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Décisions | Chambre civile

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C/18242/2023

ACJC/482/2025 du 08.04.2025 ( SCC ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18242/2023 ACJC/482/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 8 AVRIL 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France, recourant contre une ordonnance rendue par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 octobre 2024, représenté par Me Nathalie TORRENT, avocate, Lawffice SA, rue Général-Dufour 22, case postale 315, 1211 Genève 4,

et

1) Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Aude LONGET-CORNUZ, avocate, LBR Legal, rue Verdaine 13, case postale 3231, 1211 Genève 3,

2) La mineure C______, domiciliée chez sa mère, Madame B______, ______ [GE], autre intimée, représentée par son curateur, Me D______, avocat,

 

 

 


EN FAIT

A.           a. L'enfant C______, née le ______ 2017, est issue de la relation nouée entre A______, né le ______ 1972, et B______, née le ______ 1979.

b. Les parents s'opposent au sujet de la garde, du droit de visite et de l'entretien de leur fille.

c. Alors tous deux domiciliés à E______ [France], ils avaient conclu une convention d'accord, non homologuée, aux termes de laquelle ils avaient convenu notamment de fixer la résidence de l'enfant chez la mère et des droits de visite et d'hébergement élargis chez le père.

d. En été 2020, B______ a déménagé à Genève, celle-ci ayant obtenu un emploi [auprès de] F______.

e. Par jugement du 27 octobre 2020, le Tribunal judiciaire de E______ a attribué la garde de l'enfant à la mère, octroyé un droit aux relations personnelles entre l'enfant et le père, devant s'exercer notamment à E______ les 1er, 3ème et 5ème week-ends de chaque mois ainsi qu'une partie des vacances, et fixé une contribution d'entretien en faveur de l'enfant à charge du père.

f. Ce jugement a été confirmé par arrêt du 26 janvier 2023 par la Cour d'appel de E______.

g. Par requête déposée en conciliation le 28 août 2023, déclarée non conciliée le 13 novembre 2023 et introduit au Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le 29 janvier 2024, B______ a sollicité, sur mesures provisionnelles et au fond, la modification du droit de visite du père sur l'enfant C______ et de la contribution d'entretien fixée en faveur de cette dernière mise à la charge de A______.

h. Le 2 septembre 2024, après avoir entendu C______, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP) a rendu un rapport d'évaluation à teneur duquel il préconisait le maintien de la garde auprès de la mère et la modification des relations personnelles entre C______ et le père. Il a notamment recommandé que le droit de visite s'exerce un week-end par mois aux alentours de Genève et un week-end par mois à E______, au domicile du père. Les conclusions du rapport ont été communiquées aux parties le même jour.

i. Par courrier du lendemain, A______ a sollicité du Tribunal qu'il ordonne au SEASP l'établissement d'un rapport complémentaire, estimant que celui du 2 septembre 2024 ne prenait pas en compte des faits importants, à savoir la volonté de C______ et les besoins de stabilité de celle-ci. Il a conclu à ce que la garde de l'enfant lui soit attribuée et qu'un droit de visite sur celle-ci soit réservé à la mère.

j. Par ordonnance du 3 octobre 2024, le Tribunal a notamment transmis le rapport du SEASP du 2 septembre 2024 aux parties, refusé d'ordonner au SEASP d'établir un complément au rapport soulignant qu'aucun fait nouveau n'était intervenu depuis la reddition de celui-ci, cité les parties à une audience de débats principaux et plaidoiries finales devant se tenir le 25 novembre 2024 et invité les parties à produire dix jours avant l'audience toutes les pièces actualisant leurs situations financières.

k. Le 21 octobre 2024, A______ a déposé des déterminations spontanées accompagnées de pièces.

B.            Par ordonnance du 24 octobre 2024, notifiée à A______ le lendemain, le Tribunal a déclaré irrecevable l'écriture spontanée de celui-ci datée du 21 octobre 2024, ordonné sa restitution à son auteur, transmis à C______ et à B______ le chargé de pièces de A______ du 21 octobre 2024 et imparti aux parties un délai au 6 novembre 2024 pour se déterminer sur la nomination d'un curateur de représentation de la mineure.

Le Tribunal a considéré que l'écriture spontanée de A______ du 21 octobre 2024 constituait une sorte de recours contre son ordonnance du 3 octobre 2024 et qu'elle ne s'inscrivait dans aucun échange d'écritures ordonné par lui. L'écriture précitée devait donc lui être restituée, mais pas les pièces qui l'accompagnaient. A______ aurait l'occasion de s'exprimer lors de l'audience de débats principaux et de plaidoiries finales du 25 novembre 2024.

C.           a. Par acte déposé le 4 novembre 2024 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé recours contre cette ordonnance, concluant à son annulation, avec suite de frais.

Cela fait, il conclut à ce que la Cour déclare recevable son écriture spontanée du 21 octobre 2024 et ordonne qu'un complément du rapport d'évaluation sociale du SEASP du 2 septembre 2024 soit établi. Subsidiairement, il conclut à ce que la Cour enjoigne le Tribunal à statuer, sans délai et préalablement à toute autre démarche, sur le complément du rapport d'évaluation sociale du SEASP du 2 septembre 2024.

Il a produit de nouvelles pièces.

b. Par arrêt ACJC/1462/2024 du 20 novembre 2024, la Cour a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, la requête formée par A______ tendant à suspendre à titre préalable la procédure C/18242/2023 et dit qu'il serait statué sur les frais liés à la décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

c. Dans sa réponse, B______ conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, sur la forme, à ce que la Cour déclare irrecevable le recours formé par A______ le 4 novembre 2024, ainsi que la pièce 7 qu'il a produite. Sur le fond, elle conclut à ce que la Cour déboute A______ de toutes ses conclusions et confirme l'ordonnance querellée.

d. Par courriers du greffe de la Cour du 17 décembre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le jugement attaqué ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure de recours demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.1 Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent pas faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC) et contre les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (ch. 2).

Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 319 CPC; Freiburghaus/Afheldt, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 11
ad art. 319 CPC).

La Cour doit examiner d'office les conditions de la recevabilité (art. 60 CPC).

1.1.1 La notion de préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b al. 2 CPC est plus large que celle de préjudice irréparable consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Ainsi, elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (Colombini, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (ATF 137 III 380 consid. 1.2.1; 134 III 188 consid. 2.2; Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 4ème éd. 2024, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).

Le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi qu'à l'occasion d'un recours sur le fond n'est pas suffisant pour retenir que la décision attaquée est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable. Admettre le contraire reviendrait en effet à permettre au plaideur de contester immédiatement toute mesure d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a précisément voulu éviter. Ainsi, les ordonnances de preuve et les refus d'ordonner une preuve doivent en règle générale être contestés dans le cadre du recours ou de l'appel contre la décision finale (Colombini, op. cit., n. 4.3.1 et 4.3.2 ad art. 319 CPC).

Est irrecevable, faute de préjudice difficilement réparable, le recours contre une décision refusant d'ordonner une expertise pédopsychiatrique ou une deuxième expertise, le recourant conservant la possibilité de contester la valeur probante de l'expertise dans le cadre de la procédure au fond (Colombini, op. cit., n. 4.4.12
ad art. 319 CPC). L'éventuel allongement de la procédure résultant du refus d'expertise ne constitue en principe pas un préjudice difficilement réparable
(arrêt du Tribunal fédéral 5A_1051/2020 du 28 avril 2021 consid. 1.1).

Lorsque la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la décision incidente ne pourra être attaquée qu'avec le jugement rendu au fond (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir le risque que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Haldy, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 9
ad art. 126 CPC).

1.1.2 En l'espèce, en tant qu'elle porte sur l'administration de moyens de preuves, l'ordonnance querellée constitue une ordonnance d'instruction. Ainsi, la recevabilité du recours est soumise à la condition qu'elle cause un préjudice difficilement réparable.

Le recourant échoue dans sa démonstration de cette condition. En effet, se référant à l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_1051/2020 précité, il soutient qu'en matière de droit de la famille, le refus d'ordonner une expertise portant sur l'enfant causerait un préjudice difficilement réparable. Or, cet arrêt s'est penché sur un cas de figure différent de celui qui occupe la présente procédure de recours puisqu'il n'a fait que constater que le fait d'ordonner une expertise ou un complément d'expertise – qui crée une situation irréversible – causait un préjudice difficilement réparable, mais il ne s'est pas prononcé sur la situation inverse, à savoir si le refus d'en ordonner une causait également un tel préjudice. Dans le cas d'espèce, le Tribunal a refusé d'ordonner au SEASP l'établissement d'un complément à son rapport d'évaluation sociale du 2 septembre 2024 et les explications du recourant ne permettent pas de considérer que cette décision lui causerait un préjudice difficilement réparable. En effet, la demande du recourant tendant à l'établissement d'un complément au rapport du SEASP du 2 septembre 2024 constitue en réalité une critique de
celui-ci. Or, le recourant aura la possibilité, s'il s'y estime fondé, de développer ses arguments dans le cadre des plaidoiries finales devant le Tribunal, étant souligné qu'il incombera à ce dernier d'apprécier la force probante de ce rapport au moment de rendre son jugement au fond. Il en va de même des éléments figurant dans ses déterminations du 21 octobre 2024, qualifiées par le Tribunal de "recours" contre sa décision de ne pas solliciter un complément au rapport du SEASP et déclarées irrecevables par le Tribunal, de sorte que le préjudice difficilement réparable n'est pas démontré à cet égard également.

En outre, à supposer que le jugement à intervenir lui soit défavorable, le recourant pourra encore requérir, dans le cadre d'un éventuel appel, l'administration de preuves par la Cour (art. 316 al. 3 CPC), le complètement de l'état de fait ou le renvoi de la cause au Tribunal pour instruction complémentaire (art. 318 al. 1 let. c CPC).

Aucune raison ne justifie ainsi in casu de s'écarter du principe selon lequel les ordonnances de preuve doivent en règle générale être contestées dans le cadre du recours ou de l'appel contre la décision finale.

Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable.

2. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires du recours, arrêtés à 1'200 fr. et compensés avec l'avance versée par ses soins, laquelle restera acquise à l'Etat de Genève (106 al. 1 et 111 al. 1 CPC; art. 41 RTFMC).

Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie gardera ses propres dépens à sa charge (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 4 novembre 2024 par A______ contre l'ordonnance rendue le 24 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18242/2023.

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'200 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais de même montant versée par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.