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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1336/2003

ATA/179/2004 du 02.03.2004 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; AUTORISATION DE CONSTRUIRE; 4E ZONE B; TPE
Normes : LCI.106 al.1; LCI.107; LALAT.19 al.2; LALAT.12 al.5; LCI.32 al.3; LCI.10; LCI.11; LCI.14
Résumé : Autorisation de construire un immeuble villageois de logement en zone 4B protégée confirmée. La construction envisagée respecte les normes de cette zone, compte tenu des dérogations accordées en application des dispositions légales applicables, aussi bien eu égard à la hauteur de la construction qu'aux distances régissant les limites en limite de propriété. Enfin, elle ne porte pas atteinte au caractère architectural du village protégé de la Capite et au site environnant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 2 mars 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

 

Monsieur R. B.

Monsieur V. B.

Mademoiselle M. B.,

Monsieur R. P.

représentés par Me Efstratios Sideris, avocat

 

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

 

et

 

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

 

E. S.A.

représentée par Me Mauro Poggia, avocat

 



EN FAIT

 

 

1. Madame et Monsieur K. sont copropriétaires de la parcelle 8965, feuille 35 de la commune de Collonge-Bellerive, à l'adresse 141, route de la Capite. Madame et Monsieur S. sont copropriétaires des parcelles 8965 et 8966, feuille 35 de la commune de Collonge-Bellerive, à l'adresse 141, 143 route de la Capite.

 

Ces deux parcelles, d'une surface respectivement de 795 m2 pour la première et 885 m2 pour la seconde sont sises en zone 4B protégée, au sens des articles 12 alinéa 5 et 19 alinéa 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L 1 30). Elles sont vierges de toute construction, à l'exception d'une ancienne bâtisse autrefois à vocation agricole, sise sur la parcelle 8965.

 

2. Le 16 novembre 2001, E. S.A. de siège à Genève (ci-après : la société) a déposé auprès du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) une demande définitive d'autorisation de construire un immeuble villageois de logements sur les parcelles précitées, représentant 11 appartements/60 pièces et garage souterrain. Elle a requis d'entrée de cause une dérogation en application de l'article 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (DD 97'560).

 

3. Parallèlement, la société a requis l'autorisation de démolir la dépendance agricole se trouvant sur la parcelle 8965 (M 5051).

 

4. Dans le cadre de l'instruction des deux demandes, le département a recueilli des préavis favorables. S'agissant de la demande d'autorisation de construire, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS), sous-commission architecture (SCA) a demandé à plusieurs reprises des modifications. Elle s'est finalement ralliée au projet par préavis du 5 novembre 2002 ainsi qu'à l'application de l'article 106 LCI (préavis du 19 novembre 2002).

 

Le 7 janvier 2002, l'office des transports et de la circulation (OTC) a émis un préavis "réservé, dans l'attente de la modification de la rampe d'accès au garage souterrain". En conséquence, la sortie du garage souterrain prévue initialement dans la partie droite de la parcelle 8965 a été modifiée pour être retenue en limite de propriété avec la parcelle 1228, ce qui permettait de gagner 1,50 mètre d'esplanade de sortie pour l'attente des véhicules avant de s'engager sur la route de la Capite.

 

5. Le département a reçu des observations :

 

a. Le 21 décembre 2001, la Société d'art public (SAP) a estimé que le projet devait être revu pour ne pas détruire la cohérence existant dans cette partie du village de la Capite.

 

b. Le 7 janvier 2002, Monsieur R. B., propriétaire d'une maison d'habitation sise sur la parcelle 2328 et copropriétaire de la parcelle 2125 de la commune de Choulex, à l'adresse route de la Capite 162, s'est adressé au département. En sa qualité de propriétaire de parcelles voisines aux constructions projetées, il était directement intéressé. Le projet comportait un immeuble de 12,50 mètres de hauteur, 38 m de longueur et 13 m de largeur ainsi qu'un garage souterrain de 38 m de longueur et de 24 m de largeur. Le bâtiment projeté était d'une taille démesurée et d'une densité excessive. Architecturalement, il tranchait de manière décisive avec les immeubles voisins. La construction de cet immeuble d'habitation était manifestement incompatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, composé principalement de maisons d'habitation, dont certaines, - notamment la sienne - faisaient l'objet de mesures de protection au sens de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin l976 (LPMNS - L 4 05). Le projet de construction était de nature à générer un accroissement de trafic important alors que le flux de circulation sur la route de la Capite était déjà très dense. Il portait atteinte au propriétés avoisinantes ainsi qu'à la valeur des parcelles concernées.

 

Au vu de ces différents éléments, l'autorisation sollicitée devait être refusée.

 

c. Le 9 janvier 2002, Monsieur C. G. s'est opposé aux autorisations sollicitées. Il était locataire du dépôt sur la parcelle 8965 et il n'avait aucune intention de quitter les lieux. De surcroît, il n'avait jamais reçu de résiliation de bail.

 

6. a. Le 22 novembre 2002, le département a délivré les deux autorisations sollicitées qui ont été publiées dans la Feuille d'avis officielle (FAO) le 27 novembre 2002. L'autorisation de construire était assortie de diverses conditions.

 

b. Le même jour, le département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement (DIAE) a accordé une autorisation d'abattage d'arbres selon plan annexé à la requête.

 

7. a. Par acte du 24 décembre 2002, Madame M. B. et Monsieur V. B. (copropriétaires de la parcelle 2125B, commune de Choulex, route de la Capite 164), Monsieur R. P. (propriétaire des parcelles 1228 et 7128, feuille 35, de la commune de Collonge-Bellerive, contiguë à la parcelle 8965, 139, route de la Capite) et M. R. B. (ci-après : M. B. et consorts) ont saisi la commission de recours en matière de constructions (ci-après : la commission de recours).

 

C'était à tort que le département avait accordé la dérogation prévue à l'article 106 LCI, le projet étant totalement incompatible avec l'harmonie et l'aménagement du quartier. La sortie du parking sur la route de la Capite était source d'inconvénients graves tant au niveau de la sécurité qu'à l'encontre de M. P.. Ils ont conclu à l'annulation de l'autorisation de construire délivrée.

 

b. La commission de recours a entendu les parties le 28 mars 2003, puis elle a procédé à un transport sur place le 6 juin 2003 en présence d'un représentant de la CMNS.

 

c. Par décision du 26 juin 2003, la commission de recours a rejeté le recours en tant qu'il était recevable. La qualité pour recourir a été reconnue au seul M. P., directement touché par le projet. Les autres recourants n'étant pas des voisins directs, ils ne justifiaient pas de leur qualité pour recourir.

 

C'était sur la base de critères objectifs, notamment du préavis de la CMNS, que le département avait fait usage de l'article 106 LCI. L'endroit retenu pour la sortie du garage souterrain était le meilleur au vu du projet. De plus, la sortie du parking à cet endroit ne saurait être la cause d'inconvénients graves ni de problèmes de sécurité au sens de l'article 14 alinéa 1 LCI. La construction du bâtiment et du parking était conforme à la zone, l'accroissement du trafic y relatif devait être considéré comme raisonnable et donc admis.

 

8. M. B. et consorts ont saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision précitée par acte du 31 juillet 2003.

 

En leur qualité de voisins, propriétaires et occupant les terrains jouxtant les parcelles objet de l'autorisation de construire, ils étaient tous habilités à recourir.

 

La commission de recours avait fait une mauvaise constatation des faits. En particulier, le déplacement de la rampe d'accès au garage souterrain du côté de la parcelle de M. P. n'était pas du tout exigée par l'OTC. Quant à l'immeuble lui-même, la commission de recours s'était basée sur un avis de la CMNS peu motivé et non convaincant sur son revirement de position concernant la suppression d'un niveau du bâtiment projeté.

 

L'application de l'article 106 LCI procédait d'un abus de pouvoir d'appréciation du département, aucune circonstance particulière ne justifiant l'octroi d'une telle dérogation.

 

Enfin, le projet était incompatible avec l'article 14 LCI.

 

Ils ont conclu à ce que le tribunal ordonne un transport sur place et procède à l'audition d'un représentant de la CMNS et de l'OTC. Sur le fond, la décision de la commission de recours ainsi que l'autorisation de construire délivrée par le département devaient être annulées, avec suite de frais et dépens.

 

9. Le 30 septembre 2003, la société s'est opposée au recours. Aucun des griefs soulevés par M. B. et consorts à l'encontre de la décision de la commission de recours n'était fondé.

 

10. Dans sa réponse du 9 octobre 2003, le département s'est opposé au recours. C'était sans arbitraire qu'il avait octroyé les dérogations nécessaires sur la base de l'article 106 LCI, retenant le préavis de la CMNS. L'article 14 LCI n'avait pas au premier chef la protection de l'intérêt des voisins. Quant à l'accroissement du trafic induit par la nouvelle construction, il ne pouvait être à l'origine d'inconvénients dotés d'un caractère grave, eu égard à la densité actuelle du trafic sur la route de la Capite.

 

11. Le tribunal a procédé à un transport sur place le 11 décembre 2003, en présence d'un représentant de l'OTC.

 

La juge déléguée a pu constater qu'à l'endroit où était prévue la rampe d'accès au garage souterrain, le trottoir est un peu plus large qu'il ne l'est en amont de la route de la Capite, soit en limite de propriété avec la parcelle 8930. S'agissant de l'emplacement retenu pour l'accès audit garage, les représentants de la société ont précisé qu'à cet endroit là, la pente de la rampe serait moins importante car le terrain était plus bas. On pouvait donc enterrer davantage le parking dans le sous-sol.

 

Le représentant de l'OTC a confirmé le préavis du 7 janvier 2002. Celui-ci n'avait pas exigé que la rampe d'accès se fasse d'un côté plutôt que de l'autre. En revanche, le croisement des véhicules devait s'effectuer sur le domaine privé. Il était exclu d'envisager la pose d'une signalisation lumineuse à la hauteur de la sortie du parking car il faudrait alors que chaque sortie individuelle soit munie d'un tel feu, ce qui n'était pas réalisable.

 

La juge déléguée a pu observer que l'immeuble de M. P. était de gabarit modeste (un étage sur rez), alors que les immeubles alentours sont de dimensions beaucoup plus imposantes.

 

M. B. et consorts ont confirmé qu'ils contestaient le gabarit de la construction projetée. Ils demandaient le respect des lois en vigueur sans l'octroi de dérogations.

 

12. A la demande de M. B. et consorts, le tribunal de céans leur a accordé un délai pour le dépôt de pièces et observations.

 

Des pièces complémentaires ont été produites le 9 janvier 2004 et des observations le 15 janvier 2004.

 

La hauteur au faîte de la construction projetée était de 12 m 19. Dans ses premiers préavis, la CMNS s'était élevée contre la hauteur de l'immeuble et avait demandé la suppression d'un niveau. Par la suite et sans motivation aucune, elle avait émis un préavis positif alors que l'immeuble n'avait été abaissé que de 25 cm.

 

Concernant l'implantation de la rampe d'accès au parking, l'utilisation du garage privé de M. P. était déjà très problématique. Or, ladite rampe viendrait s'accoler au garage existant, ce qui entraînerait inévitablement de graves difficultés de circulation. De plus, la chambre à coucher de la maison de M. P. se situait juste au dessus de la future rampe, laquelle engendrerait forcément un degré intolérable de nuisances sonores et de pollution. Aucun argument technique ne justifiait de ne pas déplacer l'emplacement de ladite rampe. Au surplus, l'OTC n'avait pas émis l'exigence que cette rampe soit édifiée à côté de la parcelle de M. P..

 

Il ressortait du constat d'huissier effectué par Me Reymond, huissier judiciaire, que plus de mille véhicules empruntaient quotidiennement la route de la Capite dans les deux sens et ce de 07h30 à 08h30 du matin seulement. Le tribunal de céans avait également pu constater la forte densité de la circulation à cet endroit en début d'après-midi.

 

Aucune circonstance ne justifiait les multiples dérogations accordées au projet discuté, en particulier les dérogations aux distances légales en limite de propriété. Celles-là étaient totalement injustifiées dès lors qu'un projet de construction moins important était parfaitement réalisable.

 

13. Dans ses écritures du 13 janvier 2004, le département a campé sur ses positions.

 

14. La société s'est déterminée le 29 janvier 2004. Le bâtiment projeté comptait deux étages sur rez, à l'instar de nombreuses constructions situées le long de la route de la Capite. Il ne constituait donc pas une exception, ce qui était en revanche le cas de l'immeuble de M. P. qui ne correspondait plus aux critères de la zone 4B protégée.

 

L'emplacement de la rampe d'accès du côté de la parcelle P. permettait d'une part l'alignement du bâtiment par rapport à la route de la Capite et d'autre part le croisement des véhicules sur le domaine privé. En tout état, une rampe d'accès à un parking souterrain était de loin moins gênante pour M. P. qu'un bâtiment directement accolé à sa maison, ce qui aurait été possible.

 

Enfin, le parking projeté de 25 places n'était pas de nature à augmenter de manière considérable la densité du trafic sur la route de la Capite.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Selon l'article 60 lettre b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

 

3. L'article 60 lettre b LPA a la même portée que l'article 103 lettre a OJF (ATA B. et S. du 14 mai 2002 et jurisprudences citées). Ainsi, le recourant doit être touché par le projet litigieux dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés (ATF A. du 21 mai 2001) et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Il faut encore que le recourant ait un intérêt pratique à l'admission du recours, c'est-à-dire qu'elle soit propre à empêcher un dommage matériel ou idéal (ATF C. du 16 avril 2002; Isabelle ROMY, Les droits de recours administratif des particuliers et des organisations en matière de protection de l'environnement in URP 2001, p. 248, not. 252 et TANQUEREL et ZIMMERMANN, Les recours, in Ch.-A. MORAND, Droit de l'environnement: mise en oeuvre et coordination, 1992, p. 117 ss).

 

4. En matière de police des constructions, les voisins peuvent également recourir. Toutefois, seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis. Cette lésion directe et spéciale suppose qu'il y a une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir contre des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATA B. du 25 novembre 2003; S.-P. du 18 novembre 2003 et les références citées).

 

En l'espèce, il est acquis que tous les recourants sont domiciliés ou propriétaires de parcelles situées dans le périmètre jouxtant immédiatement la parcelle litigieuse.

 

Leur qualité pour agir sera donc admise.

5. a. A teneur de l'article 19 alinéa 2 lettre LALAT, la 4ème zone B, dans laquelle s'inscrit le projet litigieux, est destinée principalement aux maisons d'habitations comportant en principe plusieurs logements. Suivant l'article 12 alinéa 5 LALAT, lorsque la zone est en outre protégée, l'aménagement et le caractère architectural des quartiers et localités considérés peuvent être préservés. L'article 106 alinéa 1 LCI prévoit que dans les villages protégés, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant. Le département peut en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriétés et les vues droites. L'article 107 LCI précise que dans la mesure où il n'y est pas dérogé par l'article précédent, les dispositions applicables à la 4ème zone rurale sont applicables aux constructions édifiées dans la zone des villages protégés.

 

b. L'article 30 alinéa 1 LCI, qui règle l'ordre des constructions en 4ème zone, prévoit que les constructions sont, en règle générale, édifiées en ordre contigu.

S'agissant des gabarits et hauteur de constructions dans la 4ème zone, l'article 32 alinéa 3 LCI prévoit que la hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 15 mètres en zone urbaine et 10 mètres en zone rurale; restent toutefois réservées les dispositions des articles 10 et 11 LCI et celles des plans localisés de quartiers au sens de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LEXT - L 1 40) et de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

 

c. Selon l'article 10 alinéa 2 LCI, les règlements spéciaux peuvent prescrire des hauteurs inférieures ou supérieures à celles qui sont prévues par la LCI. L'article 11 LCI permet au département, sur préavis de la commission d'architecture, de s'écarter des hauteurs et du gabarit prévus par la LCI afin d'harmoniser une nouvelle construction avec celles qui lui sont immédiatement contiguës, lorsque celles-ci ont été autorisées avant le 1er mai 1940 ou lorsque le caractère des constructions et du quartier intéressé justifie la hauteur prescrite (al. 1). Le département peut aussi autoriser une hauteur supérieure dans d'autres circonstances mais il faut, au nombre des conditions à respecter, que la construction se justifie par son aspect esthétique et sa destination et qu'elle soit compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier (al. 4).

 

En vertu des articles 34 alinéas 1 et 2 LCI, lorsque la construction n'est pas édifiée à la limite de propriétés privées, une distance égale à la hauteur du gabarit, mais de six mètres au minimum, doit être respectée. L'article 45 LCI, applicable aux quatre premières zones, dispose que les distances entre deux constructions ne peuvent être inférieures à la somme des distances qui seraient exigibles entre chacune de ces constructions et une limite de propriété passant par elle (al. 1). Toutefois, cette disposition n'est pas applicable lorsqu'il existe, sur la propriété voisine, une construction autorisée avant le 1er mai 1940 et qui ne bénéficie pas d'une servitude sur le fonds où s'élève la nouvelle construction (al. 2). Les dispositions des articles 33 et 43 sont réservées (al 3).

 

6. La règle de l'article 106 alinéa 1 LCI contient une clause d'esthétique; elle fait appel à des notions juridiques imprécises et indéterminées (RDAF 1992 p. 277). Le contenu de telles notions varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce. C'est-à-dire que ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 1982, p. 25).

 

Selon une jurisprudence bien établie, le Tribunal administratif doit s'imposer une certaine retenue lorsque l'autorité administrative a suivi le préavis de la CMNS, composée de spécialistes (ATA C. du 31 août 1999). Lorsque la consultation de la CMNS et de la commune sont imposées par la loi, soit lorsque les lieux concernés se trouvent dans une zone protégée, cette circonstance confère un poids certain à leur préavis dans l'appréciation que fait l'autorité de recours (ATA S. du 17 mai 1994).

 

Dans la présente cause, ni le département, ni la commission de recours ne se sont écartés des préavis formulés par les services techniques compétents. Le tribunal de céans fera dès lors un usage modéré de sa liberté d'appréciation.

 

7. En l'espèce, le projet litigieux permettrait de vouer à l'habitation des parcelles vierges de toute construction, en conformité avec la destination de la 4ème zone. La construction envisagée respecte les normes de cette zone, compte tenu des dérogations accordées en application des dispositions légales applicables, aussi bien eu égard à la hauteur de la construction qu'aux distances régissant les limites en limite de propriété. Ce faisant, il permet de respecter le principe de contiguïté propre à la zone. Pour ce faire, le département a fait usage de la possibilité offerte par l'article 106 LCI. Il convient donc d'examiner si par son implantation, son gabarit, son volume et son style, la construction projetée n'est pas de nature à porter préjudice au caractère architectural du village protégé de la Capite et au site environnant, compte tenu des préavis de la commune et de la CMNS (ATA R. du 29 mai 2001).

 

Aussi bien la commune que la CMNS ont émis des préavis favorables. En particulier, la CMNS composée de spécialistes s'est penchée à plusieurs reprises sur ce dossier et elle s'est rendue sur place. Elle a soigneusement examiné l'impact des travaux envisagés sur le tissu bâti existant puisqu'elle a exigé des améliorations du projet initial avant de délivrer un préavis favorable. Elle a également été consciente du fait que le projet s'inscrivait en limite de propriété avec des bâtiments voisins, dès lors qu'elle s'est prononcée en faveur de l'octroi d'une dérogation aux règles sur les distances aux limites. Conformément à la jurisprudence précitée, le Tribunal administratif n'a pas de raison de s'écarter de ces préavis.

 

Pour sa part, le tribunal s'est également rendu sur place et il a pu s'assurer que la construction projetée n'était pas de nature à porter atteinte au site villageois. En effet, la juge déléguée a pu constater que la route de la Capite est bordée de maisons de tous genres et de toutes époques, sans la moindre unité ni identité architecturale perceptible. La villa de M. P. est beaucoup plus basse que les maisons avoisinantes. Les immeubles qui font suite à la construction projetée - et qui ont pratiquement la même hauteur au faite que cette dernière - sont des maisons d'habitation simples. Toutes ces maisons, comme la future construction, sont situés directement sur la route de la Capite. Plus loin s'élèvent de petits immeubles modernes, récemment construits, également en bordure de route.

 

De l'autre côté de la route de la Capite, face à la construction projetée s'élève une belle maison XVIIIème (copropriété B., B.), érigée en deçà de la route. Suivent des maisons individuelles sans style particulier et après le carrefour avec la route du Carre-d'Amont s'élève une grosse bâtisse de quatre étages. Dans ces conditions, on ne voit pas que le département eût des motifs prépondérants et dûment établis de s'écarter des préavis de la CMNS et de la commune qui ont admis que l'immeuble projeté s'intégrait dans le site environnant. Le Tribunal administratif ne saurait ainsi faire grief au département d'avoir dérogé aux règles générales de la LCI et leur reprocher d'avoir abusé de leur pouvoir d'appréciation.

 

8. Les recourants reprochent encore à l'autorité intimée d'avoir méconnu l'article 14 lettre a LCI, à teneur duquel le département peut refuser une autorisation lorsqu'une construction ou une installation peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public. Ils voient dans le trafic induit par la sortie du garage souterrain la cause d'inconvénients graves.

 

a. Les dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances n'ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 157; 113 Ib 220). En effet, les inconvénients graves pour le voisinage sont tout d'abord examinés en regard du droit fédéral sur la protection de l'environnement (ATA B. et C. du 17 mai 1992) qui règle depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) la protection des personnes contre les atteintes nuisibles et incommodantes telles que notamment les pollutions atmosphériques et le bruit (art. 1 et 7 al. 1 LPE). Aux termes de l'article 25 alinéa 1 LPE, de nouvelles installations fixes ne peuvent être construites que si les immissions causées par le bruit de ces seules installations ne dépassent pas les valeurs de planification dans le voisinage; l'autorité qui délivre l'autorisation peut exiger un pronostic de bruit. L'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) précise ces exigences. Selon l'article 36 OPB, l'autorité d'exécution détermine les immissions de bruit extérieur d'une installation fixe ou ordonne leur détermination, si elle présume que les valeurs limites d'exposition y relatives sont dépassées ou qu'elles pourraient l'être. Le bruit doit être déterminé de cas en cas en fonction de la situation concrète (ATF 117 Ib 125).

 

Les dispositions cantonales ou communales d'urbanisme conservent une portée propre en tant qu'elles règlent le point de savoir si une construction peut être érigée à l'endroit prévu et être vouée à sa destination. C'est encore le droit cantonal qui peut édicter les prescriptions relatives au mode et à l'intensité de l'utilisation des parcelles, élément déterminant pour le caractère d'un quartier; de telles prescriptions peuvent également servir indirectement à la protection des voisins contre les nuisances de toute sorte (ATF 118 Ia 112).

 

Ainsi, l'article 14 lettre e LCI qui tend à lutter contre un type de nuisances secondaires, tels que les difficultés de la circulation et le danger pour la sécurité humaine qui lui sont liées, conserve une portée propre. Il en va de même de l'article 14 lettre a LCI dans la mesure où les inconvénients invoqués se rapportent uniquement à la circulation et au stationnement des véhicules (SJ 1992 p. 517; ATA D. du 20 décembre 1994 et les références citées).

 

b. En l'espèce, il n'apparaît pas que les déplacements des futurs habitants des 11 logements de l'immeuble litigieux puissent occasionner un dépassement des normes limites d'immissions fixées par l'OPB; les recourants eux-mêmes ne le prétendent pas.

 

c. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, l'accroissement du trafic routier, s'il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable, au sens de l'article 14 LCI (ATA S. du 23 septembre 2003 et les références citées).

Le trafic provoqué par la construction d'un immeuble d'habitations dans une zone destinée à accueillir une telle construction ne saurait être la source d'inconvénients graves pour les voisins, ce d'autant moins en l'espèce où il est avéré que la route de la Capite connaît un trafic important. A cet égard, ce ne sont certes pas les mouvements générés par 25 véhicules supplémentaires qui seront de nature à accroître la circulation de manière perceptible pour le voisinage.

 

d. Enfin, l'emplacement de la rampe d'accès au parking est conforme au préavis de l'OTC en ce sens qu'elle permet le croisement des véhicules sur le domaine privé. Or, tel n'était pas le cas dans le projet initial qui prévoyait l'accès au garage souterrain à l'extrémité nord de la parcelle 8965.

 

Mal fondé, le recours ne peut être que rejeté.

 

9. Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Ils devront en outre s'acquitter d'une indemnité de procédure du même montant destinée à participer aux frais de procédure d'Eléphantine S.A., en application de l'article 87 LPA.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 31 juillet 2003 par Monsieur R. B., Monsieur V. B., Mademoiselle M. B. et Monsieur R. P. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 26 juin 2003;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge des recourants un émolument de CHF 2'000.-, pris conjointement et solidairement;

 

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à E. S.A., à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement;

 

communique le présent arrêt à Me Efstratios Sideris, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et à Me Mauro Poggia, avocat d'Eléphantine S.A.

 


Siégeants : M. Paychère, président, M. Thélin, Mmes Hurni, Bovy, juges, M. Bonard, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président:

 

M. Tonossi F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci