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Décisions | Chambre civile

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C/25195/2022

ACJC/1576/2025 du 04.11.2025 sur JTPI/14900/2024 ( OS ) , JUGE

Normes : CPC.62; CO.814; CO.164
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25195/2022 ACJC/1576/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 NOVEMBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France,

Monsieur B______, domicilié ______ [GE],

tous deux appelants d'un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance du canton de Genève le 25 novembre 2024, représentés par
Me Julie DE HAYNIN, avocate, rue du Général-Dufour 22, 1204 Genève,

et

C______ Sàrl, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Soile SANTAMARIA, avocate, rue François-Versonnex 7, 1207 Genève.


 

EN FAIT

A. Par jugement JTPI/14900/2024 rendu le 25 novembre 2024, communiqué pour notification aux parties le 28 novembre suivant, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a condamné B______ et A______, conjointement et solidairement, à payer à C______ Sàrl la somme de 20'000 fr. avec 5% d'intérêts dès le 21 mars 2022 (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 2'640 fr., compensés avec les avances de frais fournies par C______ Sàrl et D______, et mis à la charge de D______ à hauteur de 500 fr. et de B______ et A______ à hauteur de 2'140 fr., ces deux derniers étant en conséquence condamnés, conjointement et solidairement, à rembourser 2'140 fr. à C______ Sàrl (ch. 2), condamné B______ et A______, conjointement et solidairement, à payer 3'500 fr. à C______ Sàrl à titre de dépens (ch. 3), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 10 janvier 2025 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), B______ et A______ ont appelé de ce jugement, concluant à son annulation et au déboutement de C______ Sàrl et D______ de leur demande en paiement, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Par réponse du 24 mars 2025, C______ Sàrl et D______ ont conclu à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par réplique du 9 mai et duplique du 12 juin 2025, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 3 juillet 2025.

C. Les faits suivants résultent du dossier soumis à la Cour.

a. C______ Sàrl est une société à responsabilité limitée sise à Genève, ayant pour but l'exploitation d'un restaurant italien et, plus généralement, toutes activités dans le domaine de la restauration.

Elle exploite un restaurant à l’enseigne « C______ ».

E______ et F______ en sont associés gérants avec signature individuelle.

b. D______ est employé de C______ Sàrl en tant que chef de cuisine.

c. C______ Sàrl et D______ ont allégué avoir projeté de s'associer et d'exploiter un restaurant ensemble.

d. B______ et A______ exploitaient un restaurant-pizzeria nommé "G______" à H______ (Vaud), dont ils louaient les locaux à la propriétaire, I______.

e. En octobre 2021, E______, F______ et D______ ont appris que le fonds de commerce de ce restaurant était à vendre.

E______ a approché B______ et A______ et des négociations de vente ont alors débuté.

Plusieurs réunions et discussions ont eu lieu au restaurant "G______" et au domicile de E______.

A______ a déclaré au Tribunal qu'il connaissait E______ et F______ avant d'entamer ces discussions du fait que E______ et F______ étaient déjà venus manger dans son propre restaurant et que lui-même était allé manger au restaurant C______.

f. C______ Sàrl et D______ ont allégué que lors de la réunion du 2 novembre 2021, B______ et A______ leur avaient indiqué que l'intégralité de l'ameublement ainsi que de l'équipement du restaurant et de la cuisine leur appartenait et était comprise dans le prix de vente du fonds de commerce.

g. Lors de cette même réunion du 2 novembre 2021, E______ a remis la somme de 20'000 fr. en espèces à B______ et A______, lesquels ont tous deux rédigé et signé l'attestation suivante :

"Je soussigné Monsieur B______, domicilié au no. ______, chemin 1______, [code postal] J______ [GE], déclare avoir reçu la somme de vingt mille francs suisses (CHF 20'000.00) comme acompte pour l'achat du fonds de commerce du restaurant G______ situé au no. ______ chemin 2______ [code postal] H______ [VD], de la part de Monsieur E______, domicilié au no. ______ chemin 3______ [code postal] J______."

E______ a allégué avoir agi au nom et pour le compte de C______ Sàrl et de D______. Selon lui, la somme de 20'000 fr. avait été financée par C______ Sàrl, par prélèvements de 12'000 fr. sur le compte bancaire de la société (un avis d’un retrait de 12'000 fr. en date du 21 octobre 2021 a été produit) et de 8'000 fr. dans la caisse. D______ aurait, par la suite, participé à hauteur de 10'000 fr. (un avis d’un débit par retrait de 10'000 fr. effectué le 3 novembre 2021 sur un compte à son nom a été produit).

h. En date du 10 novembre 2021, E______ et F______ ont rempli et signé un formulaire de demande de location desdits locaux dès la date du 1er décembre 2021 ou à convenir.

Il ressort de ce formulaire que E______ y était désigné comme locataire et F______ comme locataire solidaire. Sur ledit formulaire figuraient également leurs renseignements personnels, notamment leur profession de gérant de C______ Sàrl et le salaire versé par cette dernière. Les documents suivants étaient joints au formulaire : l’attestation de résidence à Genève de E______, sa pièce d'identité, son permis d'établissement, les extraits de non-poursuites de E______ et F______ et leurs trois dernières fiches de salaire de C______ Sàrl.

i. Par courrier électronique du 15 novembre 2021, B______ a envoyé à I______ "les documents des acheteurs du fonds de commerce du G______ avec leur demande de location".

j. B______ et A______ ont allégué que E______ et F______ avaient demandé qu'un pizzaiolo de leur choix commence à travailler au restaurant et avaient entrepris des démarches auprès d'une régie pour louer un appartement en vue d’y loger leurs employés. Ils avaient également entreposé du matériel dans le restaurant.

k. Initialement prévue pour décembre 2021, l'acquisition du fonds de commerce a été reportée à juillet 2022 à la demande des acheteurs.

l. Le 12 décembre 2021, A______ a rédigé un projet de convention de remise de commerce du G______ entre E______ et F______, en qualité d'acquéreurs, et B______, "représentant du G______", en qualité de vendeur.

Ce projet de convention prévoyait, notamment, un prix de vente du fonds de commerce fixé à 100'000 fr., cette somme couvrant le transfert du bail, la reprise d'installations, du mobilier/matériel (sous "annexe 1") et le goodwill (art. 2 let. a et b), et le transfert de possession des locaux au 1er juillet 2022 (art. 6 let. a).

A______ et B______ ont allégué avoir transmis ce projet de convention à E______ et F______, ce que ces derniers ont contesté.

Ce document, prévu en trois exemplaires, n'a pas été signé.

m. En date du 18 janvier 2022, E______ a appris de I______ qu'une grande partie des équipements et du mobilier du restaurant lui appartenait. Il a alors fait savoir à A______ et B______ qu'il souhaitait se rétracter.

n. Par courrier du 7 mars 2022, C______ Sàrl et D______ ont confirmé à A______ et B______ qu'ils n'avaient l'intention ni de poursuivre les négociations ni de s'engager en vue d'acquérir le fonds de commerce, et ont réclamé le remboursement de la somme de 20'000 fr. versée le 2 novembre 2021.

o. Dans un courrier du 11 mars 2022, B______ et A______ ont indiqué que les acquéreurs avaient été informés du matériel faisant partie du fonds de commerce, notamment par l'"annexe 1" de la convention de vente. Selon eux, le versement de 20'000 fr. correspondait à un engagement ferme, de sorte qu'ils les ont mis en demeure de verser le solde du prix de vente (soit la somme de 80'000 fr.) au 30 juin 2022.

p. Le 30 mars 2022, I______ a, par formulaire adressé à B______ et A______, résilié le bail des locaux de l’établissement de H______ pour le 30 avril 2022 pour défaut de paiement du loyer.

q. N'ayant reçu ni paiement ni réponse, B______ et A______ ont, par courrier du 22 juin 2022, proposé à C______ Sàrl et D______ une remise des clés le 30 juin 2022, date à laquelle devait au plus tard être effectué le paiement du solde du prix de vente en 80'000 fr.

r. Par courrier du 24 juin 2022, C______ Sàrl et D______ ont réaffirmé à B______ et A______ qu'aucun accord n'avait été conclu concernant la vente du fonds de commerce du restaurant, puisqu'ils s'étaient retirés des négociations et ont précisé n'avoir eu connaissance d'aucun contrat de vente ni d'un quelconque document annexé. Ils ont demandé que des copies desdits documents leur soient transmises, requête demeurée sans réponse. Ils ont rappelé que le prix négocié comprenait le transfert du bail, mais également de nombreux équipements du restaurant, alors qu'ils appartenaient en réalité à la propriétaire des locaux. Ils considéraient avoir été induits en erreur sur l'objet même des négociations. Ce point n'ayant pu être définitivement clarifié pendant les négociations, aucune vente n'avait pu être conclue. De plus, le bail ayant été résilié, une vente du fonds de commerce avec transfert du bail au sens de l'art. 263 CO n’était pas possible. Si par impossible un contrat avait été conclu, ils ont déclaré l'invalider pour cause d'erreur essentielle, voire de dol.

s. Par courrier du 31 octobre 2022, le conseil de C______ Sàrl et de D______ a indiqué à B______ et A______ que, leur précédent courrier étant resté sans réponse, ils allaient agir en justice. Il a précisé défendre également les intérêts de E______ et que, bien que ce dernier ait toujours agi pour le compte de C______ Sàrl, les contacts ayant principalement eu lieu par son intermédiaire, E______ déclarait lui aussi invalider l'hypothétique contrat le liant à eux à titre personnel, pour les mêmes motifs que ceux invoqués le 24 juin 2022.

t. Après avoir déposé sa demande en conciliation le 16 décembre 2022 et obtenu l'autorisation de procéder le 14 juin 2023, C______ Sàrl et D______ ont, par acte introduit le 16 octobre 2023 au Tribunal, agi contre A______ et B______ et conclu à ce qu'ils soient condamnés, conjointement et solidairement, à leur verser (en main commune) le montant de 20'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 21 mars 2022, subsidiairement à verser 10'000 fr. à C______ Sàrl et 10'000 fr. à D______ avec intérêts à 5% dès le 21 mars 2022.

Ils ont fondé leur demande sur le fait que C______ Sàrl et D______ formaient une société simple et détenaient une prétention pour cause d'enrichissement illégitime contre B______ et A______, ces derniers se trouvant enrichis sans cause à hauteur du montant de 20'000 fr. versé par E______ le 2 novembre 2021.

u. Par réponse du 20 décembre 2023, B______ et A______ ont conclu au rejet de la demande.

Ils ont, à cette occasion, notamment contesté avoir été en négociation avec C______ Sàrl et D______, les discussions ayant eu lieu avec E______ et F______, ceux-ci ayant agi pour leur propre compte.

v. Par réplique du 26 février 2024, C______ Sàrl et D______ ont persisté dans leurs conclusions.

Ils ont notamment allégué que A______ et B______ savaient que E______ agissait tant pour le compte de C______ Sàrl que pour le compte de la société nouvellement formée par C______ Sàrl et D______, qu'il ressortait des demandes de location que E______ et F______ étaient gérants de C______ Sàrl et qu'en tout état, il était égal à A______ et B______ de négocier avec E______ et/ou C______ Sàrl et/ou D______.

Ils ont précisé que ce n'était que lors d'une réunion en janvier 2022 avec I______ qu'ils avaient eu connaissance d’une annexe au contrat de bail conclu avec les locataires, mentionnant les équipements loués. Les parties n'avaient pas pu s'accorder sur le transfert de propriété du matériel (l'achat de l'équipement de la cuisine et du restaurant étant pour eux fondamental) et le transfert du bail était devenu impossible. Ils ont également invoqué le fait que le contrat ne pouvait être conclu faute de respect de la forme convenue, dès lors que la forme écrite était l'usage s'agissant de la remise d’un fonds de commerce.

A cette occasion, ils ont également produit de nouvelles pièces, notamment un acte de cession de créance, selon lequel E______, F______ et C______ Sàrl ont cédé à C______ Sàrl et à D______ toute créance détenue en main commune ou en mains propres à l'encontre de B______ et A______ en lien avec le paiement de 20'000 fr. effectué en main de B______ le 2 novembre 2021 et son remboursement. Cette cession a été signée le 16 octobre 2023 par D______, respectivement le 26 octobre 2023 par E______, F______ et C______ Sàrl. Cette pièce a été produite avec l'explication suivante : "A toute fin utile, compte tenu de la position défendue par les défendeurs pendant la procédure de conciliation, E______, F______ et C______ Sàrl ont cédé l'éventuelle créance de 20'000 fr. qu'ils auraient par hypothèse détenu contre les défendeurs à C______ Sàrl et M. D______".

w. Par duplique du 16 mai 2024, B______ et A______ ont persisté dans leurs conclusions.

Ils ont invoqué le défaut de légitimation active de C______ Sàrl et de D______, puisque, selon eux, les personnes désignées comme repreneurs du fonds de commerce étaient E______ et F______ agissant en leur nom propre. Ils ont également fait valoir que la cession de créance visait à contourner les règles fondamentales relatives à la légitimation active et apparaissait abusive.

x. Lors de l'audience du 11 octobre 2024, E______ a déclaré qu'il ne se rappelait pas s’il avait mentionné remettre la somme de 20'000 fr. de la part de C______ Sàrl et de D______. Il avait versé ce montant car B______ et A______ voulaient une sorte de caution ou d'acompte, ces derniers ayant d'autres acheteurs potentiels en vue. Il ne s'agissait pas, selon lui, d'un premier acompte sur le prix de vente.

Les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.2 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

La valeur litigieuse étant, en l'espèce, supérieure à 10'000 fr., l'appel, formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 CPC), est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC). Elle applique en outre la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC), étant relevé que la procédure simplifiée s'applique (art. 243 CPC) compte tenu de la valeur litigieuse qui ne dépasse pas 30'000 fr.

En vertu de la présomption de l'art. 150 al. 1 CPC, il est admissible dans le cadre de la maxime des débats de considérer comme non contestés les faits retenus dans la décision attaquée s'ils ne sont pas critiqués par l'appelant (Tappy, Les voies de droit du nouveau code de procédure civile, in JT 2010 III 126, p. 137; Reetz, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2025, n. 38 ad art. 311 ZPO).

2. La cause présente un élément d'extranéité en raison du domicile en France d'une des parties.

Celles-ci ne contestent, à juste titre, pas la compétence des autorités judiciaires suisses (art. 6 ch. 1 CL) et l'application du droit suisse (art. 117 al. 1, 2 et 3 let. a; 128 al. 1 LDIP) au présent litige.

3. Les appelants contestent la légitimation active de l’intimée.

3.1 Le Tribunal a retenu que E______ avait agi en représentation de C______ Sàrl et que cette dernière disposait de la légitimation active. Selon le premier juge, E______ était inscrit au Registre du commerce en qualité de gérant de C______ Sàrl avec signature individuelle. Il avait ainsi le pouvoir de représenter la société et ses actes étaient attribuables à cette dernière. Les appelants étaient conscients qu'il occupait le poste de gérant, puisque la demande de location, qu'ils avaient eux-mêmes présentée à I______, mentionnait expressément cette qualité. De plus, A______ avait déclaré connaître E______ antérieurement aux négociations et s'être déjà rendu dans son restaurant C______ pour y dîner. En toute hypothèse, il était indifférent pour les appelants de traiter avec E______ ou avec la société C______ Sàrl.

Le Tribunal a, en revanche, dénié la légitimation active à D______ et l’a - dans sa motivation uniquement - débouté des fins de sa requête.

3.2 Les appelants soutiennent que E______ et F______ ont agi en leur propre nom tout au long des négociations. Ils font valoir que tous les documents établis en lien avec la transaction litigieuse l'ont été au nom de E______ et F______ et qu'à aucun moment, C______ Sàrl n'a été mentionnée comme partie prenante, représentée par ses associés gérants. Ils soulignent que l'identité du cocontractant constitue un pilier essentiel de tout accord commercial et que le premier juge ne pouvait affirmer que cette question leur était indifférente. L'intimée n'ayant pas démontré qu'elle était titulaire des droits invoqués à leur encontre, la demande devait être rejetée pour "absence de qualité pour agir, absence de légitimation active et utilisation abusive de dispositifs juridiques détournant leur finalité première".

Le défaut de légitimation active de D______ n'est pas remis en cause en appel.

3.3
3.3.1
La légitimation active ou la légitimation passive relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet (actif ou passif) du droit invoqué en justice (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3.2; 130 III 417 consid. 3.1 et 3.4; 126 III 59 consid. 1a; 125 III 82 consid. 1a). Le défaut de légitimation active ou passive entraîne le rejet de la demande (ATF 142 III 782 consid. 3.1.3). Il incombe au demandeur de prouver les faits desquels il tire sa légitimation active (ATF 123 III 60 consid. 3a). Cette question doit être examinée d'office et librement
(ATF 136 III 365 consid. 2.1; 114 II 345 consid. 3d; 108 II 216 consid. 1). Lorsque la maxime des débats s'applique (art. 55 CPC), cet examen ne peut se faire que sur la base des faits allégués et prouvés (ATF 130 III 550 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2021 du 21 décembre 2023 consid. 4).

3.3.2 La date déterminante pour apprécier la légitimation active est celle de l'ouverture d'action et de la litispendance (arrêts 4A_282/2021 du 29 novembre 2021 consid. 4.3; 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.1.1; 4A_482/2015 du 7 janvier 2016 consid. 2.2). 

Lorsque la procédure au fond doit être précédée d'une tentative de conciliation (art. 197 CPC), l'acte qui introduit l'instance est le dépôt de la requête de conciliation (art. 62 al. 1 CPC). Partant, la litispendance débute à ce moment-là (titre marginal de l'art. 62 CPC). Elle a en particulier pour effet procédural d'interdire aux parties de porter la même action devant une autre autorité (exception de litispendance; art. 64 al. 1 let. a CPC) et de fixer définitivement le for (perpetuatio fori; art. 64 al. 1 let. b CPC). Elle entraîne également la fixation de l'objet du procès et la fixation des parties à celui-ci, des modifications n'étant alors possibles qu'aux conditions restrictives prévues par le code (arrêts 4A_102/2023 du 17 octobre 2023 consid. 3.1.3; 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.1.2). 

3.3.3 Selon l'art. 814 al. 1 CO, chaque gérant a le pouvoir de représenter individuellement la société à responsabilité limitée. Il n'est pas un représentant de la société au sens des art. 32 ss CO, mais un organe - et donc une partie de la société - qui engage directement cette dernière par ses actes, conformément à l'art. 55 al. 2 CC (Chappuis/Jaccard, CR-CO II, 2017, n. 6 ad art. 815 CO; Peter/Cavadini, CR-CO II, 2017, n. 7 ad art. 718 CO et n. 2 ad art. 722 CO).

Pour engager la société, l'organe doit accomplir l'acte au nom de cette dernière. Il doit communiquer au tiers expressément ou par actes concluants qu'il agit pour celle-ci. En cas de doute, il convient d'interpréter sa manifestation de volonté selon le principe de la confiance afin de déterminer si le tiers pouvait et devait comprendre que l'organe agissait au nom de la personne morale, en tenant compte de l'ensemble des circonstances. Si le tiers doit se rendre compte que l'organe agit pour la personne morale, cette dernière est obligée (Xoudis, CR-CC I, 2023, n. 39 ad art. 55 CC). Le fait qu'une partie n'ait pas compris la volonté exprimée par l'autre doit toutefois résulter de l'administration des preuves et non du simple fait qu'elle l'affirme en procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2017 du 4 décembre 2017 consid. 4.2.3).

3.3.4 Aux termes de l'art. 164 al. 1 CO, la cession de créance - soit d'un droit subjectif du titulaire (le créancier) à une prestation du débiteur (ATF 131 III 217 consid. 3) - est un contrat (cf. art. 165 CO) par lequel le titulaire d'une créance
(le cédant) transfère son droit à une autre personne (le cessionnaire). La cession opère la substitution du titulaire d'une créance par un nouveau titulaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_102/2023 du 17 octobre 2023 consid. 3.1.1). Le cessionnaire devient le (nouveau) créancier de la créance cédée. C'est lui, et lui seul, qui peut la faire valoir. Le cédant n'a plus aucun droit à l'encontre du débiteur dans les rapports externes. Il ne peut plus réclamer la prestation ni la recevoir (Tercier/Pichonnaz, Le droit des obligations, 2024, n. 1821 et 1836).

3.4 En l'occurrence, se pose en premier lieu la question de savoir si E______ a agi, durant les pourparlers avec les appelants, en qualité d'organe de l'intimée ou en son propre nom. Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'on ne saurait considérer que ce dernier agissait au nom de l'intimée du simple fait que les appelants étaient "conscients qu'il occupait le poste de gérant de la société" et qu'ils le connaissaient antérieurement pour être allés dîner au restaurant exploité par l'intimée. En effet, l'attestation de paiement signée le 2 novembre 2021 indique le versement de la somme de 20'000 fr. par E______ et ne mentionne pas que celui-ci serait intervenu au nom de l'intimée. En outre, E______ et F______ ont rempli le formulaire de demande de location des locaux litigieux en se désignant personnellement comme locataires, en indiquant l'ensemble de leurs renseignements personnels (profession en qualité de gérants de C______ Sàrl, salaires, etc.) et en fournissant les pièces justificatives les concernant; ils n'ont, à cette occasion, fourni aucune indication laissant penser que l'intimée aurait eu l’intention de louer les locaux et n'ont fourni aucun renseignement à son sujet, notamment ses comptes de pertes et profits et ses bilans, en vue de soutenir son éventuelle candidature. De plus, le fait que E______ et F______ étaient les gérants de l'intimée n'impliquait pas nécessairement que ceux-ci entendaient engager la société dans ce nouveau projet. Dès lors, l'on ne saurait admettre que E______ est intervenu en qualité d'organe de l'intimée dans ses relations avec les appelants, de sorte que la société n’était, initialement, pas titulaire du droit invoqué en justice.

Se pose, en second lieu, la question de savoir si l'intimée dispose néanmoins de la légitimation active en vertu de la cession de créance présentée. Dès lors que l'autorité de conciliation a été saisie en décembre 2022 et que la cession de créance a été signée en octobre 2023, l'intimée n'était pas titulaire du droit auquel elle prétendait au moment de l'introduction de l'instance, à savoir lors du dépôt de la requête de conciliation.

Par conséquent, l'intimée ne disposait pas de la légitimation active au moment de l'introduction de l'instance.

3.5 Au vu de ce qui précède et dans un souci de clarté concernant l’autre partie en première instance, à savoir D______, le jugement entrepris sera annulé et l’intimée et D______ seront tous deux formellement déboutés de toutes leurs conclusions à l'encontre des appelants.

4. Les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) - sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC).

4.1 Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC, applicable par analogie à l'instance de recours lorsque celle-ci réforme la décision précédente; Jeandin, CR-CPC, 2019, n°9 ad
art. 327 CPC).

La quotité des frais judiciaires (composés des frais de conciliation et de l'émolument de la décision entreprise) et des dépens de première instance – arrêtés par le Tribunal respectivement à 2'640 fr. et à 3'500 fr. – n'est pas été contestée par les parties.

Au vu de l'issue du litige, l’intimée et D______ succombant entièrement, les frais judiciaires de première instance seront intégralement mis à leur charge et seront entièrement compensés avec les avances de frais d'un montant total de 2'640 fr. effectuées par ces derniers (art. 111 al. 1 aCPC).

Pour les mêmes motifs, tous deux seront condamnés, conjointement et solidairement, à verser la somme unique de 3'500 fr. aux appelants à titre de dépens de première instance.

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront fixés à 2'200 fr. (art. 13, 17 et 35 RTFMC), entièrement compensés avec l'avance du même montant versée par les appelants.

Au vu de l'issue du litige, lesdits frais seront intégralement mis à la charge de l’intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Par conséquent, celle-ci sera condamnée à verser aux appelants la somme de 2'200 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Pour le même motif, l’intimée sera condamnée à verser la somme unique de 2'000 fr. (débours et TVA compris) à ses parties adverses à titre de dépens d'appel (art. 95, 104 al. 1, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 al. 1, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 janvier 2025 par A______ et B______ contre le jugement JTPI/14900/2024 rendu le 25 novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25195/2022-12.

Au fond :

Annule le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

Déboute C______ Sàrl et D______ de toutes leurs conclusions à l'encontre de A______ et B______.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 2'640 fr., les met conjointement et solidairement à la charge de C______ Sàrl et de D______ et les compense entièrement avec les avances de frais versées par ceux-ci.

Condamne C______ Sàrl et D______, conjointement et solidairement, à verser à A______ et B______ la somme unique de 3'500 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'200 fr., les met intégralement à la charge de C______ Sàrl et les compense entièrement avec l'avance de frais du même montant fournie par A______ et B______.

Condamne C______ Sàrl à verser à A______ et B______, pris conjointement et solidairement, la somme de 2'200 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne C______ Sàrl à verser à A______ et B______, pris conjointement et solidairement, la somme de 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.