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Décisions | Chambre civile

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C/27548/2013

ACJC/759/2025 du 10.06.2025 sur JTPI/7971/2024 ( OO )

Descripteurs : EXÉCUTION ANTICIPÉE;LIQUIDATION DU RÉGIME MATRIMONIAL
Normes : CPC.315.al4.leta
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27548/2013 ACJC/759/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 10 JUIN 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], intimée et appelante sur appel joint d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 juin 2024, représentée par Me Olivier CRAMER, avocat, Cramer Avocats, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3171, 1211 Genève 3,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], appelant et intimé sur appel joint, représenté par Me Alain BERGER, avocat, BRS Berger Recordon & de Saugy, boulevard des Philosophes 9, case postale, 1211 Genève 4.

 


Vu la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale initiée par A______ le 1er juin 2012, dans le cadre de laquelle B______ a notamment été condamné à lui verser 20'000 fr. par mois dès le 1er septembre 2013 à titre de contribution à son entretien;

Vu la procédure de divorce intentée par B______ le 13 décembre 2013, dans le cadre de laquelle le Tribunal fédéral a, par arrêt rendu sur mesures provisionnelles le 14 août 2018, condamné le précité à verser à A______ une contribution d'entretien de 23'205 fr. par mois du 29 novembre 2016 au 31 mars 2017, puis de 24'262 fr.;

Vu le jugement JTPI/7971/2024 du 24 juin 2024, aux termes duquel le Tribunal a notamment procédé à la liquidation du régime matrimonial des parties et, à ce titre, condamné B______ à verser à A______ la somme de 6'188'480 fr., payable à hauteur de 1'000'000 fr. dès l'entrée en force du jugement et de 5'188'480 fr. au plus tard huit mois après ladite entrée en force (ch. 19 du dispositif), et dit qu'aucune contribution post-divorce n'était due entre les parties (ch. 22 du dispositif);

Vu que, dans ce cadre, le Tribunal a considéré que la situation financière actuelle de B______ n'était pas connue, que la dernière déclaration fiscale qu'il avait produite - soit celle pour l'année 2018 - ne faisait pas ressortir de liquidités suffisantes pour pouvoir s'acquitter immédiatement de la créance de participation de A______; que, dans ces circonstances et vu les quelques liquidités qui ressortaient de cette déclaration fiscale, le Tribunal a estimé équitable de prévoir que le paiement de la créance de 6'188'480 fr. se fasse en deux étapes, afin de permettre au débiteur de s'organiser, notamment par les ventes éventuelles du Domaine de C______ et du Domaine de D______;

Vu l'appel interjeté par A______ le 26 août 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), par lequel elle a conclu à l'annulation de plusieurs chiffres du dispositif du jugement entrepris - dont le chiffre 19, mais pas le chiffre 22 (admettant qu'aucune contribution d'entretien ne lui était due) - et, cela fait, à la condamnation de B______ à lui payer 11'001'726 fr. 50 avec intérêts à titre de soulte pour la liquidation du régime matrimonial;

Vu l'appel également formé par B______ le même jour, aux termes duquel il a conclu notamment à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement à verser à A______ la somme de 3'266'056 fr. 80 à titre de liquidation du régime matrimonial, dont 1'000'000 fr. dès l'entrée en force du jugement de divorce et 2'266'056 fr. 80 au plus tard vingt-quatre mois après ladite entrée en force, considérant que le délai de huit mois qui lui a été octroyé par le Tribunal pour le paiement de la soulte serait insuffisant pour lui permettre de réaliser deux biens immobiliers, dès lors que sa fortune serait illiquide;

Attendu, EN FAIT, que, dans sa réponse du 16 décembre 2024 à l'appel de B______, A______ (ci-après : l'appelante sur appel joint) a formé appel joint, concluant à l'annulation du chiffre 22 du dispositif du jugement entrepris et, cela fait, à la condamnation de B______ (ci-après : l'intimé sur appel joint) à lui verser une contribution d'entretien de 24'262 fr. par mois dès l'entrée en vigueur de la décision définitive et pour une durée de deux ans;

Que, le 14 février 2025, B______ a versé 1'000'000 fr. à A______ à titre d'acompte sur la liquidation du régime matrimonial;

Que, dans sa réponse du 3 mars 2025, B______ a, sur appel joint de A______, conclu au retrait de l'effet suspensif et à l'exécution anticipée du chiffre 22 du dispositif du jugement entrepris, ainsi qu'à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de l'appel joint, et, sur appel principal, modifié ses conclusions en s'engageant à verser 2'042'973 fr. 50 (à savoir 3'042'973 fr. 50, sous déduction du montant de 1'000'000 fr. versé le 14 février 2025) à titre de liquidation du régime matrimonial dans un délai de vingt-quatre mois dès l'entrée en force du jugement entrepris;

Que, par écriture du 17 mars 2025, A______ a conclu au rejet de la demande de retrait d'effet suspensif et d'exécution anticipée;

Que, par arrêt ACJC/400/2025 du 20 mars 2025, la Cour a admis la requête formée par B______ tendant à ce que soit ordonnée l'exécution anticipée du chiffre 22;

Que cet arrêt fait l'objet d'un recours déposé par A______ le 22 avril 2025 auprès du Tribunal fédéral, lequel a, par arrêt 5A_307/2025 du 15 mai 2025, accordé l'effet suspensif au recours;

Que, dans sa réplique sur appel joint et duplique sur appel principal du 4 mai 2025, cette dernière a notamment conclu à ce que l'exécution anticipée du chiffre 19 du dispositif du jugement entrepris à concurrence de la somme de 2'042'973 fr. 50 soit ordonnée et à ce qu'il soit en conséquence dit que B______ est condamné à lui verser immédiatement ce montant;

Qu'elle a fait valoir que ce dernier reconnaissait, en appel, lui devoir encore une soulte de 2'042'973 fr. 50 à titre de liquidation du régime matrimonial, que la situation financière actuelle de son ex-époux n'était pas connue, les derniers documents fiscaux produits datant de 2018 et ceux-ci faisant état d'une fortune fiscale nette de 6'590'891 fr., fortune qui, selon elle, serait en réalité bien supérieure (notamment en tenant compte de la valeur vénale des biens la composant), que B______ n'aurait apporté aucun élément permettant d'admettre qu'il lui serait impossible de s'acquitter immédiatement de cette soulte au moyen de liquidités ou d'actifs facilement réalisables, qu'il avait réservé en faveur de son ex-épouse une somme de 474'491 fr. 60 (issue de la vente intervenue le 20 juin 2020 des murs du [restaurant] E______, acquêt de ce dernier, et correspondant à la créance qui serait due à elle-même à ce titre) sur un compte bancaire;

Que, s'agissant de sa propre situation, elle a allégué qu'elle ne disposerait d'aucun revenu, qu'elle ne percevrait plus de contributions d'entretien depuis octobre 2024, qu'en raison d'arriérés d'intérêts et d'amortissements impayés, les prêts hypothécaires des copropriétés de D______ et de F______ avaient été dénoncés et des poursuites en réalisations de gages engagées (à hauteur de 4'776'226 fr. 55), qu'en raison de la vente à venir de la propriété de D______ (dans lequel elle vit depuis 20 ans), elle serait amenée à chercher un nouveau logement, bien qu'elle ne puisse envisager de louer ou d'acquérir un bien en raison des poursuites en cours à son encontre, que la somme de 1'000'000 fr. qui lui avait d'ores et déjà été versée avait été affectée au paiement de dettes d'entretien et fiscales accumulées depuis octobre 2024, et qu'elle admettait encore détenir un solde substantiel sur cette somme, lequel ne lui permettrait toutefois pas de couvrir les frais d'acquisition d'un logement;

Qu'elle a considéré ainsi que la situation et la pesée des intérêts en présence commanderaient que la Cour ordonne l'exécution anticipée partielle du chiffre 19 du dispositif telle que sollicitée;

Que, dans ses déterminations du 19 mai 2025, B______ a conclu au rejet de ladite requête d'exécution anticipée;

Qu'il a relevé qu'accéder à la requête de A______ reviendrait à rendre sans objet le grief qu'il a formulé dans son appel selon lequel le délai de huit mois accordé par le Tribunal pour le paiement du solde de la soulte serait insuffisant pour lui permettre de réaliser lesdites copropriétés, sa fortune étant "principalement sinon exclusivement illiquide", et que cela le placerait dans une situation financière extrêmement difficile, que, sur la base de sa déclaration fiscale pour l'année 2018, le Tribunal avait en effet constaté qu'il ne disposait pas de liquidités suffisantes pour s'acquitter immédiatement de la créance de participation de cette dernière et que celle-ci ne saurait lui reprocher de ne pas avoir renseigné sur sa situation financière actuelle, dès lors qu'elle n'avait sollicité la production d'aucun document y relatif en appel et que les parties étaient, en tout état, divorcées depuis 2018;

Qu'il a considéré, par ailleurs, que A______ ne serait nullement sans ressources et ne subirait aucun préjudice difficilement réparable, dès lors que le Tribunal fédéral avait accordé l'effet suspensif au recours interjeté par cette dernière, ce qui avait eu pour effet de faire renaître la contribution d'entretien de 24'262 fr. par mois, et qu'un revenu hypothétique de 7'000 fr. par mois lui avait été imputé de longue date (cf. arrêt de la Cour ACJC/1126/2013 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale le 30 août 2013 consid. 2.2), qu'elle avait déjà perçu un capital (potentiellement générateur de rendement) de 1'000'0000 fr. le 14 février 2025 grâce à la vente d'un bien immobilier, qu'elle n'avait pas démontré avoir entamé ce capital, que les parties avaient, en date du 17 avril 2025, conclu un contrat de courtage pour la vente du Domaine de D______ pour le prix de 9'880'000 fr., qu'il s'était engagé à verser à A______ un second acompte de soulte de 1'000'000 fr. à prélever sur la part lui revenant de cette vente et que cette dernière percevrait, en sus, un montant important correspondant à la moitié du produit net de cette vente;

Que les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 20 mai 2025 de ce que la cause était gardée à juger sur la demande d'exécution anticipée;

Considérant, EN DROIT, que, le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC, parmi lesquelles l'art. 315 al. 2 à 5 CPC;

Que la Cour est saisie d'un appel au sens de l'art. 311 ss CPC;

Que l'appel suspend la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision dans la mesure des conclusions prises en appel (art. 315 al. 1 CPC);

Que, selon l'art. 315 al. 4 let. a CPC, si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable, l’instance d’appel peut, sur demande, autoriser l’exécution anticipée et ordonner au besoin des mesures conservatoires ou la fourniture de sûretés (art. 315 al. 4 let. a CPC en vigueur au 1er janvier 2025);

Que l'effet suspensif de l'appel constituant la règle, l'exécution anticipée ne doit être accordée qu'exceptionnellement, lorsque les circonstances l'exigent, notamment si une des parties est exposée, à défaut, à subir un préjudice difficilement réparable; qu'en la matière, l'instance d'appel dispose d'un large pouvoir d'appréciation (Jeandin, CR-CPC, 2019, n. 4 ad art. 315 CPC);

Que le préjudice difficilement réparable de l'art. 315 CPC résulte d’un dommage principalement de nature factuelle; qu'il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès; que l'autorité cantonale d'appel doit ainsi procéder à une nouvelle pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables, celui du demandeur à l'action si la mesure n'était pas exécutée immédiatement et celui qu'entraînerait pour le défendeur l'exécution de cette mesure (ATF 138 III 378 consid. 6.3);

Qu'en l'espèce, en sus de sa capacité contributive de 7'000 fr. par mois, l'appelante sur appel joint bénéficie en l'état à nouveau du versement d'une contribution d'entretien de plus de 24'000 fr. par mois conformément à l'arrêt 5A_307/2025 rendu le 15 mai 2025 par le Tribunal fédéral, soit de revenus totaux d'environ 30'000 fr. par mois;

Que l'intimé sur appel joint lui a d'ores et déjà versé un montant en capital de
1'000'000 fr. en date du 14 février 2025, dont elle n'a pas rendu vraisemblable qu'il aurait été entamé de manière significative et dont elle admet elle-même qu'il en demeurerait un solde substantiel;

Que les démarches en vue de la vente du Domaine de D______ ont été entamées par les parties et qu'à l'issue de celle-ci, l'ex-épouse bénéficiera d'un montant important à titre de part du produit net de la vente, auquel s'ajoutera un second acompte de soulte de 1'000'000 fr. que la partie adverse s'est engagée à payer sur sa part dudit produit net, ce qui n'est pas contesté;

Que l'intimé sur appel joint admet certes devoir le montant litigieux à son ex-épouse, mais qu'en appel, il sollicite, pour s'en acquitter, d'un délai de paiement supérieur à celui que lui a accordé le Tribunal, afin de lui permettre de réaliser des biens immobiliers et d'obtenir les liquidités nécessaires;

Qu'il n'est pas rendu vraisemblable que, comme l'allègue son ex-épouse, il disposerait actuellement de liquidités suffisantes - en sus de la somme de 474'491 fr. 60 réservée sur un compte bancaire en faveur de cette dernière - pour effectuer le versement sollicité;

Que l'appelante sur appel joint n'a ainsi pas rendu vraisemblable subir un préjudice difficilement réparable;

Que, quand bien cela serait le cas, il convient de retenir que la mesure sollicitée comporterait des risques pour l'intimé sur appel joint et serait susceptible de lui faire subir un préjudice difficilement réparable, dont la préservation l'emporte sur celui de l'appelante sur appel joint;

Qu'au vu de ce qui précède, la requête d'exécution anticipée sera rejetée;

Que les frais de la présente décision, arrêtés à 400 fr., seront mis à la charge de l'appelante sur appel joint et partiellement compensés avec l'avance fournie par celle-ci, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 aCPC);

Qu'elle sera en conséquence condamnée à verser 200 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire;

Qu'il ne sera pas alloué de dépens compte tenu de la nature familiale du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête d'exécution anticipée du jugement entrepris :

Rejette la requête formée par A______ le 5 mai 2025 tendant à ce que l'exécution anticipée partielle du chiffre 19 du dispositif du jugement JTPI/7972/2024 rendu le 24 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27548/2013 soit ordonnée.

Arrête les frais de la présente décision à 400 fr., les met à la charge de A______ et dit qu’ils sont compensés à due concurrence avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 200 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente ad interim; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF – RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.