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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4742/2007

ATA/564/2008 du 04.11.2008 ( VG ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; OBJET DU LITIGE ; INFORMATION(EN GÉNÉRAL) ; ACCÈS(EN GÉNÉRAL) ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.68 ; LIPAD.24 ; LIPAD.26.al5
Résumé : Demande d'accès visant des subventions que la Ville aurait octroyées aux occupants d'immeubles appartenant à la recourante. Examen de l'exception prévue par l'art. 25 al. 5 LIPAD pesée des intérets en présence.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4742/2007-VG ATA/564/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 4 novembre 2008

 

dans la cause

 

SI B______ S.A.,

V______ S.A.
représentées par Me Bénédict Fontanet, avocat

 

contre

CONSEIL ADMINISTRATIF DE LA VILLE DE GENÈVE

 

et

MADAME LA MÉDIATRICE EN MATIÈRE D’INFORMATION
DU PUBLIC ET D’ACCÈS AUX DOCUMENTS



EN FAIT

1. V______ S.A. et la SI B______ S.A. sont propriétaires, respectivement, des immeubles situés rue Y______ et 12-14, rue Z______ à Genève. Ces immeubles ont été occupés contre la volonté des ayants-droits de 1986 au 23 juillet 2007 (squat dit : R______).

2. Le 5 juin 2007, les sociétés propriétaires (ci-après : les propriétaires) ont demandé à la Ville de Genève (ci-après : la Ville) l'accès à tous les dossiers pouvant avoir conduit à l'octroi de subventions de quelque nature que ce soit à l'association R______ en liquidation, ce notamment dans le cadre de l'exploitation de salles de concerts (C______ , I______), depuis la date de sa constitution en 1988. Le 13 juin 2007, les propriétaires ont confirmé leur requête, se fondant sur la loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).

3. Par courrier du 15 juin 2007, la Ville a rejeté la demande au motif que celle-ci ne contenait pas les indications suffisantes pour permettre l'identification des documents recherchés et que les investigations sollicitées, sur une période de près de vingt ans, entraîneraient un travail manifestement disproportionné. Les propriétaires disposaient d'un délai de dix jours pour saisir le médiateur, conformément à l'article 32 alinéa 2 LIPAD.

4. Le 18 juin 2007, les propriétaires ont saisi la médiatrice en matière d'information du public et d'accès aux documents (ci-après : la médiatrice) d'une requête visant la délivrance d'une liste de toutes les subventions versées à l'association R______ en liquidation, ces vingt dernières années. Une fois en possession de cette liste, elles pourraient réitérer leur demande d'accès au dossier.

5. Le 2 août 2007, les propriétaires ont précisé à la médiatrice qu'elles souhaitaient obtenir la liste de toutes les subventions versées dans le cadre du squat dit R______ : en particulier, les subventions versées à l'association R______ en liquidation au cours des vingt dernières années ; les subventions versées à l'association C______ , qui avait exploité sans droit une discothèque dans leurs immeubles durant les dix dernières années ; ainsi qu'à tout squatter qui avait occupé leurs immeubles entre les mois de novembre 1988 et juin 2007 ; plus généralement à toutes personnes prétendant ou ayant prétendu avoir résidé au 24 bd des Philosophes et au 12 - 14 bd de la Tour.

6. Le 20 août 2007, l'adjoint du directeur général du service juridique de la Ville a indiqué à la médiatrice que tous les éléments relatifs à des subventions en faveur des associations domiciliées aux adresses précitées avaient été publiés et étaient accessibles au public. Il transmettait les extraits des rapports des comptes 2006, 2005 et 2003 compilant les subventions versées pour les activités musicales diverses et précisait par ailleurs, qu'à sa connaissance, la Ville n'avait versé aucune subvention à l'association R______.

7. Après avoir pris connaissance de ce courrier, les propriétaires ont indiqué à la médiatrice, le 29 août 2007, qu'elles voulaient avoir accès aux requêtes écrites tendant à l'octroi des subventions, à l'intégralité des échanges s'y rapportant, y compris la correspondance et les rapports d'entretiens téléphoniques. Elles souhaitaient également avoir accès aux décisions d'octroi.

8. Le 11 octobre 2007, la médiatrice a constaté l'échec de la médiation et a invité la Ville à notifier une décision de refus motivée aux requérantes.

9. Par décision du 31 octobre 2007, la Ville a rejeté la demande. Une partie des informations sollicitées était publique. Pour le surplus, la demande ne contenait pas les indications suffisantes pour permettre l'identification des documents recherchés. En outre, les investigations sollicitées sur une période de près de vingt ans entraîneraient un travail manifestement disproportionné et les notes internes ou personnelles d'entretiens téléphoniques n'étaient pas accessibles au public.

10. Par acte déposé le 3 décembre 2007 auprès du tribunal de céans, les propriétaires ont recouru contre la décision précitée. Elles concluent à son annulation, à ce qu'il soit ordonné à la Ville de leur remettre la liste des subventions versées à l'association R______ en liquidation de 1988 à 2007, la liste des subventions versées aux anciens squatters de R______ de 1988 à 2007, les décisions et tous les échanges de correspondance relatifs aux subventions versées à l'association C______ de 2003 à 2007. C'était à tort que la Ville soutenait que la demande engendrerait un travail disproportionné pour ses services puisque, devant savoir à qui elle versait des subventions, une recherche par nom et résidence devait suffire. S'agissant des subventions versées à l'association C______, les décisions de subventionnement en faveur de cette dernière constituaient des documents auxquels les recourantes avaient un droit d'accès au sens de la LIPAD.

11. La Ville a communiqué ses observations le 31 janvier 2008. Elle conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet et à la confirmation de sa décision du 31 octobre 2007.

a. Les recourantes avaient modifié leur demande au cours de la procédure. Devant la Ville, elles avaient sollicité l'accès intégral à tous les dossiers pouvant avoir conduit à l'octroi de subventions en faveur de feue l'association R______. Puis, devant la médiatrice, elles avaient requis dans un premier temps, les liste de toutes les subventions versées à l'association R______ en liquidation, durant les vingt dernières années, puis les subventions versées à l'association C______ , durant les dix dernières années ; ainsi qu'à tout squatter qui occupait leurs immeubles entre les mois de novembre 1988 et juin 2007 ; plus généralement à toute personne prétendant ou ayant prétendu résider aux adresses visées. Enfin, elles avaient spécifié les documents dont elles souhaitaient l'accès. Par devant le Tribunal administratif, elles avaient à nouveau modifié leur demande initiale dans la mesure où elles sollicitaient dorénavant la liste des subventions versées à l'association R______ de 1988 à 2007, la liste des subventions versées aux anciens squatters de R______ de 1988 à 2007 et les décisions ainsi que les échanges de correspondance relative aux subventions versées à l'association C______ , de 2003 à 2007. Il s'agissait là de nouvelles conclusions qui ne correspondaient pas à celles initialement déposées le 5 juin 2007 et sur lesquelles portait la décision querellée. Partant, le Tribunal administratif devait se déclarer incompétent et déclarer le recours irrecevable.

b. Sur le fond, la demande d'accès ne remplissait pas les conditions prévues par la LIPAD quant à son contenu précis. Toutes les subventions versées par la Ville étaient publiées et accessibles au public. Dans un souci de transparence, le département de la culture de la Ville faisait figurer sur son site internet la liste des subventions versées en 2006 et 2007 ainsi que celle des subventions ponctuelles versées en 2005 et 2006. Il appartenait aux recourantes de rechercher, dans les documents publiés, les informations souhaitées et de déposer, si besoin était, une nouvelle demande de renseignements respectant les prescriptions prévues par la LIPAD. S'agissant de la période concernée par la requête, la LIPAD était entrée en vigueur en 2002 et la Ville n'était dotée d'outils informatiques que dès 2004, soit précisément dans le délai prévu par l'article 41 LIPAD. Partant, pour toutes les subventions versées antérieurement, une recherche spécifique devait être effectuée par les services de la comptabilité générale. A ce sujet, les directives relatives à la conservation des documents financiers prévoyaient en principe un délai de dix ans ; il n'était dès lors pas certain que la Ville soit encore en possession, en cas de subventions versées, des documents y relatifs. Si tel devait être le cas, ils pourraient se trouver dans des fonds d'archives ce qui nécessiterait des recherches importantes. De surcroît, si de tels documents devaient être retrouvés, il conviendrait que leur consultation ne porte pas atteinte à des intérêts privés, voire au secret professionnel ou d'affaires de tiers. De longues vérifications, impliquant l'engagement de personnel seraient en conséquence nécessaires. Les recourantes ne faisaient pas état d'un intérêt privé justifiant une recherche sur plus de vingt ans, sans précision sur les entités et les documents sollicités qui entrainerait de toute évidence un travail de grande ampleur pour l'administration. Les nouvelles conclusions des recourantes n'étaient pas claires s'agissant des "anciens squatters" du R______, la Ville ignorait qui ils étaient et, partant, quelles recherches effectuer. Enfin, les notes internes et personnelles d'entretiens téléphoniques n'étaient pas accessibles au public.

12. Le 17 mars 2008, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

a. Le représentant des recourantes a confirmé que ces dernières avaient affiné, voire élargi leur demande en cours de procédure, la Ville leur ayant indiqué qu'elle était trop large et après avoir obtenu un certain nombre d'informations après le dépôt de leur requête. Elles souhaitaient connaître le montant accordé à l'association R______ et au I______ notamment. La Ville, qui avait accordé des deniers publics, devait pouvoir retrouver la trace de ces fonds par le biais des adresses informatiques dont elle disposait. Concernant les subventions accordées à C______ , l'intimée avait pu leur fournir les renseignements demandés.

b. La représentante de la Ville a confirmé que celle-ci ne pouvait pas effectuer des recherches sur les vingt dernières années. A première vue, il n'y avait pas eu de subventions en faveur de l'association R______. Pour en être certaine, elle devrait procéder à des recherches spécifiques qui prendraient un temps considérable. Elle ne disposait d'une base informatique que depuis 2004. Les recourantes avaient la possibilité de consulter les renseignements publiés, figurant dans les registres publics se trouvant au département des finances. Les recourantes n'avaient pas déposé de demande formelle visant à obtenir des renseignements précis sur ce qu'elles voulaient.

c. Au terme de l'audience, le juge délégué a invité la Ville à lui indiquer où et quels documents publics énumérant les subventions versées par la Ville (conseil administratif ou conseil municipal) au cours des années en question pouvaient être consultés. Ces renseignements seraient alors transmis aux recourantes qui pourraient en prendre connaissance et dresser la liste des subventions au sujet desquelles elles souhaitaient obtenir d'avantage d'informations.

13. Le 7 avril 2008, l'intimée a indiqué au juge délégué que les documents publics listant les subventions versées par la Ville étaient les comptes budgétaires et financiers ainsi que les rapports de gestion du conseil administratif à l'appui des comptes. Ces documents ne mentionnaient de manière systématique les subventions ponctuelles du département de la culture que depuis 2002. Les comptes et rapports pour les années de 1988 à 2006 étaient consultables par les recourantes. En revanche, les documents relatifs aux comptes pour l'année 2007 n'étaient pas encore accessibles, ceux-ci n'ayant pas été approuvés par le conseil municipal. Enfin, elle persistait dans ses conclusions tendant à l'irrecevabilité du recours et indiquait que toute nouvelle demande ou toute demande complémentaire à celle déposée le 5 juin 2007 devait être déposée auprès du conseil administratif.

14. Par courrier du 9 mai 2008, les recourantes ont indiqué qu'elles avaient eu accès aux budgets, aux comptes de la Ville et aux rapports du conseil administratif de 1988 à 2006 inclus, de même qu’au rapport du conseil administratif pour l'année de 2007. Seuls ceux du conseil administratif depuis 2002 contenaient une description systématique des subventions ponctuelles mentionnant les noms des bénéficiaires. La consultation de ces documents leur avait permis de relever le versement de trois subventions aux squatters de R______, une de CHF 40'000.- et deux de CH 60'000.-. Pour les années antérieures, la consultation des documents mis à disposition ne permettait pas de déterminer les bénéficiaires des subventions ponctuelles. Seules des mentions générales et imprécises, comme par exemple, «activités musicales diverses» figuraient dans les comptes ou dans les rapports du conseil administratif pour justifier du versement d’importantes subventions.

Les recourantes n'avaient ainsi pas été en mesure de trouver les informations requises. Il leur avait été impossible d'obtenir des informations ou justificatifs s'agissant des flux de fonds (provenance, modalités de versement - espèces ou transferts bancaires -, bénéficiaires / récipiendaires desdits fonds, établissements bancaires concernés, identification des ayants droits économiques des bénéficiaires) ainsi que des documents constitutifs des subventions connues ou non reconnues par la Ville. Il était prouvé qu'au moins CHF 160'000.- avaient été versés entre 2003 et 2006 par l'intimée aux squatters de R______ pour soutenir le financement de leurs activités. Pour ces montants, il était impossible de consulter le moindre document justificatif. Ni les décisions relatives aux subventions examinées, ni les dossiers y relatifs ne leur avaient été fournis, quand bien même ces documents étaient couverts par la LIPAD. Partant, elles persistaient dans leurs conclusions. La transparence sur les subventions ponctuelles était particulièrement importante, elle seule permettant le contrôle des subventions versées par le conseil administratif de la Ville.

15. Le 22 août 2008, l'intimée a transmis à la juridiction de céans copie du commandement de payer d'un montant de CHF 14'192'284,75 lui ayant été notifié, le 7 août 2008, sur requête des recourantes.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours contre la décision de la Ville du 31 octobre 2007 est, à cet égard, recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 37 al. 1 et 2 LIPAD).

2. L'autorité intimée soutient que le recours est irrecevable au motif que les conclusions formulées par les recourantes par-devant la juridiction de céans divergent de leur demande initiale du 5 juin 2007.

3. a. Selon l’article 68 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuve nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures, sauf exception prévue par la loi. A contrario, cette disposition ne permet pas au recourant de prendre des conclusions qui n’auraient pas été formées devant l’autorité de première instance.

b. Cependant, la jurisprudence du Tribunal administratif montre une pratique beaucoup plus restrictive. Ainsi, l’objet d’une procédure administrative ne peut pas s’étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l’autorité de recours (ATA/560/2006 du 17 octobre 2006).

c. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été traitées dans la procédure antérieure. Quant à l’autorité de recours, elle n’examine pas les prétentions et les griefs qui n’ont pas fait l’objet du prononcé de l’instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d’enfreindre le principe de l’épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d’un degré de juridiction (ATA/168/2008 du 8 avril 2008 ; ACOM/49/2008 du 17 avril 2008 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390/391).

4. En matière d'accès aux documents, seule est sujette à recours la décision que l'institution concernée prend à la suite de la recommandation formulée par le médiateur en cas d'échec de la médiation. Les déterminations et autres mesures émanant des institutions en cette matière sont réputées ne pas constituer des décisions, à l'exception des décisions prises explicitement comme telles, en application de l'article 28 alinéa 7 LIPAD (art. 37 al. 2 LIPAD).

En l'espèce, il n'est pas contesté que dans le cadre la procédure de médiation, les recourantes ont précisé, voire modifié, le contenu de leur demande du 5 juin 2007.

Cela étant, il sera relevé que la procédure de médiation, qui se veut simple et informelle (art. 32 al. 3 LIPAD), a pour but de permettre aux parties de concilier leurs divergences de vues et les amener à résoudre elles-mêmes leurs conflits dans le respect de la loi (C. SAYEGH, La transparence administrative dans le canton de Genève in : La mise en œuvre du principe de transparence dans l'administration, Schultess, 2006, p. 63).

Reprocher aux recourantes d'avoir précisé, voire modifié, leur demande liminaire dans ce contexte, reviendrait à vider de son sens le but de la procédure de médiation instaurée par la loi.

De surcroit, l'intimée a eu connaissance de l'évolution de ladite demande et s'est prononcée à son sujet, comme le révèlent les termes de sa décision du 31 octobre 2007, seule objet du présent recours.

5. Reste à examiner si les conclusions déposées par devant le Tribunal administratif diffèrent de celles ayant fait l'objet de la décision querellée.

a. Devant la médiatrice, les recourantes ont sollicité :

- la liste de toutes les subventions versées à l'association R______ en liquidation, durant les vingt dernières années ;

- la liste de toutes les subventions versées à l'association C______ , durant les dix dernières années ;

- la liste de toutes les subventions versées à tout squatter qui occupait leurs immeubles, plus généralement à toute personne prétendant ou ayant prétendu résider aux adresses visées entre les mois de novembre 1988 et juin 2007 ;

- les requêtes écrites tendant à l'octroi des subventions, l'intégralité des échanges s'y rapportant, la correspondance et les rapports d'entretiens téléphoniques ainsi que les décisions d'octroi.

b. Par devant le Tribunal administratif, elles ont conclu le 3 décembre 2007 à ce que la Ville leur remette :

- la liste des subventions versées à l'association R______ en liquidation de 1988 à 2007;

- la liste des subventions versées aux anciens squatters du R______ de 1988 à 2007 ;

- les décisions ainsi que les échanges de correspondance relatifs aux subventions versées à l'association C______ , de 2003 à 2007.

Il apparaît que les conclusions soumises au tribunal de céans ont quelque peu été restreintes par rapport à l'objet du litige sur lequel l'intimée s'est prononcée. Partant et compte tenu des explications qui précèdent, il y a lieu de déclarer le présent recours recevable en tant qu'il porte sur ces conclusions.

6. Il convient dès lors d'examiner le fond du litige.

La Ville s'est opposée à la requête pour plusieurs raisons : celle-ci n'était pas suffisamment précise, toutes les subventions étaient publiées sur son site internet depuis 2002 ; pour les années antérieures, la satisfaction de la demande entraînerait un travail de recherche disproportionné, enfin les notes internes et personnelles n'étaient pas accessibles au public.

7. La LIPAD a fait l’objet de modifications le 9 octobre 2008 et le délai référendaire expire le 1er décembre 2008. Partant, c’est la LIPAD dans sa teneur actuelle qui sera appliquée au présent recours.

8. La LIPAD a pour but de favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique (art. 1 LIPAD). En édictant cette loi, le législateur a érigé la transparence au rang de principe aux fins de renforcer tant la démocratie que le contrôle de l’administration et de valoriser l’activité étatique et favoriser la mise en œuvre des politiques publiques (MGC 2000 45/VIII 7671ss). Il s’agissait notamment d’accroître l’intérêt des citoyens pour le fonctionnement des institutions et de les inciter à mieux s’investir dans la prise de décisions démocratiques (ATA/48/2003 du 21 janvier 2003, publié in SJ 2003 I 475 ; P. MAHON, Les enjeux du droit à l’information, in : L’administration transparente, Genève, Bâle, Munich 2002, p. 29). Le principe de transparence est un élément indissociable du principe démocratique et de l’Etat de droit prévenant notamment des dysfonctionnements et assurant au citoyen une libre formation de sa volonté politique (A. FLUCKIGER, Le projet de loi sur la transparence in : L’administration transparente, op. cit. p. 142).

L’adoption de la LIPAD a renversé le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la publicité. L’administré n’a dès lors plus besoin de justifier d’un intérêt particulier pour consulter un dossier administratif et son droit d’accès est notablement plus étendu que celui découlant du droit d’être entendu. Toutefois, l’application de la LIPAD n’est pas inconditionnelle. De plus, dans la mesure où elle est applicable, elle ne confère pas un droit d’accès absolu et fait l’objet d’exceptions, aux fins notamment de garantir la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions (MGC 2000/VIII 7694).

9. Selon l’article 24 LIPAD, toute personne a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par la présente loi (al. 1). L’accès comprend la consultation sur place des documents et l’obtention de copies des documents (al. 2).

10. L'article 25 LIPAD stipule que les documents sont tous les supports d'information détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (al. 1). Sont notamment des documents les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (al. 2). En revanche, les notes à usage personnel, les brouillons ou autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux encore non approuvés ne constituent pas des documents (al. 4).

11. Concernant la procédure d'accès aux documents, l'article 28 alinéa 1 LIPAD prévoit que la demande d'accès n'est en principe soumise à aucune exigence de forme. Elle n'a pas à être motivée, mais elle doit contenir des indications suffisantes pour permettre l'identification du document recherché. En cas de besoin, l'institution peut demander qu'elle soit formulée par écrit.

12. Les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose sont soustraits au droit d'accès institué par la LIPAD (art. 26 al. 1 LIPAD). L’alinéa 5 de cette disposition prévoit que l’institution peut refuser de donner suite à une demande d’accès à un document dont la satisfaction entraînerait un travail manifestement disproportionné.

L’exception de l’article 26 alinéa 5 LIPAD est liée à l’intérêt public prépondérant au bon fonctionnement des institutions ainsi que, le cas échéant, à l’interdiction générale de l’abus de droit. Les institutions doivent avoir la possibilité de refuser l’accès à des documents dont la collecte ou la recherche entraînerait un travail manifestement disproportionné. L’invocation de ce motif de refus ne se conçoit que restrictivement au regard du principe de transparence instauré par la LIPAD. Elle suppose une mise en balance des intérêts en présence et peut dès lors, à titre exceptionnel, justifier que l’intérêt du requérant à obtenir le document considéré soit pris en compte et, en conséquence, que le requérant soit invité à en faire état et à en justifier, en dérogation au principe ancré à l’article 24 alinéa 1 LIPAD (MGC 2000/VII 7699). Le tribunal de céans a jugé qu’un travail de tri et de caviardage portant sur dix années de documents de l’autorité de surveillance des offices de poursuites et de faillites était un travail considérable (ATA/231/2006 du 2 mai 2006). En revanche, un travail visant la mise à disposition de dix arrêts rendus par la Cour de justice en application de la loi sur la responsabilité de l'Etat et les communes, estimé à une durée de six heures, ne pouvait être qualifié de considérable et encore moins de disproportionné, aucune autre solution n'étant offerte au recourant (ATA/307/2008 du 10 juin 2008).

13. Des responsables doivent être désignés et des procédures être mises en place au sein des institutions, en tenant compte de leurs ressources, pour assurer la diffusion active des informations prévue à l'article 16 LIPAD, ainsi que pour traiter les demandes d'accès aux documents régies par la présente loi. Les institutions adoptent des systèmes adéquats de classement des informations qu'elles diffusent ainsi que des documents qu'elles détiennent, afin d'en faciliter la recherche et l'accès (art. 17 al. 1 et 4 LIPAD).

14. Enfin, conformément aux dispositions transitoires, les institutions disposent d'un délai de deux ans, à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, pour adopter et mettre en œuvre des systèmes de classement de l'information et des documents qu'elles détiennent qui soient adaptés à ses exigences (art. 41 al. 1 LIPAD). Sous réserve d'exceptions définies par les organes désignés à l'article 17 alinéa 2, il n'est pas obligatoire que ces systèmes de classement concernent aussi les informations et documents antérieurs à leur mise en œuvre (art. 41 al. 2 LIPAD).

15. Les demandes d'accès formulées par les recourantes concernent des documents différents. Aussi, doivent-elles être examinées séparément :

La liste des subventions versées à l'association R______ en liquidation, de 1988 à 2007

a. Dans la mesure où cette partie de la requête vise exclusivement la liste des subventions, qu'elle désigne son bénéficiaire ainsi que la période visée, il faut admettre qu'elle est suffisamment précise au sens de l'article 28 alinéa 1 LIPAD précité.

b. Les recourantes ont eu accès aux budgets, aux comptes de la Ville et aux rapports du conseil administratif de 1988 à 2006 inclus, ainsi qu'au rapport du conseil administratif pour le l'année 2007. Conformément aux explications de l'intimée, la liste des subventions visées par la requête ressort de ces documents.

Il n'est pas contesté que la consultation des rapports du conseil administratif depuis 2002 a permis aux recourantes de relever le versement de trois subventions en faveur de C______ , mais qu'elle n'a pas permis d'identifier les bénéficiaires de subventions ponctuelles pour les années antérieures.

c. Dans leur courrier du 9 mai 2008, les recourantes ont également déploré le fait qu'elles n'avaient pas été mises au bénéfice d'informations ou de justificatifs s'agissant des flux de fonds (provenance, modalités de versement, bénéficiaires/récipiendaires des fonds, établissements bancaires concernés, identification des ayants droit économiques des bénéficiaires) ainsi que des documents constitutifs des subventions connues ou non reconnues par la Ville (décision formelle, formulaire de demande de subvention, des statuts des associations concernées, de l'identité des signataires pour le compte des dites entités). Ces griefs, qui n'ont pas fait l'objet de conclusions formelles, doivent être considérés comme étant exorbitants au présent litige et écartés sans autre débat.

d. Concernant les années antérieures à 2002, l'intimée motive son refus par le fait que pour être certaine qu'aucune subvention n'a été versée en faveur de R______, elle devrait procéder à des recherches spécifiques qui prendraient un temps considérable.

Pour fonder un refus sur la base de l'exception de l'article 26 alinéa 5 LIPAD précité, il s'agit d'effectuer une pesée des intérêts en présence, entre ceux des recourantes qui entendent connaître les montants des subventions versées à l'association R______ et celui de la Ville à assurer le bon fonctionnement de ses activités.

Considérant que seules les années antérieures à 2002 demeurent litigieuses, le Tribunal administratif retiendra que la demande des recourantes porte sur une période de quatorze ans, antérieure à l'entrée en vigueur, le 1er mars 2002, de la LIPAD.

Selon l'article 41 alinéas 1 et 2 précité, l'autorité intimée disposait d'un délai au 1er mars 2004 pour adopter des systèmes de classement de l'information et de ses documents permettant la bonne application de la loi. En outre, les nouveaux systèmes de classement, rendus obligatoires par la loi, ne concernent pas les documents antérieurs à leur mise en œuvre.

Dans ces conditions, il apparaît qu'un travail de recherche portant sur une période aussi étendue et sur des documents dont la recherche et le classement ne sont pas couverts par les obligations instaurées par la LIPAD doit être considéré comme manifestement disproportionné.

Le recours sera rejeté sur ce point.

La liste des subventions versées aux anciens squatters de R______ de 1988 à 2007

Il a été relevé plus haut que la LIPAD ne soumet la demande d'accès à aucune exigence de forme, il importe en revanche que le requérant donne à l'institution des indications suffisantes pour permettre l'identification du document recherché.

Cette partie de la requête qui vise un nombre indéterminé de personnes, non identifiées, et sur une période de plus de vingt ans, est manifestement imprécise. Elle ne remplit ainsi pas les exigences posées par l'article 28 LIPAD.

Partant, le recours sera rejeté sur ce point, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres arguments développés à son sujet.

Les décisions, les échanges de correspondance relatifs aux subventions versées à l'association C______ de 2003 à 2007

Conformément à l'argumentation développée sous lettre A, cette demande est suffisamment précise pour permettre à l'intimée d'identifier les documents recherchés.

Il est indéniable que les décisions et les échanges de correspondance relatifs aux subventions versées constituent des documents au sens de l'article 25 alinéa 2 LIPAD.

Afin de fonder un refus sur la base de l'exception de l'article 26 alinéa 5 LIPAD précité, il s’agit à nouveau d’effectuer une pesée des intérêts en présence.

Le Tribunal administratif constate que cette partie de la demande porte sur une période de quatre ans, postérieure à l'entrée en vigueur de la LIPAD. De plus, il s'agit en réalité de permettre l'accès à des documents relatifs aux trois subventions de CHF 40'000.-, CHF 60'000.- et CHF 60'000.- versées en faveur de C______ , dont les recourantes ont trouvé mention dans les rapports de gestion du conseil administratif à l'appui des comptes 2003, 2005 et 2006.

L’argument avancé par la Ville pour s’opposer à ce point de la demande, soit le temps nécessaire à son exécution, doit être relativisé. En effet, l'intimée est tenue de respecter les obligations posées par la LIPAD et doit répondre favorablement aux demandes telles que celle des recourantes, sauf si le travail à effectuer est réellement disproportionné. Or, tel n’est pas le cas sur ce point de la requête : le fonctionnement de la Ville ne saurait être sérieusement entravé par la satisfaction de la demande en question et le travail exigé par cette dernière ne peut être qualifié de considérable et encore moins de disproportionné.

En conclusion, la Ville devra remettre aux recourantes, dès l’entrée en force du présent arrêt, une copie des décisions et de la correspondance échangée dans le cadre des subventions octroyées à C______ , identifiées dans les rapports de gestion du conseil administratif à l'appui des comptes 2003, 2005 et 2006 se chiffrant à CHF 40'000.- et deux fois CHF 60'000.-.

16. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

Vu l’issue du litige, une indemnité de CHF 1’000.- sera allouée aux recourantes, à la charge du conseil administratif de la Ville Genève (art. 87 LPA). Aucun émolument ne sera perçu (art. 37 al. 5 LIPAD).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 décembre 2007 par V______ S.A. et la SI B______ S.A. contre la décision du conseil administratif de la Ville de Genève du 31 octobre 2007 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

dit que le conseil administratif de la Ville de Genève doit remettre à V______ S.A. et à la SI B______ S.A., une copie des décisions et des échanges de correspondance dans le cadre des subventions identifiées dans les rapports de gestion du conseil administratif à l'appui des comptes 2003, 2005 et 2006 se chiffrant à CHF 40'000.- et deux fois CHF 60'000.-, octroyées à C______ ce, dès l'entrée en force du présent arrêt ;

l'y condamne en tant que de besoin ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité en CHF 1'000.- en faveur des recourantes à charge du conseil administratif de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat des recourantes, au conseil administratif de la Ville de Genève ainsi qu'à Madame la médiatrice en matière d'information du public et d'accès aux documents.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :