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Décisions | Chambre civile

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C/3034/2022

ACJC/487/2025 du 01.04.2025 sur JTPI/5384/2024 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 19.05.2025, 5A_387/2025
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3034/2022 ACJC/487/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 1ER AVRIL 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 avril 2024, représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat, Könemann & von Flüe, rue de la Terrassière 9, 1207 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par Me Corinne ARPIN, avocate, boulevard des Philosophes 8, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/5384/2024 du 30 avril 2024, reçu le 1er mai 2024 par A______, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a dissous par le divorce le mariage contracté le ______ 1998 par A______ et B______ (chiffre 1 du dispositif), attribué à B______ l'usage exclusif du domicile conjugal sis rue 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE] (ch. 2), donné acte aux parties de ce qu'elles renonçaient réciproquement à toute contribution d'entretien post-divorce (ch. 3), dit que le régime matrimonial des parties était liquidé (ch. 4), ordonné à la Fondation de prévoyance D______ de prélever au débit du compte de B______ la somme de 112'314 fr. 45 et de la verser sur le compte de libre-passage de A______ auprès de la E______ (ch. 5), arrêté les frais judiciaires à 6'100 fr., les a mis à la charge des parties par moitié chacune, a laissé provisoirement la part des frais de B______ à la charge de l'Etat, sous réserve d'une décision contraire de l'Assistance juridique, ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ un montant de 2'950 fr. (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7), condamné, en tant que de besoin, les parties à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 8) et débouté celles-ci de toutes autres conclusions (ch. 9).

B.            a. Par acte expédié le 31 mai 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle du chiffre 4 du dispositif de ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Il conclut à ce que la Cour condamne B______ à lui verser 578'882 fr. 90 à titre de soulte, pour solde de tout compte, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, avec suite de frais judiciaires.

b. Dans sa réponse du 4 novembre 2024, B______ conclut au rejet de l'appel et à la condamnation de A______ aux frais judiciaires ainsi qu'à lui verser 3'000 fr., TVA en sus, à titre de participation à ses honoraires d'avocat.

c. Par avis du 9 décembre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger, A______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, né le ______ 1967 à F______ (Colombie), originaire de G______ (VS), et B______, née [B______] le ______ 1963 à H______ (VS), originaire de I______ (VS), se sont mariés le ______ 1998 à J______ (GE), sans conclure de contrat de mariage.

b. Ils sont les parents de K______, née le ______ 2000 à Genève et aujourd'hui majeure.

c. En 2005, B______ a acquis un appartement ainsi qu'un parking intérieur sis rue 1______ no. ______ à C______, dont elle est seule propriétaire.

d. Les parties se sont séparées au mois de juin 2016.

e. La vie séparée des époux a été réglée par jugement JTPI/11845/2018 rendu le 3 août 2018 sur mesures protectrices de l'union conjugale, par lequel le Tribunal a notamment attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal sis rue 1______ no. ______ à C______, donné acte à A______ de son engagement à verser à K______, par mois et d'avance, allocations familiales ou d'études non comprises, une contribution à son entretien de 295 fr. pour le mois de juin 2018, de 565 fr. de juillet à décembre 2018 puis de 800 fr. dès le 1er janvier 2019 et jusqu'à sa majorité, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières, et donné acte aux parties de leur renonciation à se réclamer réciproquement une contribution d'entretien.

Il ressort notamment de ce jugement que B______ avait travaillé à plein temps pour un salaire mensuel net de 8'412 fr. 60 en 2016. Elle avait ensuite perçu 8'020 fr. 90 nets par mois entre avril et juin 2017, son salaire lui étant versé treize fois l'an. Elle avait été licenciée pour le 31 janvier 2018 et était inscrite au chômage depuis le 1er février 2018. A______ travaillait à plein temps pour un salaire mensuel net qui s'élevait à 5'961 fr. en 2017. K______ habitait avec sa mère. Les charges alléguées par les parties dans le cadre de cette procédure s'élevaient à 4'497 fr. 20 pour B______, 1'222 fr. 60 pour K______, allocations familiales non déduites, et 3'228 fr. 35 pour A______, abonnement annuel aux transports publics et impôts en sus.

f. Le 15 février 2022, A______ a saisi le Tribunal d'une demande unilatérale en divorce.

S'agissant du point encore litigieux en appel, il a conclu en dernier lieu à ce que le Tribunal condamne B______ à lui verser 578'882 fr. 90 à titre de soulte, pour solde de tout compte, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial.

Il a notamment fait valoir que l'acquisition de l'appartement sis rue 1______ no. ______ avait entièrement été financée par une hypothèque et des avoirs de prévoyance de B______, de sorte que ce bien constituait un acquêt.

g. B______ a notamment conclu, en dernier lieu et s'agissant du point encore litigieux en appel, à ce que le Tribunal dise que le régime matrimonial des parties était liquidé.

A cet égard, elle a notamment allégué que l'appartement sis rue 1______ no. ______ avait été acquis en septembre 2005 au prix de 512'000 fr., qu'elle avait financé par un crédit hypothécaire de 415'000 fr. et par une somme de 97'000 fr. provenant d'une donation d'un montant total de 220'000 fr. octroyée par sa mère, L______, somme destinée à l'achat et à l'entretien de l'appartement. Le bien immobilier était donc un bien propre, si bien que A______ n'avait aucune prétention à faire valoir sur celui-ci.

A l'appui de ses allégués, elle a notamment produit le contrat de vente notarié de l'appartement ainsi qu'une attestation de L______, datée du 5 octobre 2022, selon laquelle cette dernière certifie avoir donné à sa fille, entre 1995 et 2003, la somme de 180'000 fr., en plusieurs versements, et, entre 2003 et 2007, la somme de 40'000 fr., en plusieurs versements également, "pour lui permettre d'acheter l'appartement dont elle est aujourd'hui propriétaire à l'adresse de l'en-tête et ensuite pour l'entretien et les réparations de celui-ci".

h. Lors de l'audience du 26 février 2024, le Tribunal a entendu L______ en qualité de témoin ainsi que les parties.

h.a L______, née le ______ 1939, a confirmé son attestation du 5 octobre 2022. En revanche, elle ne se rappelait plus des dates avec exactitude, en raison de son âge avancé. Elle a expliqué avoir consenti cette donation, pour laquelle elle n'avait reçu aucune contre-prestation, car sa fille souhaitait acquérir un logement, mais n'en avait pas les moyens financiers. Elle n'avait pas effectué un versement global en faveur de sa fille, mais des versements en espèces lorsqu'elle avait des disponibilités pour donner et lorsque sa fille "en avait besoin". Les montants étaient variables, mais il s'agissait en général de 1'000 fr. en espèces. Elle se souvenait que sa fille avait de la peine à "joindre les deux bouts". Elle savait que c'était pour l'appartement, mais ne se rappelait plus des intervalles, peut-être chaque mois. C'était en fonction de ses besoins. Elle ne se souvenait plus pour quelle raison elle avait versé 40'000 fr. à sa fille entre 2003 et 2007.

h.b A______ a notamment déclaré avoir largement contribué aux frais du ménage, "même de façon supérieure" à ce qu'il devait. Son épouse lui disait combien il devait verser chaque mois, mais il versait régulièrement davantage.

Il n'avait pas contribué à l'acquisition du bien immobilier sis rue 1______. Durant la vie commune, il avait participé au paiement des intérêts hypothécaires selon les montants que l'épouse lui indiquait, ce qui correspondait selon lui à des montants mensuels compris entre 2'000 fr. et 2'500 fr., versés en espèces. Il n'avait pas participé à l'amortissement de la dette hypothécaire. Durant la vie commune, il avait toujours occupé de bons emplois, bien rémunérés, de sorte que le couple était à l'aise financièrement et pouvait notamment partir plusieurs fois par année en vacances.

Il ne s'était jamais occupé des aspects financiers et administratifs de cet appartement et de la famille en général, car il faisait confiance à B______.

i. B______ a notamment déclaré avoir retiré 128'000 fr. de son deuxième pilier pour acquérir l'appartement. Elle avait contracté un emprunt de 415'000 fr. notamment pour des raisons fiscales ainsi que pour financer des travaux à plus-value, l'appartement étant neuf et brut, à terminer au gré du preneur. La somme de 40'000 fr. remise par sa mère avait intégralement été dépensée dans l'entretien et la rénovation de l'appartement. Elle avait également financé la finition du jardin extérieur.

Elle a contesté avoir réclamé mensuellement de l'argent à A______, lequel n'avait rien versé pour l'entretien ou la rénovation de l'appartement. Le précité percevait son salaire, sans assumer aucune charge. Elle a contesté qu'il avait toujours occupé un emploi et plus particulièrement un emploi bien rémunéré.

D.           Au sujet du bien immobilier à C______, la procédure révèle les faits pertinents suivants :

a. Le 14 septembre 2005, la Caisse de pension de B______ a versé 128'641 fr. à titre de versement anticipé pour l'achat de sa résidence principale sise rue 1______.

b. Selon contrat de vente notarié du 15 septembre 2005, B______ a acquis un appartement et un parking intérieur sis rue 1______ no. ______ à C______ pour un prix de 473'000 fr., respectivement 39'000 fr., soit un prix global de 512'000 fr.

L'achat a été financé par un crédit hypothécaire de 415'000 fr. accordé à B______ et par ses avoirs de prévoyance à hauteur de 87'000 fr., reçus le jour-même par le notaire. Le solde en 10'000 fr. a été reçu par le vendeur de l'acquéreuse antérieurement au jour de la vente.

c. La valeur vénale actuelle de l'appartement a été arrêtée à 1'690'000 fr., par expertise du 5 juillet 2023.

d. Dans un échange de courriels du 10 juillet 2016 entre les parties au sujet de l'introduction de la demande de divorce, B______ a notamment indiqué à A______ que son appartement avait été payé avec son fonds de prévoyance, l'argent donné par sa mère, celui laissé par son père et son salaire, ce qu'il n'a pas remis en cause dans son courriel de réponse.

E.            Dans le jugement querellé, le Tribunal a notamment retenu, sur la base du contrat de vente immobilière, que l'appartement et le parking intérieur avaient été achetés au prix global de 512'000 fr., dont le financement avait été assuré par un emprunt hypothécaire de 415'000 fr., par un versement anticipé de l'avoir de prévoyance de B______ de 87'000 fr. et par un versement de 10'000 fr. de la précitée au vendeur.

Il ressortait de l'attestation et du témoignage de L______ que cette dernière avait fait don à sa fille de sommes importantes, en plusieurs versements, sans contrepartie. Il était ainsi hautement vraisemblable que le montant de 10'000 fr. versé au comptant par B______ lors de l'acquisition de l'appartement, provenait de l'argent reçu de sa mère. En effet, il apparaissait crédible qu'elle assumait l'entretien de la famille, comprenant l'époux et l'enfant, de façon prépondérante au moyen de son salaire, dès lors que le revenu de A______ était plus modeste durant la vie commune. Elle n'aurait ainsi pas eu, sans l'aide financière de sa mère, les moyens financiers d'acquérir et d'entretenir un bien immobilier. Par conséquent, l'unique contribution au comptant ayant servi à l'acquisition de l'appartement avait été opérée par des biens propres de B______, le solde provenant d'un prêt bancaire et d'un prêt de l'institution de prévoyance. Le bien immobilier devait ainsi être intégré à la masse de ses biens propres et n'était pas soumis au partage. Dès lors que la seule prétention émise par A______ dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial portait sur le partage de l'immeuble, il était débouté de ses conclusions et il était constaté que le régime matrimonial des parties était liquidé.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur la liquidation du régime matrimonial. Compte tenu des conclusions prises en dernier lieu devant le premier juge, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de trente jours (art. 142 al. 1, 143 al. 1 et 311 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 et les références citées).

La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables aux questions relatives à la liquidation du régime matrimonial (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 277 al. 1 CPC).

2.             L'appelant reproche au Tribunal d'avoir retenu que le bien immobilier de l'intimée avait été financé au moyen de ses biens propres et de l'avoir ainsi débouté de ses prétentions en liquidation du régime matrimonial.

2.1 Il est établi que les parties sont soumises au régime de la participation aux acquêts dans la mesure où elles n'ont pas conclu de contrat de mariage (art. 181 CC).

2.1.1 Dans le régime de la participation aux acquêts, les biens des époux sont répartis entre quatre masses : les biens propres et les acquêts de l'épouse et les biens propres et les acquêts de l'époux (art. 196 à 198 CC).

Les acquêts sont des biens acquis par un époux à titre onéreux pendant le régime (art. 197 al. 1 CC) et comprennent notamment le produit de son travail (art. 197 al. 2 ch. 1 CC), tandis que les biens propres comprennent notamment les biens qui lui appartenaient au début du régime, qui lui échoient ensuite par succession ou à quelque autre titre gratuit et les biens acquis en remploi des biens propres (art. 198 ch. 2 et 4 CC).

L'immeuble est intégré à la masse de l'époux propriétaire qui, lors de l'acquisition, a apporté la contribution au comptant la plus importante ou, en cas d'égalité, aux acquêts (art. 200 al. 3 CC) (ATF 141 III 145 consid. 4.3.1 et la jurisprudence citée); la dette hypothécaire doit être rattachée à la masse à laquelle est intégrée la part de copropriété, conformément au principe de la connexité de l'art. 209 al. 2 CC (ATF 141 III 53 consid. 5.4.4 et la jurisprudence citée). Jusqu'à la survenance d'un cas de prévoyance, le versement anticipé de l'institution de prévoyance doit être considéré comme un prêt. Il n'exerce donc pas d'influence sur le rattachement de l'immeuble à l'actif d'une des masses de l'acquéreur; ce rattachement obéit aux règles ordinaires. Le versement anticipé grève ainsi à titre de dette la masse à laquelle l'immeuble est rattaché (ATF 141 III 145 consid. 4.3.1).

2.1.2 Tout bien d'un époux est présumé acquêt, sauf preuve du contraire (art. 200 al. 3 CC).

Il n'est pas inhabituel qu'un compte bancaire au nom d'un époux soit alimenté tant par des biens propres que des acquêts, en sorte que les premiers ne peuvent être repris en nature (notamment quand des espèces apportées en mariage ou reçues par la suite à titre gratuit sont mélangées à de l'argent figurant dans les acquêts). La question se règle alors par le moyen d'une récompense d'une masse envers une autre. Dans de telles circonstances, il peut cependant être difficile d'en rapporter la preuve. Selon la jurisprudence, le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie amène à présumer que, pour couvrir les besoins courants du ménage, les époux n'entament pas la substance de leurs biens propres, de tels avoirs restant intacts ou étant affectés en priorité à des investissements extraordinaires. Cette présomption de fait (ou naturelle) sert à faciliter la preuve, mais n'aboutit nullement à un renversement du fardeau de celle-ci. Elle est réfragable en ce sens que la partie adverse peut apporter la contre-preuve du fait présumé; la contre-preuve n'a pas à convaincre le juge, mais doit affaiblir la preuve principale en semant le doute dans l'esprit de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 5A_892/2014 du 18 mai 2015 consid. 2.1 et les références citées).

Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Ce faisant, le tribunal décide d'après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c'est-à-dire s'ils sont prouvés ou non (Hohl, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1105). Le juge forge sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (Jeandin, L'administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).

2.1.3 Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (fardeau de l'administration des preuves) et contester les faits allégués par la partie adverse (fardeau de la contestation; ATF 144 III 519 consid. 5.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_191/2023 du 13 février 2024 consid. 4.1.2).

En vertu de l'art. 221 al. 1 let. d CPC, respectivement de l'art. 222 al. 2 CPC, les faits doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse pour les faits que doit alléguer le défendeur (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_191/2023 précité consid. 4.1.3). Ils peuvent l'être dans la réplique et la duplique si un deuxième échange d'écritures est ordonné ou, s'il n'y en a pas, par dictée au procès-verbal lors des débats d'instruction (art. 226 al. 2 CPC) ou à l'ouverture des débats principaux, c'est-à-dire avant les premières plaidoiries au sens de l'art. 228 CPC (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_191/2023 précité consid. 4.1.3).

Le Tribunal fédéral n'a pas tranché la question de la prise en considération des faits dits exorbitants, c'est-à-dire des faits qui n'ont pas été allégués par les parties, mais qui ressortent de l'administration des preuves. Il est néanmoins admis que des faits ressortant de l'administration des preuves peuvent être pris en considération s'ils ne font que concrétiser des faits déjà suffisamment allégués, de sorte qu'ils sont "couverts" par celle-ci. Leur prise en considération s'inscrit dans le cadre de la libre appréciation de la force probante du moyen de preuve administré (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2014 et 4A_197/2014 du 27 novembre 2014 consid. 7.1 à 7.3; ACJC/1093/2024 du 10 septembre 2024 consid. 4.1.2; ACJC/231/2024 du 13 février 2024 consid. 4.1; Bastons Bulletti, in CPC Online, Newsletter du 14 juillet 2016 relative à l'ATF 142 III 462 consid. 4.3-4.4).

Il n'est pas exigé des parties qu'elles allèguent séparément chaque aspect et propriété d'un moyen de preuve dont la force probante sera appréciée lors du jugement. Il ne s'agit pas là du constat d'un fait qui n'a pas été allégué, mais de la libre appréciation du moyen de preuve offert, en rapport avec la question de savoir si celui-ci permet de parvenir à la conclusion alléguée par le demandeur (Bastons Bulletti, in CPC Online, Newsletter du 7 janvier 2015 relative à l'arrêt du TF 4A_195/2014 et 4A_197/2014 du 27 novembre 2014 consid. 7.1 à 7.3).

Il n'est en principe pas nécessaire d'allégué un fait implicite. Un fait implicite est par définition un fait qui est contenu, sans aucun doute dans un autre allégué de fait expressément invoqué, dont le fardeau de l'allégation objectif et le fardeau de la preuve n'incombent à la partie demanderesse que lorsque sa partie adverse l'a contesté (ATF 144 III 519 consid. 5.3.2).

2.2 En l'espèce, le seul point litigieux de la liquidation du régime matrimonial des parties porte sur le financement du bien immobilier dont l'intimée est propriétaire à C______.

Il n'est pas contesté que cet appartement a été acquis au prix global de 512'000 fr., ni qu'il a partiellement été financé par un prêt hypothécaire de 415'000 fr. Le financement du solde en 97'000 fr. est toutefois litigieux. A cet égard, le Tribunal a retenu, sur la base du contrat de vente notarié, que ce solde avait été payé au moyen des avoirs de prévoyance professionnelle de l'intimée à hauteur de 87'000 fr. et par un versement de 10'000 fr. de la précitée au vendeur, provenant d'une donation de sa mère. L'appelant critique ce raisonnement sur plusieurs points.

2.2.1 Il remet tout d'abord en cause la quotité du financement au moyen de la prévoyance professionnelle.

Il fait valoir que le versement de la caisse de pension de l'intimée s'est élevé à 128'641 fr. et couvrait ainsi l'intégralité du solde du prix de vente en 97'000 fr.

Son grief est infondé. En effet, bien que le versement de l'institut de prévoyance professionnelle de l'intimée s'est élevé à 128'641 fr., seuls 87'000 fr. ont été utilisés pour l'acquisition du logement, à teneur du contrat de vente notarié. De plus, alors que cette somme a été reçue par le notaire le jour-même de la vente, soit le 15 septembre 2005, le solde du prix en 10'000 fr. a été reçu de l'intimée par le vendeur antérieurement à la vente, ce qui – au vu des délais propres aux transferts bancaires – exclut qu'ils aient pu provenir des fonds de prévoyance de l'intimée puisque ceux-ci n'ont été libérés que le 14 septembre 2005.

Par ailleurs et contrairement à ce que soutient l'appelant, le Tribunal n'a pas violé la maxime des débats en retenant que l'intimée avait fait un apport de 10'000 fr. au moyen d'une donation de sa mère, quand bien même elle n'avait pas allégué ce montant précis. Dans sa réponse, elle avait en effet allégué avoir financé le bien immobilier par un crédit hypothécaire de 415'000 fr. et par une somme de 97'000 fr. provenant d'une donation. Elle avait offert de prouver cet allégué notamment par le contrat de vente notarié, lequel précisait que le montant non couvert par l'hypothèque avait été financé par les avoirs de prévoyance à hauteur de 87'000 fr. et par l'intimée directement à hauteur de 10'000 fr. Le Tribunal était ainsi fondé à retenir que l'intimée n'avait financé au comptant que 10'000 fr. sur les 97'000 fr. allégués, ce qui s'inscrit dans le cadre de la libre appréciation des preuves et ne nécessitait pas d'allégué spécifique. Il n'est ainsi pas pertinent que l'intimée n'ait pas évoqué la somme de 10'000 fr. en audience, ni qu'elle n'y ait pas mentionné avoir acquis l'appartement grâce aux versements de sa mère à cette occasion puisqu'elle l'avait dûment allégué dans sa réponse.

L'appelant relève des contradictions entre les allégués de l'intimée et les pièces produites en lien avec le financement de l'appartement, sans toutefois en tirer de conséquence précise. Celles-ci sont en tout état prises en compte dans le cadre de l'appréciation des preuves, de sorte que ce grief, pour autant qu'on puisse le comprendre, est rejeté.

Enfin, la Cour peine à comprendre le grief de l'appelant lorsqu'il fait valoir que le prix d'achat de l'appartement devait être retenu à hauteur de 512'000 fr. et reproche au Tribunal d'avoir retenu de manière arbitraire que l'appartement avait été acheté "brut" et complété par des travaux à plus-value sur la base d'allégués tardifs de l'intimée. Le Tribunal s'est en effet fondé sur le prix de 512'000 fr. et n'a aucunement tenu compte de travaux en sus, se contentant de rappeler les déclarations de l'intimée à cet égard, dont il n'a du reste pas tenu compte dans son raisonnement. Dans ces conditions, il n'est pas utile d'examiner les divers arguments formulés par l'appelant en lien avec ces travaux, non pertinents en l'espèce.

2.2.2 L'appelant remet ensuite en cause l'origine des 10'000 fr. utilisés pour l'acquisition du bien immobilier. Il soutient qu'il n'est pas établi que cette somme provenait des donations de la mère de l'intimée et que celle-ci ne pouvait ainsi pas être considérée comme des biens propres.

Il conteste en particulier la valeur probante de l'attestation et du témoignage de L______. Ses doutes quant à l'origine de l'attestation ne sont toutefois pas objectivés. En effet, les difficultés éprouvées par la témoin pour se souvenir des dates lors de son audition par le Tribunal, alors qu'elle était âgée de 84 ans, ne suffisent pas à remettre en question le fait qu'elle l'a elle-même rédigée un an et demi auparavant. Il n'est en effet pas surprenant que la mémoire d'une personne âgée puisse décliner en l'espace d'un an et demi et les difficultés éprouvées par L______ ne concernait que les dates et la somme de 40'000 fr. Le reste de son témoignage est pour le surplus cohérent et confirme le contenu de l'attestation, sans qu'aucun élément du dossier ne permette de remettre en cause sa valeur probante. L'appelant ne saurait par ailleurs tirer un argument du fait que l'intimée n'a pas expressément allégué que sa mère avait rédigé l'attestation produite à titre de moyen de preuve, puisqu'il n'est pas exigé des parties qu'elles allèguent séparément chaque aspect et propriété d'un moyen de preuve, dont la force probante est appréciée lors du jugement.

L'évocation, par la témoin, de difficultés financières de l'intimée et le fait qu'il ne soit pas usuel qu'un parent souhaitant aider son enfant à acquérir un bien immobilier le fasse par la remise de plusieurs petites sommes régulières ne permettent pas de remettre en question le fait que les sommes remises avaient, à tout le moins partiellement, pour but l'acquisition d'un bien immobilier, étant précisé que la finalité des donations ne modifie en tout état pas leur nature de biens propres.

L'appelant reproche par ailleurs au Tribunal d'avoir considéré comme "crédible" que l'intimée assurait de manière prépondérante l'entretien de la famille et que sans l'aide financière de sa mère elle n'aurait pas eu les moyens d'acquérir un bien immobilier, alors qu'aucun élément du dossier ne permettait de retenir ce qui précède. Il fait valoir qu'il a toujours travaillé, ce qui ressort de sa déclaration fiscale 2016 et des suivantes ainsi que du jugement rendu sur mesures protectrices du 3 août 2018, dont il ressortait qu'il travaillait à plein temps pour un salaire mensuel net de l'ordre de 6'000 fr. Aucun élément ne permettait ainsi de considérer qu'il n'aurait pas participer aux charges du ménage.

Son grief est infondé. En effet, les pièces auxquelles il se réfère sont postérieures de plus de dix ans à l'achat du bien immobilier litigieux et ne démontrent pas que l'appelant travaillait et participait aux charges du ménage au moment de cette acquisition en septembre 2005 et auparavant. Quand bien même il y contribuait, il ressort du témoignage de L______ que sa fille peinait alors à "joindre les deux bouts" – ce que l'appelant ne remet pas en cause et considère lui-même comme établi (appel p. 10) –, de sorte qu'il peut être retenu que l'intégralité des revenus de l'intimée était absorbée par les charges courantes de la famille. Dans ces conditions, le Tribunal était fondé à retenir que l'intimée ne serait pas parvenue à économiser 10'000 fr. pour acquérir son bien immobilier sans les donations de sa mère.

L'appelant soulève en vain que les économies de 10'000 fr. pouvaient provenir des revenus de l'intimée, laquelle aurait utilisé les donations de sa mère pour subsister, et que ces sommes se seraient mélangées à ses avoirs. En effet, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, dans un tel cas, le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie amène à présumer que, pour couvrir les besoins courants du ménage, les époux n'entament pas la substance de leurs biens propres, de tels avoirs restant intacts ou étant affectés en priorité à des investissements extraordinaires. Dans la mesure où l'appelant n'a pas allégué de dépenses particulières que l'intimée aurait faites au moyen des donations de sa mère, la Cour, comme le Tribunal, considère comme suffisamment établi que la somme de 10'000 fr. que l'intimée est parvenue à épargner provenait des donations de sa mère, soit de ses biens propres.

L'origine de ces fonds est également corroborée par l'échange de courriels du 10 juillet 2016 entre les parties, dans lequel l'intimée évoque ce financement sans que l'appelant ne le conteste.

Le fait que L______ n'a pas pu confirmer que les sommes remises entre 2003 et 2007 et totalisant 40'000 fr. l'avaient été en vue de l'acquisition du bien immobilier n'est pas déterminant, de même que les déclarations de l'intimée selon lesquelles la somme de 40'000 fr. avait été utilisée pour l'entretien et la rénovation de l'appartement. En effet et indépendamment de la question de savoir si l'allégué précité a été formulé en temps utile ou a été prouvé, la mère de l'intimée lui a fait des donations totalisant 180'000 fr. entre 1993 et 2003, sur lesquels 10'000 fr. ont aisément pu être économisés en vue de l'acquisition du bien immobilier. Le fait que ces montants n'ont pas été versés au moment de l'acquisition mais antérieurement n'est pas pertinent, puisqu'il n'est pas établi, ni même allégué, que l'intimée aurait entièrement épuisé cette somme pour d'autres dépenses particulières, étant rappelé qu'il a été suffisamment établi que ses revenus étaient absorbés par les charges courantes.

Enfin, les raisons ayant motivé l'intimée à n'investir que 10'000 fr. au comptant sur les donations reçues ne sont pas de nature à modifier la qualification de cette somme en biens propres.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal était fondé à retenir que les 10'000 fr. utilisés par l'intimée pour l'acquisition de son appartement provenaient des donations de sa mère, soit de ses biens propres, et que ce bien n'était pas soumis au partage.

Partant, le chiffre 4 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé.

3.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 3'000 fr. (art. 30 et 35 RTFMC) et mis à la charge l'appelant, qui succombe entièrement (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés à due concurrence avec l'avance de frais de 6'000 fr. fournie par lui (art. 111 al. 1 CPC), dont le solde en 3'000 fr. lui sera restitué.

L'appelant sera en outre condamné à payer à l'intimée des dépens d'appel, arrêtés à la somme réclamée de 3'243 fr., débours et TVA compris, ce qui correspond à environ 7h d'activité d'un chef d'étude au tarif horaire de 400 à 450 fr. (Jacquemoud-Rossari, La taxation des honoraires de l'avocat, Défis de l'avocat au XXIe siècle, 2009, p. 302; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, 2009, n. 2972; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1026/2013 du 10 juin 2014 consid. 4.5 au sujet du tarif horaire d'un associé; ACJC/364/2022 du 15 mars 2022 consid. 3.3.1; ACJC/1685/2019 du 7 novembre 2019 consid. 2.1.2) et apparaît adéquat compte tenu de l'activité fournie par son conseil en appel, soit un unique mémoire de réponse de quinze pages (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 20, 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 31 mai 2024 par A______ contre le chiffre 4 du dispositif du jugement JTPI/5384/2024 rendu le 30 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3034/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais fournie par lui, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève à hauteur de 3'000 fr.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de l'avance de frais en 3'000 fr.

Condamne A______ à verser 3'243 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

La présidente :

Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.