Décisions | Chambre civile
ACJC/1115/2025 du 22.08.2025 sur OTPI/456/2025 ( SDF )
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/27415/2024 ACJC/1115/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU VENDREDI 22 AOUT 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'une ordonnance rendue par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er juillet 2025, représenté par Me Magali BUSER, avocate, Etter & Buser, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève,
et
Madame B______, domiciliée ______ [ZH], intimée, représentée par Me Sébastien DESFAYES, avocat, De Boccard Associés SA, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève.
Attendu, EN FAIT, que par ordonnance OTPI/456/2025 du 1er juillet 2025, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles de divorce, a notamment autorisé A______ et B______ à vivre séparés (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ à verser en mains de B______, par mois et d’avance, à titre de contribution à son entretien les sommes mensuelles de 4'630 fr. du 10 mars au 31 décembre 2024, de 2'805 fr. du 1er janvier au 30 avril 2025, puis de 2'550 fr. jusqu'au 30 avril 2026, et ensuite de 2'295 fr., sous déduction de 11'500 fr. déjà versés (ch. 2), condamné A______ à verser 15'000 fr. à B______ à titre de provisio ad litem (ch. 3), réservé le sort des frais judiciaires à la décision finale (ch. 4), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6);
Que le Tribunal a retenu que B______, qui travaille à mi-temps dans l'enseignement, avait réalisé un revenu mensuel net de 4'706 fr. en 2024, puis de 4'230 fr. ensuite, pour des charges mensuelles s'élevant à 4'730 fr. jusqu'au 30 avril 2025, à 4'650 fr. jusqu'au 30 avril 2026, puis à 4'570 fr.; qu'il a renoncé, sur mesures provisionnelles, à imputer un revenu hypothétique supplémentaire à l'épouse;
Que le Tribunal a également retenu que A______ avait réalisé un revenu mensuel moyen net, impôt à la source non déduit, de 24'271 fr. de 2018 à 2022; que depuis le 1er décembre 2024, il travaillait en qualité de directeur général de C______/1______ SA pour une rémunération mensuelle brute de 26'925 fr. par mois, versée treize fois l'an, avec un bonus minimum garanti de 350'000 bruts pour les années 2025 et 2026; qu'il avait également perçu 2'239 fr. nets, impôts à la source déduit, de D______ AG, sis à Zürich, pour l'enseignement qu'il y avait dispensé en 2024; qu'il a relevé qu'il apparaissait également au registre du commerce comme directeur de C______/2______ SA, ainsi que comme membre du conseil d'administration de E______/3______ AG, E______/4______ AG et E______/5______ AG;
Que le Tribunal, pour fixer la contribution à l'entretien de l'épouse, a tenu compte d'un revenu mensuel net de 20'150 fr. (impôts à la source déduits) en faveur de A______, tout en relevant que, compte tenu des bonus prévus dans son nouveau contrat de travail, ses revenus avaient au minimum doublé depuis le 1er janvier 2025;
Que les charges mensuelles de A______, selon le Tribunal, s'élevaient à 8'085 fr. jusqu'au 30 avril 2025, puis à 8'620 fr. jusqu'au 30 avril 2026 et ensuite à 9'160 fr. , auxquelles il convenait d'ajouter les charges des enfants majeurs du couple s'élevant, allocations familiales déduites, à 1'335 fr. par mois pour F______ et à 1'970 fr. pour G______, ainsi que la moitié des charges de l'enfant mineur H______, né le ______ 2025 de sa relation avec sa nouvelle compagne, avec laquelle il ne vivait pas, s'élevant à 2'375 fr., allocations familiales déduites, pour la part le concernant;
Que le Tribunal a retenu que l'époux dégageait un excédent de 6'385 fr. par mois jusqu'au 30 avril 2025, puis de 5'850 fr. jusqu'au 30 avril 2026 et ensuite de 5'310 fr., tandis que l'épouse présentait un déficit de 500 fr., puis respectivement de 420 fr. et 340 fr.;
Que le Tribunal a ainsi fixé la contribution à l'entretien de l'épouse à 2'805 fr. (500 fr. + 50% de l'excédent de 4610 fr.) du 1er janvier 2025 jusqu'au 30 avril 2025, à 2'550 fr. (420 fr. + 50% de 4'260 fr.) jusqu'au 30 avril 2026, puis à 2'295 fr. (340 fr. + 50% de 3'910 fr.); qu'avant la naissance de H______ en janvier 2025, l'excédent familial étant de 8'260 fr., la moitié devait revenir à l'épouse, de sorte que la contribution à l'entretien de celle-ci devait être fixée à 4'630 fr., rétroactivement depuis le 10 mars 2024 jusqu'au 31 décembre 2024;
Que, s'agissant de la provisio ad litem, le Tribunal a considéré qu'il devait être tenu compte de la situation actuelle de l'époux, qui verrait son revenu minimum garanti doubler pour représenter 700'000 fr. bruts à l'issue des exercices 2025 et 2026, ce qui créait un déséquilibre entre les époux, l'épouse devant puiser dans son excédent pour assumer les frais de procès, alors que l'époux disposait de très importantes expectatives financières, de sorte qu'il a octroyé à l'épouse, compte tenu des contributions fixées précédemment, la moitié de la somme réclamée à titre de provisio ad litem;
Que par acte expédié à la Cour de justice le 4 août 2025, A______ a formé appel contre cette ordonnance; qu'il a conclu à l'annulation des chiffres 2 et 3 de son dispositif et, cela fait, à ce que la Cour dise qu'il ne devait aucune contribution à l'entretien de son épouse, ni aucune provisio ad litem en faveur de B______;
Qu'il a préalablement conclu à l'octroi de l'effet suspensif à son appel; qu'il a invoqué à cet égard qu'il ne disposait pas des liquidités nécessaires pour verser à son épouse la somme de 50'583 fr. 33 représentant l'arriéré de contribution pour la période du 10 mars 2024 au 31 juillet 2025, ni la provisio ad litem de 15'000 fr., portant le montant total à 65'000 fr., dès lors qu'il avait dû assumer seul les charges en lien avec le bien immobilier commun des parties sis à I______ (France), qui n'était toujours pas vendu, et que ses titres étaient bloqués, suite à l'accord pris par les parties en procédure à la demande de son épouse; qu'en raison des charges courantes des enfants majeurs des parties, qu'il assumait seul, et surtout de son fils mineur, il ne disposait d'aucun solde disponible pour verser le montant susmentionné; que l'ordonnance querellée lui causait ainsi un préjudice difficilement réparable; qu'il ne parvenait même pas à payer la contribution courante de 2'550 fr., ce montant entamant son minimum vital, son solde disponible n'étant que de 1'469 fr. 30, selon ses calculs;
Qu'invitée à se déterminer, B______ a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif; que le Tribunal avait retenu un revenu bien inférieur à celui réalisé par A______ pour fixer la contribution à son entretien; que, selon elle, le salaire de son époux était de 29'168 fr. 15 brut, 13ème salaire inclus, et que le bonus pour les années 2025 et 2026 garanti s'élevant à 350'000 fr., le revenu de A______ atteignait la somme mensuelle de 58'333 fr. 30, outre ses mandats d'administrateur; que le Tribunal avait cependant retenu qu'il fallait maintenir le train de vie durant la vie commune et n'avait ainsi pas tenu compte des revenus que l'époux réalisait désormais pour fixer la contribution à l'entretien de l'épouse; que l'appelant disposait cependant de moyens suffisants pour s'acquitter des contributions fixées, sans que son minimum vital ne soit entamé; qu'il n'avait produit aucun document (ni déclaration fiscale, ni relevés bancaires) permettant de retenir qu'il n'avait pas les moyens de s'acquitter des contributions d'entretien ou encore de la provisio ad litem fixées; qu'il n'avait par ailleurs pas allégué qu'il ne parviendrait pas à obtenir la restitution d'un éventuel trop-perçu;
Considérant, EN DROIT, que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 2 let. b CPC);
Que selon l'art. 315 al. 4 let. b CPC, l'exécution des mesures provisionnelles peut toutefois être exceptionnellement suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable; que le préjudice difficilement réparable peut être de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès; que le dommage est constitué, pour celui qui requiert les mesures provisionnelles, par le fait que, sans celles-ci, il serait lésé dans sa position juridique de fond et, pour celui qui recourt contre le prononcé de telles mesures, par les conséquences matérielles qu'elles engendrent
(ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références);
Que s'agissant du paiement de sommes d'argent, il appartient à la partie recourante qui requiert la restitution de l'effet suspensif de démontrer qu'à défaut de son prononcé elle serait exposée à d'importantes difficultés financières ou qu'elle ne pourrait pas obtenir le remboursement du montant payé au cas où elle obtiendrait gain de cause au fond
(ATF 138 III 333 consid. 1.3.1; 137 III 637 consid. 1.2);
Que, saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 138 III 565 consid. 4.3.1, 137 III 475 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_201/2023 du 28 avril 2023 consid. 3.3; 5A_853/2021 du 8 novembre 2021 consid. 5.1; 5A_792/2018 du 6 février 2019
consid. 3.2.2);
Qu'en l'espèce, sur le fond, l'appelant conteste le fait que le Tribunal n'a pas fixé de revenu hypothétique sur mesures provisionnelles à son épouse pour un travail à plein temps, et le concernant, il relève notamment des erreurs relatives au calcul de son revenu pour les années 2019 à 2023 (années qui ne concernent cependant pas la période de la contribution d'entretien), laquelle a été fixée dès mars 2024; qu'il admet pour 2024 avoir réalisé, impôts à la source déduit, un salaire de 167'055 fr. (environ 12'850 fr.) et qu'il soutient qu'il réalise actuellement un revenu mensuel net de 17'994 fr. 90 par mois, n'ayant encore perçu aucun bonus; qu'il inclut également dans son budget des charges supplémentaires, qui doublent celles retenues par le Tribunal, de sorte qu'il prétend qu'aucune contribution ne peut être fixée en faveur de son épouse;
Qu'il appartiendra au juge du fond de trancher ces questions;
Que s'agissant de l'octroi de l'effet suspensif, l'appelant soutient uniquement qu'il ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour verser la contribution d'entretien fixée par le Tribunal, ni la provisio ad litem arrêtée par celui-ci; qu'il soulève à ce sujet qu'il a dû payer seul les frais liés au bien immobilier sis en France (vide depuis une année) afin d'éviter une vente aux enchères, ainsi que l'entier des frais des enfants majeurs du couple et de son fils mineur;
Que le Tribunal a cependant tenu compte desdites charges liées tant au bien immobilier sis en France (à hauteur de 4'790 fr.), qu'aux deux enfants majeurs du couple (à hauteur de 1'335 fr. pour F______ et de 1970 fr. pour G______) et du mineur H______ (à hauteur de 2'375 fr.) dans la fixation des charges de l'appelant, de sorte que le poids financier de ces charges n'est pas un motif de suspension du caractère exécutoire de la décision entreprise;
Que, pour le surplus, l'appelant n'a pas rendu vraisemblable qu'il ne disposerait pas de moyens suffisants pour s'acquitter de la contribution d'entretien fixée, que ce soit pour le passé ou pour le futur, n'ayant produit qu'un extrait de compte bancaire caviardé du mois d'août 2025, insuffisant à démontrer que le versement de la contribution d'entretien fixé par le premier juge lui causerait un préjudice difficilement réparable;
Qu'il en va de même s'agissant du versement de la provisio ad litem, dès lors qu'il ne se prévaut également à ce sujet que d'un manque de liquidités, eu égard au fait que la villa en France n'est pas encore vendue et que ses titres sont bloqués;
Qu'ainsi, en l'absence de production de documents permettant de démontrer que l'appelant ne dispose pas de liquidités suffisantes pour s'acquitter des montants fixés sur mesures provisionnelles, aucun préjudice difficilement réparable ne peut être retenu, l'appelant ne soutenant au demeurant pas que l'intimée n'aurait pas les moyens de lui restituer les montants qu'il aurait indûment versés, s'il devait obtenir gain de cause;
Qu'au surplus, prima facie, il ne paraît pas d'emblée manifeste que le paiement de la contribution à l'entretien de l'intimée entamerait le minimum vital de l'appelant;
Que sa requête tendant à suspendre le caractère exécutoire des chiffres 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance attaquée sera rejetée;
Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).
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La Chambre civile :
Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise :
Rejette la requête formée par A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire des chiffres 2 et 3 de l'ordonnance OTPI/456/2025 rendue le 1er juillet 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27415/2024.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt au fond.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente ad interim; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
| La présidente ad interim : Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE |
| La greffière: Camille LESTEVEN |
Indication des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF - RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités
(art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.