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Décisions | Chambre civile

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C/3011/2023

ACJC/673/2025 du 22.05.2025 sur JTPI/8152/2024 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CO.1.al1; CO.19.al1; CO.18.al1; CO.160.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3011/2023 ACJC/673/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 22 MAI 2025

 

Entre

A______ SARL, sise ______ (VD), appelante d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 juin 2024, représentée par Me Timo SULC, avocat, Dupraz Sulc, rue Jean-Jaquet 10,
1201 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé,

C______ SA, sise c/o D______ SA, ______ (VS), autre intimée.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/8152/2024 du 24 juin 2024, notifié aux parties le 27 juin 2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a débouté A______ SARL de toutes ses conclusions dirigées contre C______ SA et B______ (chiffre 1 du dispositif), laissé les frais judiciaires – arrêtés à 6'240 fr. – à la charge de A______ SARL, compensé ces frais avec l'avance versée par celle-ci, ordonné la restitution aux parties du solde de leurs avances (ch. 2), condamné A______ SARL à verser à C______ SA et B______, pris conjointement et solidairement, le montant de 6'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 28 août 2024, A______ SARL appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut à la condamnation de B______ et de C______ SA à lui payer la somme de 67'851 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 28 novembre 2021, ainsi qu'au prononcé de la mainlevée, à due concurrence, des oppositions formées par les précités aux commandements de payer dans les poursuites n. 1______ et n. 2______, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans leur réponse, B______ et C______ SA concluent au déboutement de A______ SARL de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

Elles ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 7 février 2025.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ SARL est une société sise à E______ (Vaud), active dans le conseil, le service et les prestations dans le domaine immobilier.

F______ détient 70 parts sociales de cette société. Il est également au bénéfice d'une procuration lui permettant de l'engager.

b. C______ SA est une société sise à G______ (Valais), active dans le domaine de l'acquisition, la détention, l'administration et la gestion de participations dans toutes sociétés, ainsi que dans le domaine de l'immobilier.

B______ en est l'un des deux administrateurs.

c. Par courriel du 17 décembre 2020, B______ a promis à F______ des honoraires à hauteur de 3% TTC en cas de succès dans la vente d'un immeuble d'habitation sis rue 3______ no. ______ à H______ (Vaud), dont il représentait les propriétaires.

d. Le même jour, F______ a transmis à B______ une lettre d'intention pour cet immeuble, datée du 7 décembre 2020, émanant de la société I______ SA, pour le prix de 4'200'000 fr.

La société susvisée est animée par J______, entrepreneur dans l'immobilier. Elle exploite la plateforme de crowdfunding immobilier K______.

e. A la suite de cet envoi, les négociations concernant la vente de l'immeuble sis rue 3______ no. ______ à H______ se sont poursuivies durant plusieurs mois.

f. Par contrat du 14 juillet 2021, C______ SA, L______ SA et B______ (désignés comme les vendeurs), d'une part, et F______ et/ou A______ SARL (désignés comme le courtier), d'autre part, ont rappelé que le 17 décembre 2020 le vendeur avait confirmé au courtier le versement d'une commission de 3% TTC sur le prix de vente de l'immeuble sis à H______, que le courtier avait présenté au vendeur un potentiel acquéreur en la personne de J______, avec lequel des négociations avaient été entamées, et qu'en cas de succès de cette vente le courtier était en droit de percevoir ladite commission.

f.a Après ce préambule, il a été convenu que le courtier acceptait de réduire sa commission de 3% à 1,5%, soit un montant final de 67'851 fr. TTC.

En contrepartie, le vendeur s'est engagé à ce que la commission du courtier figure dans l'acte de vente notarié de l'immeuble, à ce que le paiement de la commission soit effectué sans délai par le notaire le jour de la signature de la vente, mais aussi à ce que le courtier ait l'exclusivité des ventes de deux immeubles du vendeur à M______ (Neuchâtel), sis respectivement rue 4______ nos. ______, ______ et ______ pour le premier et rue 5______ no. ______ pour le second, ainsi que d'un autre immeuble sis rue 6______ no. ______ à N______ (Berne), et ce pour une durée de six mois minimum, les contrats de courtage exclusif devant être signés avant la vente de l'immeuble de H______ chez le notaire.

f.b Il était prévu qu'en cas de non-respect d'un ou de plusieurs points de ce contrat, ou si les contrats de courtage exclusif pour les immeubles de M______ et N______ susmentionnés étaient résiliés de manière anticipée, le vendeur devrait exécuter l'accord aux conditions fixées le 17 décembre 2020, à savoir s'acquitter d'une commission de 3% TTC sur le prix de l'immeuble, ce qui impliquait le versement d'un montant supplémentaire de 67'851 fr. TTC en pareil cas.

f.c Le contrat prévoyait au surplus une élection de for en faveur des tribunaux genevois et précisait qu'il valait reconnaissance de dette au sens de l'article 82 LP.

g. Le 15 juillet 2021, l'immeuble sis à H______ a été vendu à I______ SA au prix de 4'500'000 fr. La commission de courtage due à A______ SARL figurait dans l'acte de vente notarié.

h. Le même jour, B______ et C______ SA (désignés en tant que mandants), d'une part, et F______ et A______ SARL (désignés en tant que courtiers), d'autre part, ont conclu un contrat de courtage exclusif portant sur les immeubles sis rue 4______ nos. ______, ______ et ______, et rue 5______ no. ______ à M______, au prix de vente global de 17'000'000 fr.

La durée de ce contrat était de six mois, renouvelable tacitement de trois mois en trois mois, sauf résiliation par lettre recommandée un mois avant le terme.

i. Les mêmes parties ont conclu, également le même jour, un contrat identique portant sur l'immeuble sis rue 6______ no. ______ à N______, ainsi que sur un immeuble sis rue 7______ nos. ______ à M______, au prix de vente global de 3'250'000 fr.

j. Le 16 juillet 2021, la commission de courtage de 67'851 fr. (correspondant à 1,5% du prix de vente de l'immeuble) a été versée à A______ SARL par le notaire ayant instrumenté la vente de l'immeuble sis à H______.

k. Le 19 juillet 2021, F______ a écrit à B______ afin d'obtenir les dossiers pour les immeubles de M______ et de N______. Il affirmait avoir trouvé un acheteur disposé à se positionner rapidement.

l. Le 9 août 2021, F______ a demandé à B______ si leur rendez-vous du lendemain était maintenu, afin qu'il puisse récupérer les dossiers relatifs aux immeubles de M______ et de N______.

m. Les 11 et 13 août 2021, F______ a relancé B______ pour les dossiers, en lui demandant de lui transmettre toutes les informations pour le mandat.

n. Par courriel du 23 août 2021, F______ a remercié B______ "pour les dossiers". Il a ajouté qu'il était urgent pour lui d'obtenir le dossier des immeubles sis rues 4______ nos. ______, ______ et ______ et rue 5______ no. ______ à M______, pour lesquels il avait une exclusivité et des acheteurs prêts à conclure la vente.

o. Le 2 septembre 2021, F______ a écrit à B______ n'avoir toujours pas reçu les documents ni les informations pour pouvoir constituer les dossiers. Il lui demandait de les lui transmettre dans la journée, car il était en train de perdre toute crédibilité auprès de ses clients.

p. Le 4 août 2022, A______ SARL a fait notifier à C______ SA un commandement de payer, poursuite n. 2______, pour un montant de 67'851 fr., qui a été frappé d'opposition.

Le 5 août 2022, A______ SARL a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n. 1______, pour un montant de 67'851 fr. auquel celui-ci a formé opposition.

D.           a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 17 février 2023, A______ SARL a conclu à la condamnation de B______ et de C______ SA à lui payer un montant de 67'851 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 28 novembre 2021, ainsi qu'au prononcé de la mainlevée des oppositions formées aux commandements de payer dans les poursuites n. 1______ et n. 2______.

A______ SARL a allégué une violation du contrat du 14 juillet 2021 par B______ et C______ SA, au motif que ces derniers ne lui avaient pas transmis la documentation relative aux immeubles pour lesquels elle avait obtenu un mandat de courtage exclusif. Ils avaient par ailleurs mis en vente lesdits immeubles par le biais de tiers, alors qu'ils étaient toujours soumis à cette exclusivité. A______ SARL considérait avoir le droit au versement de la peine conventionnelle.

b. Dans leur réponse, B______ et C______ SA ont conclu au déboutement de A______ SARL de toutes ses conclusions.

Ils estimaient avoir rempli leurs obligations découlant du contrat litigieux, à savoir la mention de la commission du courtier dans le contrat de vente notarié relatif à l'immeuble sis à H______, le versement de la commission par le notaire, l'octroi de l'exclusivité pour la vente des immeubles sis à M______ et à N______ et la conclusion de contrats de courtage exclusif. Ils avaient également remis au courtier la documentation nécessaire pour commercialiser lesdits immeubles, mais celui-ci ne leur avait jamais transmis aucune lettre d'intention d'un potentiel acheteur. Ils n'étaient donc débiteurs d'aucun montant à l'égard de A______ SARL.

c. Le Tribunal a procédé à l'audition des parties.

c.a Pour le compte de A______ SARL, F______ a affirmé qu'il était clair pour les parties que l'immeuble sis rue 7______ nos. ______ à M______ faisait partie des immeubles visés par l'exclusivité octroyée dans le contrat du 14 juillet 2021. Comme il était mécontent de devoir réduire de moitié sa commission sur la vente de l'immeuble sis à H______, B______ lui avait indiqué la veille qu'il lui confierait le courtage exclusif de tout un pool d'immeubles, parmi lesquels figurait celui sis rue 7______ nos. ______ à M______. Il avait accepté, en insistant pour que les contrats de courtage soient signés avant la conclusion de la vente de l'immeuble de H______. Cet immeuble était détenu par la même société que l'immeuble de N______.

F______ ne connaissait cependant pas les adresses de tous les immeubles lorsqu'il avait préparé le contrat du 14 juillet 2021, raison pour laquelle celui sis rue 7______ n'y figurait pas. Il avait rédigé ledit contrat dans l'urgence et l'avait soumis à son avocat avant de se rendre chez le notaire. Les adresses des immeubles avaient été mentionnées à la main par B______ dans les contrats de courtage le jour de la signature de ces contrats, soit le 15 juillet 2021. Une fois qu'il avait eu connaissance des adresses, il n'avait pas songé à apporter une correction au contrat conclu la veille. Les contrats de courtage avaient été signés quelques minutes avant la vente de l'immeuble de H______.

Il avait ensuite commencé à contacter des acheteurs potentiels, mais ses démarches n'avaient pas pu aller plus loin en l'absence de documentation, ce qui avait également nui à sa réputation. Il n'avait reçu qu'une petite documentation pour l'immeuble de N______, qui était le plus difficile à commercialiser. Il estimait par ailleurs que la remise de documents par le vendeur à J______ violait le contrat de courtage exclusif dont A______ SARL bénéficiait.

c.b Pour son compte et celui de C______ SA, B______ a déclaré avoir été contraint de réduire la commission de courtage sur l'immeuble de H______, car peu de temps avant la vente l'acquéreur lui avait signifié qu'il devrait s'acquitter lui-même de frais supplémentaires, dont des frais de notaire, ce qui représentait beaucoup d'argent. F______ avait accepté de réduire sa commission de moitié. En contrepartie, B______ lui avait dit qu'il possédait tout un pool d'immeubles et lui avait proposé de lui confier des mandats de courtage exclusif sur plusieurs d'entre eux, pour une durée de six mois. L'immeuble de la rue 7______ nos. ______ n'en faisait cependant pas partie et n'avait pas été mentionné dans la discussion, raison pour laquelle il ne figurait pas dans le contrat du 14 juillet 2021. C'était "par gentillesse" qu'il avait finalement ajouté l'immeuble de la rue 7______ nos. ______ dans les contrats de courtage exclusif signés le lendemain.

Interrogé sur la remise de la documentation relative aux différents immeubles, B______ a admis avoir transmis une partie de celle-ci directement au client final, soit à J______, car il n'avait pas confiance dans les capacités de F______, et cela même s'il savait que la commission de courtage demeurait due en cas de vente des immeubles. En tant que vendeur, il devait faire attention à ce qu'il remettait au courtier, car il devait garder la maîtrise sur les immeubles. En l'occurrence, F______ lui avait dit qu'il avait besoin de la documentation, mais il ne lui avait jamais donné le nom de potentiels acheteurs; or, lui-même ne souhaitait pas transmettre d'informations s'il n'avait pas de nom.

Il avait cependant demandé à O______, gérante des immeubles sis rue 4______ et rue 5______ à M______, ainsi que de l'immeuble de N______, d'imprimer les états locatifs desdits immeubles pour les remettre à F______. Il n'avait cependant pas reçu de lettre d'intention de la part de ce dernier, alors qu'une telle lettre pouvait facilement être établie sur la base d'un état locatif. Aucun des immeubles n'avait d'ailleurs été vendu à ce jour. Les contrats de courtage exclusif étaient toujours en vigueur, puisqu'ils n'avaient pas été résiliés.

d. Le Tribunal a procédé à des enquêtes.

d.a Entendu comme témoin, J______ a déclaré avoir commercialisé l'immeuble à la rue 7______ nos. ______ à M______ sur la plateforme K______, sur proposition de B______. Il avait également reçu de la documentation au sujet d'un immeuble à N______. Il traitait alors directement avec B______ et n'avait plus de contact avec A______ SARL.

d.b Egalement entendue comme témoin, O______ a confirmé s'être occupée de la gérance des immeubles sis rue 4______ et rue 5______ à M______, ainsi que de l'immeuble sis à N______, pour le compte de B______ et de C______ SA.

Elle avait rencontré F______ à deux reprises, soit une fois chez un notaire pour la vente d'un immeuble sis à H______ puis, peu de temps après, une seconde fois dans les bureaux que son agence partageait avec B______ à Genève. Elle n'avait pas de souvenir précis de cette seconde rencontre, car celle-ci était assez ancienne; elle n'avait pas parlé directement à F______, mais seulement à B______ en présence de celui-ci. A son souvenir, B______ lui avait demandé d'imprimer les états locatifs des immeubles de la rue 4______ et de la rue 5______. Elle ne se souvenait plus si elle avait dû remettre ces documents à B______ ou à sa secrétaire. Elle ne croyait pas avoir envoyé de la documentation à F______, mais ne pouvait en être certaine sans vérifier ses courriels.

e. Les parties ont persisté dans leurs conclusions à l'audience de plaidoiries finales du 7 mai 2024, à l'issue de laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger.

E.            a. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que B______ et C______ SA n'avaient pas violé leurs obligations envers A______ SARL, telles que découlant de la convention conclue le 14 juillet 2021 entre les parties. Les précités avaient notamment conclu avec A______ SARL les contrats de courtage exclusif prévus par ladite convention, portant sur les trois immeubles convenus. A______ SARL ne démontrait pas ne pas avoir disposé des informations nécessaires à l'accomplissement de son mandat. Elle avait également bénéficié de l'exclusivité prévue et du courtage d'un quatrième immeuble, qui n'était pas visé par la convention du 14 juillet 2021. En conséquence, A______ SARL ne pouvait pas prétendre au paiement de la peine conventionnelle prévue par ladite convention, qui s'élevait à 67'851 fr.

b. Dans son appel, A______ SARL a soutenu en substance que les intimés n'avaient pas respecté les termes de leur accord, notamment en ne lui remettant pas les informations nécessaires à l'exécution des contrats de courtage exclusif convenus. Ils n'avaient pas non plus respecté l'exclusivité prévue dans le cas du quatrième immeuble, qui faisait nécessairement partie de l'accord passé. Par conséquent, la peine prévue conventionnellement lui était due.

c. Les intimés pour leur part ont contesté avoir manqué à leurs obligations contractuelles envers A______ SARL, notamment quant aux informations transmises à celle-ci. Ils n'avaient pas davantage violé leur obligation de lui octroyer une exclusivité pour la vente des trois seuls immeubles concernés.

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions atteint 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse devant le Tribunal s'élevait à plus de 60'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours, dans la forme écrite prévue par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1, 58 al. 1, 243 al. 1 et 247 al. 1 CPC).

Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la procédure demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1, art. 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

2.             L'appelante reproche en premier lieu au Tribunal d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits, en relation avec les propos tenus devant lui par les parties et les témoins.

En tant que de besoin, l'état de fait retenu par le Tribunal a été complété ci-dessus, sur la base des actes de la procédure, de sorte que le grief de l'appelante en lien avec la constatation inexacte des faits ne sera pas traité plus avant.

3.             Sur le fond, l'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu que les intimés avaient manqué à leurs obligations contractuelles en omettant de lui remettre la documentation relative aux immeubles pour lesquels elle bénéficiait de contrats de courtage exclusif et en ne respectant pas son exclusivité en relation avec l'un desdits immeubles. Elle soutient avoir en conséquence droit au paiement de la peine conventionnelle prévue par le contrat initial du 14 juillet 2021, lequel formait un contrat complexe avec lesdits contrats de courtage exclusif.

3.1 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). L'objet d'un contrat peut être librement déterminé, dans les limites de la loi (art. 19 al. 1 CO).

3.1.1 En présence d'un litige sur l'interprétation de clauses contractuelles, le juge doit rechercher la réelle et commune intention des parties, le cas échéant, empiriquement sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l'attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 86 consid. 4.1; 125 III 263 consid. 4c; 118 II 365 consid. 1).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, c'est-à-dire conformément au principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2021 précité consid. 5.2.2).

3.1.2 Selon la jurisprudence, lorsque, en vertu de la volonté des parties, les divers rapports qui les lient ne constituent pas des contrats indépendants, mais représentent des éléments de leur convention liés entre eux et dépendants l'un de l'autre, on est en présence d'un contrat mixte ("gemischter Vertrag") ou d'un contrat composé (ou complexe ou couplé; "zusammengesetzter Vertrag"), qui doit être appréhendé comme un seul et unique accord (ATF 131 III 528 consid. 7.1.1; 118 II 157 consid. 3a). On parle de contrat composé lorsque la convention réunit plusieurs contrats distincts, mais dépendants entre eux (arrêt 4C_160/1997 du 28 octobre 1997, consid. 4b, in: SJ 1998 p. 320); il y a contrat mixte lorsqu'une seule convention comprend des éléments relevant de plusieurs contrats nommés (ATF 131 III 528 consid. 7.1.1; 120 V 299 consid. 4a; 109 II 462 consid. 3d; arrêt du Tribunal fédéral 4A_335/2018 du 9 mai 2019 consid. 4.1).

Lorsqu'on se trouve confronté à un contrat mixte ou composé, il n'est généralement pas possible de l'attribuer à un type de contrat aux éléments caractéristiques clairs, ni, partant, de dire une fois pour toutes à quelles normes légales il doit être soumis. Il ne sera que rarement possible de le soumettre entièrement aux règles d'un contrat réglé par la loi (contrat nommé), dès lors qu'en principe les éléments d'un tel contrat ne l'emportent pas au point d'absorber tous les éléments qui lui sont étrangers. Il faudra donc examiner précisément quelle est la question juridique posée et quels sont les dispositions légales ou les principes juridiques auxquels il y a lieu de recourir pour la trancher. Dans la mesure où les éléments du contrat sont de nature différente, il se justifie de les soumettre à des règles de divers contrats nommés (par exemple contrat de travail, contrat de société, contrat de livraison, contrat de mandat, contrat de bail; ATF 131 III 528 consid. 7.1.1; 118 II 157 consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_335/2018 cité consid. 4.1). 

Cela signifie que les différentes questions à résoudre doivent être régies par les normes légales ou les principes juridiques qui sont adaptés à chacune d'elles; chaque question - par exemple la résiliation du contrat - doit être toutefois soumise aux dispositions légales d'un seul et même contrat (ATF 131 III 528 consid. 7.1.1; 118 II 157 consid. 3a; 110 II 380 consid. 2; 109 II 462 consid. 3d); en effet, vu la dépendance réciproque des différents éléments du contrat mixte ou composé, il n'est pas possible que la même question soit réglée de manière différente pour chacun d'eux (ATF 131 III 528 consid. 7.1.1; 118 II 157 consid. 3a.

3.1.3 A teneur de l'art. 160 al. 1 CO, lorsqu'une peine a été stipulée en vue de l'inexécution ou de l'exécution imparfaite du contrat, le créancier ne peut, sauf convention contraire, demander que l'exécution ou la peine convenue.

La clause pénale prévue par cette disposition est une convention accessoire par laquelle le débiteur promet au créancier une prestation (la peine conventionnelle) pour le cas où il n'exécuterait pas ou n'exécuterait qu'imparfaitement une prestation déterminée (Mooser, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd., 2021, n. 6 ad intro. aux art. 158-163 CO).

Les parties ont la liberté de définir le comportement que la peine conventionnelle est destinée à empêcher (Mooser, op. cit., n. 4a ad art. 160 CO).

3.2 En l'espèce, il est constant que les parties ont conclu trois contrats, soit un premier contrat conclu le 14 juillet 2021 en relation avec la vente de l'immeuble de H______, ainsi que deux contrats de courtage exclusif conclus le lendemain, portant sur d'autres immeubles. Le premier de ces contrats, et lui seul, prévoyait une peine conventionnelle en cas d'inexécution de ses dispositions, parmi lesquelles figuraient notamment l'engagement des intimés de conclure avec l'appelante certains contrats de courtage exclusif avant la vente de l'immeuble de H______, ainsi que l'engagement des intimés d'accorder à l'appelante une exclusivité sur la vente des immeubles concernés, pour une certaine durée. La peine conventionnelle prévue était également stipulée payable en cas de résiliation anticipée des contrats de courtage exclusif.

L'appelante ne conteste pas que les contrats de courtage en question ont effectivement été conclus avant la vente de l'immeuble de H______, ni que les intimés ont respecté leurs autres obligations relatives à la vente de cet immeuble, telles que prévues par le contrat du 14 juillet 2021. Elle ne conteste pas davantage que les contrats de courtage susvisés n'ont pas été résiliés de manière anticipée. L'appelante soutient toutefois que les intimés ont manqué à leurs obligations, notamment en refusant de lui remettre les informations nécessaires à l'accomplissement des contrats de courtage exclusif convenus, de sorte que la peine conventionnelle prévue serait due.

3.2.1 A ce propos, il apparaît qu'une éventuelle omission des intimés de remettre à l'appelante certaines informations nécessaires dans le cadre des contrats de courtage susvisés ne pourrait cependant relever que de l'exécution desdits contrats, comme l'a relevé le Tribunal, et non de celle du contrat initial du 14 janvier 2021. En tant que tel, ce défaut pourrait éventuellement entraîner la responsabilité des intimés pour inexécution de leurs obligations découlant des contrats de courtage conclus, mais non l'obligation des intimés de s'acquitter de la peine conventionnelle prévue par le contrat initial, puisque la clause pénale en cause ne visait pas l'exécution desdits contrats de courtage elle-même, mais seulement certains aspects de leur conclusion, de leur nature (exclusive) et de leur maintien en vigueur.

Le fait que les contrats susvisés puissent constituer dans leur ensemble un contrat complexe ou composé, au sens des principes rappelés-ci dessus, n'est en l'espèce d'aucun secours à l'appelante, dès lors que les parties ont précisément réglé, dans la clause pénale litigieuse, les obligations dont l'inexécution ou l'exécution imparfaite pourrait entraîner le paiement de la peine conventionnelle prévue. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, la qualification de contrat complexe donnée à la relation entre les parties ne serait, le cas échéant, utile que pour déterminer les règles supplétives ou impératives applicables aux différents aspects de leurs relations; elle ne saurait avoir pour effet d'étendre la portée de la clause pénale convenue dans le contrat du 14 juillet 2021 au non-respect de toute disposition de ce contrat "et/ou" des contrats de courtage exclusif susvisés, comme semble l'indiquer l'appelante. Les parties, qui n'ignoraient pas qu'elles s'apprêtaient à conclure des contrats de courtage exclusif lorsqu'elles ont conclu le contrat du 14 juillet 2021, n'ont pas libellé de la sorte la clause pénale prévue par ce contrat, ni pris de dispositions en ce sens dans les contrats de courtage exclusif datés du lendemain.

Par conséquent, la peine conventionnelle litigieuse ne saurait être due à l'appelante en raison du défaut d'information allégué, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si celui-ci est avéré ou non, et il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions d'appel pour ce motif.

3.2.2 L'appelante reproche également au premier juge de ne pas avoir retenu que les intimés avaient failli à leur obligation de lui accorder l'exclusivité convenue en relation avec l'un des immeubles faisant l'objet des contrats de courtage exclusif, et ce en violation des engagements pris dans le contrat initial du 14 juillet 2021. Elle soutient notamment que l'immeuble concerné, sis rue 7______ à M______, était inclus dans les immeubles visés par ce dernier contrat, bien qu'il n'y soit pas expressément mentionné.

Il n'est toutefois pas nécessaire de déterminer si telle était effectivement l'intention des parties, ni si une telle inclusion découle éventuellement du caractère complexe de l'ensemble des contrats conclus. En l'occurrence, le contrat du 14 juillet 2021 prévoyait pour les intimés l'obligation d'accorder une exclusivité sur les immeubles objets du courtage pour une durée minimale de six mois seulement. Or, si le témoin J______ a certes confirmé au cours du présent procès avoir offert à la vente l'immeuble de la rue 7______ sur la plateforme de sa société, et ce à la demande de l'intimé B______, il n'a pas précisé la date à compter de laquelle cette offre avait eu lieu. Or, rien ne permet de tenir pour certain que l'offre en question ait eu lieu dans les six mois suivant la conclusion des contrats de courtage exclusif litigieux, ce que l'appelante n'allègue d'ailleurs pas. Dès lors, à supposer même que l'immeuble concerné fasse partie des immeubles visés par le contrat du 14 juillet 2021, la violation de l'obligation d'exclusivité le concernant ne pourrait que relever de l'exécution du contrat de courtage exclusif dont il fait l'objet, mais non contrevenir aux dispositions du premier contrat susvisé; telle violation ne saurait donc entrainer l'application de la peine conventionnelle prévue par ledit premier contrat.

Les mêmes motifs s'appliquent, mutatis mutandis, à la remise par les intimés de la documentation relative à l'immeuble de N______ à la société du témoin J______, dès lors que l'on ignore à quelle date cette remise a eu lieu. Il est au demeurant douteux que cette remise puisse à elle seule constituer une violation de l'engagement d'exclusivité des intimés. La société du témoin J______ était en effet un acquéreur présenté aux intimés par l'appelante et ceux-ci ne contestent pas être redevables d'une commission à l'appelante en cas de vente de l'un des immeubles en cause à ladite société.

Par conséquent, le grief tiré de l'exclusivité dont a bénéficié l'appelante tombe également à faux et il n'y pas davantage lieu d'allouer à celle-ci le montant de la peine conventionnelle convenue pour ce motif. L'appel sera dont intégralement rejeté.

4.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 5'400 fr. (art. 13, 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 105 al. 1, art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera également condamnée à verser aux intimés, pris conjointement et solidairement, la somme de 6'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 96, art. 105 al. 2 et art. 111 al. 2 CPC; art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 28 août 2024 par A______ SARL contre le jugement JTPI/8152/2024 rendu le 24 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3011/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5'400 fr., les met à la charge de A______ SARL et les compense avec l'avance de frais fournie par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SARL à payer à C______ SA et B______, pris conjointement et solidairement, la somme de 6'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI, Madame Stéphanie MUSY, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.