Décisions | Assistance juridique
DAAJ/5/2025 du 14.01.2025 sur AJC/5091/2024 ( AJC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/2177/2024 DAAJ/5/2025 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU MARDI 14 JANVIER 2025 |
Statuant sur le recours déposé par :
Madame A______, domiciliée ______ [GE],
contre la décision du 20 septembre 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. Par jugement JTPI/8791/2023 du 4 août 2023, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment attribué à A______ (ci-après : la recourante ou la mère) la garde de l'enfant B______, retiré à la précitée et à C______ le droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant D______, placé ce dernier chez sa mère, fixé le droit aux relations personnelles du père sur ses enfants, donné acte aux parents de leur accord que les enfants poursuivront, pour l'année scolaire 2023-2024, leur scolarité à l'Ecole [privée] E______, condamné le père à contribuer à l'entretien de ses enfants à hauteur de 1'800 fr. par mois pour B______, respectivement 1'900 fr. par mois pour D______, débouté la mère de ses conclusions en paiement d'une contribution à son propre entretien et en allocation d'une provisio ad litem, arrêté les frais judiciaires à 75'229 fr. 06, mis à la charge des époux à raison de la moitié chacun et dit que la part de la mère était provisoirement supportée par l'Etat de Genève, en raison de l'assistance juridique qui lui a été accordée avec effet au 11 janvier 2023.
Les frais judiciaires incluaient notamment des frais d'expertise de 28'833 fr. 41, des frais d'audition des experts de 1'800 fr., ainsi que des émoluments des multiples décisions rendues sur mesures superprovisionnelles, provisionnelles et sur le fond, totalisant 5'000 fr.
b. Le 11 avril 2023, C______ a déposé une demande unilatérale en divorce (cause C/1______/2023).
Dans le cadre de cette procédure, le Tribunal a requis diverses avances de frais des parties (notamment frais d'interprète, frais du curateur de représentation des enfants, expertise immobilière), totalisant 13'080 fr. Entre le 9 juin 2023 et le 7 octobre 2024, la recourante s'est acquittée à ce titre d'un montant total de 6'830 fr. (notamment 4'000 fr. en février 2024).
B. Le 20 août 2024, A______ (ci-après : la recourante) a sollicité l'assistance juridique pour sa défense à la procédure de divorce initiée par son époux.
A l'appui de sa requête, elle a fait valoir de nombreuses dettes à rembourser, soit 430 fr. par mois à l'Etat de Genève en lien avec l'assistance judiciaire dont elle a bénéficié pour la procédure de mesures protectrices, et 4'638 fr. par mois en lien avec les frais d'avocats liés à cette procédure. Elle a par ailleurs invoqué 1'239 fr. 38 de frais liés à l'école privée des enfants et à leurs loisirs.
D'après les justificatifs fournis, l'ensemble des frais scolaires des enfants sont pris en charge par l'employeur de la recourante à hauteur de 75% jusqu'à concurrence de 14'649 fr. par enfant. Selon les explications de la recourante, la part non couverte par son employeur représente 4'150 fr. par an et par enfant, soit 345 fr. environ par mois et par enfant.
C. Par décision du 20 septembre 2024, notifiée le 2 octobre 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête précitée. En substance, elle a retenu que la recourante ne remplissait pas la condition d'indigence, les revenus de son ménage dépassant de 8'597 fr. 50 le minimum vital élargi en vigueur à Genève. Le ménage formé par la recourante et ses deux fils, nés en 2008 et 2011, disposait en effet de ressources mensuelles totales de 15'712 fr., comprenant 12'012 fr. de salaire de la recourante, allocations de famille et allocations pour enfants comprises, et 3'700 fr. de pensions alimentaires. Les charges mensuelles admissibles du ménage s'élevaient à 7'114 fr. 50 fr., comprenant 3'099 fr. 50 d'intérêts relatifs au prêt hypothécaire, 237 fr. 50 d'arrangements d'impôts, 430 fr. de remboursement de dette auprès de l'assistance juridique, 160 fr. d'abonnements TPG pour le ménage, 2'550 fr. d'entretien de base OP pour les trois membres du foyer, ainsi qu'une majoration de 25% de ce dernier montant. Les primes d'assurance-maladie alléguées ont été écartées, puisqu'elles sont directement déduites du salaire de la recourante. Les frais d'école privée et d'activités extrascolaires des enfants n'ont pas été pris en considération, ceux-ci n'étant pas de stricte nécessité. Même en tenant compte d'un remboursement partiel des dettes d'honoraires d'avocats de la recourante, le disponible mensuel du ménage dépasserait encore largement son minimum vital.
D. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 7 octobre 2024 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique complète, subsidiairement limitée à la prise en charge des frais judiciaires.
La recourante se prévaut de faits non portés à la connaissance de l'autorité de première instance (vente envisagée de son véhicule, frais de femme de ménage).
b. Dans ses observations du 14 octobre 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a conclu au rejet du recours. Elle a rappelé que l'octroi de l'assistance juridique dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale avait été limité aux frais judiciaires (en lien avec une expertise de plusieurs dizaines de milliers de francs) et qu'une participation mensuelle de 1'000 fr. avait alors été exigée d'elle. En l'occurrence, la situation était différente, car aucune avance de frais n'était exigée de la recourante.
1. 1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.
Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance ne seront pas pris en considération.
3. 3.1 L'octroi de l'assistance juridique est notamment subordonné à la condition que le requérant soit dans l'indigence (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a CPC).
Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assurer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 128 I 225 consid. 2.5.1).
L'indigence s'apprécie en fonction de l'ensemble des ressources du recourant, dont ses revenus, sa fortune et ses charges, tous les éléments pertinents étant pris en considération (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 120 Ia 179 consid. 3a). La situation économique existant au moment du dépôt de la requête est déterminante (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.1).
Il incombe au requérant d'indiquer de manière complète et d'établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ; ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2015 du 30 novembre 2015 consid. 5).
Seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 précité consid. 4.1). Les dettes anciennes, pour lesquelles le débiteur ne verse plus rien, n'entrent pas en ligne de compte (ATF 135 I 221 consid. 5.1).
En vertu du principe de l'effectivité, il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers, et non seulement une partie de celles-là ou de ceux-ci. En effet, si l'on peut attendre certains sacrifices financiers de la part du requérant, cela ne doit pas aller jusqu'à le contraindre à se procurer les moyens nécessaires pour faire valoir ses droits en justice, en contractant de nouvelles dettes, en n'honorant pas les dettes existantes ou en se dessaisissant de biens de première nécessité (ATF 135 I 221 consid. 5.1 et 5.2.1).
Le minimum d'existence du droit des poursuites n'est pas déterminant à lui seul pour établir l'indigence au sens des règles sur l'assistance judiciaire. L'autorité compétente peut certes partir du minimum vital du droit des poursuites, mais elle doit tenir compte de manière suffisante des données individuelles du cas d'espèce (ATF 141 III 369 consid. 4.1; ATF 124 I 1 consid. 2a).
Les frais relatifs à la scolarité obligatoire d'un enfant dans une école privée ne doivent être retenus que pour l'année scolaire en cours, ceci afin de permettre au débiteur d'entreprendre dans les délais les démarches nécessaires pour inscrire son enfant à l'école publique (ATF 119 III 70 consid. 3b).
L'octroi de l'assistance juridique ne doit pas conduire à ce que le requérant dispose de plus ou d'autres moyens que ceux nécessaires pour mener une vie simple. Un tel résultat serait toutefois indirectement atteint si l'amortissement ou l'extinction d'engagements pris par le requérant pour financer des biens de consommation non indispensables à ses besoins vitaux étaient pris en compte sans réserve dans le calcul du minimum vital. Si de telles dettes peuvent être éteintes ou réduites de manière significative par la réalisation ou le remplacement de ces biens, elles ne peuvent pas être prises en considération dans le minimum vital. Autrement dit, de telles dettes n'entrent pas en ligne de compte pour déterminer l'indigence, si le requérant peut se séparer desdits biens sans sacrifice économique disproportionné (Bühler, Betreibungs- und prozessrechtliches Existenzminimum, PJA 2002, p. 644 ss, p. 656).
Il appartient au justiciable sollicitant l'aide de l'Etat d'adapter son train de vie aux moyens financiers dont il dispose en donnant priorité aux dépenses relevant du strict minimum vital (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2010 du 2 février 2011 consid. 4).
La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la satisfaction des besoins personnels doit être comparée aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est requise. Celle-ci n'est pas accordée lorsque le solde disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1). Il conviendra de tenir compte, le cas échéant, de la nécessité où le requérant se trouve d'agir dans un délai relativement court, qui ne lui permet pas de faire des économies en vue d'avancer les frais du procès (ATF 135 I 221 consid. 5.1).
3.2. En l'espèce, la recourante reproche à l'autorité de première instance d'avoir refusé sa demande d'assistance juridique, alors que l'aide étatique (limitée à la prise en charge des frais judiciaires) lui avait été accordée dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale. Elle soutient que sa situation financière s'est péjorée par rapport à celle qui prévalait à l'époque de la procédure précitée et qu'il ne peut être exigé d'elle qu'elle adapte davantage son train de vie. Ses moyens financiers étant limités par les obligations auxquelles elle doit faire face, l'aide étatique devrait au moins lui être accordée pour la prise en charge des frais judiciaires de la procédure de divorce.
La recourante ne peut être suivie. Comme indiqué par l'autorité de première instance, l'assistance juridique avait été accordée à la précitée pour la procédure de mesures protectrices car une avance de frais de plusieurs dizaines de milliers de francs avait été exigée d'elle pour une expertise. Or, son disponible mensuel ne lui permettait pas de s'en acquitter dans un court délai. Dans le cadre de la procédure de divorce, la recourante a d'ores et déjà été en mesure de s'acquitter de plusieurs avances de frais, totalisant 6'830 fr. Il n'est pas allégué qu'une avance de frais dépassant son disponible mensuel aurait été exigé d'elle.
Pour le surplus, même en établissant le budget de la recourante de manière plus large que l'autorité de première instance, soit en admettant le remboursement allégué des frais d'avocats liés à la procédure de mesures protectrices (à hauteur de 4'638 fr. par mois), ainsi que l'écolage privé des enfants (à concurrence de 690 fr. par mois pour les deux enfants), le disponible mensuel du ménage de la recourante s'élèverait encore à environ 3'270 fr. (15'712 fr. de revenus – [7'114 fr. 50 + 4'638 fr. + 690 fr.]). Ce disponible mensuel semble a priori suffisant pour permettre à la recourante d'amortir les frais judiciaires prévisibles ainsi que ses frais d'avocat en deux ans sans porter atteinte à son minimum vital.
En effet, à supposer que les frais de procédure seront du même ordre que ceux de la procédure de séparation, ils se monteront à environ 76'000 fr., répartis par moitié entre les époux, ce qui reviendrait à 38'000 fr. chacun. Compte tenu des 6'830 fr. d'avances dont la recourante s'est d'ores et déjà acquittée, un solde de 31'170 fr. serait encore mis à sa charge. Ainsi, en économisant durant vingt-quatre mois (24 x 3'270 fr. = 78'480 fr.), la recourante serait en mesure d'assumer le solde des frais de procédure qui pourraient être mis à sa charge au terme de celle-ci, ainsi que les honoraires de son avocat.
C'est donc à juste titre que l'autorité de première instance a considéré que la recourante ne remplissait pas la condition d'indigence.
Partant, le recours, infondé, sera rejeté.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 7 octobre 2024 par A______ contre la décision rendue le 20 septembre 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2177/2024.
Au fond :
Le rejette.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.