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Décisions | Chambre civile

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C/13570/2021

ACJC/455/2024 du 08.04.2024 sur JTPI/7384/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13570/2021 ACJC/455/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 8 AVRIL 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 juin 2023, représentée par
Me Lucien FENIELLO, avocat, Budin & Associés, rue De-Candolle 17, case
postale 166, 1211 Genève 12,

et

B______ SA, sise ______, intimée, représentée par Me Yama SANGIN, avocat, Lexpro, rue Rodolphe-Toepffer 8, 1206 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7384/2023 du 22 juin 2023, communiqué pour notification aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté A______ SA des fins de sa demande (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 10'200 fr., mis à la charge de A______ SA et compensés avec les avances versées par cette dernière (ch. 2), condamné A______ SA à verser à B______ SA la somme de 17'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

En substance, il a considéré que les parties, respectivement leurs administrateurs, qui étaient liées par une convention d'actionnaires visant l'acquisition conjointe d'actions d'une société, n'étaient pas liées par un contrat de prêt sur la base duquel A______ SA aurait été créancière de la somme qu'elle réclame à B______ SA. Pas plus A______ SA ne pouvait-elle prétendre au versement des sommes réclamées dans le cadre de la convention visant la reprise d'un bail, dans la mesure où B______ SA s'était engagée à verser certains montants pour autant qu'elle perçoive des dividendes d'une société tierce, cette dernière ayant cessé unilatéralement de les lui verser.

B. Par acte expédié le 28 août 2023, à l'adresse du greffe de la Cour, A______ SA appelle de ce jugement dont elle demande l'annulation et, cela fait, la condamnation de B______ SA à lui payer la somme de 184'800 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 16 juin 2021, ainsi que 2'324 fr., la mainlevée de l'opposition faite au commandement de payer à elle notifié devant être prononcée, la poursuite intentée allant sa voie, le tout sous suite de frais et dépens.

En substance, se référant à l'état de faits du Tribunal, complété par certains éléments non retenus par lui mais jugés pertinents par elle, l'appelante fait grief au Tribunal, outre une constatation inexacte des faits pertinents dans cette mesure, d'avoir violé la loi en niant d'une part, l'existence d'un rapport contractuel entre les parties dont découlerait l'obligation de paiement de l'intimée à son égard et d'autre part, d'avoir violé l'art. 8 CC en retenant que la reconnaissance de dette de l'intimée à son égard était assortie de deux conditions, contestées tout au long de la procédure et dont la démonstration n'avait pas été apportée par le titulaire du fardeau de la preuve.

Par mémoire réponse du 3 novembre 2023, B______ SA a conclu au rejet de l'appel. En substance, elle soutient que les constatations de faits du Tribunal sont complètes et sans omissions, les allégués, témoignages et pièces dont l'appelante fait grief au Tribunal de ne pas avoir tenu compte ont bien été examinés et pris en compte pour être rejetés ou jugés non probants ou non pertinents. Pour le surplus, le Tribunal n'avait pas violé la loi, référence étant faite aux pièces du dossier, notamment relativement au grief de violation de l'art. 8 CC.

Les parties ont répliqué et dupliqué par actes des 7 décembre 2023 et 22 janvier 2024, persistant dans leurs conclusions.

À l'issue de ce dernier échange, la Cour a gardé la cause à juger en date du 8 février 2024.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a. A______ SA (précédemment C______ SA ; ci-après : A______ SA) est une société anonyme de droit suisse sise rue 1______ no. ______ à Genève, dont le but consiste en l'acquisition, la détention, la gestion et la vente de participations, directes ou indirectes, dans tous types d'entreprises et de sociétés, tant en Suisse qu'à l'étranger.

D______ en était, à la date du prononcé du jugement, l'administrateur unique. Jusqu’en octobre 2017, E______ en était également administrateur. F______ en était administratrice jusqu’en décembre 2016.

B______ SA est une société anonyme de droit suisse ayant son siège à la rue 2______ no. ______ à Genève. Son but tend à l'exploitation de discothèques, cafés, restaurants et établissements publics, la prise de participations dans tous commerces ou sociétés poursuivant des buts analogues et les activités liées à la communication et l'événementiel.

G______, H______ et I______ en sont administrateurs.

J______ SA est une société anonyme de droit suisse sise rue 3______ no. ______ à K______ (VS), dont le but consiste en la prise et gestion de participations à toutes entreprises commerciales, financières, industrielles et immobilières, en Suisse ou à l'étranger.

Ses administrateurs sont L______, M______, N______ et O______.

P______ SA, désormais radiée, était une société anonyme de droit suisse constituée le ______ 2013 qui avait son siège social à la rue 4______ no. ______ à Genève. Son but consistait en l'ouverture, l'exploitation et la gestion d'établissements dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration, la vente au détail de produits y relatifs, les investissements financiers, les travaux de construction et de rénovation liés à ces domaines.

Q______ SA (désormais R______ SA ; ci-après : Q______ SA), est une société anonyme de droit suisse, sise également rue 1______ no. ______ à Genève (jusqu’en mai 2013, son siège se situait rue 5______ no. ______, c/o C______ SA à Genève) dont le but, jusqu’à avril 2015, consistait en la gestion et l’exploitation d’établissements publics, tels que cafés, restaurants, bars ou autres.

Elle exploitait le restaurant S______ et était titulaire du bail de ses locaux, sis rue 6______ no. ______ à Genève.

D______ en est l’administrateur unique.

b. Dans un mail du 1er mai 2012 adressé par H______ à E______, D______, G______ et à lui-même (sic), celui-ci a listé certaines actions auxquelles il souhaitait que les destinataires procèdent pour le règlement de certaines affaires entre eux et mentionné divers éléments à prendre en compte dans le cadre d'une convention à passer relative à Q______ SA et à la création de "la HOLDING T______ SA". Il exposait s'agissant du "rachat" du restaurant S______ reconnaître devoir à "E______-D______" [deux prénoms] un montant de "382'000 fr." pour l'achat des actions, la valorisation du restaurant étant estimée à 980'000 fr.

c. Par convention d'actionnaires du 11 juillet 2012 (ci-après : la convention d'actionnaires), A______ SA, B______ SA et J______ SA sont convenues de constituer la société holding suisse T______ SA, ayant pour but l'achat, la vente, l'administration et la gestion de participations dans des sociétés ou entreprises commerciales et financières en Suisse et à l'étranger.

Ces sociétés souhaitaient gérer et développer en commun l'exploitation de cafés, restaurants, discothèques et autres commerces à l'enseigne de U______ SA, CAFE U______ SA et V______ SA (préambule, ch. 5).

La propriété des actions de U______ SA et de V______ SA, détenues en totalité par les parties à la convention ou leurs ayants-droit, devait être transférées à T______ SA (préambule, ch. 6).

Il était prévu que la propriété des actions de la société Q______ SA, alors en liquidation, qui détenait le bail et les actifs du restaurant S______, ou de la nouvelle société qui serait constituée par E______ et D______ sous la raison sociale CAFE U______ SA pour la reprise du bail et des actifs du restaurant S______, serait transférée à T______ SA dès révocation de la dissolution de Q______ SA ou dès la constitution de CAFE U______ SA (préambule, ch. 7).

La convention d'actionnaires prévoyait en outre que les 100 actions nominatives de la société d'une valeur de 1'000 fr. chacune seraient détenues à hauteur de 40% par A______ SA, 40% par B______ SA et 20% par J______ SA (article 1).

Il était convenu en plus que le transfert à T______ SA des actions de Q______ SA ou CAFE U______ SA nécessitait que l'une ou l'autre société obtienne la continuation ou la reprise du bail, ainsi que la libre disposition des actifs du restaurant S______ (article 4).

Sous réserve du transfert à T______ SA des actions de l'entité qui détiendrait le bail et les actifs du restaurant S______, J______ SA se reconnaissait débitrice de A______ SA pour la somme de 196'000 fr. correspondant à sa part de la valeur d'acquisition fixée pour cet établissement (20% de 980'000 fr.). J______ SA devait s'acquitter de la somme de 196'000 fr. soit en espèces, à la date du transfert, soit au moyen des dividendes lui revenant au sein de T______ SA (article 6).

A______ SA et ses actionnaires s'engageaient à remettre à T______ SA, soit les 1’000 actions de 100 fr. représentant la totalité du capital de Q______ SA, soit la totalité des actions de la future société CAFE U______ SA, qu'ils constitueraient pour se substituer à Q______ SA (article 9).

d. Postérieurement à la signature de la convention d’actionnaires, les actionnaires de B______ SA ont transféré leurs actions de U______ SA à T______ SA.

J______ SA a transféré les actions qu'elle détenait dans V______ SA à T______ SA.

CAFE U______ SA n'a pas été constituée.

Les actions de Q______ SA n'ont pas été transférées à T______ SA.

e. Par avenant du 10 octobre 2013 à la convention d'actionnaires (ci-après : l’avenant), A______ SA, B______ SA et J______ SA sont notamment convenues qu'à compter de la signature de l'avenant et dès l'instant où la société P______ SA serait constituée, le bail commercial et les actifs du restaurant S______ seraient transférés à P______ SA (article 3).

J______ SA reconnaissait toujours être débitrice de A______ SA de la somme de 196'000 fr. correspondant à sa part de valeur d'acquisition fixée pour le restaurant S______ (article 4).

Toute modification de l'avenant devait revêtir la forme écrite et être décidée à l'unanimité des parties (article 5).

f. T______ SA a constitué et financé l'intégralité du capital-actions de P______ SA.

g. Le 6 décembre 2013, T______ SA, P______ SA et D______ ont conclu avec le propriétaire de l’immeuble sis rue 6______ no. ______ à Genève, un nouveau contrat de bail pour l'arcade de l'ancien restaurant S______, exploité jusqu’alors par Q______ SA.

h. A compter du 1er janvier 2014, B______ SA a fait figurer dans sa comptabilité, au crédit d’un de ses comptes, sous le libellé « Solde à nouveau Dettes C______ SA » un montant de 396'000 fr.

De mars 2014 à novembre 2016, T______ SA a versé à B______ SA les sommes suivantes : 19'800 fr. le 19 mars 2014; 6'600 fr. le 4 avril 2014; 6'600 fr. le 6 mai 2014; 6'600 fr. le 6 juin 2014; 6'600 fr. le 4 juillet 2014; 6'600 fr. le 6 août 2014; 6'600 fr. le 5 septembre 2014; 6'600 fr. le 6 octobre 2014; 6'600 fr. le 6 novembre 2014; 6'600 fr. le 5 décembre 2014; 6'600 fr. le 6 janvier 2015; 6'600 fr. le 6 février 2015; 6'600 fr. le 7 juillet 2015; 13'200 fr. le 13 juillet 2015; 6'600 fr. le 6 août 2015; 6'600 fr. le 7 septembre 2015; 6'600 fr. le 8 octobre 2015; 6'600 fr. le 6 novembre 2015; 6'600 fr. le 9 décembre 2015; 6'600 fr. le 14 janvier 2016; 6'600 fr. le 9 février 2016; 6'600 fr. le 10 mars 2016; 6'600 fr. le 7 avril 2016; 6'600 fr. le 9 mai 2016; 6'600 fr. le 7 juin 2016; 6'600 fr. le 7 juillet 2016; 6'600 fr. le 18 août 2016; 6'600 fr. le 7 septembre 2016; 6'600 fr. le 10 octobre 2016; 6'600 fr. le 7 novembre 2016;

T______ SA a ainsi versé un montant total en faveur de B______ SA S'élevant à 217'800 fr., soit 79'200 fr. en 2014, 66'000 fr. en 2015 et 72'600 fr. en 2016.

Parallèlement, de mars 2014 à novembre 2016, B______ SA S'est acquittée des sommes suivantes en faveur de A______ SA : 19'800 fr. le 19 mars 2014; 6'600 fr. le 4 avril 2014; 6'600 fr. le 5 mai 2014; 6'600 fr. le 5 juin 2014; 6'600 fr. le 4 juillet 2014; 6'600 fr. le 5 août 2014; 6'600 fr. le 5 septembre 2014; 6'600 fr. le 3 octobre 2014; 6'600 fr. le 5 novembre 2014; 6'600 fr. le 5 décembre 2014; 6'600 fr. le 5 janvier 2015; 6'600 fr. le 5 février 2015; 6'600 fr. le 5 mars 2015; 6'600 fr. le 2 avril 2015; 6'600 fr. le 8 juillet 2015; 6'600 fr. le 6 août 2015; 6'600 fr. le 7 septembre 2015; 6'600 fr. le 14 octobre 2015; 6'600 fr. le 6 novembre 2015; 6'600 fr. le 9 décembre 2015; 6'600 fr. le 14 janvier 2016; 6'600 fr. le 9 février 2016; 6'600 fr. le 10 mars 2016; 6'600 fr. le 7 avril 2016; 6'600 fr. le 9 mai 2016; 6'600 fr. le 7 juin 2016; 6'600 fr. le 7 juillet 2016; 6'600 fr. le 18 août 2016; 6'600 fr. le 7 septembre 2016; 6'600 fr. 11 octobre 2016; 6'600 fr. le 7 novembre 2016.

Au regard de ces paiements effectués par B______ SA depuis son compte figuraient indifféremment les mentions : "remboursement achat S______", "remboursement C______", "C______ SA", ou "remboursement dividende B______".

Dans les comptes de A______ SA, les bonifications étaient libellées : "versement B______", "Remboursement travaux C______" ou "prêt B______".

B______ SA a versé à A______ SA la somme totale de 217'800 fr., à savoir 79'200 fr. en 2014, 66'000 fr. en 2015 et 72'600 fr. en 2016.

i. Le 3 mai 2021, A______ SA a mis en demeure B______ SA de lui verser la somme de 187'124 fr., faisant référence à un contrat de prêt conclu entre les parties.

j. Par mail du 19 juin 2020, un comptable a informé D______ du fait que la créance de A______ SA à l'encontre de B______ SA portait un intérêt de 0,25% pour des raisons fiscales uniquement ("intérêt minimum exigé").

k. Le 21 juin 2021, A______ SA a fait notifier à B______ SA un commandement de payer, poursuite n° 7______ portant sur la somme de 184'800 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 juin 2021, ainsi que 2'324 fr., indiquant comme cause de l'obligation une créance relative à un "contrat de prêt conclu dans le cadre du transfert de P______ SA", auquel cette dernière a fait opposition le 23 juin 2021.

l. Par acte du 8 juillet 2021, déposé en vue de conciliation au Tribunal de première instance, non concilié le 7 octobre 2021 et introduit le 19 janvier 2022, A______ SA a sollicité du Tribunal, sous suite de frais judiciaires et dépens, qu’il condamne B______ SA à lui verser les sommes de 184'800 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 juin 2021 et 2'324 fr. et qu'il prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée le 23 juin 2021 par B______ SA contre le commandement de payer, poursuite n° 7______.

A l'appui de sa demande, elle a notamment affirmé que, sur la base d'un contrat de prêt, elle détenait une créance s'élevant, au 1er janvier 2014, à 396'000 fr. à l'encontre de B______ SA et que cette dernière s'était partiellement acquittée de cette somme, de sorte que subsistait une dette à hauteur de 184'800 fr. depuis le 7 novembre 2016. Par ailleurs, dès l'année 2016, un taux d'intérêt de 0,25% l'an avait été fixé, de sorte qu'au 31 décembre 2020, les intérêts s'élevaient à 2'324 fr.

Par réponse du 25 avril 2022, B______ SA a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, au déboutement de A______ SA.

En substance, B______ SA a exposé qu'elle avait accepté de participer indirectement au coût de la reprise du bail du restaurant S______ à hauteur de sa participation dans T______ SA, soit de s'acquitter du montant maximum de 396'000 fr. (sic) en faveur de A______ SA mais avait conditionné ce paiement au versement par T______ SA de dividendes et à ce que ses deux administrateurs d'alors, soit G______ et H______, exploitent personnellement le nouvel établissement et soient rémunérés pour cette activité. Elle n'avait plus perçu de dividendes à compter du mois de décembre 2016, de sorte que la condition au paiement faisait défaut.

Le 22 août 2022, A______ SA a répliqué et a persisté dans ses conclusions. Elle a notamment contesté que les versements opérés par B______ SA auraient été soumis à une quelconque condition.

Elle a soutenu que le transfert du bail du restaurant S______ et des actifs de celui-ci avaient une valeur estimée à 980'000 fr., et que les administrateurs de A______ SA et ceux de B______ SA étaient convenus que ces derniers verseraient aux premiers la somme de 392'000 fr. conformément au mail de H______ du 1er mai 2012 adressé à D______ et E______, alors administrateurs de A______ SA. A teneur dudit mail, la valeur du restaurant S______, exploité par Q______ SA était effectivement estimée par les parties à 980'000 fr.

Le 21 octobre 2022, B______ SA a dupliqué et a affirmé que les modalités prévues dans le courriel du 1er mai 2012 avaient dû être modifiées dès lors que Q______ SA avait été déclarée en faillite.

Lors de l’audience du 23 novembre 2022, A______ SA a déposé des déterminations écrites limitées aux allégués complémentaires de la duplique.

m. A l’audience du 1er mars 2023, le Tribunal a procédé à l’interrogatoire des parties.

D______ a affirmé qu’ils étaient convenus avec ses partenaires que la valeur d’acquisition du restaurant S______, définie à 980'000 fr., soit remboursée par les actionnaires au prorata de leurs actions, soit 196'000 fr. par J______ SA, qui en détenait 20%, et 392'000 fr. par B______ SA qui en détenait 40%. Les 980'000 fr. ne correspondaient toutefois pas à la valeur des actions de Q______ SA. Il entretenait un rapport de confiance avec H______ de sorte qu’il ne s’était pas battu pour que la dette de B______ SA figure expressément dans l’avenant. Il avait attendu cinq ans pour réclamer ce montant car il y avait eu beaucoup d’évènements administratifs au sein de T______ SA.

H______ a contesté la valorisation de Q______ SA à hauteur de 980'000 fr. Afin de ne pas prétériter le partenariat, ils avaient décidé de laisser J______ SA s’acquitter des 196'000 fr., mais des discussions parallèles devaient avoir lieu avec D______ et E______ afin de déterminer quel montant B______ SA verserait. Ils étaient convenus que B______ SA paierait au maximum un montant de 382'000 fr., seulement si T______ SA était en mesure de verser des dividendes et si l’établissement était mis en gestion. Cet accord n’avait pas été mis par écrit car E______ ne voulait pas qu’J______ SA puisse s’en prévaloir pour obtenir des conditions similaires.

A l’issue de l’audience du 3 mai 2023 du Tribunal, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions, la cause a été gardée à juger, et le jugement querellé prononcé.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. 2.1 L'appelante fait tout d'abord grief au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière incomplète, en estimant que celui-ci n'avait pas tenu comptes de certains éléments au dossier, notamment des allégués, pièces et témoignage. L'intimée le conteste exposant que le Tribunal a tenu compte des éléments en question et les a appréciés, respectivement écartés.

2.2 Le juge d'appel dispose d'un pouvoir de cognition complet (cf. supra 1.2) et contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF
138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

Le juge établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Autrement dit, il apprécie librement la force probante de ces preuves en fonction des circonstances concrètes qui lui sont soumises, sans être lié par des règles légales et sans être obligé de suivre un schéma précis (arrêts du Tribunal fédéral 5A_113/2015 du 3 juillet 2015 consid. 3.2 et 5A_250/2012 du 18 mai 2012 consid. 7.4.1).

L'appréciation des preuves par le juge consiste à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé. Lorsque la preuve d'un fait est particulièrement difficile à établir, les exigences relatives à sa démonstration sont moins élevées; elles doivent en revanche être plus sévères lorsqu'il s'agit d'établir un fait qui peut être facilement établi (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).

2.3 En l'espèce, en tant que de besoin, l'état de faits retenu par le Tribunal, non contesté pour le surplus, a été complété par la Cour de manière à faire référence explicite à la pièce produite par l'appelante le 22 août 2022 au Tribunal à l'appui de ses allégués prétendument ignorés par lui.

Pour le surplus, le grief de l'appelante consiste essentiellement à contester, non pas le fait que des faits auraient été constatés de manière inexacte, mais l'appréciation du Tribunal de ces faits consistant à les qualifier comme non pertinents ou non probants. Dans cette mesure, ce grief sera examiné, le cas échéant, ci-dessous en relation avec les violations du droit alléguées.

3. A ce propos, l'appelante considère que le Tribunal a violé le droit en niant l'existence d'un rapport contractuel fondant sa créance, dans la mesure où elle soutient que ce rapport ressort des accords des parties d'une part, du fait qu'un remboursement a effectivement eu lieu dans les faits durant près de deux ans avant de cesser, d'autre part, qu'un certain W______, comptable, aurait confirmé l'existence d'une créance, comme le comptable de l'intimée dans une autre procédure en outre, les paiements effectués par l'intimée à l'appelante l'ayant été, enfin, dans le cadre de la convention de rachat, comme cela ressort de leur libellé mentionné sur les pièces produites.

Par ailleurs le Tribunal aurait également violé la loi en retenant que, alors qu'il admettait le principe de l'existence d'une créance de l'appelante contre l'intimée, il retenait que le paiement de celle-ci était assorti de conditions. Ce faisant, il avait violé l'art. 8 CC, dans la mesure où l'intimée n'avait pas prouvé l'existence de ces conditions alléguées, alors qu'elle en avait la charge.

3.1.1 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. De simples allégations de parties, fussent-elles même plausibles, ne suffisent pas à prouver un fait, à moins qu'elles ne soient corroborées par des pièces qui accréditent la thèse soutenue (ATF 141 III 433; arrêts du Tribunal fédéral 5A_795/2013 consid. 5.2, 5A_414/2012 consid. 7.3 et 5A_225/2010 consid. 3.2).

3.1.2 Le prêt de consommation est un contrat par lequel le prêteur s'oblige à transférer la propriété d'une somme d'argent ou d'autres choses fongibles à l'emprunteur, à charge pour ce dernier de lui en rendre autant de même espèce et qualité (art. 312 CO). A la fin du contrat, l'emprunteur doit rendre au prêteur la propriété d'autant de choses de même espèce et qualité. Les dispositions régissant le contrat de prêt de consommation ne sont pas de nature impérative, de sorte que les parties peuvent en principe aménager librement leur relation contractuelle (art. 1 et 19 CO) (ATF 145 III 241 consid. 3.1 et les références citées).

La loi ne soumet pas, en principe, le contrat de prêt à une forme particulière (cf. art. 11 CO ainsi que 312 ss CO a contrario).

La restitution du prêt est soumise à deux conditions: premièrement, la remise des fonds à l'emprunteur et, deuxièmement, l'obligation de restitution stipulée à charge de celui-ci. L'obligation de restitution de l'emprunteur est un élément essentiel du contrat. Elle résulte non pas du paiement fait par le prêteur, mais de la promesse de restitution qu'implique le contrat de prêt. La remise de l'argent par le prêteur n'est qu'une condition de l'obligation de restituer (ATF 83 II 209 consid. 2). Dans certaines circonstances exceptionnelles, le seul fait de recevoir une somme d'argent peut constituer un élément suffisant pour admettre l'existence d'une obligation de restituer et, partant, d'un contrat de prêt. Il doit toutefois en résulter clairement que la remise de la somme ne peut s'expliquer raisonnablement que par la conclusion d'un prêt (ATF 144 III 93 consid. 5.1.1).

Selon l'art 313 al. 2 CC, en matière de commerce, il est dû des intérêts même sans convention.

Aux termes de l'art 314 al. 1 CC, si le contrat n'a pas fixé le taux de l'intérêt, le prêt est censé fait au taux usuel pour les prêts de même nature, à l'époque et dans le lieu où l'objet du prêt a été délivré.

3.2 En l'espèce et en premier lieu, avec le Tribunal, la Cour retient que l'appelante n'a pas démontré l'existence d'un contrat de prêt entre elle et l'intimée (art. 8 CC).

En effet, alors qu'il ressort du dossier que les parties, respectivement leurs animateurs et actionnaires, sont passées maîtres dans la constitution de sociétés multiples, d'exploitation d'établissements publics ou de détention de participations, l'on peine à croire que, si telle avait été leur réelle intention, elles n'auraient pas envisagé de formaliser par contrat le prêt dont l'appelante se prévaut. En l'état du dossier en tous les cas, rien ne démontre l'existence d'un tel prêt, pas plus que le montant ou les conditions auxquelles il aurait été octroyé. Aucune remise de fonds n'a été effectuée, aucun bien transféré, aucun crédit alloué à teneur de dossier.

A titre superfétatoire, on relève par ailleurs que dans un mail du comptable W______ du 19 juin 2020 produit par l'appelante à l'adresse de D______, celui-là déclare que la créance figurant aux comptes de A______ SA envers B______ SA, ne devait porter qu'un intérêt de 0,25%, fixé au "minimum exigé selon les règles fiscales en vigueur", ce qui tend à confirmer qu'il n'existait pas de contrat de prêt onéreux entre les parties.

3.3.1. Aux termes de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soi pour déguiser la nature véritable de la convention. Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, le juge doit interpréter les manifestations de volonté des parties (ATF 144 III 93 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_379/2018 consid. 3.1).

Selon les règles d'interprétation des contrats déduites de l'art. 18 CO, le juge doit d'abord rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 consid. 4).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt 4A_643/2020 précité consid. 4).

3.3.2 Aux termes de l'art. 154 al. 1 CO, le contrat dont la résolution est subordonnée à l'arrivée d'un événement incertain cesse de produire ses effets dès le moment où la condition s'accomplit.

On parle de condition résolutoire si l'acte affecté d'une condition produit tous ces effets, jusqu'à l'avènement de la condition qui met fin à son efficacité (Pichonnaz CR-CO, 2021 no 31 ad art. 151).

3.4.1 Le Tribunal a retenu que l'intimée, indépendamment de l'inexistence d'un contrat de prêt, avait admis s'être engagée à participer à hauteur de 396'000 fr. (sic) à la reprise du bail/rachat du restaurant S______ en faveur de A______ SA, mais considéré que cet engagement était conditionné aux versements de dividendes par T______ SA. Il a retenu, ce qui ressort de l'état de faits et des pièces, qu'il était démontré qu'entre mars 2014 et novembre 2016, T______ SA avait versé la somme totale de 217'800 fr. à l'intimée, celle-ci ayant versé exactement le même montant à l'appelante. Il en a déduit la démonstration de l'existence de la condition à l'engagement conditionnel pris par l'intimée, retenant qu'à compter du mois de décembre 2016, dans la mesure où T______ SA avait cessé de lui verser des dividendes, l'intimée n'était plus liée par son engagement, la condition ayant cessé d'être remplie.

Sur ce point, le Tribunal ne peut être suivi.

En effet, il ressort tout d'abord de la procédure soumise à la Cour que la condition alléguée du paiement des dividendes à l'engagement pris par l'intimée en faveur de l'appelante pour un montant déterminé a été contestée d'entrée de cause par l'appelante par devant le Tribunal déjà et n'a pas fait l'objet d'une instruction particulière. Par ailleurs, l'existence de ladite condition ne ressort d'aucune pièce au dossier, ni d'aucun témoignage. A ce propos les parties ont toutes deux renoncé à l'audition des témoins initialement requis, pour des motifs qui leur sont propres. Certes, il apparaît, ce qu'a retenu le Tribunal, que durant une période de deux ans et demi des montants ont été régulièrement payés par T______ SA à l'intimée, qui a, quasiment simultanément, payé à l'appelante des sommes de mêmes montants. Cependant, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'on ne peut parvenir de ce fait à la conclusion que lesdits paiements auraient été conditionnés aux paiement préalables de T______ SA auxquels ils auraient été liés.

3.4.2 Reste à savoir si l'intimée peut être condamnée à payer le montant qui lui est réclamé sur la base de la "reconnaissance de dette" alléguée comme fondement alternatif de la prétention de l'appelante.

Comme rappelé ci-dessus, celle-ci découlerait du mail du 1er mai 2012 de H______ adressé à son frère et aux animateurs de l'appelante et des déclarations de son auteur dans le cadre de l'instruction menée par le Tribunal.

Or, le contenu du mail en question ne stipule aucunement que la société intimée serait débitrice à l'égard de l'appelante du montant mentionné, pas plus d'ailleurs préalablement que la convention d'actionnaires du 11 juillet 2012 ou l'avenant du 10 octobre 2013. Le mail en question ne mentionne en outre le nom d'aucune des sociétés parties à la présente procédure dans ce cadre. Il semble au contraire ressortir du texte du mail en question, que les débiteurs éventuels de la somme mentionnée seraient les frères G______/H______/I______ eux-mêmes et ce, à l'égard des frères D______/E______ personnellement et non de l'appelante. Ce fait semble corroboré par les déclarations au procès-verbal du Tribunal du 1er mars 2023 de H______, lequel utilise le pronom "nous" tout au long de sa déclaration, visant par-là lui-même ou lui-même et son frère.

Il n'y a dès lors rien à tirer du mail concerné et des déclarations en audience de H______ sur la qualité de débitrice de l'intimée du montant réclamé en paiement, ni d'ailleurs sur la qualité de créancière dudit montant de l'appelante.

Au vu de ce qui précède, l'appel ne peut qu'être rejeté par substitution partielle de motifs.

4. Dans la mesure où elle succombe en totalité l'appelante supportera les frais de la procédure d'appel fixés à 5'000 fr. et compensés à due concurrence avec l'avance de frais versée par elle qui reste acquise à l'Etat (art. 106 CPC; 17 et 35 RTFMC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire rembourseront à l'appelante le trop-perçu d'avance de frais.

Par ailleurs, des dépens à hauteur de 3'000 fr. seront alloués à l'intimée à la charge de l'appelante, vu la taille et le contenu limités de ses écritures (art. 20 LACC et 84 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ SA contre le jugement JTPI/7384/2023 rendu le 22 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13570/2021.

Au fond :

Confirme ledit jugement.

Sur les frais :

Condamne A______ SA au paiement des frais de la procédure d’appel fixés à 5'000 fr. et compensés avec l’avance de frais versée par elle qui reste acquise à due concurrence à l’Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ SA, le trop-perçu d'avance de frais, en 4'000 fr.

Condamne A______ SA à payer 3'000 fr. à B______ SA à titre de dépens d’appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.