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Décisions | Chambre civile

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C/6723/2023

ACJC/681/2025 du 08.05.2025 sur ORTPI/1300/2024 ( OO ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6723/2023 ACJC/681/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 8 MAI 2025

Entre

1) Les mineurs A______ et B______, représentés par Madame C______, ______ [GE],

et

2) Madame C______, ______ [GE],

recourants contre une ordonnance rendue par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 octobre 2024, tous trois représentés par Me Pierre DUCRET, avocat, CMS von Erlach Partners SA, esplanade de Pont-Rouge 9, case postale 1875, 1211 Genève 26,

et

1) Monsieur D______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Nicolas GILLARD, avocat, KELLERHALS CARRARD, place Saint-François 1, case postale 7191, 1002 Lausanne,

2) Madame E______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me François LOGOZ, avocat, avenue des Mousquines 20, case postale 805, 1001 Lausanne,

3) Monsieur F______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Mes Albert RIGHINI et Philippe MÜLLER, avocats, RVMH Avocats, rue Gourgas 5, case postale 31, 1211 Genève 8,

4) Madame G______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Blaise STUCKI, avocat, STUCKI LEGAL, rue Rousseau 5, 1201 Genève,

5) Madame H______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Blaise STUCKI, avocat, STUCKI LEGAL, rue Rousseau 5, 1201 Genève.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance ORTPI/1300/2024 rendue le 24 octobre 2024, notifiée à A______ et B______ le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, sur requête incidente, a constaté qu'il existait un potentiel conflit d'intérêts entre B______ et A______ et leur mère C______ (chiffre 1 du dispositif), dit qu'en conséquence le pouvoir de représenter ceux-là s'éteignait de plein droit pour celle-ci (ch. 2), instauré une curatelle de représentation au sens de l'art. 306 al. 3 CC (sic) en faveur des deux enfants (ch. 3), transmis l'ordonnance au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, le Tribunal de protection) en vue de la désignation d'un curateur (ch. 4), suspendu la cause jusqu'à dite désignation (ch. 5), dit que les frais de la décision seraient renvoyés à la décision finale (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour) le 4 novembre 2024, A______ et B______, d'une part, représentés par leur mère, et C______, d'autre part, recourent contre cette ordonnance. Après avoir requis l'octroi de l'effet suspensif à leur recours, ils concluent à ce que la Cour constate la nullité de l'ordonnance entreprise, subsidiairement l'annule, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. Après avoir donné l'occasion aux autres parties de se prononcer, la Cour a, par arrêt ACJC/106/2024 du 26 novembre 2024, admis la requête de A______ et B______, représentés par leur mère, tendant à suspendre le caractère exécutoire du dispositif de l'ordonnance querellée et réservé les frais judiciaires et les dépens.

c.a. Dans leur réponse, E______ et F______ ont conclu à l'irrecevabilité, respectivement au rejet du recours, sous suite de dépens.

c.b. G______ et H______ s'en sont rapportés à justice, de même que D______, ce dernier sous suite de frais judiciaires.

d. Le 12 décembre 2024, le Tribunal de protection a fait tenir pour information à la Cour un courrier qui lui avait été adressé par C______.

e.a. A______ et B______ ont répliqué aux observations des autres parties et persisté dans leurs conclusions.

e.b. G______ et H______ ont elle aussi répliqué, se déterminant sur le courrier de C______ susmentionné.

f. Par pli du 3 mars 2025, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. I______ était le père de cinq enfants : E______, F______, G______, H______ et J______.

b. J______ était le père de deux enfants : A______ et B______, nés de son union avec son épouse, C______, le ______ 2011, respectivement, le ______ 2012.

c. Le 3 juillet 2018, I______ a signé une "promesse de donner", dont il résulte, en substance, qu'il s'engageait à verser à A______ et B______, chacun, 15'000'000 fr. en cas de prédécès de J______.

L'exécution de cette promesse est, en substance, l'objet du litige.

d. I______ a établi un testament olographe le 26 février 2019, révoquant toutes les dispositions antérieures.

e. J______ est décédé le ______ 2019, laissant pour seuls héritiers son épouse et ses deux enfants.

f. Le 18 août 2020, I______ a confirmé son testament et institué pour héritiers E______, F______, G______, H______ et A______ et B______, ces derniers pour une part. Il a nommé D______ en qualité d'exécuteur testamentaire.

g. I______ est décédé le ______ 2020.

h. Le 5 décembre 2023, les mineurs B______ et A______, représentés par leur mère, C______, ont formé une demande en paiement devant le Tribunal dirigée contre D______ en sa qualité d'exécuteur testamentaire, ainsi que contre E______, F______, G______ et H______. Ils ont conclu à la condamnation solidaire de leurs parties adverses à leur verser la somme de 14'875'000 fr. chacun avec intérêts à 5% l'an dès le 22 septembre 2019.

En substance, les mineurs B______ et A______ allèguent être les bénéficiaires de la promesse de donner, conclue le 3 juillet 2018 entre leur père J______ et leur grand-père I______.

i.a. Le 20 mars 2024, E______ et F______ ont requis du Tribunal qu'il dise que C______ n'avait pas qualité pour représenter ses enfants mineurs B______ et A______ et qu'il saisisse le Tribunal de protection afin qu'il désigne un curateur de représentation aux enfants.

i.b. D______ s'en est rapporté à justice.

i.c. G______ et H______ ont conclu à l'admission de la requête.

i.d. B______ et A______, représentés par leur mère, ont conclu à ce que le Tribunal déclare la requête irrecevable, subsidiairement la rejette.

D. a. Dans son ordonnance, le Tribunal a, en substance, considéré que la promesse de donner, dont se prévalaient les mineurs B______ et A______, était grevée d'une charge en faveur de leur mère et que l'existence de cette charge impliquait un risque, même abstrait, de conflit d'intérêts.

b. A______ et B______, ainsi que C______, soutiennent que leur recours serait recevable, car la décision attaquée serait susceptible de leur causer un préjudice difficilement réparable. Sur le fond, ils considèrent que le Tribunal avait outrepassé ses compétences, de sorte que l'ordonnance querellée était nulle. En effet, la compétence matérielle exclusive était dévolue, de par une loi fédérale, à l'autorité de protection. Tout au plus, le Tribunal pouvait dénoncer la situation et suspendre la procédure. En outre, le Tribunal avait commis une violation du droit d'être entendu en ne traitant pas les moyens soulevés avant de se prononcer. La motivation de l'ordonnance était insuffisante. Enfin, la décision était de toute manière infondée, en l'absence d'un conflit d'intérêts potentiel.

EN DROIT

1. L'ordonnance querellée ayant été communiquée aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

2. Les recourants ont interjeté un recours prévu aux art. 319 et suivants CPC contre une décision qu'il importe préalablement de qualifier, étant plus particulièrement souligné que les recourants invoquent la nullité de cette décision en raison de l'incompétence matérielle du Tribunal.

2.1
2.1.1
A teneur de l'art. 299 CPC, disposition placée sous le Titre 7 du CPC "Procédure applicable aux enfants dans les affaires de droit de la famille", le tribunal ordonne si nécessaire la représentation de l'enfant et désigne un curateur expérimenté dans le domaine de l'assistance et en matière juridique (al. 1). L'al. 2 de cette disposition prévoit : "Le tribunal examine s'il doit instituer une curatelle, en particulier dans les cas suivants : les parents déposent des conclusions différentes relatives (let. a) : à l'attribution de l'autorité parentale (ch. 1), à l'attribution de la garde (ch. 2), à des questions importantes concernant les relations personnelles (ch. 3), à la participation à la prise en charge (ch. 4), à la contribution d'entretien (ch. 5) ; l'autorité de protection de l'enfant ou le père ou la mère le requièrent (let. b) ; le tribunal, sur la base de l'audition des parents ou de l'enfant ou pour d'autres raisons: doute sérieusement du bien-fondé des conclusions communes des parents concernant les points énoncés à la let. a (ch. 1), envisage d'ordonner une mesure de protection de l'enfant (ch. 2)."

L'art. 300 CPC prévoit que le représentant de l'enfant peut déposer des conclusions et interjeter appel ou recours lorsqu'il s'agit : de décisions relatives à l'attribution de l'autorité parentale (let. a); de décisions relatives à l'attribution de la garde (let. b); de questions importantes concernant les relations personnelles (let. c); de la participation à la prise en charge (let. d); de la contribution d'entretien (let. e); de mesures de protection de l'enfant (let. f). Cette liste est exhaustive (Jeandin, Commentaire Romand - CPC, 2ème éd. 2019, n. 2 ad art. 300 CPC).

L'art. 299 CPC - qui reprend l'ancien art. 146 aCC - a vocation à s'appliquer à toutes les procédures de droit de la famille où s'opposent les parents et dans lesquelles les intérêts des enfants sont en jeu (Fleischer, ZPO Kommentar - Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2023, n. 2 ad art. 299 CPC ; Jeandin, op. cit., n. 2 ad art. 299 CPC ; Michel / Berger, Basler Kommentar - ZPO, 4ème éd. 2024, n. 3 ad art. 299 CPC). Le but de cette norme est de renforcer la position de l'enfant dans toutes les procédures de droit de la famille (Sutter-Somm / Seiler, Handkommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung - Art. 1-408 ZPO, 2021, n. 1 ad art. 299 CPC).

Dans les cas où la représentation légale de l'enfant incapable de procéder (voir art. 67 CPC) est empêchée ou lorsqu'un conflit d'intérêts survient (art. 306 al. 2 et 3 CC), le tribunal peut librement ordonner la représentation de l'enfant en application de l'art. 299 CPC sans avoir à confier cette tâche à l'autorité de protection selon l'art. 308 al. 2 CC. Dans les procédures indépendantes de droit de la famille initiées par l'enfant (essentiellement les questions liées à l'établissement du lien de filiation avec le père) la voie de l'art. 308 al. 2 CC doit être suivie. Le représentant nommé en vertu de l'art. 299 CPC n'a en effet pas de compétence hors de celles listées à l'art. 300 CPC (Michel / Berger, op. cit., n. 3 ad art. 299 CPC).

2.1.2 A teneur de l'art. 69 al. 2 CPC, le tribunal avise l'autorité compétente lorsque des mesures de protection lui paraissent indiquées.

Pour les mineurs et dans le cadre de cette disposition, ce n'est pas la capacité de procéder qui est mise en cause, mais la capacité d'ester en justice. Ainsi, et par exemple, en cas de conflit d'intérêts entre ses parents un curateur doit être nommé au sens de l'art. 306 al. 2 CC. L'autorité de protection prononce la mesure qui lui semble adéquate (Pradervand Kernen, La position juridique de l'enfant dans la procédure civile, à l'aune de quelques questions particulières in FamPra.ch 2016 p. 339 et suivantes, p. 341 et suivante).

Lorsque le tribunal saisi du fond avise l'autorité compétente, celle-ci procède à ses propres constatations en vertu desquelles elle décide, en toute autonomie par rapport au tribunal l'ayant avisé, s'il convient de prendre des mesures et, cas échéant, lesquelles (Jeandin, op. cit., n. 8 ad art. 69 CPC). Il s'agit donc de l'accomplissement d'un devoir de dénoncer du tribunal (Vischer / Hrubesch-Millauer, Schweizerische Zivilprozessordnung ZPO, 3ème éd. 2024, n. 15 ad art. 69 CPC). Cette décision de saisine n'est pas une décision formelle, qui agit immédiatement sur le cours de la procédure (Staehelin / Schweizer, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 4ème éd. 2024, n. 25 ad art. 69 CPC).

Au besoin la procédure est suspendue, jusqu'à ce que l'autorité de protection désigne un curateur (Jeandin, op. cit., n. 9 ad art. 69 CPC).

2.1.3 A teneur de l'art. 306 al. 2 CC, si les père et mère sont empêchés d'agir ou si, dans une affaire, leurs intérêts entrent en conflit avec ceux de l'enfant, l'autorité de protection de l'enfant nomme un curateur ou prend elle-même les mesures nécessaires.

Un conflit d'intérêts peut notamment survenir en matière successorale (Affolter-Fringeli / Vogel, Berner Kommentar - Art. 296-327c ZGB. Die Wirkungen des Kindesverhältnisses: elterliche Sorge / Kindesschutz / Kindesvermögen, 2016, n. 41 ad art. 306 CC ; Schwenzer / Cottier, Basler Kommentar - ZGB I, 7ème 2022, n. 5 ad art. 306 CC).

L'autorité de protection du lieu de résidence de l'enfant est compétente pour se prononcer (art. 25 CC ; Affolter-Fringeli / Vogel, op. cit., n. 44 ad art. 306 CC).

2.1.4 Le Tribunal de protection exerce les compétences que le code civil suisse attribue à l'autorité de protection de l'adulte et de l'enfant (art. 105 al. 1 LOJ).

2.1.5 Le recours est recevable contre les décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (Jeandin, op. cit., n. 11 ad art. 319 CPC).

2.1.6 Selon la jurisprudence, la nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables; sa constatation ne doit pas mettre sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 138 II 501 consid. 3.1; 137 I 273 consid. 3.1; 132 II 342 consid. 2.1). Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5D_78/2022, 5D_79/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, la décision entreprise constate l'existence d'un conflit d'intérêts entre les deux enfants recourants et leur mère, ainsi que l'extinction de la capacité de représentation de ceux-là par celle-ci, puis prononce une curatelle de représentation au sens de l'art. 306 al. 3 CC (sic) et transmet dite décision au Tribunal de protection pour désignation d'un curateur.

Au vu des griefs relatifs à la compétence matérielle, il y a lieu d'examiner sur quelle norme celle-ci repose.

L'art. 299 CPC autorise le tribunal civil ordinaire, et non l'autorité de protection, à nommer directement un curateur dans certaines situations. Or, cette disposition est réservée aux procédures de droit de la famille dans lesquelles les intérêts des enfants (soit, essentiellement, les questions d'entretien et de fixation de la garde) sont litigieux. Le but de cette disposition est, d'ailleurs, d'augmenter la protection juridique des enfants dans de telles procédures, le législateur n'ayant pas manifesté son intention de le faire dans d'autres domaines du droit où des enfants seraient susceptibles d'intervenir comme partie. Cette conclusion est renforcée par la liste limitative de compétences allouées au représentant au sens de l'art. 300 CPC qui ne comprend que des questions de droit de la famille. Or, le litige porte in casu sur des droits successoraux, respectivement une promesse de donner, soit deux matières hors du champ d'application de l'art. 299 CPC. Cette disposition ne permet donc pas de fonder, même par analogie, une compétence du Tribunal pour constater l'existence d'un conflit d'intérêts, respectivement nommer un curateur et constater l'extinction des pouvoirs de représentation de la mère.

Entre donc uniquement en considération la clause générale de l'art. 67 CPC cum art. 306 al. 2 et 3 CC. Or, ces normes fondent un devoir de dénoncer du Tribunal, mais non la compétence de mettre à exécution l'art. 306 al. 2 et 3 CC. Celle-ci est du ressort exclusif de l'autorité de protection, soit à Genève, le Tribunal de protection.

Il en résulte que le Tribunal a outrepassé ses compétences en rendant une décision qui comporte des effets juridiques, alors qu'il était seulement habilité, s'il suspectait l'existence d'un conflit d'intérêts entre la mère et ses enfants, à exercer son devoir d'annoncer le cas au Tribunal de protection.

Il s'ensuit, d'une part, que la décision ainsi rendue est, pour partie, frappée de nullité pour défaut de compétence matérielle (cf. consid. 3. ci-après) et, pour partie, dépourvue d'effet juridique à l'égard des parties. En effet, en tant qu'il entendait se limiter à dénoncer le cas au Tribunal de protection, le Tribunal n'a pas pris de mesure ayant un effet sur la situation juridique des parties.

Enfin, la question de la suspension, qui est, en tout état, conforme au droit au vu des circonstances, n'est pas discutée par les parties et n'a donc pas à être examinée plus avant.

2.3 Il s'ensuit que le recours est dirigé contre une décision ou une ordonnance d'instruction, qui n'est ni finale, ni incidente, ni partielle, ni provisionnelle, soit un recours au sens de l'art. 319 let. b CPC. Le recours n'étant pas prévu par la loi, les parties recourantes doivent être menacées par un préjudice difficilement réparable (ch. 2 de la disposition précitée).

Le recours est donc in casu irrecevable en tant qu'il vise la dénonciation du cas d'espèce au Tribunal de protection, en l'absence de préjudice pouvant être causé par cette décision dépourvue d'effet juridique sur la procédure et à l'égard des parties.

Cela étant, il est recevable en tant qu'il vise à constater la nullité de la décision entreprise, car une telle constatation peut intervenir d'office et devant toute autorité. Par économie de procédure, il apparaît en outre utile que la Cour tranche cette question à ce stade.

3. Les recourants invoquent que la décision querellée serait nulle en raison de l'incompétence matérielle du Tribunal.

3.1 Les motifs de nullité entrant en ligne de compte sont avant tout l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité qui statue ainsi que des vices procéduraux flagrants (ATF 150 II 244 consid. 4.2.1; 145 III 436 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_673/2023 du 19 août 2024 consid. 4.1, destiné à la publication).

La décision d'une autorité matériellement et fonctionnellement incompétente souffre d'un vice qualifié, qui constitue un motif de nullité, à moins que l'autorité qui a statué ait un pouvoir général de décision dans le domaine concerné ou que la sanction de la nullité ne soit pas compatible avec la sécurité du droit
(ATF 137 III 217 consid. 2.4.3 ; 127 II 32 consi. 3g ; 136 II 489 consid. 3.3;
132 II 342 consid. 2.1).

3.2 En l'espèce, la lecture de l'art. 306 al. 2 CC montre que ce n'est pas le Tribunal qui était compétent pour décider de l'existence d'un conflit d'intérêts et de la nomination d'un curateur, de même que de l'extinction des pouvoirs de la mère des recourants, mais l'autorité de protection, soit à Genève le Tribunal de protection. Outrepassant sa compétence matérielle, le Tribunal a ainsi décidé dans un domaine pour lequel il n'était pas compétent. Simultanément, il entendait transmettre le dossier au Tribunal de protection, matériellement compétent. Outre la contravention aux normes définissant la compétence matérielle, il existe un risque tangible de décisions contradictoires, dans la mesure où deux tribunaux distincts se saisissent de la même question.

Afin de corriger cette situation, il se justifie donc de constater la nullité des chiffres 1 à 4 de l'ordonnance entreprise et de rejeter le recours pour le surplus, dans la mesure de sa recevabilité.

Cela fait, la Cour transmettra le dossier au Tribunal de protection, étant donné que le Tribunal n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation lorsqu'il a estimé que des mesures de protection étaient éventuellement nécessaires et décidé d'aviser le Tribunal de protection. Sur ce point, ainsi qu'il a été vu plus haut (cf. consid. 2.2 supra), cet avis ne modifie pas la situation juridique des parties, puisqu'il appartiendra au Tribunal de protection d'apprécier l'existence d'un conflit d'intérêts et de prendre les mesures éventuelles. Il apparaît vain de retourner la cause au Tribunal pour qu'il procède lui-même à cette transmission.

3.3 Au vu de ce qui précède, les griefs des recourants reposant sur leur droit d'être entendus sont sans objet.

4. 4.1 Etant donné que la décision entreprise a laissé le sort des frais à la décision finale, il n'y a pas lieu de la modifier sur ce point, la procédure de première instance poursuivant son cours (art. 104 al. 1 CPC).

4.2 Quant aux frais judiciaires et dépens du recours, ils appellent les commentaires suivants.

4.2.1 Selon l'art. 106 al. 1 et 2 CPC, les frais sont mis à la charge de la partie succombante. La partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n'entre pas en matière et en cas de désistement d'action; elle est le défendeur en cas d'acquiescement. Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause.

L'intimé au recours qui succombe ne peut être déchargé de l'obligation de supporter les frais que si une erreur de procédure grossière ("panne de la justice") dont il n'est pas responsable conduit à l'admission du recours et s'il a lui-même conclu à l'admission du recours, ou du moins, n'a pas formulé de conclusions (infondées) ou ne s'est pas identifié à la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_87/2022 du 2 novembre 2022 conisid. 4.4.1 non publié aux
ATF 149 III 12).

L'art. 107 al. 2 CPC ne prévoit pas la possibilité de mettre les dépens à charge du canton si celui-ci n'est pas partie au procès (ATF 140 III 385 consid. 4.1).

4.2.2 En l'espèce, les recourants obtiennent partiellement gain de cause, dès lors que la nullité d'un pan de la décision entreprise est constatée, mais que le recours n'était pas recevable, respectivement infondé, contre la décision d'aviser l'autorité de protection et la suspension de la procédure. Il se justifie qu'ils supportent la moitié des frais judiciaires du recours, lesquels seront fixés à 1'200 fr., y compris les frais relatifs à la décision sur effet suspensif (art. 24 RTFMC), soit 600 fr.

Le solde des frais (soit 600 fr.) sera supporté solidairement par les intimés, dans la mesure où ils ont conclu au rejet du recours, respectivement s'en sont rapportés à justice, sans conclure à son admission.

En tout état l'avance de frais versée par les recourants demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 aCPC). Les intimés seront donc condamnés solidairement à verser 600 fr. aux recourants pris, eux aussi, solidairement.

4.2.3 Dans la mesure où toutes les parties n'obtiennent que partiellement gain de cause, il ne sera pas alloué de dépens de recours (art. 106 al. 2 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Au fond :

Constate la nullité des chiffres 1 à 4 de l'ordonnance ORTPI/1300/2024 rendue le 24 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6723/2023.

Rejette le recours pour le surplus, dans la mesure de sa recevabilité.

Transmet la cause au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant afin qu'il décide s'il convient de prendre des mesures de protection, cas échéant lesquelles.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'200 fr., les met à la charge de A______ et B______ et C______, solidairement entre eux, à raison de 600 fr. et de E______, F______, G______ et H______ et D______, solidairement entre eux, à raison de 600 fr. et les compense avec l'avance de 1'200 fr. versée par A______ et B______ et C______, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne E______, F______, G______ et H______ et D______, solidairement entre eux, à verser à A______ et B______ et C______, pris solidairement, 600 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires du recours.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Stéphanie MUSY, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.