Décisions | Chambre civile
ACJC/1226/2025 du 12.09.2025 sur JTPI/10872/2025 ( OO ) , ADMIS
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/27999/2023 ACJC/1226/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, requérant sur mesures superprovisionnelles, représenté par Me Mirolub VOUTOV, avocat, de Candolle Avocats, place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève,
et
Madame B______, domiciliée ______, citée, représentée par Me Samantha ROTH, avocate, c/o Lawffice SA, rue du Général-Dufour 22, case postale 315, 1211 Genève 4.
Vu, EN FAIT, le jugement JTPI/15067/2020 du 3 décembre 2020, par lequel le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant d'accord entre les parties, a dissous par le divorce le mariage contracté par B______ et A______ à C______ (Genève) le ______ 2015 et a notamment maintenu l'autorité parentale conjointe des parties sur leur fils D______, né le ______ 2015, attribué la garde exclusive de l'enfant à sa mère jusqu'au 30 juin 2021, statué sur les modalités du droit de visite en faveur du père (ch. 4A du dispositif), instauré une garde alternée sur l'enfant à compter du 1er juillet 2021 conformément à l'accord des parties après une période transitoire (ch. 4B et 4C), libéré A______ de toute contribution à l'entretien de l'enfant dès l'instauration de la garde partagée (ch. 9) et fixé l'entretien convenable de D______ à 487 fr. 35 par mois (ch. 11);
Que tant B______ que A______ sont nés à E______ [Italie] et sont de nationalité italienne;
Attendu que le 21 décembre 2023, B______ a formé une demande en modification du jugement de divorce, concluant notamment à l'attribution de la garde exclusive de D______ et à être autorisée à déménager avec le mineur à E______, dès le 1er juillet 2024;
Qu'à l'appui de sa demande, elle a exposé avoir perdu son emploi avec effet au 1er septembre 2022 et n'être pas parvenue à en trouver un autre, en dépit de ses nombreuses recherches; que depuis lors, elle s'était rendue plus souvent en Italie, trouvant du soutien moral et financier auprès de sa famille; que sa mère lui avait offert un poste de travail en tant qu'assistante juridique dans son cabinet d'avocats à E______, pour un salaire mensuel de 1'000 euros; qu'elle s'était inscrite à la faculté de droit de l'université de E______, dont elle suivait les cours à distance, en vue de passer le brevet d'avocat dans deux ans; qu'il était dans l'intérêt du mineur D______ de déménager avec elle à E______ qu'il pourrait y poursuivre sa scolarité et fréquenter de bons clubs de football, sport qui était sa passion; que sa famille serait en outre très présente pour lui; que le mineur avait exprimé son souhait de partir vivre en Italie;
Que A______ a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à B______ de déménager avec D______, au maintien du domicile de celui-ci à Genève et au maintien de la garde alternée, subsidiairement à l'octroi de la garde du mineur en sa faveur;
Qu'un incident est survenu durant l'été 2024, alors que le mineur D______ participait à un camp de football en Italie; que son père, qui séjournait à proximité, avait fait intervenir la police, au motif qu'il avait reçu, par erreur, une vidéo que son fils détenait sur son téléphone portable, sur laquelle on entendait l'un des participants au camp prononcer des mots vulgaires et tenir des propos à connotation sexuelle;
Que suite à cet événement, l'enfant D______ n'a plus souhaité avoir de contacts avec son père;
Que par ordonnance du 10 octobre 2024, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a suspendu le droit de garde de A______ sur son fils et interdit tout contact entre eux;
Que la Cour de justice, statuant sur appel par arrêt du 16 juin 2025, a annulé le chiffre 1 du dispositif de cette ordonnance en tant qu'il avait interdit tout contact entre le père et l'enfant et, statuant à nouveau sur ce point, réservé à A______ un droit de visite sur son fils devant s'exercer par visioconférence, deux fois par mois, en présence du psychologue de l'enfant, puis, aussitôt que le curateur l'estimerait possible, hors la présence du psychologue; qu'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles a été instaurée;
Que le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP) a rendu son rapport le 23 décembre 2024; qu'il a préavisé l'attribution de la garde de l'enfant D______ à sa mère, celle-ci pouvant transférer le domicile légal du mineur en Italie, le père devant se voir réserver, dès que la situation le permettrait, un droit de visite;
Que le Tribunal a convoqué deux audiences, le 14 mai et le 20 juin 2025; qu'au terme de celle-ci, la cause a été gardée à juger;
Que par jugement JTPI/10872/2025 du 4 septembre 2025, le Tribunal a modifié le chiffre 4 du dispositif du jugement du 3 décembre 2020 et a attribué à B______ la garde du mineur D______, réservé à A______ un droit aux relations personnelles avec l'enfant dont il a fixé les modalités, dès que F______ et le Centre de thérapie familiale G______ à E______ l'estimeraient possible; qu'il a par ailleurs modifié les chiffres 9 et 11 du dispositif du jugement du 3 décembre 2020 et cela fait, a notamment autorisé B______ à déplacer la résidence habituelle du mineur D______ à E______; que le Tribunal a prononcé le caractère exécutoire anticipé de la décision (chiffre 15 du dispositif);
Que le Tribunal a retenu, en substance, que les parents n'exerçaient plus une garde partagée depuis l'été 2024; que dans ses dernières conclusions, A______ avait conclu à l'attribution de la garde de l'enfant à sa mère; que le mineur avait clairement exprimé son souhait de vivre auprès de sa mère, dont aucun élément ne permettait de douter de ses capacités parentales; que le mineur avait également manifesté le désir de vivre à E______; que par conséquent, il était dans l'intérêt de l'enfant de déménager avec sa mère à E______, dont le projet avait été préparé de manière réfléchie et complète;
Que la rentrée scolaire à E______ étant fixée au 15 septembre 2025, il se justifiait de prononcer le caractère exécutoire anticipé du jugement, "en application de l'art. 336 al. 1 let. b CPC";
Attendu que A______ a formé appel contre ce jugement devant la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 10 septembre 2025 à 15h59, veille du Jeûne genevois, concluant à l'annulation des chiffres 1, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 15 et 18 de son dispositif et cela fait, à ce qu'il soit fait interdiction à B______ de quitter la Suisse avec D______, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, à ce que l'inscription du mineur aux fichiers RIPOL/SIS soit ordonnée, à ce qu'il soit fait interdiction à B______ de déménager à E______, à ce qu'il lui soit ordonné de maintenir le domicile légal de l'enfant à Genève et à ce qu'un droit de visite s'exerçant deux fois par mois, par visioconférence auprès de F______, lui soit réservé;
Que préalablement il a conclu, sur mesures superprovisionnelles, à l'octroi de l'effet suspensif;
Que sur ce point, il a soutenu qu'en cas de départ de D______ en Italie avant l'aboutissement de la procédure de seconde instance, son appel deviendrait sans objet, puisque l'enfant aurait alors passé plusieurs mois, voire une année à E______, ce qui causerait un dommage irréparable au mineur ainsi qu'à l'appelant; qu'une décision donnant gain de cause à ce dernier interviendrait trop tard;
Considérant, EN DROIT, que l'appel suspend la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision dans la mesure des conclusions prises en appel (art. 315 al. 1 CPC);
Qu'à teneur de l'art. 315 al. 2 CPC, l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur: le droit de réponse (let. a), des mesures provisionnelles (let. b), l'avis aux débiteurs (let. c), la fourniture de sûretés en garantie de la contribution d'entretien (let. d);
Que si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable, l'instance d'appel peut, sur demande: autoriser l'exécution anticipée et ordonner au besoin des mesures conservatoires ou la fourniture de sûretés (art. 315 al. 4 let. a CPC) ou exceptionnellement suspendre le caractère exécutoire dans les cas prévus à l'al. 2 (art. 315 al. 4 let. b CPC);
Que selon l'art. 336 al. 1 CPC, une décision est exécutoire: lorsqu'elle est entrée en force et que le tribunal n'a pas suspendu le caractère exécutoire (art. 315 al. 4, 325 al. 2 et 331 al. 2) (let. a) ou lorsqu'elle n'est pas encore entrée en force mais que le caractère exécutoire anticipé a été prononcé (let. b);
Que le deuxième cas de figure (let. b) se rapporte à l'appel ordinaire, qui, par définition, a pour objet une décision n'ayant pas acquis force de chose jugée: l'art. 336 al. 1 let. b en tire les conséquences, à savoir que l'introduction de l'appel fait qu'une telle décision ne devient pas exécutoire, à moins que l'instance d'appel en ait autorisé l'exécution anticipée (retrait de l'effet suspensif) comme le lui permet la procédure d'appel (art. 315) (Jeandin, CR, CPC 2ème éd. 2019, n. 6 ad art. 336 CPC);
Qu'en l'espèce, le jugement attaqué est un jugement au fond, qui n'est pas visé par l'art. 315 al. 2 let. a à d CPC, de sorte que, conformément à l'art. 315 al. 1 CPC, l'appel suspend automatiquement la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision dans la mesure des conclusions prises;
Que conformément au texte clair de l'art. 315 al. 4 CPC, seule l'instance d'appel peut autoriser l'exécution anticipée, ce qui ressort également de la doctrine citée ci-dessus relative à l'art. 336 CPC;
Que dès lors et contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'art. 336 CPC ne l'autorisait pas à ordonner l'exécution anticipée de la décision rendue;
Qu'il découle de ce qui précède que le chiffre 15 du dispositif du jugement attaqué, prononcé par une instance qui n'en avait pas la compétence, ne déploie aucun effet et que l'appel formé le 10 septembre 2025 a suspendu la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision attaquée dans la mesure des conclusions prises par l'appelant, soit notamment celle visant le chiffre 5 du dispositif du jugement querellé par lequel B______ a été autorisée à déplacer la résidence habituelle du mineur D______ à E______;
Que ce qui précède sera dès lors constaté dans le dispositif de la présente décision, rendue à titre superprovisionnel;
Que la question des frais judiciaires se rapportant à la présente décision sera renvoyée à l'arrêt au fond.
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La Chambre civile :
Statuant sur requête de restitution de l'effet suspensif à titre superprovisionnel :
Constate que l'appel formé par A______ le 10 septembre 2025 contre le jugement JTPI/10872/2025 rendu le 4 septembre 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27999/2023 suspend la force de chose jugée et le caractère exécutoire dudit jugement relativement aux chiffres 1, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 18 de son dispositif.
Dit en tant que de besoin que le chiffre 15 du dispositif de la décision attaquée ne déploie aucun effet.
Renvoie la question des frais judiciaires à l'arrêt au fond.
Siégeant :
Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.
S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au
Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2013 du 1er février 2013 consid. 1.2).