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Décisions | Chambre civile

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C/9922/2022

ACJC/660/2025 du 20.05.2025 sur JTPI/5400/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9922/2022 ACJC/660/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 20 MAI 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (VD), appelant d'un jugement rendu par la 6ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 avril 2024, représenté par Me Pedro DA SILVA NEVES, avocat, NEVES AVOCATS, rue des Maraîchers 36, 1205 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par
Me Malek ADJADJ, avocat, AAA Avocats SA, rue du Rhône 118, 1204 Genève.

Madame C______, domiciliée ______ [GE], autre intimée.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/5400/2024 du 30 avril 2024, reçu le 3 mai 2024 par A______, le Tribunal de première instance a débouté ce dernier des fins de sa demande (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 5'000 fr., les a compensés intégralement avec les avances versées par A______ en 24'240 fr., les a mis à la charge de ce dernier, a ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer le solde de l'avance en 19'240 fr. à A______ et la somme de 600 fr. à B______ (ch. 2), a condamné A______ à verser à B______ un montant de 4'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 30 mai 2024 à la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement. Il a principalement conclu, sous suite de frais et dépens, à son annulation, et cela fait, à ce que la Cour constate que les créances de D______ envers B______ et C______ découlant des contrats de prêt des 24 mai 1995 et 1er octobre 1998 lui ont été cédées par cette dernière, avec effet au plus tard au 4 mai 2005; constate qu'en cas de vente de l'appartement dont B______ est propriétaire au no. ______, avenue 1______, [code postal] Genève, B______ et C______ sont solidairement responsables envers lui du paiement du montant correspondant à la moitié du prix de vente; constate que B______ et C______ sont solidairement responsables envers lui du paiement de la somme de 50'000 fr.; constate que B______ et C______ sont solidairement responsables envers lui du paiement des intérêts échus sur la somme de 100'000 fr., à raison de 3.5% du 24 mai 1995 au 4 mai 2005, puis de 3% à compter de cette date; constate que les prêts ont été accordés pour une durée déterminée, à savoir jusqu'à la vente de l'appartement dont B______ est propriétaire au no. ______, avenue 1______, [code postal] Genève, mais au plus tard jusqu'à 18 mois suivant le décès de B______; constate qu'en cas de vente de l'appartement dont B______ est propriétaire au no. ______, avenue 1______, [code postal] Genève, B______ et C______ devront s'acquitter, conjointement et solidairement, de la dette découlant des contrats de prêts par le prompt versement en ses mains des montants évoqués dans ses conclusions précédentes; constate qu'en cas de décès de B______ avant la vente de l'appartement dont elle est propriétaire au no. ______, avenue 1______, [code postal] Genève, l'hoirie de B______ et C______, devront s'acquitter, conjointement et solidairement, de la dette découlant des contrats de prêts par le versement en ses mains des montants évoqués dans ses conclusions précédentes dans les 18 mois suivant le décès.

À titre subsidiaire, A______ a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que la Cour constate qu'en cas de vente de l'appartement dont B______ est propriétaire au no. ______, avenue 1______, [code postal] Genève, B______ et C______ sont solidairement responsables envers lui du paiement du montant correspondant à la moitié du prix de vente; constate que B______ et C______ sont solidairement responsables envers lui du paiement de la somme de 50'000 fr.; constate que B______ et C______ sont solidairement responsables envers lui du paiement des intérêts échus sur la somme de 100'000 fr., à raison de 3.5% du 24 mai 1995 au 4 mai 2005, puis de 3% à compter de cette date; constate qu'en cas de vente de l'appartement dont B______ est propriétaire au no. ______, avenue 1______, [code postal] Genève, B______ et C______ devront s'acquitter, conjointement et solidairement, de la dette par le prompt versement en ses mains des montants évoqués dans ses conclusions précédentes; constate qu'en cas de décès de B______ avant la vente de l'appartement dont elle est propriétaire au no. ______, avenue 1______, [code postal] Genève, l'hoirie de B______ et C______, devront s'acquitter, conjointement et solidairement, de la dette par le versement en ses mains des montants évoqués dans ses conclusions précédentes dans les 18 mois suivant le décès.

b. Par réponse du 2 septembre 2024, B______ a conclu au rejet de l’appel, sous suite de frais et dépens.

c. C______ n'a pas répondu à l'appel.

d. Par mémoires des 11 octobre et 14 novembre 2024, A______ et B______ ont encore répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Les parties ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger par avis du greffe de la Cour du 3 décembre 2024.

C. Les éléments pertinents suivants ressortent du dossier soumis à la Cour.

a. A______ est le fils de E______, aujourd'hui décédé, et de l'ex-épouse de ce dernier, F______.

b. B______ a eu une relation de longue durée avec E______, qu'elle a ensuite épousé en 2018.

Elle est la mère de G______, issu d'une précédente union, devenu C______, par changement de sexe inscrit le ______ septembre 2023 au Registre de l'Etat civil (ci-après: C______).

c. En 1995 et 1998, D______, la sœur de E______, a consenti à ce dernier et B______ des prêts pour financer l'acquisition de biens immobiliers en Suisse, notamment un appartement sis avenue 1______, à Genève, actuel domicile de B______.

d. Le 4 mai 2005, B______, A______ et C______ ont signé un document intitulé "modification du contrat de prêt entre D______ (…) et B______" (ci-après: "la Convention du 4 mai 2005").

La Convention du 4 mai 2005 se référait à un prêt de 100'000 fr. du 24 mai 1995 ainsi qu'à deux prêts de 200'000 fr. et de 50'000 fr. du 1er octobre 1998, tous effectués par D______ en faveur de B______ pour acquérir l'appartement [sis avenue 1______] et étendre l'hypothèque d'un appartement sis à H______ [GE]. La Convention stipulait que "l'emprunteur ne remboursera pas le prêt, vu les relations amicales avec Mr E______". Il était prévu que B______ ou C______ dédommagent D______ en vendant l'appartement sis avenue 1______. La moitié du produit de cette vente devant être versé à A______. B______ ou C______ devaient, en outre, rembourser le montant de 50'000 fr. et s'acquitter des intérêts (initialement de 3,5% mais réduits à 3%) sur le prêt de 100'000 fr. Le prêt de 250'000 fr. était consenti sans intérêts. B______ rembourserait le prêt à sa convenance.

Il était encore stipulé que D______ "se désiste en faveur de son neveu A______ (…) à qui elle donne procuration et pleins pouvoirs pour encaisser cet argent et les intérêts y relatifs auprès de B______". D______ avait, en effet, effectué un pèlerinage à la Mecque en décembre 2004, ce qui lui interdisait désormais de percevoir des intérêts conformément à la religion islamique.

La Convention du 4 mai 2005 indiquait, par ailleurs, que B______ avait reçu une lettre de D______ lui demandant de reconnaître à l'avenir A______ comme étant le prêteur et de remettre les sommes à ce dernier selon les termes de la Convention. B______ acceptait cette substitution et reconnaissait A______ comme prêteur, en lieu et place de D______.

En cas de décès de B______, C______ s'engageait à rembourser A______ dans les 18 mois suivant le décès.

e. La lettre de D______ à laquelle il est fait référence dans la Convention n'a pas été produite.

f. Lors de son audition devant le Tribunal, A______ a déclaré que la Convention du 4 mai 2005 avait été rédigée par E______, lequel lui avait expliqué la volonté de D______ de céder sa créance en raison d'un pèlerinage effectué à la Mecque. Une réunion présidée par E______ s'était tenue dans l'appartement de ce dernier pour signer ladite convention, qui avait été parcourue en détail. La lettre de D______, dont il est fait mention, leur avait été présentée à cette occasion mais son père avait décidé de la conserver dans ses documents. La Convention du 4 mai 2005 avait été signée en 3 exemplaires, chacun remis à un signataire.

B______ a contesté cette version des faits lors de sa propre audition. Elle a déclaré au Tribunal que la Convention du 4 mai 2005 avait été signée lors d'une soirée couscous à laquelle étaient aussi présents A______ et sa compagne et C______ (à l'époque encore G______) avec son épouse et ses deux enfants. E______ l'avait prise à part dans le couloir et lui avait demandé de signer ce papier en refusant de lui donner des explications. Il faisait sombre et sous son insistance, elle avait signé la Convention du 4 mai 2005 sans l'avoir lue, n'ayant pas eu d'autre choix. C'était un homme très "directoire", à qui il fallait obéir. E______ avait ensuite pris à part A______ et C______ pour qu'ils signent la Convention du 4 mai 2005. B______ avait voulu lire la Convention le lendemain mais E______ avait refusé; elle n'en avait jamais eu d'exemplaire. Elle n'avait, en outre, jamais vu la lettre de D______ à laquelle il était fait référence dans la Convention du 4 mai 2005, qui avait, selon elle, été préparée par E______ à l'insu de sa sœur.

De son côté, C______ a confirmé au Tribunal que la signature de la Convention du 4 mai 2005 avait eu lieu lors d'un repas de famille. E______ l'avait prise à part avec A______ pour signer la Convention du 4 mai 2005. E______ n'avait pas pour habitude de se laisser dicter les choses. Il lui avait demandé de signer la Convention du 4 mai 2005 en lui disant que c'était un ordre de sa mère. Comme cela concernait leur appartement, elle ne s'était pas posé plus de questions. Elle avait lu la Convention du 4 mai 2005 "en diagonale" avant de la signer, de sorte qu'elle n'avait pas vérifié les chiffres, qu'elle était, de toute manière, dans l'incapacité de vérifier puisqu'elle ne connaissait pas le contexte.

g. D______ n'a pas signé la Convention du 4 mai 2005.

Lors de son audition, elle a déclaré au Tribunal n'avoir jamais vu ce document auparavant. Elle n'avait, par ailleurs, jamais adressé à B______ une lettre telle que celle mentionnée dans la Convention du 4 mai 2005, ni cédé sa créance à A______, qu'elle n'avait plus revu depuis 15 ans. Elle ignorait pourquoi son frère avait inventé ces éléments. C'était un être intègre mais manipulateur et souvent aussi fabulateur. Il fallait toujours lui obéir. Elle confirmait avoir fait un pèlerinage à la Mecque en 2004 et qu'à partir de ce moment-là, il lui était interdit de percevoir des intérêts en tant que musulmane. Mais elle pouvait toujours détenir des créances.

h. Par attestations des 30 juin et 5 août 2016, D______ a déclaré avoir respectivement reçu de la part de B______, pour solde de tout compte, 85'000 fr. et 850 fr. d'intérêts en règlement du prêt de 100'000 fr. et plusieurs versements, pour solde de tout compte, en remboursement du montant de 54'600 fr. (avance en 2012), effectués entre 2013 et 2016.

i. Selon les déclarations de B______ au Tribunal, D______ lui a concédé des prêts de 100'000 fr. et de 50'000 fr. pour acheter l'appartement de l'avenue 1______, qu'elle et E______ avaient entièrement remboursés au fur et à mesure, sans échéances de remboursement. C'est E______ qui gérait cela et elle n'était pas au courant des détails des transactions.

De son côté, D______ a déclaré au Tribunal avoir "eu des rapports financiers" avec son frère, à qui elle avait prêté 154'000 fr. pour l'acquisition de l'appartement de l'avenue 1______. E______ et B______ lui avaient remboursé l'intégralité de cette somme en 2016 et ne lui devaient plus rien. Elle ne leur avait pas octroyé d'autres prêts et selon elle son neveu "fabul[ait]" à ce sujet.

j. E______ est décédé le ______ 2021.

k. Par courrier du 14 septembre 2021 adressé à B______, A______ s'est référé au "prêt du 24 mai 1995", aux "intérêts qui cour[ai]ent depuis maintenant 26 ans" ainsi qu'à la Convention du 4 mai 2005 et a invité B______ à lui adresser une proposition quant aux modalités de remboursement.

l. Par pli du 11 octobre 2021, B______ a répondu à A______ qu'elle contestait l'intégralité de son courrier du 14 septembre 2021.

m. Par courrier du 13 octobre 2021 adressé à B______, A______ a maintenu sa position et a annexé une copie de la Convention du 4 mai 2005.

n. Par pli du 16 novembre 2021, B______ a répondu à A______, par l'intermédiaire de son Conseil, et a derechef contesté l'intégralité des prétentions du précité. Elle a notamment fait valoir que D______ n'avait jamais cédé de créance à A______ et aurait uniquement sollicité l'aide de ce dernier pour encaisser une dette. Elle a également fait référence à une lettre d'annulation du 10 mai 2010 par laquelle D______ aurait déclaré que la créance qu'elle détenait à l'encontre de B______ était désormais éteinte, dès lors que la dette avait été remboursée. Elle mentionnait enfin deux attestations du juin et août 2016 valant solde de tout compte.

o. Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance le 24 mai 2022, non conciliée le 8 juillet 2022 et introduite le 12 juillet 2022, A______ a formé une action en constatation de droit à l'encontre de B______ et de C______.

Il a pris les mêmes conclusions principales que devant la Cour de céans (cf. let. B.a supra).

A______ a expliqué que son père avait entretenu une relation extraconjugale avec B______ pendant qu'il était encore marié avec sa mère; ses parents avaient ensuite divorcé en 1995. Il n'avait plus parlé à son père pendant plusieurs années suite au divorce. Après une réconciliation à ses 20 ans, ils s'étaient à nouveau disputés en 2009 et avaient définitivement perdu le contact. Il avait appris le décès de son père dans la presse.

Il a encore exposé que D______ avait prêté 100'000 fr. et 250'000 fr. à B______ en 1995 et 1998. En 2004, D______ avait adressé une lettre à B______ pour l'informer de ce qu'elle avait cédé les créances découlant desdits prêts à A______. Il avait lui-même pris connaissance de cette lettre par son père qui l'a lui avait soumise. Il l'a lui avait ensuite restituée. B______ avait accepté cette cession de créance, à la suite de laquelle les parties s'étaient réunies en présence de E______ pour signer la Convention du 4 mai 2005. La lettre précitée avait été évoquée lors de la signature.

p. Le 21 septembre 2022, D______ a signé une déclaration sous serment par-devant Me I______, notaire à Genève, par laquelle elle a certifié et attesté que feu E______ et B______ n'avaient plus aucune dette envers elle et qu'elle n'avait jamais cédé une quelconque créance à l'encontre de ces derniers à son neveu A______.

q. Dans une déclaration datée du même jour et adressée à B______, D______ a confirmé ne pas avoir cédé de créance à A______ et a attesté que B______ ne lui devait plus rien sur les prêts consentis en 1995 et 1998.

r. Dans leurs réponses datées des 25 et 26 octobre 2022, B______ et C______ ont conclu à ce que le Tribunal rejette l'action en constatation de droit de A______.

A l'appui de leurs réponses, elles ont expliqué qu'à leur connaissance, E______ et D______ avaient conclu des prêts déclarés à hauteur de 100'000 fr. et de 54'000 fr. en 1995 et 1998, pour financer des transactions immobilières en Suisse. Il n'existait toutefois aucun prêt d'un montant de 200'000 fr.

Elles avaient signé la Convention du 4 mai 2005 à la demande de E______, sans même avoir eu le temps de la lire. Elles avaient accepté de signer le document, en pensant qu'il s'agissait d'une transaction qui serait validée par D______.

Cela étant, B______ n'avait jamais reçu de lettre de D______ l'informant qu'elle aurait cédé ses créances à A______. D______ n'avait par ailleurs pas signé la Convention du 4 mai 2005.

D______ les avait ensuite informées du fait qu'elle n'avait jamais cédé de créance à A______ et qu'elle n'avait jamais signé de document à cet égard. Elle leur avait, en outre, confirmé que tous les prêts, soit notamment ceux conclus en 1995 et 1998, lui avaient été remboursés par E______ et B______.

Il n'existait ainsi aucune cession de créance valable émanant de D______ en faveur de A______.

s. Le Tribunal a entendu les parties et le témoin D______ lors des audiences des 5 décembre 2022 et 19 septembre 2023. Outre les éléments pertinents en ressortant, qui ont déjà été intégrés dans l'état de fait dressé supra, B______ a indiqué au Tribunal qu'elle ne disposait pas de la lettre d'annulation du 10 mai 2010 mentionnée dans son courrier du 16 novembre 2021 (cf. let. n supra).

t. Dans leurs plaidoiries finales du 30 novembre 2023 et écritures des 20 décembre 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives. A______ a pris des nouvelles conclusions subsidiaires, identiques aux conclusions subsidiaires prises devant la Cour de céans (cf. let. B.a supra).

u. La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue d'un délai de 15 jours suivant la transmission par le greffe des dernières déterminations des parties.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a relevé que l'intérêt juridique de A______ à une action en constatation apparaissait douteux, dans la mesure où ce dernier aurait pu agir par la voie d'une action condamnatoire. Le premier juge a toutefois laissé ouverte la question de la recevabilité de l'action en constatation de droit, vu la solution retenue. Le Tribunal a, en effet, jugé qu'il n'y avait pas de cession de créance valable, vu l'absence de pièce produite en ce sens. D______ avait d'ailleurs nié avoir cédé une quelconque créance à A______. Elle avait en outre expliqué que son frère et son épouse avaient entièrement remboursé les prêts qu'elle leur avait consentis.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.2 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC), ce qui est le cas en l'espèce compte tenu des montants faisant l'objet des contrats de prêts litigieux.

1.3 Interjeté dans le délai de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.4 Le présent litige est soumis à la procédure ordinaire (art. 219 ss CPC). Les maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables (ATF 143 III 425 consid. 4.7; 130 III 550 consid. 2 et 2.1.3).

1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4;
138 III 374 consid. 4.3.1).

1.6 A défaut de réponse de C______ à l'appel, la procédure d'appel a suivi son cours en l'état du dossier (art. 147 al. 2 CPC), sans que l'instance d'appel n'ait à impartir un bref délai supplémentaire à la partie intimée pour produire son écriture dès lors que, contrairement à ce qui prévaut en première instance pour le défendeur (art. 223 al. 1 CPC), la loi ne le prévoit pas (arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2017 du 10 juillet 2017 consid. 3.1.2 et consid. 3.2).

2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits sur plusieurs points. L'état de fait présenté ci-dessus a donc été rectifié et complété dans la mesure nécessaire, sur la base des actes et pièces recevables figurant à la procédure, de sorte que ce grief ne sera pas examiné plus avant.

3. 3.1 Selon l'art. 88 CPC, le demandeur intente une action en constatation de droit pour faire constater par un tribunal l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'un rapport de droit.

La demande en constat est subsidiaire à une action condamnatoire (art. 84 CPC) ou formatrice (art. 87 CPC). Son but est de clarifier une situation juridique, lorsque les parties sont en désaccord. Elle a généralement pour objet de faire constater l'existence ou l'inexistence, actuelle et prétendue, d'un "rapport de droit". L'action en constat vise à obtenir la protection d'un droit mis en péril. Elle crée la sécurité du droit grâce à l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement en constat (Bohnet, CR, CPC, 2ème éd., n. 13 ad art. 88 CPC et les références citées).

L'intérêt pratique à une constatation de droit fait normalement défaut pour le titulaire du droit lorsque celui-ci dispose d'une action en exécution, en interdiction ou d'une action formatrice, immédiatement ouverte, qui lui permettrait d'obtenir directement le respect de son droit ou l'exécution de l'obligation (ATF 135 III 378 consid. 2.2 et les références citées).

Le Tribunal fédéral a admis l'existence d'un intérêt à la constatation autonome lorsqu'il s'agit de faire constater la validité du rapport juridique sur lequel se fonde une prestation pour son exécution future (ATF 97 II 371 consid. 2; 84 II 685 consid 2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_464/2019 du 30 avril 2020 consid. 1.4; 5A_763/2018 du 1er juillet 2019 consid. 1.2; 4A_679/2016 du 22 mai 2017 consid. 2.1; 4A_280/2015 du 20 octobre 2015 consid. 6.2.2).

3.2 En l'espèce, l'intimée soutient que l'action en constatation formée par l'appelant aurait dû être déclarée irrecevable par le premier juge. Cette question peut toutefois souffrir de rester indécise, dès lors que l'appel doit de toute façon être rejeté sur le fond pour les raisons qui vont suivre.

4. L'appelant se plaint d'une constatation inexacte des faits par le Tribunal. Il lui reproche d'avoir considéré qu'il n'y avait pas eu de cession de créance valable. En réalité, l'appelant se prévaut d'une mauvaise appréciation des faits et des preuves.

Dans un grief subsidiaire, l'appelant fait encore valoir que le Tribunal a omis de statuer sur son argumentation juridique fondée sur les obligations des intimées en lien direct avec la Convention du 4 mai 2005 en tant qu'acte juridique générateur d'obligations, de sorte que le premier juge aurait commis un déni de justice matériel devant être réparé devant la Cour.

4.1.1 Selon l'art. 164 al. 1 CO, le créancier peut céder son droit à un tiers sans le consentement du débiteur, à moins que la cession n'en soit interdite par la loi, la convention ou la nature de l'affaire.

Comme le montre le titre marginal de l'art. 165 CO, la cession de créance est un contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.39/2002 du 30 mai 2002 consid. 2b)

La cession de créance est un acte de disposition bilatéral reposant sur une manifestation réciproque et concordante des volontés du cédant et du cessionnaire. A défaut d'une telle manifestation, elle n'existe pas. La cession opère la substitution du titulaire (ou des titulaires) d'une créance par un nouveau titulaire. La créance faisant l'objet de la cession est ainsi transférée du patrimoine du cédant (ou des cédants) à celui du cessionnaire (ATF 130 III 248 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_302/2016 du 16 novembre 2016 consid. 2.1.1).

4.1.2 La cession n'est valable que si elle a été constatée par écrit (art. 165 al. 1 CO).

La forme écrite doit couvrir tous les points objectivement et subjectivement essentiels de la cession: identité des personnes directement concernées (cédant, cessionnaire et débiteur cédé) et volonté du cédant de céder une créance déterminée ou à tout le moins déterminable (ATF 105 II 83 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_248/2008 du 1er septembre 2008 consid. 3.2).

Par la forme écrite, il faut entendre un document signé, soit un support matériel contenant tous les points essentiels pour le transfert de la créance et couvert par la signature manuscrite. Par analogie à l'article 13 al. 1 CO et l'article 14 al. 1 CO, l’opinion dominante admet que seule la signature du cédant est nécessaire pour une cession valable alors que le cessionnaire peut donner son accord à la déclaration de cession du cédant sans respecter une forme particulière, par exemple par acte concluant. Si le cédant n'a pas manifesté sa volonté par écrit, la cession est nulle (arrêt du Tribunal fédéral 4C.39/2002 du 30 mai 2002 consid. 2b; Probst, CR CO I, 2021, n. 2 ad art. 165 CO).

Le fardeau de la preuve de la cession incombe au cessionnaire dans la mesure où il en déduit des droits (CC 8). Dès lors, c’est à lui de prouver l’existence et le contenu de la cession (Probst, op. cit., n. 74 ad art. 164 CO).

4.1.3 Conformément à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), applicable au présent litige (cf. consid. 1.3), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès, c'est-à-dire d'alléguer les faits pertinents (fardeau de l'allégation subjectif) et d'offrir les moyens de preuve propres à établir ceux-ci (fardeau de l'administration de la preuve) (ATF 144 III 519 consid. 5.1). Le demandeur supporte le fardeau de l'allégation objectif (objektive Behauptungslast) et le fardeau de la preuve (objektive Beweislast; art. 8 CC), en ce sens qu'il supporte les conséquences de l'absence d'allégation de ce fait, respectivement celles de l'absence de preuve de celui-ci (ATF 143 III 1 consid. 4.1).

4.1.4 Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 142 II 154 consid. 4.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_17/2020 du 20 mai 2020 consid. 3.2.1).

4.2.1 En l'espèce, l'appelant soutient que D______ lui aurait cédé sa créance à l'encontre de B______ et que cette cession de créance serait contenue dans une lettre que la première aurait adressée à la seconde, lettre qui est mentionnée dans la Convention du 4 mai 2005. L'appelant n'a cependant pas produit cette lettre, arguant qu'il n'en avait jamais eu possession, son père lui ayant uniquement permis de la consulter avant de la reprendre.

L'appelant consacre des développements détaillés sur la force probante de la Convention du 4 mai 2005 s'agissant de l'existence de la lettre précitée. À cet égard, les intimées soutiennent n'avoir jamais eu connaissance de cette lettre bien qu'elles aient signé la Convention du 4 mai 2005 y faisant référence. Les explications de B______, selon lesquelles E______ ne lui aurait pas donné l'opportunité de lire la Convention du 4 mai 2005 avant de la signer, semblent crédibles. Le caractère autoritaire de E______ et ses comportements patriarcaux, tels que décrits par B______, ont en effet été corroborés par sa fille et le témoin D______. Les liens "familiaux" entre E______ et C______ expliquent également que celle-ci ait pu lire et signer la Convention du 4 mai 2005 sans y accorder une attention particulière. Il s'ensuit que la mention de la lettre dans la Convention du 4 mai 2005 ne suffit pas à inférer son existence.

Quoi qu'il en soit, D______ a fermement et à plusieurs reprises, notamment devant notaire et devant le Tribunal, démenti avoir cédé une quelconque créance à l'appelant et attesté que son frère et l'intimée B______ avaient intégralement remboursés les prêts qu'elle leur avait octroyés. L'appelant ne saurait être suivi lorsqu'il remet en cause la force probante de ce témoignage en invoquant un conflit d'intérêt de cette dernière, étant donné qu'il n'a soulevé ce potentiel conflit qu'après l'audition du témoin, qui ne lui était pas favorable.

S'agissant de l'absence d'explications du témoin quant à la lettre mentionnée dans la Convention du 4 mai 2005, dont elle conteste, comme les intimées, l'existence, l'appelant perd de vue que c'est à lui qu'incombait le fardeau de la preuve. Or, il n'a pas produit cette lettre, ni aucun autre document constituant une cession de créance valable en sa faveur, soit un document signé par D______.

À cet égard, la Cour relève encore que la Convention du 4 mai 2005 n'a pas été conclue avec D______, qui ne l'a a fortiori pas signée. Étant donné que la signature du cédant est indispensable pour qu'une cession de créance soit valable, il ne peut pas être retenu que D______ aurait cédé à l'appelant un quelconque droit par le biais de cette Convention, qu'elle n'a pas signée.

Enfin, contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne peut être inféré du courrier du Conseil de l'intimée B______ du 16 novembre 2021 que la lettre d'annulation du 10 mai 2010 de D______, qui y est mentionnée, concernerait une cession de créance. Il apparait plutôt qu'elle avait trait au remboursement des prêts accordés. Il importe ainsi peu que cette lettre ait été perdue ou ait "disparu", dès lors qu'en citant ce document, l'intimée entendait confirmer les autres attestations écrites et déclarations orales de D______, selon lesquelles elle lui avait intégralement remboursé les prêts octroyés.

Au vu de ce tout ce qui précède, il faut admettre, avec le Tribunal, que l'appelant n'a pas établi l'existence d'une cession de créance valable en sa faveur revêtant la forme écrite émanant de D______.

Partant, le grief est infondé.

4.2.2 Pour le surplus, contrairement à ce que soutient l'appelant dans son argumentation subsidiaire, l'obligation de remboursement des intimées prévue par la Convention du 4 mai 2005 n'est pas indépendante des prêts accordés par D______ et de la cession de créance alléguée; elle se fonde au contraire sur celle-ci. Il s'ensuit que faute de démonstration de la cession de créance précitée, les intimées n'ont aucune obligation de paiement envers l'appelant découlant de la Convention.

Cette argumentation n'étant pas pertinente, le premier juge n'a pas violé le droit d'être entendu de l'appelant en ne se prononçant pas sur ce point. En tous les cas, une éventuelle violation a été réparée devant la Cour, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit et devant laquelle l'appelant a pu s'exprimer librement à deux reprises, de sorte qu'un renvoi de la cause au Tribunal pour ce motif ne serait pas justifié.

Infondé, le grief est rejeté.

4.2.3 En définitive, le jugement entrepris sera confirmé.

5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 5'000 fr. (art. 19 al. 5 LaCC; art. 2, 17 et 35 RTFMC), entièrement couverts par l'avance de frais de 24'000 fr. effectuée par l'appelant, laquelle demeure acquise à l'Etat à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 95, 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 CPC).

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer la somme de 19'000 fr. à l'appelant.

Celui-ci sera, en outre, condamné aux dépens d'appel de B______, arrêtés à 3'000 fr. TVA et débours compris, au regard notamment de la valeur litigieuse et de l'activité déployée par le conseil de l'intimée (art. 95, 104 al. 1, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 al. 1, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 30 mai 2024 par A______ contre le jugement JTPI/5400/2024 rendu le 30 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9922/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 5’000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais de 24'000 fr. qu'il a fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 19’000 fr. à A______.

Condamne A______ à verser 3'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.