Décisions | Chambre civile
ACJC/1324/2024 du 15.10.2024 sur JTPI/11843/2023 ( OO ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/8432/2022 ACJC/1324/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 15 OCTOBRE 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 octobre 2023 et intimé sur appel joint, représenté par Me Stéphane REY, avocat, rue Michel-Chauvet 3, case postale 477, 1211 Genève 12,
et
Madame B______, domiciliée ______, intimée et appelante sur appel joint, représentée par Me Daniela LINHARES, avocate, MALBUISSON Avocats, galerie Jean-Malbuisson 15, case postale 1648, 1211 Genève 1.
A. Par jugement JTPI/11843/2023 du 16 octobre 2023, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a prononcé le divorce de B______ et de A______ (chiffre 1 du dispositif), attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal avec les droits et les obligations résultant du contrat de bail y relatifs (ch. 2), condamné A______ à verser à B______, par mois et d'avance, une contribution à son entretien de 2'000 fr. jusqu'au 31 décembre 2027, de 1'500 fr. jusqu'au 31 décembre 2029, de 1'000 fr. jusqu'au 31 décembre 2031 et de 500 fr. jusqu'au 31 décembre 2033 (ch. 3), et condamné A______ à reprendre le contrat de prêt n° 1______ contracté par B______ auprès de [la banque] C______ (ch. 4). Il a donné acte aux parties de ce qu'elles avaient convenu de se partager par moitié la totalité de leurs avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage et ordonné en conséquence à la caisse de prévoyance de A______, soit D______, [à l'adresse] ______, de prélever la somme de 40'192 fr. 55 du compte de libre passage de A______, AVS n° 2______, et de la transférer sur le compte de libre passage de B______ auprès de la Fondation collective LPP E______, [à l'adresse] ______, AVS n° 3______ (ch. 5). Il a arrêté les frais judiciaires à 3'000 fr., les a mis à la charge des parties par moitié chacune, compensé la part de A______ avec l'avance de 1'500 fr. qu'il a versée et dit que la part de B______ serait laissée à la charge de l'Etat, sauf décision contraire de l'assistance juridique (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).
B. a. Par acte déposé le 17 novembre 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement, qu'il a reçu le 18 octobre 2023. Il a conclu à l'annulation des chiffres 3, 4 et 8 de son dispositif et, cela fait, à ce qu'il soit dit qu'aucune contribution d'entretien post-divorce n'était due, que le régime matrimonial antérieur des époux était considéré comme liquidé et que les parties n'avaient plus aucune prétention financière réciproque à quelque titre que ce soit, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Il a conclu, préalablement, au retrait de l'effet suspensif de son appel au chiffre 3 précité.
b. Par arrêt ACJC/40/2024 du 15 janvier 2024, la Cour a rejeté la requête et dit qu'il serait statué sur les frais liés à sa décision dans l'arrêt au fond.
c. Dans sa réponse du 2 février 2024, B______ a conclu au rejet de l'appel formé par A______.
Elle a également formé appel joint et conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens d'appel, à l'annulation du chiffre 8 du dispositif du jugement et, cela fait, à ce que A______ soit condamné à lui verser les arriérés de contribution d'entretien pour les mois d'avril à décembre 2020, s'élevant à 12'300 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 21 janvier 2021, le jugement devant être confirmé pour le surplus.
d. A______ a répliqué sur appel principal, persistant dans ses conclusions. Il a par ailleurs conclu au rejet de l'appel joint.
e. Dans leurs écritures ultérieures, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.
f. Par avis du 18 juin 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :
a. B______, née le ______ 1972, et A______, né le ______ 1980, tous deux de nationalité portugaise, se sont mariés le ______ 2000 à F______ (Portugal), sans conclure de contrat de mariage.
Ils sont les parents de G______, né le ______ 2002, aujourd'hui majeur.
b. Les parties vivent séparées depuis le 30 mars 2020. Les modalités de leur vie séparée ont été réglées par un jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du Tribunal du 19 juin 2020 et un arrêt de la Cour du 13 octobre 2020.
Dans le cadre de cette procédure, la séparation de biens des époux a été prononcée avec effet au jour du dépôt de la requête, le 18 décembre 2019. A______ a été condamné à verser à B______, jusqu'en novembre 2020, la somme de 620 fr. par mois, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de G______, ainsi que la somme de 2'800 fr. d'avril à juin 2020, puis 2'300 fr. dès juillet 2020 à titre de contribution à l'entretien de son épouse.
La Cour a notamment considéré qu'il était vraisemblable que l'appelant n'exerçait plus d'activité rémunérée pour le compte de la société H______ Sàrl, tout en rappelant qu'il n'avait pas rendu vraisemblable que les HUG auraient considéré cette activité comme étant incompatible avec son emploi.
c. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2022, A______ a formé une demande unilatérale en divorce, qu'il a assortie d'une requête de mesures provisionnelles tendant à diminuer à 895 fr. par mois la contribution d'entretien due à son épouse, ce qui lui a été refusé par le Tribunal par ordonnance du 5 septembre 2022.
Au fond, il a notamment conclu à ce qu'il soit dit qu'aucune contribution d'entretien post-divorce n'était due et à ce qu'il soit donné acte aux parties de ce qu'elles considéraient leur régime matrimonial antérieur comme liquidé.
d. Dans sa réponse du 5 septembre 2022, B______ a conclu, s'agissant des points encore litigieux en appel, à ce que A______ soit condamné à lui verser une contribution pour son propre entretien de 2'000 fr. jusqu'au 31 décembre 2027, 1'500 fr. jusqu'au 31 décembre 2029, 1'000 fr. jusqu'au 31 décembre 2031 et 500 fr. jusqu'au 31 décembre 2033, ainsi qu'une somme de 12'300 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 21 janvier 2021 au titre d'arriérés de contribution d'entretien et, sur liquidation du régime matrimonial, à ce qu’il soit condamné à reprendre le crédit auprès de [la banque] C______ contracté à son nom.
e. Dans leurs dernières écritures, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.
D. Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu que B______ avait travaillé à 100 % jusqu'en 2003 et était depuis lors au bénéfice d'une rente entière de l'assurance invalidité (AI) de 578 fr., ainsi que d'une rente LPP de 983 fr. 35, soit 1'561 fr. 35 par mois au total. Son entretien convenable selon le minimum vital du droit de la famille a été fixé à 3'964 fr. 15, étant précisé que le Tribunal n'a pas pris en compte le montant du crédit à rembourser auprès de C______. Le déficit de B______ s'élevait à 2'402 fr. 80. Au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité, on ne pouvait exiger d'elle qu'elle réalisât d'autres revenus.
A______ réalisait un revenu net moyen de 6'700 fr. en tant qu'employé à 100% au sein du service des bâtiments I______ auquel s'ajoutait une rémunération de 335 fr. par mois en tant que sapeur-pompier volontaire de [la commune de] J______ [GE]. Ses relevés de comptes bancaires mettaient en évidence qu'il percevait des revenus supplémentaires à hauteur de 2'000 fr. par mois à tout le moins, provenant d'une activité lucrative complémentaire, vraisemblablement en lien avec la société H______ Sàrl. Le Tribunal a admis le montant des charges allégué par A______, à hauteur de 5'795 fr. 85, de même que le disponible mensuel allégué de 1'089 fr. 24. Compte tenu des revenus supplémentaires précités, A______ était en mesure de prendre financièrement à sa charge la contribution d'entretien post-divorce réclamée par son épouse, de sorte qu'il convenait de faire droit aux conclusions de cette dernière.
Le mariage avait créé une position de confiance pour B______. Non seulement le mariage avait duré plus de 10 ans, mais l'épouse avait cessé toute activité professionnelle à la naissance du fils du couple en 2002 et était au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité depuis 2003. Elle s'était alors consacrée à l'éducation de son fils et à l'entretien du ménage. A______ avait assuré l'entretien de toute la famille grâce à des revenus plus que suffisants. Cette situation avait perduré pendant de nombreuses années et ne pouvait être que le fruit d'une décision du couple.
S'agissant de la liquidation du régime matrimonial, chacun des deux époux avait contracté un prêt auprès de C______ et A______ avait réglé les traites des deux prêts jusqu'en octobre 2020. Plusieurs éléments venaient démontrer que le prêt au nom de B______ l'avait été en réalité au profit de A______ pour financer sa société H______ Sàrl. Partant, A______ a été condamné à reprendre le crédit à son nom. Le Tribunal a encore relevé que la conclusion de B______ relative à la reprise du crédit par son époux était recevable dans la mesure où elle ne tendait pas au paiement d'une somme d'argent et ne pouvait, par définition, être chiffrée.
Enfin, le premier juge a considéré qu'il n'y avait pas lieu de condamner une seconde fois A______ à payer les arriérés de contributions d'entretien, dans la mesure où ces dernières avaient déjà été fixées judiciairement, l'arrêt sur mesures protectrices de l'union conjugale du 13 octobre 2020 constituant un titre de mainlevée définitive suffisant dans le cadre de la procédure de recouvrement.
E. S'agissant des points encore litigieux en appel, les éléments pertinents suivants résultent encore de la procédure:
a. De novembre 2017 jusqu'au 15 juillet 2020, A______ a été inscrit au Registre du commerce en tant qu'associé-gérant de la société H______ Sàrl, dont l'unique organe est désormais G______, le fils majeur des parties. Après le 15 juillet 2020, A______ a encore perçu quatre versements de la part de cette société sur son compte personnel K______ 4______ (ci-après "le compte K______"), soit 970 fr. le 24 novembre 2020, 2'428 fr. le 11 décembre 2020, 1'700 fr. le 6 janvier 2021 et 7'000 fr. le 11 janvier 2021.
b. B______ a allégué, sans être contredite, que ses problèmes de santé avaient été déclenchés par sa grossesse en 2002. Il lui avait été diagnostiquée une fibromyalgie, des problèmes d'articulations, des problèmes dans le sang, notamment une anémie qui ne pouvait être guérie, ainsi que des lésions dans la colonne vertébrale. Les nerfs de la colonne vertébrale du côté gauche ne fonctionnaient qu'à 50%, ce qui provoquait une paralysie fréquente du côté gauche. Elle souffrait en outre de dépression.
c. Il ressort des relevés du compte L______ 5______ de A______ qu'un montant d'environ 2'000 fr. (compris entre 1'900 fr. et 2'300 fr.) a été déposé chaque mois, entre le 3 janvier 2020 et le 6 octobre 2022, au guichet [de la banque] L______.
Les extraits de son compte K______ pour la même période n'indiquent aucun prélèvement ou transfert d'un montant de 2'000 fr., à l'exception d'un retrait isolé au bancomat pour ledit montant effectué le 5 mars 2022.
d. Un crédit auprès de C______ d'un montant de 40'000 fr. a été contracté par B______ le 13 juillet 2017, remboursable à la banque par mensualités successives de 841 fr. 40 auxquelles s'ajoute la prime mensuelle d'assurance de 88 fr. 55, soit un total de 929 fr. 95.
e. Il résulte des relevés du compte K______ de A______, que ce dernier s'est acquitté, en 2019, de mensualités dudit crédit par des versements d'un montant de 929 fr. 95 en faveur de C______.
Il résulte des mêmes relevés bancaires qu'il s'est acquitté, durant la même période, d'autres versements mensuels (661 fr. 25, 918 fr. 70 et 735 fr. 85) en faveur de C______.
1. 1.1 Le jugement querellé est une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale, dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). La voie de l'appel est ainsi ouverte.
1.2 Interjeté dans le délai et les formes prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC) auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), l'appel est recevable.
Sont également recevables l'appel joint déposé avec la réponse sur appel principal (art. 312 al. 1 et 2 et 313 al. 1 CPC) et les écritures subséquentes des parties (art. 316 al. 2 CPC).
Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties, A______ sera désigné comme l'appelant et B______ comme l'intimée.
1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4;
138 III 374 consid. 4.3.1).
Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).
1.4 La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables à la présente cause en tant qu'elle concerne la contribution d'entretien de l'époux et la liquidation du régime matrimonial (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 277 al. 1 CPC).
1.5 En application du principe de la force de chose jugée partielle instituée par l'art. 315 al. 1 CPC, la Cour peut revoir uniquement celles des dispositions du jugement entrepris qui sont remises en cause en appel, à la seule exception du cas visé par l'art. 282 al. 2 CPC, non réalisé en l'occurrence.
Dès lors, les chiffres 1, 2 et 5 du dispositif du jugement entrepris, non remis en cause par les parties, sont entrés en force de chose jugée. Les chiffres 6 et 7 relatifs aux frais pourront être revus d'office en cas d'annulation de tout ou partie du jugement entrepris (art. 318 al. 3 CPC).
2. Dans le cadre du règlement des dettes entre époux, l'appelant reproche au Tribunal de l'avoir condamné à reprendre à son nom le contrat de prêt conclu au nom de l'intimée auprès de C______.
2.1.1 Les époux sont placés sous le régime de la participation aux acquêts, à moins qu'ils aient adopté un autre régime par contrat de mariage ou qu'ils ne soient soumis au régime matrimonial extraordinaire (art. 181 CC). Le régime est dissous au jour du décès d’un époux ou au jour du contrat adoptant un autre régime (art. 204 al. 1 CC). S’il y a notamment séparation de corps ou séparation de biens judiciaire, la dissolution du régime rétroagit au jour de la demande (art. 204 al. 2 CC)
2.1.2 Les acquêts et les biens propres de chaque époux sont disjoints dans leur composition au jour de la dissolution du régime (art. 207 al. 1 CC).
Une dette grève la masse avec laquelle elle est en rapport de connexité ou, dans le doute, les acquêts (art. 209 al. 2 CC).
Les époux règlent leurs dettes réciproques (art. 205 al. 3 CC), y compris les arriérés de contributions d'entretien qui doivent être inclus dans le règlement lors de la dissolution du régime matrimonial (arrêts du Tribunal fédéral 5A_690/2012 du 26 mars 2013 consid. 4; 5A_803/2010 du 3 décembre 2010 consid. 3.2.1). En principe, un époux a la charge, dans les rapports internes, des dettes dont il est débiteur dans les rapports externes; peu importe le fondement de la dette ou le fait que celle-ci ait pris naissance avant ou pendant le régime. Il faut cependant réserver le cas où un époux doit prendre en charge certaines dettes à titre interne, dans le cadre du devoir d'entretien de la famille au sens de l'art. 163 CC, en particulier en tenant compte de la répartition des tâches convenues entre les époux (Deschenaux/Steinauer/Baddeley, Les effets du mariage, 2017, n° 1105 et 1105a).
2.1.3 Aux termes de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
2.2.1 En l'espèce, il est acquis que les parties, qui n'avaient pas conclu de contrat de mariage, ont été soumises au régime légal de la participation aux acquêts (art. 181 CC) jusqu'au 18 décembre 2019, date à laquelle la séparation de biens a été ordonnée (art. 204 al. 2 CC).
D'un point de vue externe, l'intimée est seule débitrice du prêt auprès de l'organisme C______. Il n'y a pas eu d'accord interne écrit sur la prise en charge de la dette. Le fait que l'intimée ait contracté ce prêt en 2017, soit l'année où l'appelant a repris la société H______ Sàrl, ne suffit pas à établir un lien entre le prêt et l'achat des parts de ladite société. En effet, il n'existe pas de preuve d'un éventuel transfert d'argent du compte de l'intimée ayant reçu l'emprunt en faveur d'un compte de l'appelant sur lequel aurait été versé le montant du prêt. De plus, le fait que quatre mois séparent la conclusion du prêt effectuée le 13 juillet 2017 et la reprise de la société, intervenue dans le courant du mois de novembre 2017, et que le montant du prêt de 40'000 fr. ne corresponde pas au montant du capital de la société H______ Sàrl s'élevant à 20'000 fr., tend à soutenir l'absence de corrélation entre le prêt et son usage pour la société. Par ailleurs, le fait que l'appelant ait réglé les mensualités relatives au prêt jusqu'en octobre 2020 ne suffit pas à prouver que ce dernier aurait utilisé le montant du prêt à son seul bénéfice, dans la mesure où l'intimée n'avait aucun revenu et que l'appelant assurait l'entretien de toute la famille.
L'intimée n'a donc pas établi que le prêt conclu à son nom constituerait une dette de l'appelant. Le prêt doit dès lors être considéré comme une dette grevant les acquêts de l'intimée, ce qui n'a pas d'incidence sur la liquidation du régime matrimonial, dès lors qu'il est fait abstraction du déficit (art. 210 al. 2 CC).
Par conséquent, le jugement sera annulé en tant qu'il condamne l'appelant à reprendre le contrat de prêt n° 1______ contracté par son épouse auprès de C______.
Par ailleurs, on peut s'interroger sur la recevabilité de la conclusion non chiffrée de l'intimée qui voudrait que l'on puisse imposer à C______ un changement de cocontractant.
2.2.2 S'agissant des arriérés de contribution d'entretien pour la période de juin 2020 à janvier 2021, l'intimée soutient qu'ils font partie des dettes réciproques au sens de l'article 205 al. 3 CC et doivent ainsi être prises en considération lors de la liquidation du régime matrimonial. Or, elle perd de vue que ces arriérés d'un montant de 12'300 fr. se rapportent à la période allant d'avril à décembre 2020, soit des mensualités postérieures à la séparation des biens ordonnée avec effet au 18 décembre 2019 (arrêt du Tribunal fédéral 5D_169/2015 du 4 février 2016 consid. 4.3). Par conséquent, ils ne doivent pas être pris en considération dans la liquidation du régime
L'intimée n'est donc pas fondée à réclamer la condamnation de l'appelant au paiement de ces arriérés dans le cadre de la présente procédure, étant précisé qu'elle est déjà au bénéfice d'un jugement exécutoire, comme l'a rappelé à juste titre le Tribunal.
3. L'appelant reproche au Tribunal de l'avoir condamné à verser une contribution d'entretien en faveur de l'intimée. Il lui fait grief, d'une part, d'avoir considéré que les conditions pour la fixation d'une contribution d'entretien post-divorce étaient réalisées et, d'autre part, d'avoir établi de manière erronée ses revenus.
3.1.1 Aux termes de l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit une contribution équitable. Dans son principe, comme dans son montant et sa durée, l'obligation d'entretien doit être fixée en tenant compte des éléments énumérés de façon non exhaustive à l'art. 125 al. 2 CC (ATF 147 III 249 consid. 3.4.2 et les références; 138 III 289 consid. 11.1.2), notamment en considération de l'âge et de l'état de santé des époux (art. 125 al. 2 ch. 4 CC).
Cette disposition concrétise deux principes: d'une part, celui de l'indépendance économique des époux après le divorce, qui postule que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit désormais subvenir à ses propres besoins; d'autre part, celui de la solidarité, qui implique que les époux doivent supporter en commun non seulement les conséquences de la répartition des tâches convenue durant le mariage (art. 163 al. 2 CC), mais également les désavantages qui ont été occasionnés à l'un d'eux par l'union et qui l'empêchent de pourvoir à son entretien (ATF 137 III 102 consid. 4.1.1; 132 III 598 consid. 9.1).
3.1.2 Lorsque l'union conjugale a durablement marqué de son empreinte la situation de l'époux bénéficiaire ("lebensprägende Ehe"), le principe est que le standard de vie choisi d'un commun accord durant la vie commune doit être maintenu pour les deux parties dans la mesure où leur situation financière le permet (art. 125 al. 2 ch. 3 CC; ATF 147 III 249 consid. 3.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_312/2023 du 30 avril 2024 consid. 3.1). Dans cette hypothèse, on admet en effet que la confiance placée par l'époux créancier dans la continuité du mariage et dans le maintien de la répartition des rôles, convenue librement par les conjoints, mérite objectivement d'être protégée (ATF 147 III 249 consid. 3.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_312/2023 précité consid. 3.1).
Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a précisé la notion de mariage ayant un impact décisif sur la vie, retenant en particulier que les présomptions abstraites, notamment de durée, qui plaidaient jusqu'ici en faveur d'un tel mariage doivent être relativisées et n'ont pas de portée absolue (ATF 148 III 161 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_312/2023 précité consid. 3.1 et les arrêts cités). Les circonstances du cas particulier (renonciation à l'indépendance financière, éducation des enfants, durée du mariage, possibilité de retrouver l'indépendance financière et d'autres "finanzielle Absicherungen") sont déterminantes pour la fixation d'une éventuelle contribution d'entretien, tout comme pour l'éventuelle qualification d'un mariage "lebensprägend"
(ATF 147 III 249 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1036/2021 du 23 septembre 2022 consid. 3.2.2).
Un mariage doit en tout cas être considéré comme ayant marqué l'existence de l'époux lorsque, sur la base d'un projet de vie commun, l'un des époux a renoncé à son indépendance économique au profit de l'entretien du ménage et de la garde des enfants et qu'il ne lui est plus possible, après de longues années de mariage, d'exercer son ancienne activité ou d'exercer une autre activité lucrative offrant des perspectives économiques équivalentes, alors que l'autre époux a pu se concentrer sur son avancement professionnel compte tenu de la répartition des tâches conjugales (ATF 148 III 161 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1036/2021 précité consid. 3.2.2).
Selon la jurisprudence, si l'état de santé d'un époux se détériore durant l'union conjugale et que celle-ci a durablement marqué de son empreinte la situation de cet époux, l'atteinte à la santé doit être prise en considération, même si elle est sans lien avec le mariage. Le principe de solidarité implique en effet que les conjoints sont responsables l'un envers l'autre non seulement des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage a pu avoir sur la capacité de gain de l'un des époux, mais aussi des autres motifs qui empêcheraient celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien, tels que la maladie ou l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral 5A_1008/2017 du 7 mars 2018; 5A_1036/2021 précité consid. 3.2.3 et les références citées). Il n'a pas retenu le droit à une contribution d'entretien dans le cas où l'époux avait travaillé à temps plein toute la durée du mariage et était devenu invalide un an avant la séparation. Dans cet arrêt, il a précisé qu'il convenait de déterminer préalablement si le mariage avait eu un impact sur la situation de l'époux puis, dans un deuxième temps, de tenir compte de son état de santé. Dans le cas où le mariage n'avait pas eu d'impact décisif sur la vie de l'époux atteint dans sa santé, la solidarité après divorce ne pouvait s'appliquer que si l'atteinte avait été causée par le mariage (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1036/2021 du 23 septembre 2022 consid. 3.3).
3.2.1 En l'espèce, l'appelant n'a pas contesté l'allégation de l'intimée selon laquelle les problèmes de santé ont été déclenchés par sa grossesse en 2002. Ce fait doit donc être admis (art. 150 al. 1 CPC). Il n'est également pas contesté que l'intimée est totalement incapable de travailler.
Ainsi, il y a lieu de retenir que l'atteinte à la santé de l'intimée "a été causée par le mariage" dans la mesure où elle découle de la grossesse de l'intimée et donc du projet, a priori commun du couple, d'avoir un enfant.
Il n'y a donc pas besoin de déterminer si le mariage était "lebensprägend" puisque l'invalidité étant en lien avec le mariage, le principe de solidarité trouve application. L'intimée est donc en droit de prétendre au versement d'une contribution d'entretien.
3.2.2 L'appelant reproche au Tribunal d'avoir retenu qu'il réalisait des revenus complémentaires de l'ordre de 2'000 fr. par mois, en sus de son activité au sein du service des bâtiments I______ et de son activité de sapeur-pompier de J______.
Les relevés du compte L______ pour les années 2020 à 2022 indiquent que l'appelant perçoit chaque mois un montant de l'ordre de 2'000 fr.
Les relevés du compte K______ pour la même période n'indiquent pas de prélèvements systématiques pour un montant correspondant, excluant toute corrélation entre les opérations sur ces deux comptes. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, rien ne permet de retenir qu'il retirait de l'argent sur son compte K______ pour alimenter son compte L______.
L'appelant fait valoir qu'il avait dû renoncer à toute activité accessoire dans le cadre de ses anciennes sociétés, ce qui avait été constaté par les juges de la séparation. Il importe peu que ce revenu de 2'000 fr. par mois provienne de la société H______ Sàrl comme l'a supposé le Tribunal notamment compte tenu des versements reçus de cette société après que l'appelant a quitté ses fonctions d'organe au 15 juillet 2020, ou d'ailleurs. Il s'agit d'un revenu régulier de l'appelant qui a pour effet d'augmenter son disponible mensuel, qui passe de 1'089 fr. 24 à 3'089 fr. 24, et lui permet de prendre financièrement en charge la contribution d'entretien post-divorce réclamée par l'intimée.
Le premier juge ayant condamné l'appelant à reprendre le contrat de prêt, il n'a pas tenu compte du remboursement des mensualités dans les charges de l'intimée. Cela étant, puisque l'intimée a conclu à la confirmation du jugement en tant qu'il porte sur le montant de la contribution d'entretien en sa faveur et qu'il ne peut être statué ultra petita, il n'y a pas lieu de revoir l'état des charges de l'intimée.
Les autres éléments de revenus et de charges n'étant pas contestés, le chiffre 3 du dispositif du jugement sera confirmé.
4. 4.1. Selon l'art. 106 CPC, les frais sont mis à la charge de la partie succombante (al. 1) ou, lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, selon le sort de la cause (al. 2). Le juge peut néanmoins s'écarter de ces règles et répartir les frais selon sa libre appréciation lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).
4.2. En l'espèce, les frais judiciaires d'appel et d'appel joint seront arrêtés à 2'000 fr. et ceux relatifs à la procédure sur effet suspensif à 200 fr. (art. 30 et 35 RTFMC). Aucune des parties n'ayant obtenu gain de cause et vu la nature du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties (art. 95, 104 al. 1, 105, 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC).
La part des frais de l'appelant, de 1'100 fr., sera compensée avec l'avance de frais versée par celui-ci, de 1'200 fr., laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Il sera par ailleurs ordonné à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer à l'appelant la somme de 100 fr. La part de l'intimée, au bénéfice de l'assistance judiciaire, sera provisoirement laissée à la charge de l'Etat, étant rappelé que les bénéficiaires de l'assistance judiciaire sont tenus au remboursement des frais judiciaires mis à la charge de l'Etat dans la mesure de l'art. 123 CPC (art. 19 RAJ).
Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 17 novembre 2023 par A______ contre les chiffres 3, 4 et 8 du dispositif du jugement JTPI/11843/2023 rendu le 16 octobre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8432/2022.
Déclare recevable l'appel joint interjeté le 2 février 2024 par B______ contre le chiffre 8 du dispositif de ce même jugement.
Au fond :
Annule le chiffre 4 du jugement attaqué.
Confirme le jugement attaqué pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'200 fr. et les met à la charge des parties pour moitié chacune et compense la part de A______ avec l'avance fournie par lui, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.
Invite l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à restituer la somme de 100 fr. à A______.
Laisse provisoirement la part des frais de B______ de 1'100 fr. à la charge de l'Etat de Genève.
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.
Siégeant
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.