait pas à poser de questions à une soumissionnaire pour qu'elle précise son offre. Ils pouvaient légitimement émettre des doutes sur les implications de services « Cloud », même si d'autres hôpitaux suisses ne le faisaient pas. Bhaasha avait de plus mentionné que, pour l'instant, son application ne supportait pas les standards de « Single Sign-On » tels que SAML ou OAuth, ce qui faisait qu'une exigence technique n'était pas remplie. L'appréciation faite par le comité d'évaluation n'était ainsi nullement arbitraire.

Pour d'évidentes raisons de contrôle, la validation électronique des missions devait venir du professionnel de la santé lui-même. Or l'offre de Bhaasha annonçait que la validation était le fait de l'interprète et non du professionnel de la santé, ce qui interdisait un contrôle efficace de l'activité effectuée et de sa durée. Malgré les défauts de son offre, elle avait reçu la note de 3, soit « suffisant ».

Le CCT illustrait les données attendues en termes de statistiques. La présentation faite dans l'offre de Bhaasha était à cet égard avare de commentaires ou d'exemplification, et se limitait à énoncer que son système permettait une « visibilité des sessions et reporting ». Rien ne l'empêchait au demeurant de donner des informations additionnelles, par exemple sur les méthodes d'accès et aux personnes habilitées à consulter les statistiques. C'était ainsi de manière parfaitement soutenable que la note de 3 avait été attribuée à Bhaasha.

En conclusion, ils n'avaient aucunement mésusé de leur pouvoir d'appréciation. De plus, il y avait urgence dans la mesure où dès le 1er janvier 2021, plus aucune prestation d'interprétariat ne pourrait être fournie. Il était facile de critiquer le manque d'anticipation de l'appel d'offres, mais celui-ci avait été publié plus de cinq mois avant le début des prestations attendues, et ne pouvait être anticipé indéfiniment. Les HUG ne pouvaient ainsi se voir reprocher une attitude négligente.

11) Le 24 décembre 2020, Bhaasha a persisté dans ses conclusions.

Les sous-critères pour les critères 1 et 2 avaient un poids égal, donc représentaient chacun 8 % de la note, tandis que l'un des critères principaux n'était que de 5 %, ce qui était contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Le sous-critère du développement durable était exorbitant au critère 2 et aurait dû être annoncé. Les HUG n'avaient pas contredit l'affirmation selon laquelle la méthode d'évaluation avait été adoptée après le dépôt des offres.

Elle avait bien appris après le dépôt de son offre et après l'adjudication, que Mme HUDELSON dispensait des cours aux interprètes émanant des deux adjudicataires.

Pour le surplus, elle revenait sur les différents arguments invoqués dans son recours et les commentaires faits à leur sujet par les HUG dans leur mémoire du 10 décembre 2020.

12) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est prima facie recevable de ces points de vue, en application des art. 15 al. 2 de l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 (L-AIMP - L 6 05.0) et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

2) Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif. Toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.

L'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l'effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/1170/2020 du 19 novembre 2020 consid. 3 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, p. 317 n. 15).

L'octroi de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics (arrêt du Tribunal fédéral 2D_34/2018 du 17 août 2018 consid. 5.2), et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1170/2020 précité consid. 3).

3) a. L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l'accord GATT/OMC ainsi que de l'accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 let. a et b AIMP).

b. Aux termes de l'art. 24 RMP, l'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres.

En vertu de l'art. 43 RMP, l'évaluation des offres dans les procédures visées aux art. 12 à 14 RMP est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1). Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3).

c. La jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 141 II 353 consid. 3), Si elle substitue son pouvoir d'appréciation à celui de l'adjudicateur, l'autorité judiciaire juge en opportunité, ce qui est interdit tant par l'art. 16 al. 2 AIMP (ATF 141 II 14 consid. 2.3 in fine) que par l'art. 61 al. 2 LPA. En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (ATF 143 II 120 consid. 7.2).

4) Statuant sur effet suspensif, l'autorité judiciaire peut procéder à un examen sommaire du droit et se contenter d'une analyse juridique globale (arrêt du Tribunal fédéral 2D_34/2018 précité consid. 4.4.1).

5) Selon l'art. 15 al. 1 LPA, les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser : a) s'ils ont un intérêt personnel dans l'affaire ; b) s'ils sont parents ou alliés d'une partie en ligne directe ou jusqu'au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s'ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple ; c) s'ils représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire ; ou d) s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité. La demande de récusation doit être présentée sans délai à l'autorité (art. 15 al. 3 LPA).

6) En l'espèce, l'intérêt public invoqué par les HUG, à savoir l'urgence à conclure de nouveaux contrats avant le 1er janvier 2021, n'apparaît pas prépondérant. D'une part en effet, en cas d'octroi de l'effet suspensif, on ne voit pas ce qui empêcheraient les intimés de reconduire les contrats avec les adjudicataires actuels, qui correspondent à ceux retenus dans le cadre du marché litigieux. De plus, en publiant leur appel d'offres seulement cinq mois et demi avant le renouvellement des contrats, les intimés n'ont pas inclus un possible recours dans leur planification, contrairement à ce qui ressort de la jurisprudence. Il convient donc au premier chef de se pencher sur l'analyse prima facie des chances de succès du recours.

À cet égard, le grief lié à la récusation de Mme HUDELSON apparaît à première vue tardif. En effet, le nom et la position de celle-ci étaient connus dès l'appel d'offres. Quant à la circonstance alléguée par la recourante tirée des cours que l'intéressée donnerait aux interprètes des deux adjudicataires, rien n'est dit à propos de la date et des circonstances de cette découverte si ce n'est qu'elle aurait eu lieu lors de la préparation du recours. Il n'est dans ces circonstances pas possible de retenir en l'état que le grief est invoqué conformément à l'art. 15 al. 3 LPA.

La violation alléguée du principe de la transparence n'apparaît pas, prima facie, démontrée à satisfaction. En effet, comme le reconnaît du reste elle-même la recourante, les sous-critères n'avaient pas à être annoncés au moment de l'appel d'offres. Son allégation selon laquelle il serait contraire à la jurisprudence de ne pas annoncer les sous-critères si ceux-ci ont une importance plus grande qu'un des critères principaux est étayée par un arrêt du Tribunal fédéral incorrectement cité, qu'il n'est ainsi pas possible de consulter ; elle ne ressort en tout cas pas de la jurisprudence de la chambre de céans. Au contraire, cette dernière retient qu'il n'est pas inusuel qu'un sous-critère représente quantitativement, dans le cadre de la pondération, une part plus importante qu'un critère principal (ATA/995/2019 du 11 juin 2019 consid. 11 d et les références citées). Or, savoir si l'on se trouve en présence d'un sous-critère dont la publication serait nécessaire, au motif que l'adjudicateur lui accorderait une importance prépondérante et lui confèrerait un rôle équivalent à celui d'un critère publié dépend d'une appréciation de l'ensemble des circonstances du cas, soit notamment des documents d'appel d'offres, du cahier des charges et des conditions du marché (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015). En l'état de l'analyse, compte tenu aussi du fait que la recourante n'a ni contesté les pondérations annoncées dans l'appel d'offres ni posé de questions à leur propos, les chances de succès sur ce point n'apparaissent pas suffisantes pour que l'effet suspensif puisse être octroyé.

S'agissant des griefs d'ordre matériel, la recourante reprend point par point la notation de tous les sous-critères des critères 2 et 3. Ce faisant, malgré ses dénégations à ce propos, elle tente pour l'essentiel de substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité adjudicatrice. Certes, quelques-uns des aspects invoqués pour le critère 2, tels que le poids accordé au sous-critère du développement durable, ou les notes attribuées à des sous-critères comme le nombre d'interprètes, la formation de base ou les références, mériteront de faire l'objet d'une instruction plus approfondie, mais sans que cela justifie à ce stade d'admettre d'emblée que la recourante aurait dû recevoir au moins deux points supplémentaires pour l'ensemble du critère 2.

Les explications données par les intimés au sujet de la notation du critère 3 apparaissent en l'état et à première vue convaincants ; quant au critère 1, il est favorable à la recourante, qui ne peut avoir une meilleure note, et le critère 4 a été noté de manière identique pour tous les soumissionnaires, sans critique particulière de la recourante.

Dès lors, au terme de l'analyse prima facie qui prévaut à ce stade, les chances de succès du recours n'apparaissent pas suffisantes pour admettre une exception justifiant d'octroyer l'effet suspensif au recours.

La demande d'octroi de l'effet suspensif sera dès lors refusée.

7) Les questions liées à la consultation des pièces du dossier et à la production plus ou moins complète des offres soumises feront l'objet d'une ordonnance séparée.

8) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d'octroyer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;


 

 

communique la présente décision à Me Olivier Rodondi, avocat de la recourante, à Me Tobias Zellweger, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève, à Me Enis Daci, avocat de Connexxion sàrl, à Mes Soile Santamaria et Raphaël Jakob, avocats de la Croix-Rouge genevoise, ainsi qu'à la commission fédérale de la concurrence.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :